B. 2024, ANNÉE DÉCISIVE

La question du financement pérenne du CNM, en dépit des alarmes exprimées dès 2019 par la commission de la culture, n'est pas encore traitée, et ne l'est toujours pas dans le projet de loi de finances initiale. La commission de la culture avait organisé le 19 octobre 2022 une table ronde sur ce sujet avec l'ensemble des parties prenantes8(*). La situation et les positions des uns et des autres n'ont depuis malheureusement guère évolué.

Le budget du CNM n'est en conséquence toujours pas arrêté pour l'année 2024, faute de perspectives claires sur son financement. En effet, d'une part, le niveau de ses ressources tel qu'initialement prévu s'avère impossible à atteindre, d'autre part, le budget jugé nécessaire pour avoir une action réellement significative sur le secteur est plus important qu'escompté.

En l'état actuel, ses ressources seraient composées d'environ 9 millions d'euros de taxe sur le spectacle vivant (TSV), cette dernière étant en baisse cette année en raison de l'annulation de nombreux spectacles et festivals à l'occasion des Jeux olympiques, 28,3 millions d'euros de crédits budgétaires et 3 millions d'euros des OGC, soit un budget global de 43 millions d'euros.

Les frais de structure, actions de formation et coûts récurrents représentent 19 millions d'euros, il resterait donc environ 25 millions pour le soutien au secteur, soit une chute de 40 millions d'euros.

Face au risque existentiel que la fin des crédits d'urgence fait peser sur le CNM, le gouvernement a chargé à l'automne dernier l'ancien rapporteur pour avis Julien Bargeton d'une mission sur le futur du CNM. Le rapport publié le 20 avril 2023 dresse un état des lieux complet du secteur de la musique, du rôle essentiel que doit y assumer le CNM, et de l'impasse dans laquelle se trouve actuellement son financement.

Schématiquement, deux solutions ont émergé au fil du temps, relayées par le Président de la République dans un communiqué du 21 juin 20239(*) : ou bien des contributions dites « volontaires », en particulier des plateformes, dans des montants suffisamment significatifs, - ou, à défaut, la taxe sur le streaming telle qu'avancée par le rapport de Julien Bargeton. Telle est la position défendue le 25 octobre dernier par la ministre de la culture lors de son audition devant la commission10(*).

À la date de présentation du présent rapport, aucune information communiquée au rapporteur ne semble indiquer une avancée substantielle sur ce sujet.

Dans ce contexte, le rapporteur estime qu'il est grand temps d'assurer la cohérence de l'action publique, en mettant enfin les moyens du CNM au niveau des grandes ambitions affichées lors de sa création.

La solution envisagée serait donc l'instauration d'une taxe sur l'écoute en ligne, dite taxe « streaming », qui frapperait la consommation par abonnement ou serait financée par la publicité.

Cette taxe suscite cependant de fortes oppositions de la part du secteur de la musique enregistrée. Pour autant, il convient de replacer cette taxation dans le cadre global du marché de la musique.

Sans retrouver le niveau du pic de 2002, le chiffre d'affaires de la musique enregistrée s'est établi à 920 millions d'euros en 2022, dont 680 millions pour le numérique (streaming payant, vidéo financée par la publicité), devenu la première ressource du secteur. En 2023, le secteur de la musique enregistrée devrait connaitre sa 7ème année consécutive de hausse, avec une progression de 10 % au premier semestre. Il s'agit donc d'un secteur en croissance, et rien ne permet de penser que le faible niveau de taxation envisagé par le dispositif entraverait la dynamique du secteur. Bien au contraire, en confortant la création française via le soutien aux artistes, la taxe agirait comme un mécanisme vertueux, sur le modèle éprouvé depuis plus de 70 ans avec le Centre national du cinéma.

Par ailleurs, l'instauration de cette taxe permettrait un rééquilibrage des contributions entre les secteurs de la musique enregistrée et du « live ». Actuellement, seul ce dernier participe directement au financement du CNM, via une fraction de 35 % de la TSV, fraction qu'il serait probablement pertinent d'augmenter, ce qui sera plus acceptable pour le secteur si la musique enregistrée est également mise à contribution.

Dès lors, le rapporteur soutient pleinement les initiatives législatives qui pourraient être prises à l'occasion de la discussion de la première partie de la loi de finances pour instaurer la taxe « streaming ».

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 15 novembre 2023, un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles », au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2024.


* 8  https://videos.senat.fr/video.3039626_634f951450b4a.table-ronde-sur-la-situation-du-centre-national-de-la-musique-

* 9 https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/06/21/la-france-grande-nation-musicale

* 10 https://videos.senat.fr/video.4096442_6537e7524a4e7

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