II. UNE HAUSSE DES CRÉDITS POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI ET DES COMPÉTENCES LARGEMENT DUE À L'APPRENTISSAGE
A. LA HAUSSE DU SOUTIEN AUX EMPLOYEURS PAR DES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS
Le financement des exonérations ciblées de cotisations sociales en faveur des entreprises connaîtrait une hausse par rapport 2023. Elle s'explique notamment par l'extension du champ de la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (TEPA) pour les entreprises de 20 à 250 salariés, introduite par la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. 970 millions d'euros seraient ainsi alloués au dispositif TEPA, soit une hausse de 22 % par rapport à la LFI pour 2023.
Pour 2024, les exonérations en faveur des services d'aide à domicile représenteraient une dépense de 1,94 milliard d'euros et la déduction forfaitaire pour les particuliers employeurs une dépense de 383,4 millions d'euros. En outre, une dotation de 1,7 milliard d'euros est prévue pour compenser les exonérations de cotisations sociales sur les contrats d'apprentissage dans le secteur public, soit une hausse de 22,3 % par rapport à 2023, compte tenu de la dynamique de l'apprentissage.
B. LE FINANCEMENT DE L'APPRENTISSAGE N'EST TOUJOURS PAS STABILISÉ
1. France compétences ne parvient toujours pas à financer l'apprentissage
La dynamique de l'apprentissage se poursuit avec une hausse de 159 % du nombre de contrats d'apprentissage conclus entre 2018 et 2022. Pour 2023, le nombre de contrats conclus devrait atteindre 875 095.
Nombre de contrats d'apprentissage conclus chaque année
Source : commission des affaires sociales (d'après les données de la Dares et de la DGEFP)
Le financement de l'apprentissage, qui repose sur la prise en charge des contrats selon un niveau déterminé par les branches professionnelles, est assuré par France compétences dont les ressources sont principalement issues des contributions des employeurs à la formation professionnelle et à l'apprentissage (Cufpa). Or, depuis 2020, ces dépenses de guichet dépassent largement le produit des contributions des employeurs. En 2022, le produit de ces contributions s'est élevé à 10,5 milliards d'euros alors que les dépenses de France compétences ont atteint 15,6 milliards d'euros, dont 9,8 millions d'euros pour l'alternance et 2,1 milliards d'euros pour le compte personnel de formation (CPF).
Pour 2023, les recettes issues des contributions employeurs devraient progresser pour atteindre 10,9 milliards d'euros alors que les dépenses d'alternance pourraient s'élever à 9,7 milliards d'euros et celles liées au CPF atteindre de 2,4 milliards d'euros.
Face à ce déséquilibre chronique, France compétences doit régulièrement recourir à des emprunts de court terme pour faire face à ses besoins de trésorerie. L'établissement a bénéficié en outre de crédits budgétaires depuis 2021 pour soutenir ses besoins de financements : 2,75 milliards d'euros en 2021, 4 milliards d'euros en 2022 puis 1,8 milliard d'euros en 2023. Ces subventions ne sont toutefois pas suffisantes pour combler les déficits de l'établissement.
2020 |
2021 |
2022 |
2023 (p) |
|
Crédits budgétaires alloués
à |
0 |
2,85 Md€ |
4 Md€ |
1,83 Md€ |
Déficit de |
4,6 Md€ |
2,9 Md€ |
0,55 Md€ |
2,1 Md€ |
Source : documents budgétaires et réponses de la DGEFP et de France compétences aux questions du rapporteur
Dans ce contexte, France compétences a engagé des mesures de régulation des dépenses d'apprentissage par une révision de niveaux de prise en charge des contrats sur la base des coûts de formation observés dans les centre de formation d'apprentis (CFA) qui ont fait remonter leurs comptabilités analytiques à l'établissement. Ainsi, une première baisse de 2,7 % des niveaux de prise en charge a été engagée à l'été 2022, pour une économie estimée à 300 millions d'euros en année pleine. Puis une seconde baisse de 5 % de ces niveaux est intervenue en septembre 2023, pour une économie estimée à 500 millions d'euros en année pleine. Cet exercice conduit par France compétences, qui a dû être mené en veillant à ne pas fragiliser le financement des CFA, est à saluer pour la maitrise des dépenses en faveur de l'alternance.
Concernant les dépenses de CPF, l'article 212 de la loi de finances pour 2023 a prévu un mécanisme de participation du titulaire au financement de la formation. Faute de décret d'application, ce dispositif n'est toujours pas entré en vigueur. Le Gouvernement envisage sa mise en application en 2024, après concertation avec les partenaires sociaux sur les modalités de mise en oeuvre de ce reste à charge pour les usagers.
Il est regrettable que la régulation des dépenses de CPF par la participation des usagers ne soit toujours par applicable faute de décret d'application
Malgré ces mesures de régulation, France compétences ne parviendra pas à assurer le financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle sans soutien de l'État en 2024. C'est pourquoi le PLF pour 2024 prévoit d'allouer 2,5 milliards d'euros à l'établissement.
En tenant compte de ces crédits budgétaires, France compétences estime que l'exercice 2024 pourrait afficher un déficit de moins de 1 milliard d'euros.
Compte tenu de la place qu'a pris l'alternance dans la formation initiale en France, le rapporteur considère que les crédits budgétaires alloués à France compétences doivent être sanctuarisés pour assurer un financement stabilisé et pérenne de l'apprentissage, en complément des mesures de régulation des dépenses.
Ainsi, alors que l'apprentissage n'est toujours pas pleinement financé par les ressources de France compétences, il n'apparait pas souhaitable que cet établissement contribue autant au financement du plan d'investissement dans les compétences destiné à la formation des demandeurs d'emploi. Comme en 2023, France compétences devrait ainsi consacrer 800 millions d'euros en autorisations d'engagement à la formation des demandeurs d'emploi en 2024, par l'intermédiaire d'un fonds de concours.
Il convient de rappeler que France compétences a contribué au financement du PIC à hauteur de 7,2 milliards d'euros sur la période 2019-2023. En parallèle, les déficits cumulés de France compétences s'élèvent à 7,7 milliards d'euros à fin 2022 et un déficit de 2,5 milliards d'euros est attendu en 2023.
Contribution de France compétences au financement du PIC
En autorisations d'engagement, en millions d'euros
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Total |
1 532 |
1 581 |
1 632 |
1 684 |
800 |
7 229 |
Source : France compétences
En conséquence, la commission considère que la contribution de France compétences au financement de demandeurs d'emploi devrait être réduite de 200 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 100 millions d'euros en crédits de paiement en 2024.
Alors que le financement de l'apprentissage n'est toujours pas assuré, France compétences doit réduire le niveau de sa contribution à la formation des demandeurs d'emploi
2. L'aide aux employeurs d'apprentis devra à terme être ajustée
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a remplacé un ensemble d'aides aux entreprises en faveur de l'apprentissage par une « aide unique » pour les employeurs d'apprentis. Applicable au 1er janvier 2019, cette aide est attribuée pendant les trois premières années d'exécution du contrat aux entreprises de moins de 250 salariés et pour la préparation d'un diplôme de niveau inférieur ou égal au baccalauréat.
Dans le contexte de la crise sanitaire, une aide exceptionnelle a été instituée à compter du 1er juillet 2020 pour les employeurs lors de la première année du contrat, quelle que soit la taille de l'entreprise et pour des diplômes de niveau inférieur ou égal à bac+5. Le Gouvernement a décidé de la prolonger pour les contrats d'apprentissage conclus jusqu'au 31 décembre 2022.
En 2021, les dépenses de l'État au titre de ces deux aides se sont élevées à 4,5 milliards d'euros. Puis, une enveloppe de 5,6 milliards d'euros (AE) a été ouverte pour l'année 2022, dont une partie par la mission « Plan de relance ».
Depuis le 1er janvier 2023, une aide financière de 6 000 € maximum au titre de la première année du contrat d'apprentissage a succédé à l'aide exceptionnelle et se substitue à l'aide unique. Elle est versée aux employeurs d'alternants de moins de 30 ans, préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle jusqu'au niveau master (niveau 7). Les entreprises éligibles sont celles de moins de 250 salariés, ou comptant plus de 250 salariés mais respectant un taux minimal de contrats favorisant l'insertion. En 2023, 2,3 milliards d'euros en AE et 3,5 milliards d'euros en CP ont été demandés pour le financement de ces aides.
Pour 2024, il est prévu 3,9 milliards d'euros en AE et 3,5 milliards d'euros en CP pour financer le versement de cette aide.
Si les aides aux employeurs pour le recrutement d'apprentis permettent de soutenir la dynamique de l'apprentissage, il sera nécessaire de réévaluer leur ciblage et leur niveau à moyen terme, simultanément à la stabilisation du financement de l'apprentissage.
En parallèle de mesures de régulation et de stabilisation du financement de France compétences, le rapporteur considère ainsi qu'une concertation doit être engagée avec les partenaires sociaux pour évaluer l'opportunité d'ajuster les aides aux employeurs d'apprentis, afin d'en maîtriser le coût pour les finances publiques sans fragiliser le développement de l'apprentissage.
Une concertation doit être engagée avec les partenaires sociaux pour ajuster les aides aux employeurs d'apprentis, afin d'en maîtriser le coût pour les finances publiques sans fragiliser le développement de l'apprentissage.