II. LE PROGRAMME 183 : UNE VOLONTÉ DE MAÎTRISE DES DÉPENSES QUI FAIT ÉCHO AU DÉBAT SUR L'ÉVOLUTION DE L'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT
Le programme 183 « Protection maladie » représente un montant total de 1,216 milliard d'euros et regroupe deux actions : le financement du dispositif de l'aide médicale de l'État (AME), qui garantit sous condition de ressources l'accès aux soins des étrangers en situation irrégulière et l'indemnisation des victimes de l'amiante au travers d'un fonds national dédié.
A. UNE CROISSANCE ININTERROMPUE DU COÛT DE L'AME MALGRÉ UNE POLITIQUE DE MAÎTRISE DES DÉPENSES
1. Un nombre de bénéficiaires en hausse constante
Le principal déterminant des dépenses d'AME dépend du nombre de bénéficiaires, lui-même lié à l'évolution des flux migratoires et aux politiques menées en la matière. Pour 2024, le montant de l'AME est estimé à 1,208 milliard d'euros, soit une relative stabilité par rapport à 2023 (baisse de 0,33%) ; les prévisions de dépenses pour 2025 s'établissent à 1,240 milliard d'euros et à 1,274 milliard d'euros pour 2026.
Le nombre de demandeurs et de bénéficiaires de l'AME connaît une croissance continue. Ainsi, le nombre de demandes d'AME traitées par la CNAM a augmenté de 36,6 % entre 2019 et 2022, pour s'établir à 490 875. Quant au nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun4(*), il s'établit à 411 364 au 31 décembre 2022, soit une augmentation de 62,9 % entre 2012 et 2022. Parmi ces bénéficiaires, 46 193 sont résidents d'un territoire ultra-marin, 70 % ont moins de 40 ans et 25 % sont des mineurs.
Environ deux tiers des dépenses de l'AME relèvent d'une prise en charge hospitalière et 36 % des soins de ville. L'obstétrique représente 27 % des séjours hospitaliers.
Enfin, 64 % des dépenses d'AME se concentrent sur dix CPAM seulement, 21 % sur la CPAM de Paris, 10 % sur celle de Bobigny et 8 % sur celle de Cayenne.
Le nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun a augmenté de 62,9 % entre 2012 et 2022 pour s'établir à 411 364.
Évolution du nombre de bénéficiaires de l'AME (France entière)5(*)
Pourtant, l'AME pose la question de l'effectivité de l'accès aux droits des personnes, dès lors que le taux de non-recours à cette prestation est évalué à environ 50 %6(*). D'un point de vue économique, des prises en charge précoces peuvent permettre d'éviter des retards de soins se traduisant par une aggravation de l'état de santé des personnes et donc, au final, par des soins plus coûteux pour la collectivité. Cette hypothèse, bien qu'assez largement partagée, n'en reste pas moins insuffisamment documentée.
2. Des dispositifs de contrôle visant à contenir les dépenses
Diverses actions tendant à une meilleure maîtrise des dépenses ont été menées ces dernières années, en agissant sur l'efficience des procédures de gestion d'une part, sur le contrôle des demandes d'AME d'autre part.
L'instruction des demandes d'AME a fait l'objet d'une centralisation progressive jusqu'en 2021, au sein des caisses de Paris, Bobigny, Marseille et Poitiers. Une centralisation a également été mise en oeuvre pour le traitement des factures de soins urgents depuis 2018 auprès des caisses de Paris et de Calais.
Par ailleurs, une stratégie de renforcement des contrôles a été déployée, non seulement lors de l'attribution des droits, mais aussi a posteriori dans une optique de lutte contre la fraude. 15,3 % des dossiers d'AME ont ainsi fait l'objet d'un contrôle en 2022. Un ciblage particulier est réalisé sur les factures de soins urgents ainsi que sur celles présentant des montants particulièrement élevés.
Concernant l'attribution des droits, un programme national de contrôle permet désormais aux caisses d'assurance maladie de vérifier la condition de résidence irrégulière en France en accédant à la base VISABIO. Cette opération reprend l'une des recommandations du rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires sociales d'octobre 20197(*). Au total, le montant des indus détectés s'est élevé à 0,5 million d'euros en 2022 et à 0,9 million d'euros en 2021. Le dépôt physique des demandes initiales d'AME à la CPAM, à l'hôpital ou auprès d'une permanence d'accès aux soins de santé (PASS), constitue une autre mesure permettant de lutter contre la fraude.
La prévision de dépenses pour l'AME de droit commun en 2024 intègre 20 millions d'euros d'économies au titre de ces diverses mesures de contrôle.
* 4 Il convient de distinguer l'AME de droit commun de l'AME humanitaire et de l'AME pour les personnes gardées à vue. En 2024, l'AME de droit commun représente 1,137 milliard d'euros (contre 1,208 milliard d'euros pour l'ensemble du dispositif AME).
* 5 Source : Annexe au projet de loi de finances pour 2024, Mission ministérielle Santé
* 6 Ce constat est multifactoriel ; les raisons régulièrement invoquées sont la méconnaissance du dispositif par les personnes concernées, la barrière de la langue et la complexité des procédures administratives.
* 7 Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires sociales, L'aide médicale d'État : diagnostics et propositions, octobre 2019