B. DES MOYENS LARGEMENT EXORBITANTS DU DROIT COMMUN, FRAGILISÉS POUR CERTAINS PAR LEUR NON-CONFORMITÉ À LA CONSTITUTION

Pour exercer ses missions, la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) dispose de services spécialisés, à l'instar de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et du service d'enquête judiciaire des finances (SEJF). Le code de procédure pénale (article 28-1) permet, en outre, à certains de ses agents, spécialement et individuellement habilités, d'exercer des fonctions de police judiciaire pour la répression d'infractions graves en matière douanière ou financière.

Cette répression s'exerce dans un cadre juridique original fixé par le code des douanes, souvent qualifié d'exorbitant et qui se distingue du droit commun par l'ampleur des pouvoirs confiés aux agents enquêteurs et, souvent, par la faiblesse du rôle confié à l'autorité judiciaire dans la supervision de ces mêmes pouvoirs. L'arsenal juridique mis à la disposition des douanes comporte ainsi, entre autres, une retenue douanière assimilable à une mesure de garde à vue et la visite des domiciles et des locaux professionnels, analogue à une perquisition.

Jusqu'à la censure de ces dispositions par le Conseil constitutionnel (voir infra), les agents douaniers bénéficiaient également d'un « droit de visite » figurant à l'article 60 du code, leur permettant, « Pour l'application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, [...] [de] procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes », sans limitation de lieu, d'horaire ou de circonstances.

Si cette formulation, laconique et inchangée depuis 1948, a été progressivement encadrée par la chambre criminelle de la Cour de cassation, elle a été jugée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel par une décision n° 2022-1010 QPC du 22 septembre 2022, faute d'un cadre « tenant compte par exemple des lieux où elles sont réalisées ou de l'existence de raisons plausibles de soupçonner la commission d'une infraction ». Constituant, en tant que telles, une atteinte disproportionnée au droit d'aller et de venir et au respect de la vie privée, ces dispositions seront abrogées dès le 1er septembre 2023. Cette situation impose l'intervention du législateur, tant pour éviter la création d'un vide juridique que pour assurer enfin une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions, objectif auquel participe la lutte contre la fraude douanière, et les droits individuels garantis par la Constitution.

Dotée de prérogatives singulièrement étendues, l'administration douanière s'estime, dans le même temps, pour partie désarmée face aux nouveaux usages des trafiquants. Elle déplore ainsi de ne pas disposer de leviers juridiques permettant d'appréhender le volet numérique des infractions, aujourd'hui négligé par le code des douanes, qu'il s'agisse de la commission en ligne de certains délits douaniers ou du recueil de preuves prenant la forme de contenus ou de données informatiques ; elle souhaite, de même, que la DNRED puisse recourir plus largement à certaines techniques de renseignement dont l'usage lui semble actuellement insuffisant.