C. UN SOUTIEN À CETTE PROPOSITION SOUS LA FORME D'UNE EXPÉRIMENTATION
1. Une proposition bienvenue pour accélérer la résolution de certains problèmes et avancer sur l'adaptation de certaines normes
Le rapporteur pour avis partage les préoccupations de l'auteur de la proposition de loi organique quant aux risques constatés de rupture de continuité de l'accès aux soins, mais aussi et surtout face à une série de difficultés qui ne trouvent à ce jour pas de réponse satisfaisante.
Le rapporteur pour avis regrette une lenteur dans l'action des services de l'État pour répondre à des besoins pleinement identifiés. Cette insuffisante considération se manifeste d'ailleurs dans l'absence de remise d'un rapport prévu par la loi dite « 3DS »12(*) à l'initiative de Micheline Jacques13(*) portant « sur l'organisation du système de santé et de la sécurité sociale à Saint-Barthélemy ». Ce rapport, qui devait être remis avant la rentrée 2022 et aurait pu utilement nourrir les travaux d'examen de cette PPLO, n'a pas été produit à ce jour.
Enfin, le présent texte a le mérite de rappeler que la compétence en matière de santé demeure une responsabilité de l'État, qui doit pleinement l'assumer. La présente PPLO propose une avancée équilibrée par ce qui s'apparente à un « droit de proposition » de la collectivité.
2. Une participation à l'exercice de certaines compétences qui ne doit pas compromettre la cohérence de l'offre de soins à l'échelle des Îles du Nord et de la Guadeloupe
Le ministère de la santé, très réservé sur cette proposition, estime que « la sécurité sociale et l'organisation de l'offre de soins ne se prêtent pas à l'exercice d'une compétence partagée entre l'État et la collectivité territoriale, compte tenu de l'organisation et des principes régissant la sécurité sociale (égalité des citoyens devant la loi, solidarité), du mode de fonctionnement de la sécurité sociale et de l'offre de soins de droit commun. », y voyant un risque d'aboutir à « une "sécurité sociale à la carte" et au renforcement des inégalités territoriales en matière d'offre de soins ».
Alors que la comparaison est parfois faite avec Saint-Pierre-et-Miquelon, le rapporteur pour avis souligne que l'environnement régional est tout autre, sans collectivité française à proximité. Saint-Pierre-et-Miquelon, qui certes jouit d'une caisse autonome, est engagé dans un processus de convergence vers le droit commun. Surtout, l'autonomie de la caisse est parfois synonyme de complexités pour les assurés, qui n'ont par exemple pas de carte Vitale.
Aussi, considérant la forte dépendance de Saint-Barthélemy à l'offre de soins de Saint-Martin et de la Guadeloupe, le rapporteur pour avis insiste sur la nécessité de préserver la cohérence du droit applicable en matière de santé et de sécurité sociale, et de ne pas générer de difficultés dans la prise en charge des assurés.
Cela signifie notamment que les projets d'évolution de la caisse de prévoyance sociale ne doivent pas conduire à des ruptures ou difficultés administratives dans la gestion de l'assurance maladie. Cela signifie également que la configuration de l'offre de soins ne saurait à Saint-Barthélemy ignorer l'offre accessible dans l'établissement support de Saint-Martin ni l'offre de recours qu'assure le CHU de Pointe-à-Pitre, en pleine restructuration avec la construction d'un nouvel établissement d'envergure.
3. Une réécriture proposée sous la forme d'une expérimentation
Entendue par le rapporteur pour avis, la collectivité de Saint-Barthélemy n'a pas indiqué souhaiter s'engager dans une participation à l'exercice de compétences de l'État dans les domaines proposés par la présente PPLO. Aussi, si la délibération précitée de novembre 2022 prévoit bien des demandes de modifications du code de la santé publique, la COM a cependant précisé souhaiter un rôle opérationnel mais non une compétence normative dans le domaine de la santé.
Considérant les questions soulevées par la présente proposition de loi organique, l'opposition des administrations de l'État et les réserves de la collectivité, le rapporteur pour avis, conjointement avec la rapporteure de la commission des lois, a proposé à la commission des affaires sociales de transformer le texte en vue de prévoir cette participation sous la forme d'une expérimentation.
La nouvelle rédaction proposée pour l'article 1er prévoit ainsi une expérimentation possible pour une durée de cinq ans. La rédaction de l'amendement modifie en partie le champ proposé, concentrant, au sein de la sécurité sociale, l'habilitation à la seule assurance maladie, en cohérence avec l'intention de fond du texte.
Compte tenu du caractère indissociable de l'offre hospitalière et de la médecine de ville, particulièrement sur un petit territoire, le rapporteur pour avis a souhaité également intégrer au champ de l'habilitation les services de santé. Il s'agit de permettre, si l'expérimentation est menée, de poursuivre des travaux cohérents tant sur l'hôpital que sur des structures de ville comme des maisons de santé ou des centres de santé par exemple.
Le II de la nouvelle rédaction proposée reprend la procédure applicable qui était codifiée à l'article 2.
Souhaitant insister sur la nécessité de veiller à la cohérence de l'offre de soins à l'échelle régionale, alors que la Guadeloupe et Saint-Martin sont des recours indispensables, le III prévoit un avis du directeur général de l'agence de santé sur les projets d'actes.
Enfin, différents éléments ont été mis en avant dans l'évaluation prévue de l'expérimentation, tant concernant l'opportunité de pérenniser une telle participation que sur les effets d'une telle participation sur l'offre de soins, là encore à l'échelle de Saint-Barthélemy particulièrement mais aussi des îles de la Guadeloupe et de Saint-Martin.
En conséquence, les deux autres amendements déposés par le rapporteur pour avis suppriment les articles 2 et 3.
Réunie le mercredi 8 mars 2023 sous la présidence de Catherine Deroche, présidente, la commission a donné un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi organique sous réserve des amendements de son rapporteur pour avis qu'elle a adoptés.
* 12 Article 253 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
* 13 Amendement n° 743 rect. déposé par Micheline Jacques sur le projet de loi dit « 3DS » en première lecture.