B. UNE OFFRE JUGÉE INSATISFAISANTE ET DES DIFFICULTÉS PROPRES AU TERRITOIRE QUI PEINENT À TROUVER DES RÉPONSES SUFFISANTES
Les élus territoriaux ont régulièrement fait état de leur insatisfaction au regard de l'offre existante sur l'île aujourd'hui. Souhaitant s'engager sur ce sujet, la collectivité a initié l'an dernier un « diagnostic territorial » assuré par une commission ad hoc3(*).
La création d'un nouvel établissement de santé est à l'étude au sein d'un pôle médical qui serait localisé à Saint-Jean, à proximité de l'aéroport.
1. Des difficultés matérielles dans le cas des Evasan
Les évacuations sanitaires sont un enjeu récurrent d'insatisfaction. En effet, les aéroports de Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne permettent pas d'atterrissages de nuit. Déjà évoqué en 20054(*), ce problème tarde à trouver une solution satisfaisante et pérenne.
Des aménagements sont en cours à l'aéroport de Saint-Martin Grand-Case. Surtout, la directrice de l'hôpital a indiqué qu'une étude était actuellement menée sur ce point, considérant la faisabilité ou l'opportunité du recours à un avion sanitaire ou d'un vecteur hélicoptère à dimension de service public et sanitaire. Aujourd'hui, l'hélicoptère basé en Guadeloupe apparaît comme un moyen de soutien limité, dans la mesure où son intervention dans les Îles du Nord prive la Guadeloupe de moyens durant plusieurs heures.
Enfin, autre sujet de frictions, la prise en charge des Evasan est limitée par la nécessité, réglementairement, de passer par des lignes régulières pour permettre un financement par l'assurance maladie.
2. Des difficultés d'attractivité pour les professions de santé
Le défaut d'attractivité du territoire pour
les professionnels de santé a été particulièrement
souligné par l'ensemble des personnes entendues.
Or, c'est justement
le manque de personnels qui est mis en avant par la sénatrice
auteure comme au coeur des ruptures dans la continuité des
soins, particulièrement à l'hôpital Irénée de
Bruyn.
La directrice de l'hôpital estime ainsi que « la principale difficulté de l'hôpital aujourd'hui est de stabiliser son personnel. Ceci est dû à la cherté de la vie sur l'Ile et plus particulièrement à la difficulté d'accéder à un logement décent à un prix compatible avec les salaires hospitaliers. Sur son budget propre, l'établissement a été dans l'obligation d'adopter une politique d'accompagnement des personnels en dehors de son champ de compétence. »
Cette attractivité difficile a des conséquences financières puisque que si la DSS considère que « globalement, le CH Irénée de Bruyn dispose du personnel dont il a besoin », c'est cependant « au prix du recrutement de contractuels (notamment s'agissant des urgentistes) qui ne s'investissent pas à très long terme et ne participent de fait pas au projet médical du territoire. »
La DGOS a indiqué que « dans ce contexte, l'amélioration du cadre d'exercice des professionnels constitue un levier d'attractivité et des investissements sont prévus au titre du Ségur de la santé à hauteur de 4,7 millions d'euros, en privilégiant la capacité de résilience de l'établissement face à un évènement sismique mais aussi cyclonique majeur. »
Le rapporteur pour avis constate que l'hôpital autant que les services de l'État renvoient vers la collectivité, appelant celle-ci à intervenir pour mettre à disposition des logements pour les personnels soignants.
3. Des difficultés liées à l'inadéquation du droit commun à la configuration du territoire
Différents problèmes régulièrement évoqués relèvent d'une impossibilité de satisfaire, dans les conditions locales, aux règles de droit commun.
C'est le cas notamment de la présence d'un dépôt de sang sur l'île de Saint-Barthélemy. Cette lacune, évoquée par l'ensemble des acteurs, constitue une perte de chances pour les habitants.
D'autres sujets ont été avancés par la directrice de l'hôpital, au titre desquels la question du temps de travail des professionnels ou la qualification requise dans certaines spécialités. Ainsi, la pharmacie de l'hôpital ne peut fonctionner qu'avec un pharmacien hospitalier, quand le recours à un pharmacien d'officine faciliterait son fonctionnement.
Sur plusieurs de ces sujets, le conseil exécutif5(*) a listé une série de modifications du code de la santé publique qu'il souhaiterait voir aboutir. Ces propositions ont également été transmises au Gouvernement dans le cadre du comité interministériel des Outre-mer (CIOM).
Le directeur général de l'ARS comme les directions d'administrations centrales ont mis en avant les possibilités de répondre à certains de ces sujets par l'octroi de pouvoirs de dérogations aux directeurs généraux d'ARS.
Un décret en Conseil d'État est ainsi attendu, qui devrait prochainement permettre aux directeurs généraux d'ARS d'adopter certains aménagements aux règles de droit commun : il pourrait concrètement permettre un dépôt de sang à Saint-Barthélemy.
Cependant, force est de constater que ce pouvoir de dérogation donné aux directeurs généraux d'ARS outre-mer - que la commission avait déjà soutenu en 2022 dans les conclusions de la mission menée à Mayotte relative à l'accès aux soins6(*) - peine à se mettre en oeuvre, avec un décret qui tarde ici à être publié.
* 3 Commission ad hoc « diagnostic territorial de l'offre de soins à Saint-Barthélemy », constituée par délibération du Conseil exécutif le 4 mai 2022.
* 4 « L'avenir statutaire de Saint-Barthélemy et Saint-Martin : le choix de la responsabilité », rapport d'information n° 329 (2004-2005) de MM. Jean-Jacques HYEST, Christian COINTAT et Simon SUTOUR, fait au nom de la commission des lois, déposé le 10 mai 2005.
* 5 Délibération du conseil exécutif, n° 2022-1360 du 16 novembre 2022.
* 6 « Mayotte : un système de soins en hypertension », rapport d'information de Mme Catherine DEROCHE, MM. Jean-Luc FICHET, Dominique THÉOPHILE et Mme Laurence COHEN, fait au nom de la commission des affaires sociales.