Avis n° 121 (2022-2023) de M. Thani MOHAMED SOILIHI , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 novembre 2022
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L'ESSENTIEL
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I. L'EFFORT FINANCIER DE L'ÉTAT S'INSCRIT
DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER TRÈS INCERTAIN EN
OUTRE-MER
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II. LA MISSION « OUTRE-MER »:
DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES
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A. LA HAUSSE DES CRÉDITS DE LA MISSION
COMBINÉE À UNE NOUVELLE AMÉLIORATION DU PILOTAGE
BUDGÉTAIRE
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B. PROGRAMME 138 « EMPLOI
OUTRE-MER » : UN RECUL DES CRÉDITS
PÉRIMÉTRIQUE QUI MASQUE LA PROGRESSION DES DOTATIONS
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C. PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE
OUTRE-MER » : UNE AUGMENTATION BIENVENUE DES CRÉDITS
DÉDIÉS À LA CONTINUITÉ TERRITORIALE ET AU
SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
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1. Une évolution contrastée des
crédits alloués à la LBU combinée à une
stabilisation des crédits en faveur de la résorption de l'habitat
insalubre
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2. La progression notable des crédits de
soutien aux collectivités ultramarines
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3. La hausse des crédits
dédiés à la continuité territoriale et
la stabilité des autres actions
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1. Une évolution contrastée des
crédits alloués à la LBU combinée à une
stabilisation des crédits en faveur de la résorption de l'habitat
insalubre
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A. LA HAUSSE DES CRÉDITS DE LA MISSION
COMBINÉE À UNE NOUVELLE AMÉLIORATION DU PILOTAGE
BUDGÉTAIRE
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I. L'EFFORT FINANCIER DE L'ÉTAT S'INSCRIT
DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER TRÈS INCERTAIN EN
OUTRE-MER
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 121 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022 |
AVIS PRÉSENTÉ
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1)
sur le projet de
loi
de
finances
,
considéré comme adopté par
l'Assemblée
|
TOME III OUTRE-MER |
Par M. Thani MOHAMED SOILIHI, Sénateur |
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Alain Richard, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled . |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26 Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
La commission des lois accueille favorablement les crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2023 , et salue la stabilisation de l'effort financier global de l'État pour les outre-mer dans un contexte économique et financier encore incertain pour les territoires ultramarins. Sous réserve de l'adoption de deux amendements, elle a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Face à une crise économique persistante qui a fortement affecté les économies ultramarines aggravée par des tensions inflationnistes qui exacerbent la problématique de la vie chère, la reconduction du filet de sécurité pour les collectivités territoriales et la création d'un amortisseur énergétique à destination des ménages, entreprises et collectivités ne peuvent qu'être saluées par la commission. Elle restera néanmoins vigilante à ce que les mesures nationales pour faire face à la crise économique et aux effets négatifs de l'inflation soient adaptées aux spécificités des territoires ultramarins et soient assorties d'un accompagnement spécifique et attentif de l'État .
Suite à l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le PLF 2023, la mission « Outre-mer » est dotée pour 2023 de 2,75 milliards d'euros en autorisations d'engagement - soit une augmentation de 1,75 % par rapport à 2022 - et de 2,58 milliards d'euros en crédits de paiement - soit une légère hausse de 1,4 %.
Malgré plusieurs motifs de préoccupation, la commission a constaté avec satisfaction que l'exigence de sincérité budgétaire de cette mission s'est traduite par une amélioration de l'exécution des crédits de la mission , qu'elle appelle à poursuivre et approfondir.
Elle se félicite de l'introduction de mesures nouvelles, en grande partie résultant d'amendements parlementaires, qui traduisent un soutien renforcé de l'État aux collectivités ultramarines et font de l'insertion socio-professionnelle des jeunes une priorité, en particulier, le renforcement du SMA (déploiement du plan SMA 2025+ et élargissement des publics accueillis - 30 millions d'euros), le soutien exceptionnel aux actions de continuité territoriale dans un contexte inflationniste (6 millions d'euros), l'abondement exceptionnel du fonds outre-mer pour renforcer les moyens d'assistance technique aux collectivités territoriales (10 millions d'euros) et les moyens supplémentaires consacrés au dispositif COROM (30 millions d'euros).
Consciente des très fortes incertitudes pesant sur la situation financière des collectivités territoriales ultramarines, la commission s'est attachée à renforcer les dispositifs de soutien exceptionnel aux collectivités ultramarines afin d'en élargir le nombre de bénéficiaires (20 millions d'euros supplémentaires pour le dispositif COROM ) et à majorer les moyens alloués à la résorption de l'habitat insalubre compte tenu de l'ampleur des besoins en la matière (4 millions d'euros supplémentaires sur la LBU). Elle a en conséquence adopté deux amendements tendant à procéder à ces nécessaires ajustements.
I. L'EFFORT FINANCIER DE L'ÉTAT S'INSCRIT DANS UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET FINANCIER TRÈS INCERTAIN EN OUTRE-MER
A. L'EFFORT FINANCIER GLOBAL DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES OUTRE-MER
La mission « Outre-mer » s'inscrit dans le cadre d'un effort financier global de l'État en faveur des outre-mer qui s'est révélé stable , sur l'ensemble de la précédente législature, comme le fait apparaître le graphique ci-dessous.
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires
Pour la première année de cette nouvelle législature, cet effort représente, au total, 20,1 milliards d'euros en autorisations d'engagemen t - soit une augmentation de 1,1 % par rapport à 2022 - et 21,7 milliards d'euros en crédits de paiement - soit une hausse de 3,7 % par rapport à 2022 - dans le cadre du PLF 2023 .
Plus précisément, la politique transversale de l'État en direction des territoires ultramarins est portée par 101 programmes relevant de 32 missions auxquels s'ajoutent 9 prélèvements sur recettes. Suite aux critiques formulées par la Cour des comptes quant aux insuffisances du document de politique transversale outre-mer 1 ( * ) , le ministère en charge des outre-mer a décidé, en 2023, de le recentrer sur les crédits concourant de manière spécifique aux outre-mer et de resserrer sa présentation autour de six axes stratégiques . La commission salue ces évolutions qui améliorent la qualité et la lisibilité des informations transmises au Parlement et appelle à la poursuite des efforts en ce sens.
Les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent, comme les années antérieures, qu'une part minime de cet effort : elle ne compte que pour 13,3 % des AE et 11,5 % des CP engagés par l'État pour les outre-mer en 2023.
B. FACE AUX TENSIONS INFLATIONNISTES ET À LA CRISE ÉCONOMIQUE, LA NÉCÉSSAIRE TERRITORIALISATION DES DISPOSITIFS DE SOUTIEN
Le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi de finances pour 2023 est marqué par la persistance de la crise énergétique résultant de la guerre russo-ukrainienne et de tensions inflationnistes exacerbant la problématique de la vie chère spécifique aux territoires ultramarins, appelant à des mesures de soutien de l'État à destination des ménages, des entreprises et des collectivités territoriales . En effet, si les écarts de niveau d'inflation entre les territoires ultramarins et l'hexagone ne sont pas significatifs, ces tensions inflationnistes s'additionnent à un coût de la vie supérieur outre-mer s'inscrivant au surplus dans un contexte social particulièrement dégradé.
Ainsi que l'a rappelé le ministre Christophe Béchu lors de son audition par la commission des lois 2 ( * ) , les collectivités ultramarines étaient éligibles aux dispositifs de soutien aux collectivités territoriales déployés dès juillet 2022 en application de l'article 14 de la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 et du décret n° 2022-967 du 1 er juillet 2022 3 ( * ) . Toutefois, le rapporteur n'a pu que constater le défaut d'adaptation des mesures nationales aux spécificités des collectivités et des entreprises ultramarines .
En premier lieu, seules 6 communes ultramarines ont bénéficié d'acomptes versés en application du « filet de sécurité » mis en oeuvre pour l'année 2022 afin de soutenir les collectivités face à l'augmentation de leurs dépenses d'approvisionnement en énergie. Ainsi, seuls 2 % des moyens alloués à ce dispositif ont bénéficié aux outre-mer 4 ( * ) .
Répartition des crédits du
« filet de sécurité » pour soutenir
les
collectivités en 2022 (en AE)
Nombre de communes et EPCI concernées
|
Nombre de communes et EPCI concernées
|
Montant des acomptes
|
Montant des acomptes
|
|
Hexagone |
2115 |
99,7% |
41 877 223 |
98% |
Outre-mer |
6 |
0,3% |
641 122 |
2% |
Total |
2121 |
100% |
42 518 345 |
100% |
Source : commission des lois du Sénat à
partir des données
du ministère de l'économie, des
finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
En second lieu, en dépit des demandes répétées des acteurs économiques locaux relayées par les parlementaires, la commission note que le bouclier énergétique pour les entreprises n'a toujours pas fait l'objet d'adaptations pourtant indispensables à son application à la situation préoccupante des entreprises ultramarines .
Ainsi, le rapporteur ne peut qu'appeler à une meilleure prise en compte des spécificités des territoires ultramarins dans les dispositifs proposés par le Gouvernement pour compenser la hausse des prix de l'énergie pour les collectivités territoriales comme pour les ménages et les entreprises dans le projet de loi de finances pour 2023 .
En l'état, la commission ne peut que regretter que le « filet de sécurité » prévu à l'article 14 ter du projet de loi de finances transmis au Sénat comme l'« amortisseur » pour les dépenses d'électricité introduit à l'article 42 ter , n'offrent que d'imparfaites adaptations aux spécificités des territoires ultramarins alors que le Gouvernement s'est engagé à les améliorer .
« Je suis édifié par les chiffres que j'ai entendus (...) ils renforcent ma conviction que le filet de sécurité doit s'améliorer en 2023 » déclarait Christophe Béchu devant la commission des lois du Sénat 5 ( * ) .
À titre d'exemple, les collectivités ultramarines bénéficiant du dispositif COROM s'engagent, en échange de subventions, à assainir leur situation financière en particulier en augmentant le montant de leur épargne brute, ce qui risquerait de les exclure, de facto , des dispositifs précités. En réponse aux inquiétudes exprimées par la commission, le ministre Christophe Béchu a « confirmé que les communes relevant du COROM peuvent bénéficier du filet de sécurité », sans plus de précision. La commission restera donc vigilante au suivi et à l'application territorialisée, par l'État, de ces dispositifs dans les territoires ultramarins .
Au surplus, si la création d'un fonds vert pour financer les projets écologiques des collectivités territoriales abondé à hauteur de 2 milliards d'euros ne peut qu'être saluée, la commission sera attentive à la répartition territoriale des projets soutenus ainsi qu'à la décentralisation effective de la gestion de ces crédits, en particulier outre-mer.
Enfin, le rapporteur souligne que ces dispositifs , reposant majoritairement sur des mesures d'appel à projets ou nécessitant d'importants moyens en ingénierie en raison de leur complexité administrative, rendent encore plus indispensable tant le renforcement de la coopération entre les services déconcentrés de l'État et les acteurs locaux que l'accompagnement en ingénierie des collectivités ultramarines par l'État .
II. LA MISSION « OUTRE-MER »: DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES
A. LA HAUSSE DES CRÉDITS DE LA MISSION COMBINÉE À UNE NOUVELLE AMÉLIORATION DU PILOTAGE BUDGÉTAIRE
Dans sa version examinée en première lecture au Sénat, la mission « Outre-mer » est dotée pour 2023 de 2,75 milliards d'euros en autorisations d'engagement - soit une augmentation de 1,75 % par rapport à 2022 - et de 2,58 milliards d'euros en crédits de paiement - soit une légère hausse de 1,4 % .
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires
Elle se compose de deux programmes regroupant douze actions :
- le programme 138 « Emploi outre-mer », doté de 1,79 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 1,78 milliard d'euros en crédits de paiement , qui regroupe quatre actions qui visent, pour l'essentiel, à renforcer la compétitivité des entreprises ultramarines et à améliorer la qualification professionnelle des actifs ultramarins ;
- le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », comptant 887,65 millions d'euros en autorisations d'engagement et 735,67 millions en crédits de paiement , qui regroupe huit actions finançant, principalement, les dispositifs de logement social, l'accompagnement des collectivités, l'aide à la mobilité des populations ultramarines et la coopération régionale.
Depuis le projet de loi de finances pour 2021, des mesures visant à remédier à la sous-exécution chronique des crédits de la mission « Outre-mer » ont été déployées par le ministère des outre-mer afin d'améliorer le pilotage budgétaire des crédits de la mission.
1. D'importants mouvements de crédits masquant une nouvelle sous-exécution des crédits
Comme les années précédentes, la gestion de la mission « Outre-mer » s'est caractérisée en 2021 pour une sous-exécution des crédits votés en loi de finances .
Le rapporteur note, cependant, qu'en dépit d'une dégradation de la situation sanitaire et économique des outre-mer en 2021, cette sous-exécution est stable par rapport à celle constatée en 2020, pourtant moins soumise aux aléas de la crise sanitaire.
Les nombreux mouvements de crédits (transferts, reports, ouvertures et annulations) témoignent d' une gestion encore trop complexe des crédits de la mission outre-mer qui semble aujourd'hui encore difficile à justifier par des considérations opérationnelles , ce que regrette la commission tant cette gestion obère l'exécution de crédits pourtant votés en loi de finances initiale.
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires
2. Une amélioration bienvenue du pilotage et de l'exécution de la mission « Outre-mer »
Cette amélioration de l'exécution de la mission « Outre-mer » est également due, d'une analyse partagée par la Cour des comptes, à « un pilotage budgétaire en voie d'amélioration » 6 ( * ) que le rapporteur tient à saluer.
Malgré les motifs de préoccupation exposés ci-dessus, la commission a constaté, avec satisfaction, que la mise en oeuvre de l'expérimentation relative au document unique de programmation déployée pour la première fois en 2021 a permis une gestion simplifiée de la mission, qu'elle appelle à poursuivre et consolider.
Pour améliorer la consommation des crédits, en complément des mesures déjà mises en oeuvre depuis 2019 telles que le renforcement des dialogues de gestion avec les territoires, la DGOM s'attache opportunément à mettre en oeuvre les recommandations formulées en 2020 dans les rapports du CBCM et de l'IGA. Elle s'est, en particulier, engagée dans une démarche active d'évolution de ses modalités de pilotage, ce qui a eu pour conséquence principale une consommation des crédits davantage lissée sur l'année favorisant un décaissement progressif et davantage conforme aux besoins des territoires ultramarins 7 ( * ) .
Évolution de la consommation mensuelle des crédits du programme 123 (CP, en M€)
Source : Cour des comptes, d'après Chorus
Ces nouvelles méthodes de travail devraient permettent de consolider l'amélioration du pilotage budgétaire de la mission « Outre-mer » , que le rapporteur ne peut que soutenir et encourager pour les prochains exercices budgétaires.
B. PROGRAMME 138 « EMPLOI OUTRE-MER » : UN RECUL DES CRÉDITS PÉRIMÉTRIQUE QUI MASQUE LA PROGRESSION DES DOTATIONS
Le léger recul des crédits du programme
138
(-1,71
% en AE
et
-1,48
% des CP)
est largement
périmétrique
et n'implique pas
un fléchissement du soutien de l'État
au
développement économique outre-mer. En effet, elle s'explique en
particulier par une mesure de périmètre correspondant au
transfert du bandeau « maladie » d'un montant de
265 millions d'euros à la sécurité sociale.
Le Gouvernement a exprimé son intention de renforcer la compétitivité des entreprises situées outre-mer et d'améliorer l'insertion socio-professionnelle des actifs ultramarins, notamment des jeunes. Les dispositifs d'intervention regroupés dans le programme 138 connaissent, par conséquent, de nouvelles hausses :
- les crédits alloués au soutien aux entreprises connaissent, à périmètre constant, une augmentation significative qui semble reposer sur des hypothèses optimistes.
A périmètre constant, l'action n°1, qui vise à compenser des exonérations et allégements de charges sociales afin d'améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines, connait une augmentation de près de 200 millions d'euros de ces crédits, pour s'établir à 1 416 millions d'euros en autorisation d'engagement et en crédits de paiement.
Il ressort des auditions menées que le Gouvernement anticipe une forte augmentation du montant des exonérations à compenser du fait d'une reprise économique outre-mer et de la diminution du recours aux dispositifs d'activité partielle prévus pour faire face à la crise de la covid-19 . S'il comprend cet argument, le rapporteur pour avis émet toutefois des réserves sur la fiabilité des prévisions utilisées pour établir cette programmation budgétaire alors même que les conséquences de la crise économique et énergétique sur l'emploi sont encore, à ce jour, incertaines ;
- les crédits d'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle connaissent une très forte progression, largement portée par le renforcement du service militaire adapté (SMA) et la création récente de compagnies supplémentaires ;
Les crédits de l'action n°2, qui regroupe les dispositifs d'aide à l'insertion et à la qualification professionnelle ainsi que les enveloppes destinées au financement du SMA et de l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM), connaissent une forte progression : les autorisations d'engagement s'établissent à 313,84 millions d'euros - soit une hausse de 10,42 % - et les crédits de paiement atteignent 309,94 millions d'euros - soit une augmentation de 12,89 % .
Cette hausse est pour l'essentiel due à une triple mesure relative au SMA et qui permet :
- d'accompagner le déploiement de l'expérimentation SMA 2025+initiée Mayotte en 2022 à l'ensemble des unités du SMA, qui mobilise 23 millions d'euros en AE et 35 millions d'euros en CP ;
- d'élargir le SMA à de nouveaux publics , en particulier les mères célibataires, les mineurs décrocheurs et les apprentis avec pour cible une augmentation de 11% du nombre de bénéficiaires ;
- de renforcer l'encadrement des nouvelles compagnies de Mayotte et d'Hao et d'améliorer le contenu des formations proposées avec la création de 91 ETP supplémentaires en 2023 pour un montant de 2,6 millions d'euros en AE et en CP.
Le Service Militaire Adapté (SMA) et l'expérimentation SMA 2025+
Crée en 1961 à l'initiative de Michel Debré, le Service Militaire Adapté (SMA) vise à améliorer l'insertion socioprofessionnelle des jeunes ultramarins âgés de 18 à 25 ans.
Ciblant particulièrement les « décrocheurs scolaires », ce dispositif permet aux jeunes volontaires d'acquérir des compétences professionnelles et sociales afin de renforcer leur employabilité et leur propose un accompagnent socio-éducatif d'une durée médiane de dix mois. Il tend à accueillir 6 000 volontaires par an et est implanté sur les huit territoires suivants : la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, La Réunion, Mayotte, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie Française.
Une expérimentation du programme SMA 2025+ vise à améliorer le dispositif suivant deux axes : i) élargir le public cible et ii) enrichir le contenu du programme . Ainsi, le programme SMA 2025+, s'il est expérimenté à Mayotte depuis 2022 , a, de l'aveu du PAP 2023, vocation à être étendu aux autres territoires dès 2023 . Enfin, deux évolutions de ce programme seront déployées dès 2023 dans l'ensemble des unités afin de renforcer la qualité des formations proposées : la création de filières « développeur web » et l'accueil de formateurs issus de grandes écoles.
Le rapporteur pour avis ne peut que saluer un tel élargissement quantitatif comme qualitatif d'un dispositif particulièrement efficace et adapté aux réalités locales comme en témoigne le taux d'insertion des volontaires oscillant entre 74 et 82% depuis 2012.
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires
- le doublement des crédits dédiés au pilotage des politiques publiques (3,8 millions d'euros en autorisations d'engagement et 3,5 millions en crédits de paiement) s'explique par l'enrichissement du site numérique DECIGEOM ;
- quant aux crédits affectés au soutien à l'économie (24,3 millions d'euros en autorisations d'engagement), leurs montants sont identiques à ceux de 2021 .
C. PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER » : UNE AUGMENTATION BIENVENUE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA CONTINUITÉ TERRITORIALE ET AU SOUTIEN AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le projet de loi de finances pour 2023 est marqué par une augmentation sensible des autorisations d'engagement et des crédits de paiement - soient des augmentations de 12,05 % pour atteindre des montants respectifs de 948,52 et 779,04 millions d'euros - du programme n° 123 , portée par cinq mesures nouvelles inscrites dans PLF initial combinées à six mesures nouvelles d'initiative parlementaire :
- le renforcement de l'assistance technique aux collectivités territoriales pour la mise en oeuvre de projets structurants (10 millions d'euros en AE et en CP) ;
- la revalorisation de l'enveloppe dédiée au dispositif COROM (30 millions d'euros supplémentaires en AE et en CP dont 20 millions d'euros fléchés au SMAEG) ;
- le financement des recherches nécessaires à la résolution des blocages successoraux entreprises par les collectivités territoriales (0,5 millions d'euros n AE et en CP) ;
- l'abondement exceptionnel du fonds de secours (2 millions d'euros en AE et en CP) ;
- la participation du ministère des outre-mer au financement des garanties et subventions de la SOGEFOM pour la lutte contre le changement climatique (7 millions d'euros en AE et 1 million d'euros en CP) ;
- le financement de projets de diversification agricole (3 millions d'euros en AE et CP) ;
- la revalorisation des moyens alloués à la continuité territoriale dans un contexte inflationniste (5 millions d'euros en AE et en CP) ;
- la prise en charge des frais de transport et des indemnités de résidence des parents d'enfants ultramarins devant bénéficier d'un traitement médical dans l'hexagone (1 million d'euros en AE et en CP)
- le financement du « contrat social » à Wallis-et-Futuna (5,11 millions d'euros en AE et en CP augmentés par un amendement de crédit de 2,5 millions d'euros en AE et CP) ;
- le soutien exceptionnel au SMGEAG (10 millions d'euros en AE et en CP).
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires
1. Une évolution contrastée des crédits alloués à la LBU combinée à une stabilisation des crédits en faveur de la résorption de l'habitat insalubre
Afin de déployer le second plan « logement outre-mer » (PLOM II), le Gouvernement propose une nouvelle augmentation de la ligne budgétaire unique (action n°1) de 1,81 % en autorisations d'engagement mais une forte diminution de 10,57 % en crédits de paiement - soit une diminution de 42 millions d'euros des crédits de paiements alloués à la LBU .
Si le rapporteur se félicite de cette augmentation indispensable des crédits alloués à la LBU en autorisations d'engagement, il ne peut que constater que le dispositif proposé n'est pas à la hauteur des enjeux en la matière et ce, d'autant plus que la situation spécifique de l'habitat insalubre et informel dans les territoires ultramarins impose une politique particulièrement volontariste .
En effet, selon les chiffres communiqués au rapporteur, les estimations de la proportion de logements indignes et insalubres dans les territoires ultramarins oscille, les estimations, entre 19,4 % et 27 % contre moins de 1,2 % dans l'hexagone 8 ( * ) , appelant à réunir de toute urgence les moyens nécessaires à la résorption de ce type d'habitat. C'est pourquoi la commission propose, à l'initiative du rapporteur pour avis et par un amendement identique à celui des rapporteurs spéciaux de la commission des finances, de majorer de 4 millions d'euros en AE et CP les crédits destinés à la résorption de l'habitat insalubre .
2. La progression notable des crédits de soutien aux collectivités ultramarines
L'une des priorités annoncées par le Gouvernement est le renforcement de l'accompagnement des collectivités ultramarines, dont le financement est assuré par les actions n°2 Aménagement du territoire et n°6 Collectivités territoriales de ce programme.
- La hausse des crédits dédiés à l'aménagement du territoire masque une sous-consommation chronique et inquiétante des crédits contractualisés par les collectivités avec l'État
L'action n°2 connait une augmentation de 1,03 % des autorisations d'engagement et de 0,90 % des crédits de paiement , qui devraient s'établir, respectivement à 211,52 millions et 156,26 millions d'euros pour 2023.
Elle finance, en particulier, les contrats de convergence et de transformation (CCT) (175,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et 122,2 millions d'euros en crédits de paiement) conclus pour la période 2019-2022, et une mesure nouvelle destinée à amplifier le soutien financier à la diversification agricole (6 millions d'euros en AE et en CP).
Si la commission des lois salue ce renforcement du soutien de l'État aux collectivités ultramarines et l'introduction de cette mesure nouvelle appelées de leurs voeux par les élus locaux, elle ne peut que relayer les inquiétudes, partagées par la Cour des comptes et les collectivités ultramarines, quant à l'avenir des contrats de convergence et de transformation censés arriver à échéance en 2022 9 ( * ) .
Interrogés sur ce point par le rapporteur pour avis, la DGOM s'est voulu rassurante en précisant que des avenants aux actuels contrats viendraient les prolonger pour 2023 et qu'il « s'accompagnera de crédits budgétaires supplémentaires (...) avec l'objectif du maintien du niveau de l'engagement financier de l'État, sur l'ensemble des programmes contractualisés ».
Les contrats de convergence et de transformation (CCT)
Prévus par la loi de 2017 dite « EROM », les contrats de convergence et de transformations remplacent les contrats de plan État-région (CPER) sur la période 2019-2022 et visent à réduire les écarts de développement.
Sept collectivités se sont engagées dans cette démarche pour un montant contractualisé de près d'1,75 milliard d'euros : des contrats ont ainsi été signés, les 8 juillet 2019 et 22 juin 2020, entre l'État et les présidents des collectivités de la Guadeloupe, de la Guyane, La Réunion, la Martinique, Mayotte, Saint Pierre et Miquelon, Wallis et Futuna, et Saint-Martin.
Pour autant, le rapporteur pour avis constate, à regret, que les outils de contractualisation ne permettent pas de pallier aux difficultés de sous-consommation des crédits budgétaires . Ainsi qu'illustrée par le graphique ci-dessous, la faiblesse des montants engagés et consommés au 31 décembre 2021 par rapport aux montants contractualisés dans les CCT pour la période 2019-2022 est particulièrement alarmante et fait craindre une importante sous-consommation pour l'ensemble des collectivités concernées. Les dernières prévisions disponibles font état d'un taux de consommation qui s'établirait à 41 % des montants contractualisés à fin 2022 10 ( * ) .
Source : commission des lois du Sénat à partir des documents budgétaires
La commission considère qu'il appartiendra au Gouvernement, lors de la conclusion des nouveaux CCT pour la période 2024-2027, d'améliorer ce dispositif et plus particulièrement de prendre en compte les pistes d'évolution remontées du terrain, tant par les représentants de l'État sur les territoires que des élus locaux eux-mêmes , notamment le manque de fongibilité des crédits au sein des contrats et la nécessité d'élargir ces contrats à de nouvelles thématiques.
- L'augmentation notable des crédits de paiement dédiés au soutien des collectivités territoriales
L'action n°6 agrège les crédits finançant, principalement, des dotations particulières à destination des collectivités ultramarines et celles des fonds de secours. Les crédits de paiement alloués à cette action connaissent une augmentation de plus de 80 millions d'euros, soit une hausse de plus de 35 % par rapport à 2022.
Le rapporteur salue cette hausse des crédits qui traduisent l'engagement de l'État à accompagner la collectivité territoriale de Guyane à rétablir sa capacité d'autofinancement, le SMGEAG à réaliser les investissements nécessaires à la distribution d'eau potable en Guadeloupe (crédits financés par plusieurs actions de la mission), les collectivités ultramarines à faire face aux crises à travers le fonds de secours outre-mer, mais également à financer le dispositif COROM .
La commission des lois a jugé cette augmentation des crédits d'autant plus nécessaire qu'elle est préoccupée par la situation financière et budgétaire fortement dégradée de certaines collectivités ultramarines . Les risques pesant sur la santé financière des collectivités ultramarines se sont accentués du fait des tensions inflationnistes et du renchérissement du coût de l'énergie et posent avec une acuité nouvelle la problématique du retard de paiement aux conséquences pourtant désastreuses pour le tissu économique local.
Dès lors, si le rehaussement par l'Assemblée nationale du montant des crédits destinés à financer le dispositif COROM doit être salué, il ne saurait, en l'état et du fait de son ciblage sur le SMGEAG, être jugé satisfaisant eu égard au contexte économique et aux risques qu'il emporte.
Les contrats de redressement outre-mer (COROM)
Créé par un amendement au PLF 2021 porté par le sénateur Georges Patient et le député Jean-René Cazeneuve, le dispositif COROM poursuit deux objectifs : i) assainir la situation financière des communes , ii) réduire leurs délais de paiement de leurs fournisseurs locaux . Des mots de l'ancien ministre des outre-mer Sébastien Lecornu : « 5 000 factures devraient ainsi être payées ».
Ce dispositif permet aux communes sélectionnées de bénéficier d'un accompagnement de l'État financé selon une programmation triennale composé de 30 millions d'euros d'autorisations d'engagement en LFI 2021 et de 10 millions d'euros de crédits de paiement chaque année.
À ce jour, six communes font partie du dispositif , à savoir : Cayenne, Saint-Benoit, Basse-Terre, Saint-Pierre et Fort de France. Des discussions, que le rapporteur appelle à poursuivre afin de permettre à l'ensemble des territoires de bénéficier de ce dispositif , sont en cours avec d'autres communes.
La commission a donc estimé, à l'initiative du rapporteur pour avis et par un amendement de crédit identique à celui de la commission des finances, que ce dispositif devrait être utilement renforcé tant pour augmenter le nombre de ses bénéficiaires que pour renforcer les montants du soutien ainsi exceptionnellement accordé aux collectivités ultramarines (+20 millions d'euros en AE et en CP) .
3. La hausse des crédits dédiés à la continuité territoriale et la stabilité des autres actions
La commission salue l'augmentation des crédits dédiés à la continuité territoriale qui progressent de 13 % grâce à l'adoption de deux amendements parlementaires, nécessaire compte tenu du fort renchérissement du coût des billets d'avion en 2022.
Enfin , l es montants alloués aux actions relatives à diverses politiques à destination de la jeunesse et à l'insertion économique, au fonds exceptionnel d'investissement et à l'appui à l'accès aux financements bancaires, ne connaissent pas d'évolution notable .
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Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », inscrits au projet de loi de finances pour 2023.
EXAMEN EN COMMISSION
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M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - Il me revient de vous présenter les crédits de la mission « Outre-mer » dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, dont notre commission s'est saisie pour avis.
Le contexte dans lequel s'inscrit ce projet de loi de finances est marqué par la persistance de la crise énergétique résultant de la guerre russo-ukrainienne et de tensions inflationnistes exacerbant la problématique de la vie chère spécifique aux territoires ultramarins. En effet, si les écarts du niveau d'inflation entre les territoires ultramarins et l'Hexagone ne sont pas significatifs, ces tensions inflationnistes s'additionnent à un coût de la vie supérieur outre-mer s'inscrivant au surplus dans un contexte social particulièrement dégradé.
Si des mesures nationales ont été déployées dès juillet 2022 à destination des collectivités territoriales avec le « filet de sécurité » et le bouclier énergétique pour les entreprises fortement consommatrices d'électricité, force a été de constater le défaut d'adaptation des mesures nationales aux spécificités des collectivités et des entreprises ultramarines.
Les chiffres sont édifiants.
En premier lieu, seules six communes ultramarines ont bénéficié d'acomptes versés en application du filet de sécurité. Autre chiffre encore plus édifiant : seuls 2 % des moyens alloués à ce dispositif ont bénéficié aux outre-mer.
En second lieu, en dépit des demandes répétées des acteurs économiques locaux relayées par les parlementaires, le bouclier énergétique pour les entreprises n'a toujours pas fait l'objet d'adaptations pourtant indispensables à son application à la situation préoccupante des entreprises ultramarines.
J'aimerais insister sur un dernier exemple révélateur du manque de prise en compte des spécificités ultramarines dans le dimensionnement des aides face à la crise énergétique : les collectivités ultramarines bénéficiant du dispositif COROM - les contrats de redressement outre-mer - s'engagent, en échange de subventions, à assainir leur situation financière, en particulier en augmentant le montant de leur épargne brute, ce qui risquerait de les exclure de facto des dispositifs précités. En réponse aux inquiétudes exprimées par mon collègue Dominique Théophile, le ministre Christophe Béchu, lors de son audition en commission, a « confirmé que les communes relevant du COROM peuvent bénéficier du filet de sécurité », sans plus de précision.
Le Gouvernement a annoncé reconduire et améliorer ces dispositifs en 2023 : j'appelle donc à une meilleure prise en compte des spécificités des territoires ultramarins dans les dispositifs proposés pour compenser la hausse des prix de l'énergie pour les collectivités territoriales comme pour les ménages et les entreprises dans le PLF pour 2023.
Au surplus, si la création d'un fonds vert pour financer les projets écologiques des collectivités territoriales abondé à hauteur de 3,5 milliards d'euros ne peut qu'être saluée, nous devons être attentifs à la répartition territoriale des projets soutenus ainsi qu'à la décentralisation effective de la gestion de ces crédits, en particulier outre-mer.
Je tiens enfin à souligner que ces dispositifs, reposant majoritairement sur des mesures d'appel à projets ou nécessitant d'importants moyens en ingénierie en raison de leur complexité administrative, rendent encore plus indispensable tant le renforcement de la coopération entre les services déconcentrés de l'État et les acteurs locaux que l'accompagnement en ingénierie des collectivités ultramarines par l'État.
La principale problématique à laquelle est confrontée la mission « Outre-mer » est celle de la sous-exécution chronique des crédits votés. Chaque année, les crédits consommés sont largement inférieurs aux crédits attribués en loi de finances initiale (LFI).
À titre d'exemple, les nombreux mouvements de crédits réalisés en 2021 témoignent d'une gestion encore trop complexe des crédits de la mission « Outre-mer » qui semble aujourd'hui encore difficile à justifier par des considérations opérationnelles. Il n'est pas acceptable que nous votions des crédits en loi de finances qui soient ensuite annulés ou non consommés à hauteur de près de 10 % du montant total des crédits votés, comme le montre l'exercice 2021.
Je le constate toutefois avec satisfaction, des efforts de pilotage de l'exécution de la mission ont été menés avec succès, qui doivent être poursuivis. La direction générale des outre-mer (DGOM) s'est ainsi pleinement engagée dans une démarche active d'évolution de ses modalités de pilotage, ce qui a eu pour conséquence principale une consommation des crédits davantage lissée sur l'année, favorisant un décaissement progressif, qui est davantage conforme aux besoins des territoires ultramarins.
Cet effort est positif, mais ne saurait être suffisant. Je vous invite à être vigilants afin que, faute de consommation effective des crédits alloués, cela ne conduise à terme à une ambition moindre pour nos territoires ultramarins.
Ce n'est pas le cas dans le projet de budget qui nous est présenté aujourd'hui : les crédits alloués à la mission « Outre-mer » augmentent légèrement par rapport à 2022. Ainsi, à la suite de l'engagement de la responsabilité du Gouvernement sur le PLF 2023, la mission « Outre-mer » est dotée pour 2023 de 2,75 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit une augmentation de 1,75 % par rapport à 2022, et de 2,58 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une légère hausse de 1,4 %.
La programmation des crédits est en effet marquée par un engagement renouvelé de l'État pour les territoires ultramarins, qui se traduit par des mesures nouvelles et un effort significatif en matière de soutien à l'emploi et à la formation ciblé sur les jeunes ultramarins, d'amélioration du parc de logements ultramarins et d'accompagnement des collectivités territoriales.
En matière de soutien à l'insertion et à la formation des jeunes ultramarins, ces crédits connaissent une hausse de près de 10 % en AE et de 13 % en CP, illustrant la volonté gouvernementale de recentrer son action sur cette priorité.
Je souhaite revenir sur la mesure relative au service militaire adapté (SMA). Celui-ci a de nouveau montré toute sa pertinence malgré la crise économique actuelle. Le niveau d'insertion a atteint sa cible en 2022 : 81 % des jeunes ayant participé à ce programme ont trouvé à l'issue un emploi stable. Ces bons résultats justifient que l'expérimentation du programme SMA 2025+, visant à élargir le public cible et à enrichir le contenu du programme engagé à Mayotte en 2022, soit étendue à toutes les unités sur l'ensemble des territoires ultramarins en 2023. Ainsi, le SMA sera ouvert aux mères célibataires, aux apprentis et aux mineurs décrocheurs dans tous les outre-mer. En outre, le programme va désormais accueillir des formateurs issus de grandes écoles et permettre aux jeunes de bénéficier de formations au numérique. Ainsi, près de 310 millions d'euros et 91 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires seront affectés à ces mesures auxquelles je souscris pleinement.
En matière de construction et de rénovation des infrastructures, l'année 2023 constituera la dernière année de mise en oeuvre du plan Logement outre-mer 2, initialement prévu pour 2022 et prolongé d'une année par le ministre Jean-François Carenco. Le PLF pour 2023 prévoit une hausse de 10 millions d'euros des crédits mobilisables en AE dans la ligne budgétaire unique (LBU) pour de nouveaux projets. Cela permettra de poursuivre la mise en oeuvre du plan et d'accompagner les stratégies territoriales des établissements publics fonciers et d'aménagement de Guyane et de Mayotte créés l'année passée.
Si je ne peux que me féliciter de cette augmentation indispensable des crédits alloués à la LBU, je ne peux que constater que le dispositif proposé n'est pas à la hauteur des enjeux en la matière, et ce d'autant que la situation spécifique de l'habitat insalubre et informel dans les territoires ultramarins impose une politique particulièrement volontariste.
En effet, selon les estimations de la DGOM, la proportion de logements indignes et insalubres dans les territoires ultramarins oscille entre 19,4 % et 27 %, contre moins de 1,2 % dans l'Hexagone. Cette situation appelle à réunir de toute urgence les moyens nécessaires à la résorption de ce type d'habitat. C'est pourquoi je vous proposerai, en accord avec les rapporteurs spéciaux Georges Patient et Teva Rohfritsch, un amendement visant à majorer de 4 millions d'euros en AE et CP les crédits destinés à la résorption de l'habitat insalubre.
En ce qui concerne l'accompagnement des collectivités ultramarines, troisième priorité du budget outre-mer pour 2023, des efforts sont prévus en matière d'aide à l'équipement des territoires. Cela passe par les contrats de convergence et de transformation, qui visent à réduire significativement et durablement les écarts de développement en matière économique, sociale et environnementale. Initialement conclus pour une période s'établissant de 2019 à 2022, ils ont été prolongés par avenant d'une année afin de permettre la conclusion de nouveaux contrats en 2023.
En 2023, 211,52 millions d'euros sont prévus en AE et 156,26 millions d'euros en CP au titre de ces contrats. C'est conforme aux engagements pris par le Gouvernement. Toutefois, je constate à regret que les outils de contractualisation ne permettent pas de pallier les difficultés tenant à la sous-consommation des crédits budgétaires. La faiblesse des montants consommés par rapport aux montants contractualisés est particulièrement alarmante et fait craindre une sous-consommation importante des crédits pour l'ensemble des collectivités : les dernières prévisions disponibles font état d'un taux de consommation des crédits qui s'établirait à 41 % seulement fin 2022. J'appelle par conséquent l'État à renforcer l'accompagnement des collectivités concernées par ce dispositif afin de consommer l'ensemble des crédits ainsi contractualisés.
De surcroît, l'année 2023 sera celle de nouvelles négociations pour conclure les contrats pour la période 2024-207. Il est nécessaire que le Gouvernement améliore ce dispositif et prenne en compte les pistes d'évolution remontées du terrain, tant par les représentants de l'État sur les territoires que des élus locaux eux-mêmes. Je pense notamment au manque de fongibilité des crédits au sein des contrats et à la nécessité d'élargir ces contrats à de nouvelles thématiques comme la santé.
Des actions fortes devraient enfin être menées afin d'accompagner les collectivités ultramarines dans le redressement de leur situation financière et budgétaire : 60 millions d'euros supplémentaires devraient y être dédiés. Cela traduit l'engagement de l'État à accompagner la collectivité territoriale de Guyane à rétablir sa capacité d'autofinancement ; le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement de Guadeloupe (SMGEAG) à réaliser les investissements nécessaires à la distribution d'eau potable en Guadeloupe, mais également à financer le dispositif COROM.
Ce soutien renforcé de l'État est d'autant plus nécessaire que la situation financière et budgétaire fortement dégradée de certaines collectivités ultramarines est particulièrement préoccupante. Les risques pesant sur leur santé financière se sont accentués du fait des tensions inflationnistes et du renchérissement du coût de l'énergie et posent avec une acuité nouvelle la problématique du retard de paiement aux conséquences pourtant désastreuses pour le tissu économique local.
C'est pourquoi je vous proposerai - c'est une initiative commune avec les rapporteurs spéciaux qui a été annoncée par le président Gérard Larcher au congrès des maires ultramarins hier - de renforcer ce dispositif d'accompagnement et de soutien au redressement des collectivités territoriales à hauteur de 20 millions d'euros, tant pour augmenter le nombre de ses bénéficiaires que pour renforcer les montants du soutien ainsi exceptionnellement accordés aux collectivités ultramarines.
Pour conclure, je souhaite vous rappeler que les crédits portés par la mission « Outre-mer » ne constituent qu'un dixième environ de l'effort total de l'État en faveur des territoires ultramarins. Il s'agit des actions spécifiques de l'État dans les outre-mer, chaque ministère étant par ailleurs chargé de la mise en oeuvre de ses politiques sur l'ensemble du territoire français, outre-mer compris. Ainsi, l'effort global de l'État en faveur des territoires ultramarins en 2023 représenterait 20,1 milliards d'euros en AE et 21,7 milliards d'euros en CP. Ces crédits en provenance d'autres missions budgétaires permettent, entre autres, de financer les plans thématiques outre-mer notamment le plan Eau DOM, le plan Sargasses 2 et le plan Chlordécone, qui répondent à des préoccupations fortes des élus locaux et aux besoins quotidiens des habitants. J'y suis particulièrement favorable, mais je souhaite toutefois souligner que ces dispositifs appellent un accompagnement et un suivi attentif de l'État afin que les acteurs locaux puissent pleinement s'en saisir.
L'ensemble de ces éléments me conduisent à vous proposer de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits, sous réserve de l'adoption des deux amendements que je vous soumets.
M. Mathieu Darnaud . - Je salue le travail exhaustif du rapporteur. J'observe que ce qui ne fonctionne pas dans l'hexagone ne fonctionne pas non plus outre-mer. Le filet de sécurité est, dans sa mouture 2022, un échec généralisé.
Je déplore la sous-consommation des crédits outre-mer. Comment peut-il en être ainsi quand on connaît les besoins criants s'agissant des questions du logement, de l'emploi, de l'insertion sur ces territoires ? Seul le SMA est un véritable point de satisfaction. Il importe de prendre la juste mesure de cette sous-consommation. L'augmentation des crédits peut n'être qu'un trompe-l'oeil si ceux-ci sont, au final, sous-consommés. Il convient de régler avec volontarisme les problématiques majeures, parfois douloureuses, que rencontrent les territoires ultramarins. Je pense en particulier à la situation à Mayotte et en Guyane.
Je tire la sonnette d'alarme. Il est urgent d'alerter l'État, ainsi que l'État territorial, sur l'incapacité chronique à consommer les enveloppes budgétaires et donc à répondre aux différentes problématiques rencontrées par les territoires ultramarins. Les collectivités sont dans l'incapacité d'accéder aux dispositifs proposés. Comme en métropole, il faut laisser plus de souplesse aux territoires pour qu'ils puissent s'adapter.
Mme Lana Tetuanui . - Par amitié, je pourrais voter les crédits de cette mission, mais je serai pragmatique : l'emballage est beau, mais le contenu laisse un goût amer. On nous octroie des crédits, mais on nous met des bâtons dans les roues à chaque étape pour accéder aux dispositifs proposés, avec, pour résultat final, une sous-consommation des crédits. Nous, parlementaires, passons notre temps ici à dénoncer tous les retards et les besoins de rattrapages que nous rencontrons dans nos collectivités. Les outre-mer sont-ils un fardeau pour l'État ? Je finis par me poser la question. Or ils sont une véritable chance pour la France.
Monsieur le rapporteur, je reste très dubitative. Le président Larcher a reçu les élus ultramarins il y a deux jours. Mais j'ai halluciné en entendant les élus de divers territoires. Nous sommes les oubliés de la République. Pis, avez-vous vu les résultats des dernières élections législatives dans les collectivités ultramarines ? Cela fait peur !
M. Jérôme Durain . - Je remercie le rapporteur pour la qualité de ses travaux. Je relève l'extrême sensibilité de cette mission eu égard au triptyque inflation, crise énergétique et détresse due à la vie chère ainsi qu'au cri d'alarme lancé lors des dernières élections.
Je le remercie d'avoir souligné la question centrale de la sous-exécution chronique des crédits. Je veux relativiser l'augmentation des crédits pour ce qui concerne le budget 2023, une part de cette hausse reposant sur une estimation prévisionnelle et mécanique des compensations d'exonération de cotisations sociales.
On ne peut pas aborder cette mission de manière uniforme. L'action n° 1, Soutien aux entreprises, dans le programme 138 voit ses crédits baisser, tandis que les crédits de l'action n° 2, Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle, ont un niveau plutôt satisfaisant. Il en est de même pour le programme 123 : si certaines évolutions dynamiques sont à souligner, elles ne peuvent à elles seules compenser les retards de ces territoires en termes d'équipements publics.
Parce qu'un certain nombre d'amendements adoptés par l'Assemblée nationale n'ont pas été conservés par le Gouvernement, après le recours à l'article 49-3 de la Constitution, et parce que cette mission manque d'une hauteur de vue, notre groupe s'abstiendra.
M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis . - Vous êtes revenus sur la question épineuse de la sous-consommation des crédits. La situation s'est légèrement améliorée, mais on ne saurait s'en contenter. Cette situation est d'autant plus dommageable que les collectivités rencontrent de graves difficultés. Le président Larcher est revenu sur ce point avant-hier lorsqu'il a reçu les élus d'outre-mer. Des solutions ont été envisagées. Je vais déposer une proposition de loi visant à remédier à la problématique de l'ingénierie, mais cette question est délicate. Lorsque l'on parle d'ingénierie dans les territoires, les collectivités s'offusquent à raison, au motif que l'ingénierie vaut d'abord pour les services de l'État. Toutefois, si nous légiférons sur ce sujet, cela permettra peut-être de conduire à des changements notables et d'apporter de nouvelles solutions aux collectivités. Je ne manquerai pas de vous tenir au courant de nos réflexions.
M. François-Noël Buffet , président . - Les amendements II-336 et II-337 ont été présentés par le rapporteur pour avis au cours de son intervention liminaire.
Les amendements II-336 et II-337 sont adoptés.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », sous réserve de l'adoption de ses amendements .
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Ministère chargé des outre-mer
Cabinet du ministre
M. Guillaume Vaille , conseiller budgétaire
Mme Lou Le Nabasque , conseillère parlementaire
Délégation générale des outre-mer (DGOM)
M. Marc Demulsant , sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État ;
Mme Gwenaëlle Chapuis , Adjointe au sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État
Mme Isabelle Richard , sous-directrice des politiques publiques
* 1 Cour des comptes, Les financements de l 'État en outre-mer , pour la commission des finances du Sénat, mars 2022, p. 60. Il est consultable à l'adresse suivante : https://www.ccomptes.fr/system/files/2022-05/20220524-financement-État-outre-mer_0.pdf .
* 2 Audition de Christophe Béchu le 10 novembre 2022 par la commission des lois du Sénat.
* 3 Décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 instituant une aide visant à compenser la hausse des coûts d'approvisionnement de gaz naturel et d'électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine, consultable à l'adresse suivante : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046003513 .
* 4 Calculs réalisés par la commission des lois du Sénat à partir des données publiées sur le site internet du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
* 5 Audition de Christophe Béchu le 10 novembre 2022 par la commission des lois du Sénat.
* 6 Cour des comptes, note d'exécution du budget 2021 pour la mission « Outre-mer », p. 31.
* 7 Graphique issu de la note d'exécution du budget 2021 précitée, p. 32.
* 8 Calculs réalisés par la commission des lois à l'aide des réponses de la DGOM aux questionnaires budgétaires.
* 9 Cour des comptes, rapport précité, p. 25.
* 10 Réponses de la DGOM au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis, p. 32.