EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 23 NOVEMBRE 2022

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Cette année, l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (RCT) s'inscrit dans un climat particulièrement anxiogène pour les élus des collectivités territoriales.

Dans un contexte inflationniste et, en particulier, de hausse inédite des dépenses d'approvisionnement en énergie, les incertitudes financières pour l'année 2023 pèsent lourdement sur les perspectives d'investissement des collectivités. En conséquence, les élus locaux espéraient un projet de loi de finances (PLF) pour 2023 à la hauteur de leurs craintes. Las ! ces espoirs seront, cette année encore, largement brisés.

Avant d'en venir à la présentation des crédits de la mission RCT, je souhaite donc attirer votre attention sur le contexte dans lequel ce projet de loi de finances est examiné : celui d'une vive inquiétude entre défiance d'une part et perte de marges de décision d'autre part.

La défiance, en premier lieu, marque la définition du cadre pluriannuel enserrant les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. En effet, faisant suite aux contrats dits « de Cahors », l'article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 prévoyait un nouveau dispositif de contractualisation dont le volet correctif s'avérait plus coercitif encore que son prédécesseur, fort peu regretté. Rejeté à l'Assemblée nationale et au Sénat, ce dispositif a
- étonnamment ! - été réintroduit par le Gouvernement au sein de l'article 40 quater du PLF. Il me semble que ce choix, faisant litière de la volonté clairement exprimée par la représentation nationale, n'augure en rien de la restauration d'un climat de confiance entre l'État et les collectivités territoriales, ni d'ailleurs entre le Parlement et le Gouvernement. Une telle initiative de ce dernier nous paraît incriminable, et je forme le voeu qu'à l'issue de la discussion parlementaire de ces deux projets de loi cette disposition ne figure dans aucun.

J'évoque maintenant la perte de marges de décision. D'une part, le contexte inflationniste devrait logiquement se traduire, faute de compensations nécessaires, par une diminution en volume des ressources des collectivités. Ainsi, la hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à hauteur de 320 millions d'euros est évidemment bienvenue, mais elle ne compensera ni la baisse tendancielle de cette dotation sur la décennie écoulée ni l'inflation prévue pour l'année 2023 : cette hausse ponctuelle se traduira donc par une diminution en volume de l'ordre de 2,9 %. Par ailleurs, chacun a pu le relever lors de l'audition du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, Christophe Béchu, vu la complexité et l'insuffisance des divers dispositifs de compensation des coûts de l'énergie prévus par le Gouvernement, leur articulation gagnerait indéniablement à être précisée.

Par ailleurs, les collectivités perdront en 2023 de nouvelles marges de décision en matière fiscale avec la suppression annoncée de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), que notre assemblée a opportunément rejetée lundi dernier en séance publique. Cette suppression, qui devrait vraisemblablement être rétablie à l'Assemblée nationale par le Gouvernement notamment dans le cas où il ferait de nouveau application de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, est d'autant plus critiquable que les modalités concrètes de territorialisation de la dynamique de la taxe sur la valeur ajoutée, qui viendra compenser cette perte de ressource fiscale, demeurent encore très floues.

Dans ce contexte, source de vives inquiétudes, les crédits inscrits au titre de la mission RCT enregistrent une baisse particulièrement regrettable de 12,84 % en autorisations d'engagement (AE) à l'échelle de la mission.

Le programme 119, qui concentre des dotations de soutien à l'investissement et des compensations financières des charges, connaît une diminution de 13,4 % en AE. Cette diminution résulte de deux facteurs.

D'une part, les crédits des dotations de compensation connaissent une légère diminution de 2,9 % en valeur - soit 58 millions d'euros - par rapport à ceux qui sont inscrits en loi de finances pour 2022. Ce fléchissement s'explique essentiellement par la non-reconduction par l'État de la dotation exceptionnelle versée en 2022 pour la compensation des pertes subies sur le dispositif de compensation péréquée (DCP). À nouveau, dans un contexte inflationniste, la relative stabilité de ces concours masque une nette baisse en volume : en adoptant l'estimation du Gouvernement d'un taux d'inflation de 4,2 %, ces dotations connaîtraient une baisse en volume de 7,3 %, poursuivant l'érosion progressive de ces dotations calculées au « coût historique ».

D'autre part, les crédits ouverts en AE pour le soutien à l'investissement des collectivités connaissent une diminution en valeur de 13,2 %. Cette diminution s'explique par la non-reconduction de dispositifs exceptionnels, en particulier d'un abondement de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) à hauteur de 303 millions d'euros en 2022. Ce retour au statu quo ante ne saurait pour autant nous satisfaire, car il se traduira par une diminution en volume de 19,9 % de ces dotations entre la loi de finances pour 2022 et ce qui est prévu par le PLF pour 2023.

Le programme 122, qui regroupe des crédits destinés à financer le soutien de l'État à des collectivités territoriales confrontées à des situations exceptionnelles, connaît une légère baisse des AE de l'ordre de 2,93 %, soit 7,6 millions d'euros. Néanmoins, cette diminution est largement périmétrique et n'implique pas un fléchissement du soutien de l'État aux collectivités concernées. Elle s'explique en particulier par la baisse, à hauteur de 17 millions d'euros, des AE allouées au fonds de reconstruction pour les collectivités touchées par la tempête Alex - les travaux nécessitent moins de crédits qu'en 2022 - et l'intégration de la dotation pour frais de garde d'enfants et d'assistance au prélèvement sur recettes de la dotation particulière « élu local » (DPEL).

Le programme n'appelle donc pas de remarque négative quant au montant des crédits inscrits ; il est en revanche problématique pour la sincérité du débat budgétaire que la justification de l'inscription sur la mission des dépenses d'informatique de la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui augmentent régulièrement, ne soit pas plus détaillée.

Enfin, comme chaque année, l'examen des articles rattachés offre l'occasion de renforcer les garanties de ressources pour certaines collectivités et d'améliorer la lisibilité des dotations pour les élus.

En premier lieu, je tiens à saluer l'ajout de l'article 45 ter , qui prévoit que le montant de la DPEL perçu par une commune nouvelle serait, à compter du 1 er janvier 2023, calculé comme étant la « somme des dotations particulières calculées sur le périmètre de leurs communes déléguées ». La crainte de la perte d'un montant de DPEL peut effectivement freiner la création de communes nouvelles ; j'ai eu l'occasion d'échanger à ce sujet avec Françoise Gatel, qui m'a confirmé l'intérêt d'un tel dispositif pour encourager ou, à tout le moins, ne pas décourager des projets de création de communes nouvelles.

Je relève néanmoins que, en l'état de sa rédaction, cette garantie n'est ouverte qu'aux communes nouvelles dont les communes « historiques » constituent des communes déléguées. Je vous proposerai, en conséquence, d'adopter un amendement tendant à assurer l'éligibilité de cette garantie à l'ensemble des communes nouvelles, y compris celles qui ne disposent pas de communes déléguées.

En second lieu, il me semble nécessaire de renforcer la lisibilité et l'association des élus dans l'attribution par l'État des dotations d'investissement. Je me félicite à cet égard qu'à la suite de la publication du rapport de nos collègues Claude Raynal et Charles Guené à ce sujet, la commission des finances se rallie - au moins partiellement ! - aux positions constamment défendues par notre commission sur ce thème. Je vous proposerai donc d'adopter trois amendements identiques à ceux qui ont été adoptés par la commission des finances : le premier prévoit que les décisions d'attribution de dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) soient prises par le préfet de région après avis des présidents de conseil départemental, rendu dans un délai de quinze jours ; le deuxième tend à améliorer l'information des élus locaux sur les subventions de DSID, en prévoyant que les orientations du préfet de région dans l'attribution de ces subventions et la liste des projets subventionnés seraient communiquées auprès de la commission relative à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR); et le troisième a pour objet de renforcer l'information des membres de la commission DETR, en prévoyant que soit communiquée à cette commission avant la fin du premier trimestre de chaque année la liste de l'ensemble des demandes éligibles et recevables, et non les seules opérations à subventionner, comme c'est actuellement le cas.

Enfin, je vous proposerai d'adopter un amendement tendant à supprimer l'article 45 bis , aux termes duquel les préfets de département et de région seraient désormais tenus de prendre en compte le « caractère écologique des projets dans la fixation des taux de subvention » pour les attributions de DETR et de DSIL respectivement. Entendons-nous bien : le verdissement des projets d'investissement des collectivités territoriales est une évolution positive et n'est aucunement remis en question dans cet amendement. Néanmoins, le critère proposé étant particulièrement imprécis et pouvant s'avérer inopérant, il n'apporterait que davantage de confusion dans un processus d'attribution déjà illisible pour bien des élus locaux. D'une part, l'article ne précise pas si le caractère écologique d'un investissement devrait être apprécié au niveau de la finalité du projet ou dans ses modalités concrètes de réalisation. D'autre part, à supposer que seule la finalité poursuivie par le projet soit prise en compte, le caractère écologique de celle-ci peut être discuté : par exemple, un investissement favorable à la décarbonation d'une activité, mais nuisant à la biodiversité, doit-il être considéré comme écologique ?

Au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption de ces quelques ajustements, je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

M. Mathieu Darnaud . - Je remercie le rapporteur pour ce rapport très exhaustif. J'observe que l'État ne s'impose pas ce qu'il impose aux collectivités, ce qui devient préjudiciable.

Ma première remarque sera conjoncturelle. L'augmentation de la DGF ne saurait masquer une baisse tendancielle et ne permettra en rien de juguler la hausse de l'inflation, dont les impacts sont lourds. Des maires m'ont fait part hier de leur inquiétude quant aux cantines scolaires et au prix de l'énergie.

Nous sommes plusieurs à avoir interpellé le ministre Christophe Béchu lors de son audition. Les trois dispositifs proposés, à commencer par le fameux filet de sécurité, peinent à nous convaincre tant les critères, y compris ceux de 2023, ne correspondent en rien aux besoins des territoires, et ce pour une raison simple : quels que soient les critères retenus, il y a autant de cas de figure que de communes en France, qu'il s'agisse de la signature des contrats d'énergie, des aides dont ont bénéficié les communes, du potentiel fiscal de la commune. Nos communes vont donc devoir faire face à une situation aussi inédite que douloureuse.

Ma deuxième remarque est structurelle, le lien entre les territoires et nos concitoyens ou nos entreprises est de plus en plus distendu avec la fin de la taxe d'habitation, ou encore la suppression programmée de la CVAE. Or la Cour des comptes préconise notamment le versement de la DGF aux intercommunalités, ce qui n'est pas pour nous rassurer.

Il est légitime d'exprimer ces inquiétudes, d'autant que nos concitoyens aspirent à plus de proximité et à voir le lien entre les collectivités être conforté, afin d'avoir une lisibilité de l'action publique. On fragilise dangereusement la strate communale ; on ne lui apporte pas de réponses conjoncturelles, ni structurelles. La Première ministre a parlé de renforcer le lien entre les présidents d'intercommunalité et les préfets ; est-ce à dire que, progressivement, l'intercommunalité va se substituer à la commune ? C'est une question que l'on peut se poser.

Enfin, la situation actuelle, si douloureuse soit-elle, ne doit pas éclipser le besoin d'une plus grande péréquation, si essentielle pour l'avenir de nos territoires.

M. Didier Marie . - Je remercie le rapporteur pour la qualité, la précision et la sévérité de son rapport, que je partage.

Cette mission est à replacer dans un contexte plus large. Elle ne représente que 4 % environ des transferts financiers de l'État aux collectivités.

Le Gouvernement s'est félicité de la « co-construction » de ce budget, qu'il aurait réalisée avec des associations d'élus. Or ces dernières nous alertent non seulement au sujet du manque de dialogue, mais surtout sur l'insuffisance des propositions au regard des difficultés financières qu'elles rencontrent. Si le Gouvernement se réjouit de l'abondement de la DGF à hauteur de 320 millions d'euros, nous ne pouvons que nous inquiéter : cette augmentation n'est pas du tout de nature à répondre aux problématiques actuelles en ce qu'elle ne représente, sur le volume total, que 1,2 %, un montant très en deçà du niveau de l'inflation. En fait, cet abondement équivaut à une baisse en moyens constants pour les communes, les départements et les intercommunalités.

Une réelle augmentation de la DGF indexée sur l'inflation, comme nous le proposons, permettrait aux collectivités de protéger leurs capacités d'autofinancement. Elle leur donnerait de la visibilité afin de programmer leurs investissements. Malheureusement, le Gouvernement reste sourd à cette revendication.

Le coût de l'énergie est par ailleurs un sujet d'inquiétude. Les communes redoutent de ne pas pouvoir boucler leurs budgets. Les maires nous informent que leur facture d'énergie a doublé, triplé, quadruplé, ce qui aura des conséquences sur leurs dépenses de fonctionnement et leurs capacités d'investissement. À cet égard, le filet de sécurité mis en place par le Gouvernement ne répond pas à cette situation. Il avait été annoncé l'été dernier que 22 000 communes seraient concernées. En réalité, selon les critères précisés début octobre, entre 7 000 et 9 000 communes, tout au plus, pourront en bénéficier. Nous attendons donc la mise en place d'urgence d'un véritable bouclier énergétique pour permettre aux communes de faire face.

Je note que les montants de la DETR et de la DSIL sont gelés, alors que les besoins sont plus importants que jamais. Nous souhaitons que la DETR soit effectivement destinée aux territoires ruraux et qu'elle ne soit pas partagée, comme elle l'est aujourd'hui, et également que la DSIL soit à la main des préfets de département après avis de la commission départementale. Si l'on peut constater que la nouvelle augmentation de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU) se fait par abondement de l'enveloppe totale de la DGF, comme nous le demandions depuis plusieurs années, il n'en reste pas moins qu'un abondement plus important aurait été bienvenu afin de permettre aux collectivités de répondre à divers enjeux, le réchauffement climatique en particulier.

La création d'un « fonds vert » méritera d'être précisée dans la discussion parlementaire. D'ores et déjà, nous pouvons considérer que son montant est loin du niveau des besoins exprimés.

En ce qui concerne la DPEL, nous regrettons qu'un certain nombre de petites communes en soient exclues du fait de leur potentiel financier.

En conclusion, ce budget ne va pas dans le sens de l'autonomie des collectivités territoriales, loin s'en faut, avec le retour de la contractualisation financière, supprimée par le Sénat, mais réintégrée par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances via l'usage de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, ce qui est un pur scandale. La suppression de la CVAE est un mauvais coup porté à nos collectivités, qui sont infantilisées et privées de toute marge de manoeuvre. Il est temps de leur redonner les moyens d'investir et de disposer de moyens de fonctionnement stables et dynamiques.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de cette mission, qui sont bien loin des souhaits exprimés par les élus.

Mme Nathalie Goulet . - Je constate que les conditions d'éligibilité à la DETR et à la DSIL sont toujours aussi opaques. Nous avons demandé à plusieurs reprises de connaître le motif des refus de DETR, en vain. J'aimerais connaître l'avis du rapporteur sur ce point.

On annonce la création et un abondement important du « fonds vert ». Les modalités d'attribution et de distribution doivent être précisées. Dans certains départements, la dotation serait plus importante que la DETR et la DSIL confondues. J'ai déposé un amendement prévoyant que la « commission DETR » soit informée.

Même si ce sujet ne fait pas techniquement partie de la mission RCT, il s'y rapporte sur le fond.

M. André Reichardt . - Je partage les constats du rapporteur, partagés par Didier Marie et Mathieu Darnaud. Je mesure les difficultés que ce budget va faire peser sur les collectivités locales. Dans ce cas, pourquoi M. le rapporteur propose-t-il un avis favorable aux crédits de la mission ?

M. Jean-Pierre Sueur . - Je partage bien des remarques formulées, notamment celles de Didier Marie. Après la suppression de la taxe professionnelle, puis de la taxe d'habitation, nous risquons d'assister à la disparition de la CVAE. C'est là un véritable changement de régime. LaRévolution française avait instauré un système clair en vertu duquel il fallait être élu pour pouvoir prélever l'impôt. Il existait un lien direct entre la décision de la commune et le fait de lever l'impôt. Or la capacité fiscale des collectivités, notamment des communes, devient presque résiduelle. Imaginons un seul instant que des gouvernants, des parlementaires veuillent redonner de la liberté fiscale aux collectivités, il faudrait faire voter de nouveaux impôts, en disant à nos concitoyens que les impôts nationaux baisseraient à due concurrence. Mais qui le croirait ? Aussi, il s'agit d'un changement presque irréversible.

M. André Reichardt . - Absolument.

M. Jean-Pierre Sueur . - Comme le Sénat a supprimé l'article 5 du projet de loi de finances pour 2023, portant suppression de la CVAE, il me paraît important, dans les jours qui viennent, qu'il soit ferme sur ses positions. Si d'aventure une seconde lecture était demandée par le Gouvernement, nous devrions résister collectivement et dire que nous tenons aux marges de liberté des collectivités locales en matière de fiscalité.

Mme Marie Mercier . - Nous avons cru comprendre que le Gouvernement songeait à favoriser le couple préfet-intercommunalité au détriment des communes. Or dans le même temps, la Cour des comptes prône une DGF distribuée aux intercommunalités, mais elle épingle celles-ci quant à leur budget de fonctionnement qui serait en augmentation et peu lisible. Aussi, j'ai du mal à saisir le positionnement du Gouvernement et les avis de la Cour des comptes.

M. Philippe Bas . - L'excellent rapport de Loïc Hervé, l'intervention de Mathieu Darnaud et les interventions des représentants du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain m'ont absolument convaincu de rejeter ce budget.

M. Mathieu Darnaud . - Permettez-moi de compléter mon propos.

Nous ne saurions nous satisfaire d'une augmentation de la DSIL et d'une stabilisation, voire d'une légère augmentation de la DETR. Comment les communes vont-elles pouvoir présenter des projets d'investissement, alors même que leur budget leur permet à peine de fonctionner, certaines d'entre elles étant dans une situation inextricable ? Il est temps que le Gouvernement prenne la mesure de la situation. Il y va de l'avenir de certaines communes.

Je partage l'avis de Nathalie Goulet. Comme pour les commissions DETR, il serait normal que les élus soient associés au « fonds vert », quant aux conditions d'éligibilité et à la répartition des subventions. Il serait préjudiciable que le Gouvernement rejette cette proposition.

Enfin, je reviendrai sur la question de la péréquation, on nous avait promis des mesures concernant le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Or certaines communes sont ponctionnées, alors même qu'elles sont pauvres. Elles subissent une double peine.

Toutes ces observations n'incitent pas à cautionner les crédits de cette mission, ni les orientations prises par le Gouvernement.

M. Éric Kerrouche . - On ne peut pas se satisfaire du fait que les collectivités locales soient un peu moins maltraitées. Les difficultés de financement sont réelles. Pour rebondir sur les propos de Mathieu Darnaud concernant la DETR, je veux préciser que nous sommes sollicités uniquement sur les projets les plus importants. Avec Agnès Canayer, nous avons demandé que le montant des projets soumis à notre consultation soit abaissé. Une subvention de 50 000 euros peut s'avérer très importante pour certaines communes.

De manière plus systématique, je partage l'avis de Mathieu Darnaud, on maintient les capacités d'investissement au travers de la DETR et de la DSIL, mais quid des autres dépenses ? Les communes sont dans une situation financière telle qu'elles ne pourront pas financer les investissements. C'est une spirale infernale. C'est pourquoi je pense que le budget de cette mission doit être sanctionné par un avis défavorable de notre commission.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Pour être très clair avec vous, on est dans la technique du pied dans la porte : l'essentiel de nos débats, si intéressant soit-il, ne relève pas de la mission RCT. Le « fonds vert » et la réforme de la CVAE n'en font pas partie. Cette mission nous donne l'occasion d'aborder ces sujets, mais ils n'entrent pas dans le périmètre de la mission RCT de laquelle, seule, nous sommes saisis dans le cadre du PLF.

Concernant mon avis sur les crédits, je souligne que la commission des finances a d'ores et déjà proposé d'adopter les crédits de cette mission. La première année que j'ai été rapporteur pour avis sur cette mission, j'avais proposé un avis défavorable sur ces crédits, mais cette position est difficile à présenter dans l'hémicycle. On pourrait en déduire que le Sénat rejette les financements de l'État aux collectivités locales - d'ailleurs, à l'époque, le Sénat ne m'avait pas suivi. Que l'on ne se méprenne donc pas sur nos intentions ! Outre la divergence de vues avec la commission des finances, j'attire votre attention sur ces conséquences. J'ai pesé le pour et le contre, un avis défavorable pourrait être mal interprété. C'est pourquoi je maintiens mon avis.

Je partage le constat que fait Mathieu Darnaud et sa préoccupation que soit privilégié le couple préfet-président d'intercommunalité. Dans mon département, le préfet s'adresse au président d'intercommunalité comme à un « super maire », y compris pour des compétences qui ne relèvent absolument pas du champ des intercommunalités. Lors de la crise liée à l'épidémie de covid-19 et en matière de politique contractuelle de l'État, il est très pratique d'avoir 21 interlocuteurs au lieu de 279, mais il ne faudrait pas oublier le principe de transfert de compétences des communes vers les intercommunalités : les intercommunalités exercent des compétences communales. Cette dérive est préoccupante.

Je vous rejoins sur le « fonds vert », mais, je le redis, ce sujet est en dehors du périmètre de la mission. Madame Goulet, il est vrai que les sommes distribuées seront très importantes dans certains départements. Nous avons proposé que les élus soient mieux associés. Nous avions proposé il y a quelques années la création d'une commission des investissements locaux, en rapatriant la DSIL régionale vers le département. Globalement, la commission DETR fonctionne bien. On peut encore renforcer sa transparence ainsi que le périmètre des projets sur lesquels elle est amenée à rendre des avis.

Concernant la motivation du refus des décisions, notre amendement répond, d'une certaine manière, à cette question en demandant au préfet de porter à la connaissance des élus les projets qu'il n'a pas retenus. En revanche, si nous demandions une motivation expresse, je crains que nous n'ayons pas de réponse circonstanciée. En droit, la motivation peut être lapidaire.

En conclusion, je crains que si nous rendons un avis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission afin de marquer notre mécontentement, cela pourrait être mal interprété et aboutir à l'effet inverse à celui escompté.

Mme Nathalie Goulet . - Le Sénat a déjà voté à trois ou quatre reprises la demande de motivation du refus des projets éligibles à la DETR, mais le Gouvernement nous a, à chaque fois, objecté les éventuels recours. Mais pensons à l'incompréhension de certains élus quand leur demande est refusée, alors que la commune voisine bénéficie de cette dotation pour faire des travaux similaires.

M. Didier Marie . - Jusqu'à présent notre groupe votait les crédits de la mission. Nous ne le ferons pas cette année au regard du contexte exceptionnel. Nous n'avons pas connu de crise comme celle-ci, avec l'explosion de la dépense énergétique et l'inflation. Les crédits de la mission RCT auraient pu être augmentés. Nous allons donc voter contre les crédits de cette mission au motif qu'elle fait partie d'un cadre général inacceptable pour les collectivités, et pour les communes en particulier.

M. André Reichardt . - Je m'inscris en faux contre l'argumentation consistant à dire qu'un avis défavorable sur ces crédits vaudrait rejet de la totalité de ces crédits. Envoyons un signal fort. Personnellement, je ne comprendrai pas que la commission des lois donne un avis favorable. Ce n'est pas parce que la commission des finances a proposé d'adopter ces crédits que nous devons la suivre. J'assume mon avis défavorable.

M. Guy Benarroche . - Alors que l'on met en avant une véritable politique d'autonomie financière des collectivités territoriales, il n'est pas possible pour le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires de voter en faveur de ces crédits.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Nathalie Goulet a raison, nous avons en effet voté, notamment lors de l'examen de la proposition de loi visant à réformer la procédure d'octroi de la dotation d'équipement des territoires ruraux, présentée par notre collègue Hervé Maurey, une disposition visant à demander la motivation des refus d'attribution de DETR. Il pourrait être intéressant de débattre de ce sujet dans l'hémicycle. Mon amendement répond partiellement à cette question en ce qu'il prévoit que l'ensemble des demandes soit porté à la connaissance de la commission DETR.

Article 45 bis

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - L'amendement II-289 tend à supprimer l'article 45 bis , qui prévoit l'ajout d'un nouveau critère fondé sur le caractère écologique des projets proposés. Cette notion est beaucoup trop imprécise. Je ne suis pas contre le verdissement des dotations, mais les critères doivent être techniques et précis.

M. François Bonhomme . - Je rejoins le rapporteur. Sortons du tropisme écologique actuel, sous n'importe quel vocable, dans n'importe quel projet, comme si le critère écologique était le seul sujet. Il faut trouver un point d'équilibre.

M. Mathieu Darnaud . - De manière générale, il faut cesser d'ajouter chaque année des critères en matière d'octroi et d'attribution des aides, d'autant qu'ils sont au final contournés. Laissons un peu de souplesse aux territoires.

M. Guy Benarroche . - Je me réjouis de ce nouveau tropisme écologique. On a gagné une première bataille culturelle. Néanmoins, j'en suis d'accord, une disposition imprécise est de nature à créer de la confusion.

M. Didier Marie . - Nous sommes favorables à ce que l'État accompagne les collectivités, notamment les communes, dans tous les investissements visant à améliorer notre impact environnemental. Toutefois, laissons à la DETR, qui est une dotation d'accompagnement des communes rurales, sa vocation, sans la brider par des critères particuliers. Nous voterons cet amendement.

Mme Cécile Cukierman . - Cessons de donner, année après année, des injonctions à la commission DETR, sauf à considérer qu'elle n'a plus d'utilité. Au contraire, redonnons-lui toute sa force. La multiplication des critères risque de faire en sorte que tout le monde in fine les contourne. N'oublions pas l'objectif initial, l'intérêt de la commune, et laissons un peu de souffle et de liberté à cette commission.

L'amendement II-289 est adopté.

Après l'article 45 bis

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Identique à un amendement déposé au nom de la commission des finances par les rapporteurs spéciaux Claude Raynal et Charles Guené, l'amendement II-290 tend à mieux garantir l'association des présidents de conseil départemental aux décisions d'attribution de la DSID.

M. François Bonhomme . - La semaine dernière, une décision favorable a été rendue pour que le département recrute un agent chargé du tourisme au prétexte qu'il faisait de l'ingénierie. Cet exemple illustre le risque de dénaturation de l'objet de la dotation. Il faut que les décisions d'attribution de la DSID soient davantage contrôlées et mieux justifiées.

M. Didier Marie . - Je voterai cet amendement, sachant que la DSID est exclusivement déployée par appel à projets en mettant en concurrence les départements d'une même région, alors qu'une part de cette dotation était auparavant ventilée de façon structurée. La multiplication des appels à projets nous interpelle. Le simple fait d'y associer les présidents de département est un premier pas dans la bonne direction.

L'amendement II-290 est adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Identique à un amendement déposé par les rapporteurs spéciaux Claude Raynal et Charles Guené, l'amendement II-291 tend à favoriser la pleine information des élus locaux sur les attributions de la DSID.

L'amendement II-291 est adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Toujours identique à un amendement déposé par les rapporteurs spéciaux, l'amendement II-292 prévoit de renforcer l'information des membres de la commission DETR, en leur communiquant la liste de l'ensemble des demandes éligibles et recevables.

L'amendement II-292 est adopté.

Article 45 ter

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - L'amendement II-293 tend à élargir le dispositif de la DPEL, en assurant l'éligibilité à l'ensemble des communes nouvelles, y compris celles dont les anciennes communes ne se sont pas constituées en communes déléguées.

L'amendement II-293 est adopté.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Je porterai en séance publique le message politique de la commission des lois.

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