COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE
M. CHRISTOPHE BÉCHU,
MINISTRE DE LA TRANSITION
ÉCOLOGIQUE
ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
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M. François-Noël Buffet , président . - Nous remercions le ministre de sa présence. Je rappelle que notre audition se tient dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de finances, plus spécifiquement sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont le rapporteur est Loïc Hervé. Nous évoquerons donc ensemble le budget des collectivités territoriales, leurs relations avec l'État et les difficultés des collectivités dans le contexte de crise que nous connaissons actuellement.
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. - Je vous remercie Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs les sénatrices et sénateurs, avant toute chose, je souhaiterais revenir sur la situation actuelle.
Les arbitrages sur le projet de loi de finances sont rendus durant l'été. À cette époque, le dernier élément d'information en date consistait en un rapport de la Cour des comptes, dont l'analyse reposait sur un état des lieux en début d'année 2022 et sur des estimations des comptes administratifs. Nous nous sommes basés sur cette photographie pour déterminer l'état de santé des collectivités territoriales, et elle traduisait globalement une amélioration sur cinq ans. Or la tendance actuelle diffère sensiblement. Ainsi, l'inflation déjà présente en 2021 a changé de nature et d'ampleur à partir du 24 février 2022, date de l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Afin d'en pallier les conséquences sur les finances des collectivités territoriales, le Sénat a ajouté un « filet de sécurité » dans la loi de finances rectificative, puis le Gouvernement a amendé sa copie. Des éléments restent à coconstruire dans le cadre de la discussion budgétaire et parlementaire, mais je tiens à présenter quelques éléments marquants :
• l'augmentation de l'enveloppe de DGF : elle progresse pour la première fois depuis 13 ans, à hauteur de 320 millions d'euros.
• la création d'un « fonds vert » : Ce fonds a vocation à soutenir le financement des projets des collectivités territoriales. Certes, les autorisations d'engagement liées au plan de relance et en lien avec le plan « Marseille en Grand » ne sont pas reconduites à cet égard, mais le solde reste très largement positif puisque le « fonds vert » sera abondé à hauteur de 2 milliards d'euros contre 1,5 milliard initialement. Ce fonds se veut extrêmement souple, et ne repose pas sur des appels à projets ou manifestations d'intérêt, qui le rendraient trop complexe pour apporter un appui financier réel et concret aux collectivités dès 2023 ;
• la stratégie face à la hausse des prix de l'énergie . Nous ajustons cette stratégie, dans un contexte où les prix évoluent et où une partie des discussions impliquent nos partenaires européens s'agissant de la réforme du marché de l'électricité. La façon d'agir la plus efficace et vertueuse en termes de finances publiques consiste à obtenir des baisses de prix avant d'étudier les solutions. Nous proposons deux dispositifs : un « amortisseur » et un nouveau « filet de sécurité ». Ce dernier peut sembler complexe dans la détermination de son montant, mais il présente l'intérêt de ne pas se limiter aux prix de l'électricité et permettra de répondre efficacement à une partie des surcoûts significatifs.
M. Loïc Hervé , rapporteur pour avis . - Monsieur le ministre, je souhaite avant toute chose revenir sur l'article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 et sur l'échange que vous avez eu avec Christine Lavarde dans l'hémicycle.
Les contrats dits « de Cahors » n'ont pas laissé un bon souvenir chez les présidents d'exécutifs des collectivités territoriales et de leurs groupements, ni chez les parlementaires ; ils ont constitué une source de tensions dans la relation entre l'État et les collectivités territoriales. Nous ne sommes pas soumis aux mêmes obligations en termes d'équilibre budgétaire, que nous soyons à votre place, monsieur le ministre, ou à la place des élus en charge de budgets de collectivités territoriales.
L'Assemblée, puis le Sénat, ont supprimé cette idée de « contrats de confiance », des contrats dont l'essentiel des clauses sont léonines. Devons-nous placer un tel licol autour du cou des collectivités territoriales pour satisfaire des exigences européennes ? Les collectivités locales sortent de la crise liée à l'épidémie de covid-19 et font aujourd'hui face à la hausse du coût de l'énergie. Elles me semblent capables de gérer leurs finances et ne méritent pas de tels dispositifs infantilisants. Tel est en tout cas ce qui ressort des auditions que j'ai conduites dans le cadre de l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je vous invite en conséquence à regarder comment faire évoluer ce dispositif.
Un deuxième sujet illustre la différence de positions du Sénat et du Gouvernement quant aux finances locales :la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Nous sommes en train de tuer l'un des derniers impôts locaux de France sans avoir réformé ni la fiscalité locale ni la fiscalité des entreprises. La CVAE est le dernier impôt qui trace un lien entre la richesse produite dans un territoire et les collectivités territoriales, qui aménagent et rendent des services publics aux entreprises et aux salariés. Quand le lien entre l'industrie et le territoire aura définitivement disparu, il sera difficile de réindustrialiser le pays. Si la France possède une appétence à l'impôt, c'est parce que nous savons comment il est employé.
Je sais que des propositions de suppression de l'article 5 s'exprimeront. D'autres suggéreront de différer cette réforme dans le temps. Pour le moment, vous envisagez de supprimer la CVAE sans réfléchir à la manière de financer les collectivités territoriales avec ceux qui créent la richesse sur leur territoire. Nous parlons ici des entreprises, mais nous n'avons pas non plus obtenu gain de cause s'agissant des ménages puisque la taxe d'habitation a été supprimée et remplacée par des compensations.
Enfin, vous avez évoqué le fonds vert, de 2 milliards d'euros. On semble rassuré que le préfet de département, et non le préfet de région, attribue ces dotations. On pointe aussi un début de verdissement de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Comment envisagez-vous d'harmoniser ces deux dispositifs ? Avez-vous l'intention d'associer les élus locaux au processus d'attribution ? L'association des élus était intéressante pour la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), mais pas du tout pour la DSIL. Chaque année, nous tentons de créer un dispositif pour associer les élus locaux, et nous n'y parvenons pas. Nous aurons peut-être de nouvelles propositions.
M. Mathieu Darnaud . - Lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement, Jean-Michel Arnaud a relayé les inquiétudes légitimes de nos collectivités face à une situation aussi inédite que douloureuse s'agissant des énergies. Je souhaite à mon tour vous livrer une inquiétude sur ce qui constitue une forme de poison mortel pour l'avenir de nos collectivités.
Lors de la création du « filet de sécurité », nous avions insisté sur l'importance de son caractère opérationnel. Nous devons aux maires des dispositifs opérationnels et une parole de l'État tenue. Je m'étonne donc de recevoir de la part du ministre Gabriel Attal des propositions de versement d'acomptes pour l'Ardèche, alors que vous avez indiqué lors de la séance de questions au Gouvernement que vous-même n'avez pas à ce jour l'état des programmations de ce « filet de sécurité » pour l'année 2022 à l'échelle nationale. Cela ne me rassure pas.
Nous pouvons comprendre que des critères soient nécessaires et que les 22 000 communes susceptibles d'être éligibles initialement ne le soient finalement pas toutes. Cependant, les chiffres actuels inquiètent. Mon département compte 335 communes, dont beaucoup de communes rurales dans des situations très compliquées, et seules 29 entreraient dans le dispositif évoqué. Ce « filet de sécurité » ne sera donc pas au rendez-vous. De plus, certaines communes pourraient être obligées de restituer l'avance en mars car les critères auraient été mal estimés. Ce n'est pas possible, et je le dis avec solennité : l'heure est grave, et nous devons agir ensemble car il en va de notre crédibilité collective. Nos maires doivent faire face à une angoisse quotidienne, et la moindre des choses serait de leur donner de la transparence et de la clarté.
Enfin, j'avais cru comprendre en 2017 que le Président de la République souhaitait nous voir réfléchir à des dispositifs de péréquation. Or nous n'avons pas avancé sur le sujet et nous n'avons pas non plus réfléchi à l'avenir du fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), qui pose question notamment sur les effets de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « NOTRe ».
La ministre Caroline Cayeux a achevé sa réponse à la question d'actualité qui lui a été posée en se référant au rapport de la Cour des comptes relatif aux scénarios de financement des collectivités territoriales. Or, la même Cour des comptes s'est également prononcée, dans le fascicule 2 de son rapport sur les finances locales pour 2022, en faveur de l'attribution de la dotation globale de fonctionnement (DGF) à l'échelle du bloc communal, avant sa répartition entre l'intercommunalité d'une part et ses communes membres d'autre part. Je souhaiterais connaître votre sentiment sur cette question.
M. Philippe Bas . - Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous indiquiez, avec des chiffres précis, l'évolution du pouvoir d'achat de la dotation globale de fonctionnement depuis dix ans. Nous avons connu des baisses de dotation sous le quinquennat de François Hollande, puis un gel sous le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Vous vous apprêtez aujourd'hui à faire un geste, mais il convient d'en mesurer la portée.
La baisse de capacité financière de la dotation globale de fonctionnement a un effet très fort dans une période où les dépenses ont augmenté sous l'effet des normes, des transferts de charges et de l'augmentation des traitements des fonctionnaires. À cet effet de ciseaux considérable s'est ajoutée la suppression d'impôts locaux, générant une situation qui justifie l'inquiétude exprimée par nos collègues.
Je ne mésestime pas les efforts que vous avez annoncés, certes limités mais qui présentent le mérite d'exister. Je souhaiterais toutefois que vous nous éclairiez sur le contexte du budget 2023, après dix ans d'érosion de la capacité financière des dotations globales de fonctionnement.
Enfin, je souhaite vous interroger sur un point plus anecdotique, relatif à une centaine de petites communes. La dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL), qui finance notamment les indemnités des élus locaux, est fonction du potentiel financier, censé refléter la richesse du territoire. Or, quand un habitant fortuné s'installe dans sa commune, le potentiel financier peut en être affecté et le maire peut voir sa dotation supprimée sur ce seul critère, alors qu'il accomplit le même travail. L'État ne se ruinerait pas à intervenir dans ces cas, et je présenterai un amendement en ce sens. Je souhaiterais que vous lui apportiez un soutien public.
M. Guy Benarroche . - Je tiens tout d'abord à m'associer à la position et aux inquiétudes exprimées par Loïc Hervé et Mathieu Darnaud.
Ma première question part du constat d'un besoin réel d'investissement dans les mobilités du quotidien. Le développement des transports en commun varie sur l'ensemble du territoire, et les territoires ruraux s'inquiètent aujourd'hui de l'augmentation annoncée des péages de SNCF Réseau. Par ailleurs, le développement des transports en commun de certaines métropoles très urbanisées s'avère encore très éloigné de celui d'Île-de-France. Des amendements ont été présentés sur le versement mobilité entreprise au moment du projet de loi de finances rectificative, visant à porter leur taux maximal à celui ayant cours en région parisienne. Ces amendements ont été rejetés hier à l'Assemblée nationale avec un avis défavorable du Gouvernement. Je rappelle pourtant que les membres des groupes Les Républicains et Renaissance, élus des Bouches-du-Rhône, les avaient défendus localement. Avez-vous des propositions pour permettre aux collectivités de mettre en oeuvre les mobilités nécessaires à leur développement ?
Par ailleurs, vous connaissez sans doute le problème des péréquations liées aux attributions de compensations (AC) ou à la dotation de solidarité des communes d'Aix-Marseille-Provence. La publication du rapport de la Cour des comptes le 20 octobre 2022 fait état de 178 millions d'AC versées indûment. Cette métropole a désormais besoin de visibilité pour prendre des décisions avant le 31 décembre 2022. Seriez-vous disposé à intégrer dans le projet de loi de finances pour 2023 un mécanisme progressif pour corriger cet état de fait ?
M. Alain Richard . - Certaines publications spécialisées ont récemment fait paraître des esquisses de répartition du « fonds vert ». J'en saisis mal la pertinence, dans la mesure où cette répartition relève normalement des préfets de département, sur dossier. Pourriez-vous préciser que vous émettrez prochainement une circulaire ou un guide sur l'utilisation du « fonds vert », à destination des préfets et élus utilisateurs ? Pourriez-vous également vous assurer d'un délai suffisant pour que les communes présentent leurs dossiers ?
Par ailleurs, j'ai cru comprendre que le ministre de l'économie et le ministre des comptes publics disposaient d'une légère marge en sortie d'exécution 2022. Nous pourrions donc progresser encore sur le « filet de sécurité » pour surmonter l'effet de seuil que crée le critère d'éligibilité de diminution annuelle de l'épargne brute de 25 %. En effet, de nombreuses communes et intercommunalités risquent de manquer cette cible pour quelques milliers d'euros. Certaines optimisent du reste leurs comptes administratifs pour satisfaire ce critère. Je suggère dans ce contexte de créer un deuxième étage, entre 20 % et 25 % de baisse d'excédents, le cas échéant avec des remboursements moins élevés, pour lisser cet effet de seuil.
N'étant pas polytechnicien, je n'ai quasiment rien compris à la présentation de la Première ministre sur le système « d'amortisseur électricité ». Il me semblerait donc opportun que le Gouvernement fasse paraître un document d'explication.
Enfin, il apparaît positif que les collectivités de petite dimension - celles ayant moins de 2 millions d'euros de recettes et moins de 10 emplois - soient éligibles au tarif réglementé de vente (TRV), mais les collaborateurs de Gabriel Attal ont précisé que le critère des effectifs portait bien sur 10 emplois et non 10 équivalents temps plein (ETP). Or nombre de ces petites collectivités cumulent les emplois à temps partiel dans les services techniques et scolaires sans pour autant dépasser les 10 ETP, ce qui les empêche d'accéder au tarif réglementé. Je vous invite donc à considérer un petit effort pour régler ce problème.
Mme Françoise Gatel . - L'action publique est conduite par l'État et les collectivités territoriales, ces dernières rendant des services essentiels à la population, y compris pour le compte de l'État. Comme le Président de la République l'a répété, vous souhaitez une relation de partenariat responsable et confiant entre l'État et les collectivités. Dans ce contexte, les contrats dits « de Cahors » n'ont pas rencontré le succès espéré. Je rappelle à cette occasion la ligne suivie constamment sur ce sujet par cette assemblée : qui décide paie ; et à l'inverse, qui assume le coût doit pouvoir décider.
Le Gouvernement propose la disparition de la CVAE. Cette contribution fait pourtant le lien entre les collectivités, qui agissent pour le développement économique de leur territoire, et les entreprises qui s'y installent. Nous faisons en outre face à la menace du « zéro artificialisation nette » (ZAN), qui nous incitera à terme à choisir, dans notre politique locale d'aménagement, entre l'habitat et le développement économique. Quand ce dernier soulève du mécontentement de la part des concitoyens, l'absence de recettes ne semble pas très incitative. Je vous invite donc à revenir sur la suppression de la CVAE.
Si vous tenez réellement à diminuer les impôts de production, il conviendrait alors de réfléchir à la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) au sujet de laquelle j'ai proposé hier un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Cette taxe rapporte 3,6 milliards d'euros à l'État, destinés au financement de l'assurance vieillesse. Elle coûterait beaucoup moins cher en compensation à l'État que la CVAE.
J'aurai ensuite une question sur le « filet de sécurité », que le sénateur de Mayotte, Thani Mohamed Soilihi, m'a demandé d'étendre à l'outre-mer. Je salue votre effort, et sa reconduction en 2023, mais ce « filet de sécurité » inventé par Bercy s'avère très complexe et verrouillé. Je doute qu'il soit utilisé, car nous ne connaîtrons l'état d'un des trois critères d'éligibilité qu'en mars ou avril 2023. De plus, beaucoup de communes ont été écartées. Serait-il possible de simplifier ce dispositif, en lien avec les réalités de terrain ?
La situation est grave. Les collectivités craignent aujourd'hui 2023 et 2024, et risquent de prévoir un budget d'investissement faible ou nul, bloquant un moteur économique dont les entreprises ont besoin.
Enfin, 110 communes n'ont eu aucun candidat aux élections municipales en 2020, contre 80 en 2014. Nous constatons par ailleurs des démissions. Le dispositif de la commune nouvelle permettrait d'y remédier, mais il est victime de ses conditions financières. Entendez-vous l'améliorer ?
Mme Cécile Cukierman . - L'heure est grave quand, dans un pays comme le nôtre, une collectivité fait le pari du réchauffement climatique pour passer l'hiver en économisant sur les fluides dans ses équipements publics. Nous nous trouvons dans une situation ubuesque, et les élus ne savent plus comment satisfaire des besoins des populations.
Au moment du confinement, nous avons su débloquer les moyens nécessaires pour maintenir le niveau social de notre pays et accompagner les entreprises. Ce qui se passe aujourd'hui dans les collectivités suscitera certainement dans les mois à venir un plan de licenciement silencieux mais massif. Si les communes ne peuvent plus investir, les entreprises, les très petites entreprises (TPE), les artisans et toutes les activités qui peuvent être délocalisées en seront les premières victimes. L'investissement a déjà commencé à diminuer, sous l'effet de la hausse des matériaux dès fin 2021. Même les collectivités qui avaient bénéficié de dotations ont renoncé à des projets ou les réduisent.
La réponse doit être à la hauteur de ces enjeux, mais le nombre de communes bénéficiaires du « filet de sécurité » nous interpelle. Ainsi, seules 13 communes le sont sur les 323 que compte le département de la Loire. Si nous rendions cette liste publique, nous mettrions le feu aux territoires, et tel n'est pas notre souhait.
Je vous invite à réécouter la réponse que vous avez apportée lors de la séance de questions d'actualité au Gouvernement. Même avec des connaissances poussées en finances locales, le dispositif apparaît très compliqué et générera beaucoup de difficultés. Pour 2023, il convient avant tout de débloquer des fonds suffisants et de trouver des solutions plus simples.
Je rappelle qu'en période d'inflation, les recettes de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de l'État ne diminuent pas. La question de l'indexation, totale ou partielle, de la DGF sur l'inflation se pose, et ce d'autant plus compte tenu de la création du « fonds vert ». Si ce fonds fonctionne sur le même principe que tous les dispositifs de co-financement entre l'Etat et les collectivités territoriales, à savoir par une participation maximale de l'Etat plafonnée à 80 % du coût d'un projet, il ne constituera une bonne nouvelle que pour ceux qui disposent des 20 % restants ; il continuera donc de fracturer les collectivités entre elles.
Enfin, nous avons besoin de dispositifs pour aider, accompagner et sécuriser l'investissement, mais nos collectivités rencontrent également des difficultés de fonctionnement qui réduisent leurs capacités d'investissement. Le projet de loi de finances doit pouvoir y répondre, mais nous en sommes encore loin.
M. Dominique Théophile . - Certaines communes ont signé un contrat de redressement outre-mer (COROM). Bénéficieront-elles du « filet de sécurité » en 2023 ?
M. André Reichardt . - Dans mon département de plus de 500 communes, seules 21 seraient éligibles au « filet de sécurité ». Il ne s'agit du reste que de 1 000 euros, qu'elles ne sont même pas certaines de conserver. Dès le PLFR voté, j'ai largement relayé l'effort mené, mais je ne le referai pas. Je milite aujourd'hui pour un discours clair et je rejoins à cet égard mes collègues sur la complexité du dispositif. Nous avons besoin d'éléments lisibles, notamment sur « l'amortisseur » évoqué par la Première ministre, et d'une véritable prise en compte des besoins des collectivités, en particulier dans les sommes allouées.
M. Didier Marie . - Si nous nous trouvions dans le contexte de l'année dernière, nous aurions pu nous féliciter des décisions contenues dans ce budget. Le contexte a toutefois changé. Les collectivités sortent de la crise liée à l'épidémie de covid-19, et certaines en subissent encore quelques difficultés. Par ailleurs, à la suite du conflit en Ukraine, nous connaissons une flambée du coût de l'énergie et un pic de l'inflation, qui se répercutent massivement sur les budgets de nos collectivités. Les indicateurs de précarité augmentent également : 85 % des Français estiment qu'ils devront se serrer la ceinture ou ont commencé à le faire, ce qui se traduit par un afflux dans nos centres communaux d'action sociale (CCAS) et des demandes d'allocations de solidarité dans nos départements.
Parallèlement, des décisions prises par l'État s'imposent aux collectivités sans compensation totale : l'évolution du point d'indice dans la fonction publique territoriale, l'augmentation des rémunérations des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), l'augmentation du revenu de solidarité active (RSA), l'avenant 43 pour l'aide sociale des départements, la modification des modalités de gestion de la taxe dite « GEMAPI ».
Dans ce contexte, la suppression de la CVAE apparaît malvenue. Elle constituait le dernier lien entre le territoire et le monde économique, mais aussi le dernier impôt puissant revenant aux collectivités. Vous souhaitez le remplacer par une part de TVA, mais il s'agit par définition d'un impôt volatile, susceptible de diminuer en fonction de la situation économique. La suppression de la CVAE produit également des conséquences sur les fonds de péréquation des départements. En conséquence, nous risquons une panne de l'investissement local.
La commission de régulation de l'énergie (CRE) a annoncé avant-hier que l'État percevrait 30,9 milliards d'euros de la part des producteurs d'énergies renouvelables, soit 20 milliards d'euros de plus que l'année dernière. Ne pourriez-vous pas en utiliser une partie pour indexer la DGF sur l'inflation, ce qui correspond à une demande forte de l'ensemble des collectivités territoriales, améliorer le « filet de sécurité » et répondre aux revendications des associations d'élus ?
M. Christophe Béchu. - Je vous remercie pour toutes ces questions, qui relèvent principalement de quatre sujets : les contrats « de Cahors », la CVAE, le « filet de sécurité » et le « fonds vert ». J'y reviendrai dans cet ordre, après avoir confirmé à M. Théophile que les communes relevant du COROM peuvent bénéficier du filet de sécurité.
C'est Bercy qui a souhaité imaginer des contrats « de Cahors bis », en se basant sur la capacité d'autofinancement. Se baser sur les dépenses de fonctionnement n'était pas aussi pertinent dans la période d'inflation actuelle. Le signal s'est toutefois révélé catastrophique : nous semblions dire que nous ne faisions pas confiance aux collectivités territoriales dans leur gestion et nous laissions penser que l'État était par nature vertueux et les collectivités territoriales par nature dépensières.
Nous souhaitons maintenant y mettre un terme, en évitant des contrats individuels et des dispositifs automatiques. Je m'y suis employé, en recevant toutes les associations d'élus avec Gabriel Attal début juillet, en ne cachant rien des différentes hypothèses envisagées et en aboutissant à un point d'équilibre. Nous n'aurons pas de contrats individuels et nous fonderons l'application de ce mécanisme sur un indicateur connu depuis longtemps : l'objectif d'évolution des dépenses des collectivités locales (ODEDEL). Si, à la mi-2024, les comptes administratifs 2023 montrent que des collectivités se sont éloignées de leur trajectoire, nous organiserons des rendez-vous spécifiques avec les préfets. Nous verrons alors si des éléments conjoncturels permettent de l'expliquer ou si des trajectoires de retour à l'équilibre doivent être établies.
L'examen du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 s'était engagé sur cette base, mais l'attitude de la majorité à l'Assemblée nationale a conduit à le dévitaliser et ce projet de loi n'a pas pu être adopté. Pour autant, le respect d'une trajectoire maastrichtienne dans l'évolution de nos dépenses publiques relève d'une obligation européenne, et elle entraîne des conséquences dans l'appréciation par les prêteurs de la solidité de notre situation financière et donc dans nos taux d'intérêt. Nous pouvons feindre de l'ignorer, au risque d'aggraver encore le problème dans les finances publiques nationales et locales à travers le rehaussement des taux d'intérêt. Nous devons donc rassurer les marchés quant à la soutenabilité de notre trajectoire de retour à l'équilibre, qui n'est pas la plus rapide de l'Union européenne, en envoyant des signaux sur la diminution du poids de nos dépenses publiques.
J'ai la conviction que nous devons revenir à l'esprit initial des contrats de confiance. L'absence d'accord sur le projet de LPFP nous a conduits à réintroduire le dispositif par voie d'amendement dans le projet de loi de finances, avec un mécanisme d'autant plus dur qu'il est provisoire --comme le précise l'exposé des motifs de l'article 23 du projet de LPFP. Du reste, ce mécanisme ne pourra pas s'appliquer avant 2024 car il implique une comparaison entre les comptes administratifs 2023 et 2022 dans l'appréciation de la trajectoire.
Je pense que des compromis sont possibles. Nous sommes tous dans la même situation, et le contribuable ne perçoit que les conséquences de l'impôt, qu'il soit local ou national, sur son pouvoir d'achat. Nous disposons selon moi de marges dans ce domaine, et je ne souhaite pas recréer un climat de défiance. Au contraire, nous avons besoin de recréer la confiance. Dans le cadre de l'examen de la LPFP et du PLF, nous sommes ouverts à l'intelligence collective, en particulier sur le titre 4 de l'article 23 du projet de LPFP, relatif aux sanctions.
S'agissant de la CVAE, je suis en désaccord avec vous pour plusieurs raisons. La première est de nature politique et relève d'une conception peut-être un peu démodée : quand on prend un engagement devant les électeurs, on le tient. Le Président de la République a pris un engagement très clair, et ne pas le tenir alimenterait l'idée que les hommes politiques s'affranchissent de leurs promesses de campagne une fois élus.
Par ailleurs, la majorité sénatoriale a longtemps eu trois convictions fortes : que la gestion de deniers publics implique de rester attentifs à la dette ; que le poids des prélèvements obligatoires en France, sensiblement supérieur à la moyenne européenne, constitue un frein pour son attractivité ; qu'il faut préserver la responsabilité des élus.
L'argument selon lequel la suppression de la CVAE nous prive de recettes publiques me semble discutable : diminuer un impôt qui pèse sur les entreprises stimule-t-il au contraire l'activité en générant un surplus de recettes fiscales supérieur à cette perte ?
Je rappelle ensuite que les élus locaux ont perdu leur pouvoir de taux lors de la création de la CVAE, et ne disposent donc pas d'une autonomie fiscale dans ce domaine. Il s'agit d'un impôt national. Remplacer une part de CVAE par une part de TVA n'y change donc rien.
Cet impôt reflète l'attractivité économique d'un territoire, et nous ne devons pas désinciter les élus en le supprimant. Il ne s'agit pas là d'autonomie fiscale, mais de politique économique, en particulier dans un contexte où le ZAN pourrait créer une tension.
Objectivement, ce choix coûtera plus cher aux finances publiques que le dispositif initialement prévu. Nous avons déjà procédé à des prélèvements sur recettes par le passé, et l'État ne les a pas toujours respectés, en les rabotant au fil du temps. De plus, cette dynamique n'est pas acquise. Remplacer la CVAE par de la TVA diffère totalement. Certes, la TVA est un impôt volatile, mais la CVAE l'est également, et même beaucoup plus : ainsi, la TVA a diminué pour la dernière fois en 2009, et la CVAE il y a trois ans. Les variations de CVAE à l'échelle d'un territoire s'avèrent en outre beaucoup plus importantes. En moyenne depuis dix ans, la CVAE a progressé de 2,5 % par an, contre 3,5 % pour la TVA. En contexte d'inflation, la TVA mécaniquement indexée sur celle-ci produit un effet de compensation.
Nous entendons peu les régions dans le débat budgétaire. En effet, les recettes de TVA des régions atteignent 9 %, en lien avec cette progression. L'État ne limite pas la compensation pour les collectivités où la TVA a déjà remplacé d'autres fiscalités, et n'envisage pas non plus de le faire pour le remplacement de la CVAE. Le dispositif reflétera donc mieux les cycles économiques dans la qualité de compensation.
Nous devons en revanche mieux accompagner les territoires qui agissent pour accueillir des entreprises. Un mécanisme repose pour cela sur la progression des bases, calculée sur la cotisation foncière des entreprises (CFE), et sur la progression des effectifs. Le lien est ainsi maintenu.
J'ai entendu la proposition relative à la C3S, mais elle porte principalement sur des services (banques, assurances). La CVAE est deux fois plus intense pour les entreprises industrielles, qui paient 25 % de la CVAE alors qu'elles ne représentent que 10 % des emplois. Si nous souhaitons réindustrialiser le pays, il vaut mieux supprimer la CVAE.
Concernant le « filet de sécurité », je suis édifié par les chiffres que j'ai entendus et je vais solliciter les analyses menées par département. Ces chiffres renforcent ma conviction que le « filet de sécurité » doit s'améliorer en 2023. Seuls 10 % à 15 % des collectivités bénéficieraient du filet de sécurité, de 430 millions d'euros. Nous envisageons aujourd'hui de multiplier par plus de trois ce montant, en lien avec les besoins de couverture du delta de « l'amortisseur électricité ». Nous devons toutefois regarder si nous sommes bien au rendez-vous de notre promesse de soutien aux collectivités territoriales, et ce rapidement en vue du dispositif 2023. Selon moi, un critère fondé sur la diminution de la capacité d'épargne brute de 25 % reste trop restrictif. Il incite soit à creuser le déficit en 2022 soit à ne pas limiter certaines dépenses en 2023 pour justifier d'une baisse de la capacité d'autofinancement.
Les sénateurs comme les membres du Gouvernement ont indiqué que la crédibilité de la parole publique serait engagée si les sommes n'étaient pas au rendez-vous des dispositifs de soutien votés. Pour élargir le dispositif, nous pouvons intervenir sur l'entrée dans le dispositif - et notamment ce taux de 25% -, mais aussi sur le mécanisme de compensation - égal à 50 % de l'écart réel entre les dépenses d'énergie et 60 % de l'augmentation des recettes réelles de fonctionnement. Au passage, nous pouvons sans doute rendre plus lisible ce mécanisme en le réécrivant. Cependant, le verrou qu'il introduit sur les dépenses sera plus important que les conditions d'entrée. Le sujet réside donc moins dans la perte d'épargne brute que dans cet écart entre la progression des recettes et la progression des dépenses d'énergie. Nous ne devons pas créer une prime à la mauvaise gestion.
« L'amortisseur électricité » s'avère très complexe. Quand une collectivité consomme 100 MW, la moitié est couverte par le dispositif « accès régulé à l'électricité nucléaire historique » (ARENH) à un prix fixe. Pour la deuxième moitié, l'État prend en charge 50 % de l'écart entre 325 et 800 euros/MWh. Il convient toutefois de prendre en compte la moitié prise en charge par l'ARENH, ce qui porte le prix à 180 euros. Des collectivités payant 200 euros seront donc bien aidées par l'État.
J'attire votre attention sur l'intérêt de conditions de révision des contrats si le moment de signature correspond à un pic de prix et si les prix diminuent dans les mois à venir.
Enfin, vous avez évoqué le « fonds vert ». J'ai rencontré hier tous les préfets de France et esquissé la base d'une circulaire. Ces 2 milliards d'euros seront souples et faciles d'utilisation, mais nous souhaitons fixer quelques règles aux préfets. Nous avons à cette fin imaginé 14 portes d'entrée simples, selon lesquelles les mesures positives pour le climat ou la biodiversité rendent éligibles (par exemple, l'érosion du trait de côte, les communes de montagne confrontées au réchauffement climatique, la rénovation de bâtiments, le changement de l'éclairage public, la préservation de la biodiversité).
Les enveloppes ont été fournies à titre indicatif et leur répartition se fera par territoire, et non par thème. Nous allons les pré-notifier aux préfets de région, afin qu'ils les répartissent par département. Puis nous enverrons rapidement des conseils ou circulaires, afin que les contacts se nouent avec les associations d'élus et que les dépenses soient engagées.
Le verdissement suggéré de la DSIL ne constitue pas une orientation gouvernementale à l'heure actuelle. Nous souhaitons toutefois parvenir à des budgets verts en 2023, conçus non pas par Bercy mais par les associations d'élus. Nous avons demandé à l'Association des maires et présidents d'intercommunalités de France (AMF), l'Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France de nous suggérer un cadre de budget vert. Nous devrons par exemple nous entendre sur le caractère vert ou non de la construction de routes. Ce dialogue pourrait fournir l'occasion de voir comment améliorer notre efficacité climatique, voire de créer des liens entre contrats de relance et de transition écologique (CRTE) et DSIL, mais tel n'est pas le sujet pour le moment. Nous analyserons avant tout le retour d'expérience du « fonds vert ».
Comment associer les élus ? Les associations d'élus peuvent-elles en déterminer les critères ? Je vous avoue que je suis très partagé sur la question, d'autant qu'il s'agit de la première année. Nous devons nous montrer très transparents avec les élus sur l'utilisation des fonds, mais je ne suis pas certain de la nécessité d'une commission en amont sur ces 2 milliards d'euros. Nous n'y sommes pas hostiles, mais à condition que cela n'ajoute pas de complexité à ce dispositif, que les associations d'élus souhaitent simple et rapide.
J'en viens aux dispositifs de péréquation. Le budget présente de légères progressions, et le contexte des finances publiques ne milite pas pour un changement en profondeur des règles au regard des incertitudes actuelles.
J'ai lu le rapport de la Cour des comptes évoqué par Mathieu Darnaud, et je suis absolument hostile au transfert de la DGF au niveau des intercommunalités. Nous devons défendre l'intercommunalité, mais lui transférer la DGF en ferait une cible pour ceux qui critiquent déjà son poids. Le remède serait pire que le mal. Par ailleurs, l'obligation de projets de territoire me semble une fausse bonne idée, et risque d'aboutir à des projets sans volonté ni ambition réelles. Nous devons plutôt déterminer comment accompagner des intercommunalités, pour qu'elles évitent de devenir de simples guichets de répartition entre communes.
Philippe Bas a souligné l'évolution de la DGF sur dix ans. Elle est restée stable jusqu'à la dernière année du quinquennat Sarkozy, où elle a diminué de 200 millions d'euros, puis le quinquennat Hollande a été marqué par des baisses d'ampleur inédite (10,741 milliards d'euros sur la période). Les 320 millions d'euros envisagés ne restaurent pas les sommes prises aux élus durant ce quinquennat Hollande, mais dépassent les suppressions du quinquennat Sarkozy.
L'effort envisagé pour 2023 est sans précédent, mais dans un contexte d'inflation inédit. Nous optons pour des dispositifs de soutien ciblés, et non généralistes, car il existe des hétérogénéités considérables devant les prix de l'énergie selon les collectivités. Le mécanisme retenu est sans doute moins lisible, et l'AMF aurait souhaité l'ajout de 700 millions d'euros, mais nous y consacrons tout de même 2,5 milliards d'euros.
Vous avez évoqué l'impact que pourrait avoir l'arrivée d'un contribuable sur la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) dans certaines communes. Je m'en remettrai à la sagesse de votre assemblée pour corriger d'éventuels effets de bord, en vous signalant au passage que nous devons ajouter 1 million d'euros pour couvrir les frais de garde d'enfants ou d'assistance dans les plus petites communes.
M. Benarroche m'a interrogé sur le versement mobilité de la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Le taux national dépend du niveau de service. Un tramway ou un métro ouvre droit à 2 %, sauf Paris qui a droit à 2,95 %. Benoit Payan et Martine Vassal ont suggéré d'aligner la situation de Marseille sur celle de Paris, mais je m'attends à ce que Lyon puis Bordeaux me demandent ensuite la même chose. Je ne plaide pas pour un dispositif propre à un territoire. De surcroît, l'argument des 178 millions d'euros ne me semble pas bon. Le rapport de la chambre régionale des comptes du 31 août 2022 rappelle que l'État n'a pas imposé des transferts privant la métropole d'une capacité à assumer ses charges de centralité. Les conditions de création de la métropole et les accords locaux ont abouti à cette situation. Nous ne pouvons pas corriger un défaut de conception par un surplus de fiscalité.
Personnellement, je ne serais pas choqué que nous réfléchissions aux zones à faible émission. Nous pourrions imaginer que les territoires concernés bénéficient d'une surprime de ZFE, permettant de financer des mesures d'accessibilité sociale ou de généraliser les transports en commun. Les grandes agglomérations pourraient ainsi être accompagnées et certaines collectivités convaincues de l'intérêt d'une politique ambitieuse en matière de qualité de l'air.
Alain Richard a évoqué les critères du TRV, notamment celui des 10 salariés ou ETP. Je découvre ce problème et je m'enquerrai de la manière de l'accompagner.
Mme Gatel m'a interrogé sur le « filet de sécurité » dans les outre-mer, mais ceux-ci présentent la spécificité que les collectivités, entreprises et particuliers sont soumis au tarif réglementé. Ils y sont donc plus protégés qu'en métropole, avec une fiscalité réduite dans certains cas qui permet de compenser la cherté de la vie.
Une question a porté sur les communes nouvelles. L'épidémie de covid-19 a éclipsé la loi créant les communes-communautés, qui étaient l'oeuvre de Mme Gatel. L'inspection générale de l'administration préconise dans un rapport récent d'en refaire la publicité. Le texte considéré comme adopté par l'Assemblée au titre de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution reprend un amendement déposé par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoire (LIOT) visant à maintenir le niveau de DPEL en cas de création d'une commune nouvelle. Nous sanctuarisons donc cet avantage pour les communes nouvelles.
J'ai entendu les propos de Cécile Cukierman sur la nécessité de soutenir les investissements. Toute la difficulté consiste toutefois à soutenir des investissements qui évitent des puits sans fond en matière de fonctionnement. Nous avons dans ce cadre la volonté de modifier le code de la commande publique. L'État et les collectivités territoriales se trouvent aujourd'hui contraints par un article de ce code qui nous empêche de passer des contrats de performance rémunérés sur les économies. Si nous le modifions, nous pourrons libérer des masses d'investissement considérables, par exemple pour passer en LED les 10 millions de lampadaires de France dont seuls 15 % le sont aujourd'hui. Ces lampadaires représentent en moyenne 40 % des dépenses d'électricité des collectivités, et un passage en LED permet de réduire les frais de 40 % à 50 %. Nous devons trouver des leviers pour dégager ces marges, et ils ne relèvent pas uniquement de la dépense publique. L'Allemagne sait parfaitement débudgétiser, et nous pouvons nous en inspirer et nous montrer imaginatifs.
Enfin, Didier Marie m'a interpelé sur 30,9 milliards d'euros qui pourraient être récupérés, mais ces sommes sont déjà très largement engagées. Le bouclier tarifaire des collectivités représente ainsi 46 milliards d'euros de dépenses et 30,9 milliards d'euros de recettes. La rente des énergies renouvelables permet en réalité de financer les deux tiers du bouclier tarifaire pour les particuliers et structures de moins de 10 salariés. Sur cette somme, nous assumons un effort de près de 16 milliards d'euros. Nous le complétons avec les 12 milliards d'euros résultant de « l'amortisseur électricité », du guichet pour les très grandes entreprises et du « filet de sécurité » pour les collectivités territoriales. Cette somme est assurée par les 3 milliards d'euros du fonds « Ukraine » et les 7 milliards d'euros du dispositif de rente européenne applicable aux surprofits liés au gaz. L'écart est couvert par des crédits budgétaires déjà inscrits. Malheureusement donc, nous ne disposons d'aucun surplus.
J'espère que mes réponses vous auront pour la plupart satisfaits. J'aurai l'occasion de vous répondre de nouveau dans l'hémicycle.
M. François-Noël Buffet , président . - Nous vous remercions pour ces explications.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat .