III. LES ARTICLES RATTACHÉS : RENFORCER LES GARANTIES, AMÉLIORER LA LISIBILITÉ DES DOTATIONS POUR LES ÉLUS
A. DES GARANTIES BIENVENUES POUR LES RESSOURCES DE CERTAINES COLLECTIVITÉS
Parmi les articles rattachés à la mission, quelques-uns offrent d'opportunes garanties de ressources pour certaines collectivités territoriales , qu'il convient néanmoins de renforcer. L'article 45 ter 26 ( * ) prévoit ainsi que le montant de dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) perçu par une commune nouvelle serait, à compter du 1 er janvier 2023, calculé comme étant la « somme des dotations particulières calculées sur le périmètre de leurs communes déléguées ». La crainte de la perte d'un montant de DPEL peut freiner la création de communes nouvelles .
Comme l'a montré le rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) de juillet 2022 relatif aux communes nouvelles 27 ( * ) , l'absence d'incitation financière au regroupement a pu expliquer l'échec relatif des régimes juridiques prévus par les lois dites « Marcellin » 28 ( * ) et « RCT » 29 ( * ) . A l'inverse, la création de garanties financières à partir de 2014 30 ( * ) a permis un net accroissement du nombre de communes nouvelles créées à partir de 2015 avant de connaître, à partir de 2020, un plateau.
Évolution du nombre de communes nouvelles créées depuis 2013 31 ( * )
Source : commission des lois d'après des données de la DGCL
L'évolution prévue à l'article 45 ter s'inscrit donc dans un mouvement bienvenu d'encouragement à la création de communes nouvelles, qui tend à s'essouffler depuis trois ans. Le rapporteur relève néanmoins qu'en l'état de sa rédaction, cette garantie n'est ouverte qu'aux communes nouvelles dont les communes « historiques » constituent des communes déléguées. En conséquence, la commission a adopté un amendement tendant à assurer l'éligibilité de cette garantie à l'ensemble des communes nouvelles .
Par ailleurs, la commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 46, qui étend l'éligibilité de la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales à un plus grand nombre de communes, sur sa fraction « parcs nationaux » 32 ( * ) comme « parcs naturels régionaux » 33 ( * ) .
B. FAVORISER LA LISIBILITÉ ET L'ASSOCIATION DES ÉLUS À L'ATTRIBUTION DES DOTATIONS D'INVESTISSEMENT
1. Renforcer l'information et l'association des élus
La commission regrette que les crédits de l'État dédiés au soutien à l'investissement des collectivités territoriales soient répartis selon des modalités ne permettant pas la parfaite lisibilité et la pleine association des élus . D'une part, les crédits ouverts au titre du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, dit « fonds vert », seront répartis selon des modalités qui demeurent indéterminées et n'offrent pas les mêmes garanties que les procédures d'attribution prévues pour des dotations telles que la DETR ou la DSIL 34 ( * ) .
D'autre part, jugeant l'information et l'association des élus sur les décisions d'attribution structurellement insuffisantes, l a commission a adopté à l'initiative de son rapporteur trois amendements identiques à ceux de la commission des finances tendant :
- conformément à une position constante de la commission des lois , à prévoir que les décisions d'attribution de dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) soient prises par le préfet de région après avis des présidents de conseil départemental , rendu dans un délai de 15 jours;
- à améliorer l'information des élus locaux sur les subventions de DSID , en prévoyant que les orientations du préfet de région dans l'attribution de ces subventions et la liste des projets subventionnés seraient communiquées auprès de la commission départementale des investissements locaux (dite « commission DETR ») ;
- renforcer l'information des membres de la « commission DETR », en prévoyant que soit communiquée à cette commission avant la fin du premier trimestre de chaque année la liste de l'ensemble des demandes éligibles et recevables - et non les seules opérations à subventionner, comme c'est actuellement le cas.
2. Favoriser la lisibilité des décisions d'attribution
Souhaitant éviter toute complexification inutile de l'attribution des dotations d'investissement, la commission a adopté un amendement tendant à supprimer l'article 45 bis 35 ( * ) . Cet article prévoit que les préfets de département et de région seraient désormais tenus de prendre en compte le « caractère écologique des projets dans la fixation des taux de subvention » pour les attributions de DETR et de DSIL respectivement.
En premier lieu, l'ajout de ce nouveau critère pourrait entrer en contradiction avec les critères déjà définis dans la loi pour l'attribution de ces projets . Il convient de ne pas altérer une procédure d'attribution dont les élus trouvent souvent - en particulier pour la DSIL - qu'elle n'est pas d'une parfaite lisibilité.
En second lieu, le critère proposé est particulièrement imprécis et pourrait s'avérer inopérant en rendant l'appréciation par le préfet du caractère écologique du projet malaisée. D'une part, l'article ne précise pas si le caractère écologique d'un investissement devrait être apprécié au niveau de la finalité du projet ou dans ses modalités concrètes de réalisation. D'autre part, à supposer que seule la finalité poursuivie par le projet soit prise en compte, le caractère écologique de celle-ci peut être discuté : par exemple, un investissement favorable à la décarbonation d'une activité mais nuisant à la biodiversité doit-il être considéré comme écologique ?
Alors que le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires devrait flécher de nouveaux investissements vers des projets dont le caractère écologique sera garanti, et faute de nécessaires clarifications juridiques, la commission a donc proposé la suppression de cet article susceptible de créer un risque contentieux .
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* *
Réunie le 23 novembre 2022, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission, tout en adoptant cinq amendements aux articles rattachés.
* 26 Issu d'un amendement n° II-1112 de Bertrand Pancher et ses collègues du groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, conservé par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'alinéa de l'article 49 de la Constitution.
* 27 Inspection générale de l'administration (B. Acar, P. Reix, V. Giudici), Les communes nouvelles : un bilan décevant, des perspectives incertaines , consultable à l'adresse suivante : https://www.interieur.gouv.fr/Publications/Rapports-de-l-IGA/Rapports-recents/Les-communes-nouvelles-un-bilan-decevant-des-perspectives-incertaines .
* 28 Loi n° 71-588 du 16 juillet 1971 sur les fusions et regroupements de communes.
* 29 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
* 30 Voir en particulier l'article 133 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, qui a prévu le maintien, dans un contexte de diminution tendancielle de la dotation globale de fonctionnement (DGF), du montant de cette dernière pour les communes nouvelles durant les trois ans suivant leur création. Peut également être citée la création d'une dotation d'amorçage en remplacement de la précédente majoration de la part forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement à hauteur de 5 %, par l'article 250 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
* 31 Note : les années 2011 et 2012, lors desquelles aucune commune nouvelle n'avait été créée, ne sont pas représentées.
* 32 Les amendements n° s II-2865 et II-2900 du Gouvernement et de Joël Giraud respectivement, repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité au titre de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, prévoient que soient éligibles à cette fraction l'ensemble des communes dont le territoire terrestre est en tout ou partie compris dans un parc national - et non les seules communes situées dans le coeur de tels parcs comme précédemment prévu - et respectant les autres critères d'éligibilité.
* 33 Les amendements n° s II-3311 et II-3313 du Gouvernement et de Joël Giraud respectivement, repris dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité au titre de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, prévoient que l'éligibilité de cette fraction soit ouverte l'ensemble des communes dont le potentiel financier par habitant est inférieur au double du potentiel financier moyen par habitant des communes de la même strate et qui respectent les autres critères d'éligibilité.
* 34 Par exemple, la faculté du préfet de région de déléguer au préfet de département la signature de décisions d'attribution de subventions au titre de la DSIL, ouverte à l'article 155 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS ».
* 35 Ajouté par l'amendement n° II-442 de Marina Ferrari, Jean-René Cazeneuve et Joël Giraud, repris par le Gouvernement dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité au titre de l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution.