II. UNE DIMINUTION INACCEPTABLE DE CRÉDITS QUI ENTÉRINE L'AFFAISSEMENT DU SOUTIEN DE L'ETAT AUX COLLECTIVITÉS
Divisés en deux programmes, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », qui représentent environ 4 % du total des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales en crédits de paiement (CP) 22 ( * ) , connaissent une diminution de 12,84 % en autorisations d'engagement à l'échelle de la mission .
A. LA DIMINUTION DES CRÉDITS POUR LE PROGRAMME 122 EST LARGEMENT PÉRIMÉTRIQUE
Le programme 122 « Concours spécifiques et administration », qui regroupe des crédits destinés à financer le soutien de l'État à des collectivités territoriales confrontées à des situations exceptionnelles, connait une légère baisse des autorisations d'engagements de l'ordre de 2,93 % , soit 7,6 millions d'euros.
Néanmoins, cette diminution est largement périmétrique et n'implique pas un amoindrissement du soutien de l'État aux collectivités concernées. En effet, elle s'explique en particulier par la baisse à hauteur de 17 millions d'euros des AE allouées au fonds de reconstruction pour les collectivités touchées par la tempête Alex et l'intégration de la dotation pour frais de garde d'enfants au prélèvement sur recettes de la DPEL, concentrées sur l'action n° 1, les actions n° s 2 et 4 ne connaissant qu'une légère hausse des crédits.
En revanche, le rapporteur appelle l'attention sur l'augmentation des crédits, au sein de l'action n° 2, finançant les dépenses d'informatique de la direction générale des collectivités locales (DGCL). Si une telle hausse n'est, dans son montant comme dans son objet, aucunement problématique, le rapporteur s'étonne à nouveau de l'inscription de ces crédits au sein de la mission , alors que les dépenses informatiques ont été transférées à la direction du numérique du ministère de l'intérieur (DINUM) depuis le 1 er janvier 2020, et regrette le caractère par trop allusif de la justification de la hausse des dépenses d'informatique de cette direction.
B. LA BAISSE DES CRÉDITS PRÉVUS POUR LE PROGRAMME 119 FAIT COURIR LE RISQUE D'UNE DIMINUTION DE L'INVESTISSEMENT LOCAL
Les crédits ouverts au titre du programme 119 ont pour objet, d'une part, le soutien à l'investissement des collectivités territoriales pour un montant cumulé de 2,07 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) à l'échelle du programme et, d'autre part, des compensations financières des charges transférées aux collectivités territoriales ou leurs groupements via le versement de concours de dotation générale de décentralisation (DGD), pour un montant de 1,96 milliard d'euros en AE et en CP .
1. Une compensation des transferts à nouveau entamée par l'inflation
Les crédits des dotations de compensation connaissent une légère diminution de 2,9 % en valeur (soit 58 millions d'euros) par rapport à ceux inscrits en loi de finances pour 2022. Les DGD des communes et des régions étant relativement stables et la dotation « concours particuliers » ne connaissant qu'une faible hausse, cette diminution s'explique essentiellement par la diminution de 51,7 millions d'euros de la DGD des départements 16,3 % en AE et CP, en raison de la non-reconduction par l'État de la dotation exceptionnelle versée en 2022 pour la compensation des pertes subies sur le dispositif de compensation péréquée (DCP).
Néanmoins, la relative stabilité de ces concours masque une nette baisse en volume : en adoptant l'estimation du Gouvernement d'un taux d'inflation de 4,2 %, ces dotations connaîtraient une baisse en volume de 7,3 %. La commission déplore à nouveau que de tels crédits, compensant des transferts de compétences passés au « coût historique », connaissent une érosion progressive en termes réels due à l'inflation, s ans faire l'objet d'une compensation adéquate par l'État.
2. Une nette diminution du soutien à l'investissement local due à l'extinction de dispositifs exceptionnels
Après une nette hausse pour l'exercice 2022 de 17,4 %, les crédits ouverts en AE dans le projet de loi de finances pour 2023 pour le soutien à l'investissement des collectivités connaissent une diminution en valeur de 13,2 % . Cette baisse s'explique, à titre principal, par la non-reconduction de plusieurs dispositifs exceptionnels de soutien à l'investissement.
Ainsi, les crédits inscrits pour l'action n° 1, qui rassemble près de la moitié des crédits du programme 119 et qui inclut les diverses dotations de soutien aux projets des communes et de leurs groupements, diminuent en valeur de 13,6 % en AE . Cette baisse importante s'explique par la non-reconduction de l'abondement exceptionnel de 303 millions d'euros en autorisations d'engagement de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), par l'absence d'abondement de la dotation du plan « Marseille en grand » ainsi que par l'intégration de la dotation finançant les frais d'assurance pour la protection fonctionnelle des élus au prélèvement sur recettes qui finance la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux (DPEL) 23 ( * ) . Imparfaitement compensée par la hausse de deux dotations 24 ( * ) , l'extinction de ces dispositifs exceptionnels se traduit donc, à périmètre constant, par une relative stabilité de ces crédits . Il en va de même pour ceux ouverts pour le soutien aux projets des départements (action n° 3), qui diminuent de 20 millions d'euros en raison de l'extinction de la dotation exceptionnelle destinée à améliorer l'attractivité du département de la Seine-Saint-Denis, la dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID) demeurant stable.
La relative stabilité de ces dotations de soutien à l'investissement des collectivités se traduit néanmoins, dans un contexte inflationniste, par une nette diminution en volume . À l'échelle du programme, les autorisations d'engagement ouvertes pour ces actions diminuent ainsi en volume de 19,9 % pour 2023, comme le montre le tableau ci-dessous.
Évolution en valeur et en volume des dotations de soutien à l'investissement 25 ( * )
Source : commission des lois, à partir des documents budgétaires
Dans ces conditions, la commission s'inquiète du défaut de soutien de l'État à l'investissement local , qui représente une part déterminante du total de l'investissement public. Elle alerte ainsi sur le risque que constitue un tel désengagement dans le contexte de particulière inquiétude qui caractérise actuellement les finances locales : le fléchissement de l'appui de l'État aux collectivités territoriales pourrait en effet porter un coup fatal à nombre de leurs projets d'investissement. Au bénéfice de ces observations, la commission a donc émis un avis défavorable à l'adoption des crédits inscrits au titre de la mission .
* 22 Direction du budget, Annexe au projet de loi de finances, Transferts financiers aux collectivités territoriales pour 2023 .
* 23 Article 13 du présent projet de loi de finances.
* 24 La dotation forfaitaire titres sécurisés, ainsi que la dotation dite « biodiversité » connaissent ainsi un abondement pour 2023 de 3 millions d'euros et 10 millions d'euros respectivement en AE. La réforme prévue à l'article 45 quater relative à la délivrance des titres sécurisés, qui devrait se traduire par un abondement de 20 millions d'euros, ne s'est pas traduite en l'état par un abondement de crédits correspondant.
* 25 Source : commission des lois, à partir des données du PLF pour 2023. Les calculs pour l'évolution en volume sont réalisés à partir d'une prévision d'inflation de 4,2 % pour 2022, conformément aux prévisions de la Banque de France (septembre 2022), consultables à l'adresse suivante : https://publications.banque-france.fr/projections-macroeconomiques-septembre-2021 .