EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 2 NOVEMBRE 2022
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M. Laurent Lafon, président . - Nous examinons ce matin le rapport pour avis de notre collègue Stéphane Piednoir sur le projet de loi de finances pour 2023.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Il y a quinze jours, la ministre nous a présenté, avec l'engagement et la pédagogie que nous lui reconnaissons tous, un budget 2023 en progression de 1,1 milliard d'euros pour atteindre au total 25,7 milliards d'euros. Cette hausse globale est essentiellement portée par la compensation de la hausse du point d'indice, le déploiement de la loi de programmation de la recherche (LPR) et la prorogation de mesures de soutien aux étudiants.
Quelles sont les grandes lignes des évolutions de crédits pour l'enseignement supérieur stricto sensu ?
Le programme 150, qui finance les établissements, est abondé de 700 millions d'euros supplémentaires, soit une progression de 4,8 % par rapport à 2022, fléchés principalement sur la compensation de la revalorisation du point d'indice, la poursuite de la mise en oeuvre de la LPR et des mesures nouvelles telles que la création de places en licence et master pour tenir compte de la démographie étudiante, l'élaboration de nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance, ou l'accueil des stagiaires dans les instituts nationaux supérieur du professorat et de l'éducation (Inspé).
Le programme 231, qui finance la vie étudiante, est doté de 50,2 millions d'euros supplémentaires, soit une hausse de 1,6 % par rapport à 2022, destinés notamment à la compensation aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) du repas universitaire à un euro pour les étudiants boursiers et précaires, au financement des aides directes (bourses, aides au mérite, aides à la mobilité...) et à l'accompagnement des étudiants en situation de handicap.
Même s'il ne comporte pas de mesure « phare », ce budget en augmentation est, sur le papier, plutôt de nature à rassurer les opérateurs.
Pourtant, en audition, tous m'ont dit leur inquiétude face à une équation budgétaire 2023 particulièrement complexe.
Première raison à cela, la non-compensation du relèvement du point d'indice pour la période allant de juillet à décembre 2022, qui représente un coût supplémentaire de 180 millions d'euros pour les établissements d'enseignement supérieur. Heureusement, pour 2023, la ministre a réussi à obtenir de Bercy la compensation en année pleine ; elle en avait fait, selon ses termes, sa « ligne rouge absolue ».
Deuxième raison à l'inquiétude des opérateurs, les conséquences du choc énergétique sur leurs finances, déjà fortement contraintes - je me dois de rappeler ici l'absence de compensation du glissement vieillesse technique (GVT), qui équivaut à une charge annuelle de 50 millions d'euros.
L'annonce médiatique, par l'Université de Strasbourg d'une possible fermeture deux semaines supplémentaires cet hiver pour faire des économies d'énergie, a au moins eu le mérite d'alerter sur l'ampleur des surcoûts auxquels les établissements font face. Les universités sont concernées au premier chef puisqu'elles hébergent la très grande majorité des laboratoires et des infrastructures de recherche, particulièrement énergivores dont certaines doivent fonctionner en continu.
Jusqu'à cette polémique, Bercy n'avait sans doute pas pris la mesure du problème, d'où l'absence d'enveloppe compensatoire dans le projet de loi de finances initial.
Selon les dernières estimations disponibles, les surcoûts énergétiques pour les établissements d'enseignement supérieur, de l'ordre de 100 millions d'euros en 2022, seraient au moins multipliés par 4 en 2023.
Dès septembre, le ministère a appelé ses opérateurs à recourir à leur fonds de roulement pour financer les surcoûts.
Cette solution budgétaire d'urgence n'est cependant pas aussi « magique » qu'elle n'y paraît :
- d'abord, parce que l'état de ces fonds est très hétérogène d'un établissement à l'autre et qu'il ne faudrait pas pénaliser « les bons élèves » qui ont su constitué des réserves ;
- ensuite, parce qu'une partie de ces fonds est souvent déjà gagée sur des projets d'investissement en cours ou à venir, qu'il n'est pas question de compromettre ;
- enfin, parce qu'il ne saurait être touché à la réserve de précaution correspondant au seuil prudentiel de 15 jours de fonctionnement.
Seul peut donc être ponctionné, pour absorber une partie des surcoûts actuels, le fonds de roulement « dormant », c'est-à-dire la partie des fonds non fléchée et donc disponible.
Au regard de l'importance des surcoûts estimés et des différences de capacités de trésorerie des établissements, Bercy a accepté de travailler sur un dispositif de compensation, que la ministre nous a annoncé lors de son audition et qu'elle a précisé jeudi dernier.
Celui-ci va prendre la forme d'une ouverture de crédits de 275 millions d'euros dans le prochain collectif budgétaire. Les montants versés aux établissements tiendront compte de la situation de chacun, notamment du poids des dépenses d'énergie dans leur budget de fonctionnement et du niveau de leurs réserves mobilisables.
Cette rallonge budgétaire est évidemment une bonne nouvelle pour les établissements, dont les représentants n'ont pas manqué de remercier la ministre pour son interventionnisme efficace. Outre le montant débloqué, la méthode choisie du « au cas par cas » semble la plus appropriée compte tenu de la diversité des situations.
Malgré ses conséquences financières, la crise énergétique est aussi le moment, pour les opérateurs, de mettre un coup d'accélérateur à leur démarche de sobriété, dont le degré d'avancement est variable d'un établissement à l'autre. Cela passe par :
- l'élaboration systématique de bilans énergétiques, bâtiment par bâtiment, accompagnée de la mise en place d'outils de suivi des consommations ;
- un pilotage plus fin dans la gestion technique des bâtiments ;
- une réflexion sur l'usage des locaux au regard de l'évolution des pratiques de travail (télétravail, visioconférence..) et des nouvelles modalités d'organisation (plateformes, open space , mutualisation des locaux...).
Un autre levier mérite, à mes yeux, d'être sérieusement étudié, celui d'une réorganisation du calendrier universitaire, consistant à moins concentrer les enseignements sur l'automne et l'hiver. Cela suppose évidemment que tous les acteurs concernés se mettent autour de la table...
Cette crise doit aussi agir comme un catalyseur pour engager, du côté du ministère, un plan ambitieux de rénovation du parc immobilier universitaire, connu pour être en partie vieillissant, vétuste, et énergivore. Un tiers de celui-ci est une passoire énergétique.
Dans le contexte de la crise sanitaire, où l'urgence était de relancer rapidement l'économie française, le Gouvernement a fait le choix de passer par la méthode de l'appel à projets pour encourager la rénovation énergétique dans l'ESR.
Je reconnais que cette initiative a permis de donner une vraie impulsion à un dossier resté trop longtemps en suspens. Malgré des délais très contraints, les universités, les grandes écoles et les Crous se sont saisis de cette opportunité, montrant leur l'intérêt pour cette problématique et leur bon niveau global de préparation. A ce jour, la moitié des projets sélectionnés, soit environ 2 000, est achevée.
Cependant, compte tenu du retard accumulé au cours des dernières décennies et de l'ampleur des besoins d'investissement - évalués à 7 milliards d'euros par le ministère, mais à plus du double (15 milliards d'euros) par France Universités -, un changement d'échelle est nécessaire. Le directeur de l'immobilier de l'État, que j'ai auditionné, a lui-même convenu que le fonctionnement à court terme par appels à projets ne suffisait pas et qu'une stratégie immobilière de long terme était indispensable.
Depuis plusieurs exercices budgétaires, je plaide pour le lancement d'un plan d'investissement d'envergure.
Au-delà de la nécessité d'une programmation financière pluriannuelle, ce plan devrait s'accompagner d'une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire au regard des récentes évolutions pédagogiques et sociétales, l'avenir consistant sans doute en « moins de m 2 pour mieux de m 2 » .
D'autres prérequis sont nécessaires : la montée en compétences des établissements en matière immobilière, l'activation de certains leviers juridiques de valorisation du patrimoine universitaire, la levée de certains verrous réglementaires comme la limitation des capacités d'emprunt des universités.
La ministre nous a indiqué être en train de travailler, avec son collègue ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à un « plan pour la rénovation énergétique et thermique » . J'accueille favorablement cette initiative, dont j'espère qu'elle sera à la hauteur du « mur » d'investissement auquel se heurte aujourd'hui l'immobilier universitaire.
J'en viens à la vie étudiante.
Bien que la rentrée 2022 se soit déroulée dans un climat beaucoup plus serein sur le plan sanitaire que les années précédentes, les restaurants universitaires sont confrontés à une tension croissante. Leur activité a augmenté, selon les sites, de 20 % à 40 % en 2021 par rapport à 2019, sous l'effet de plusieurs facteurs :
- l'attractivité du repas à un euro pour les étudiants boursiers et ceux en situation de précarité ;
- la fidélisation d'étudiants ayant commencé à fréquenter la restauration universitaire pendant la crise, notamment sous la forme de vente à emporter ;
- le contexte inflationniste qui rend le repas au tarif social de 3,3 euros très compétitif.
À cela s'ajoutent les difficultés de recrutement dans le secteur de la restauration - que renforce la très faible compétitivité des Crous sur le plan salarial -, les problèmes d'approvisionnement en denrées alimentaires communs à l'ensemble des acteurs de la distribution, les incidences financières de la loi EGalim, estimées à près de 10 millions d'euros par an.
Or, dans le même temps, la subvention pour charges de service public (SCSP) du réseau, hors crédits destinés au financement de mesures nouvelles, est stabilisée depuis plusieurs années autour de 300 millions d'euros. Cette stagnation devient de plus en plus problématique alors que l'activité de restauration ne cesse de croître, que le réseau poursuit son développement avec l'ouverture de nouvelles structures d'hébergement et de restauration, et qu'il se voit confier des missions supplémentaires d'accompagnement social des étudiants.
La non-indexation de la SCSP sur le volume de repas fournis est un non-sens total ! J'appelle donc le ministère à reconsidérer rapidement le financement de l'activité de restauration et, plus globalement, celui de l'ensemble du réseau.
Quelques remarques, enfin, sur la concertation relative à la vie étudiante que la ministre vient de lancer et qui comprend deux volets, un national, centré sur l'évolution du système des bourses, un territorial, intégrant l'ensemble des thématiques liées à la vie étudiante.
Comme je l'ai dit à la ministre, il me semblerait normal que les parlementaires y soient associés, le Sénat ayant pour sa part mené un travail approfondi sur le sujet en 2021, dans le cadre de la mission d'information présidée par Pierre Ouzoulias et rapportée par notre président.
Cette concertation doit être l'occasion de remettre à plat le système des aides publiques aux étudiants, aujourd'hui trop complexe et par certains aspects inefficient - certains profils d'étudiants échappent en effet à toute prise en charge.
Dans l'objectif de clarifier l'architecture actuelle et la rendre plus intelligible, la logique du « guichet unique » mérite d'être expertisée. Pour les étudiants, cette organisation présenterait l'avantage de la simplicité, de la lisibilité, de la praticité et contribuerait, in fine , à améliorer leur accès aux droits. Compte tenu du rôle central joué aujourd'hui par les Crous, ceux-ci pourraient logiquement constituer ce point d'entrée unique. Une telle évolution suppose toutefois une concertation approfondie avec les autres opérateurs, en particulier territoriaux. Les dialogues régionaux, qui démarrent sous l'égide des rectorats, devront se saisir de cette question.
Sur la réforme annoncée des bourses sur critères sociaux - promesse non tenue du précédent quinquennat - la ministre a présenté une feuille de route en deux temps : d'abord, une concertation nationale devant aboutir à un point d'étape en janvier 2023 et, si consensus il y a, à de premières mesures applicables dès la rentrée 2023, puis, une réforme plus profonde en 2024, voire en 2025.
Si le diagnostic sur les défauts du système actuel et la nécessité de le réformer sont globalement partagés, plusieurs interrogations plus ou moins clivantes sont à trancher :
- faut-il fusionner les bourses avec l'aide personnalisée au logement (APL), sachant qu'il s'agit de deux systèmes aux critères différents ; gérés par deux ministères distincts ?
- faut-il territorialiser les bourses pour tenir compte des différences du coût de la vie, notamment du coût du logement, selon les territoires ?
- faut-il élargir l'assiette des bénéficiaires au profit des classes moyennes, en créant de nouveaux échelons ?
- faut-il linéariser le système, en supprimant les échelons et éviter ainsi les effets de seuil ?
- faut-il continuer à prendre en compte le revenu des parents ou « déparentaliser » le calcul des bourses comme c'est le cas dans d'autres pays européens ?
Sans vouloir préempter le débat qui commence, j'espère que la méthode et le calendrier choisis ne déboucheront pas sur des demi-mesures, mais sur des changements structurels porteurs de simplification, de rationalisation et d'efficience.
Monsieur le président, mes chers collègues, je propose à la commission, compte tenu de la hausse globale des crédits consacrés à l'enseignement supérieur dans le PLF 2023 et de l'annonce d'une enveloppe supplémentaire pour aider les établissements à faire face aux surcoûts de l'énergie, d'émettre un avis favorable à leur adoption.
M. Yann Chantrel . - Nous saluons l'augmentation des crédits alloués au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. La trajectoire de la LPR est plutôt respectée en crédits et en emplois. Nous nous réjouissons de la création de 268 contrats doctoraux supplémentaires et de la fin des disparités de rémunération entre les anciens et les nouveaux contrats doctoraux à compter de 2023, sujet sur lequel nous avions interpellé la ministre lors de son audition en juin dernier. Nous nous félicitons également de la compensation de l'augmentation du point d'indice pour 2023, ce qui n'a pas été le cas en 2022. L'absence de compensation du GVT continue, par ailleurs, de grever les budgets des opérateurs.
Les mesures en faveur de la vie quotidienne des étudiants sont vitales. Je pense en particulier au maintien du repas à un euro pour les étudiants boursiers et précaires, au doublement du budget pour l'accompagnement des étudiants en situation de handicap ou à l'abondement du fonds pour la lutte contre les violences à caractère sexiste ou sexuel.
On peut néanmoins craindre que ces mesures ne soient pas suffisantes, compte tenu de l'augmentation du coût moyen de la rentrée, évalué à 7,38 % d'après la fédération des associations générales étudiantes (FAGE), soit plus que le taux d'inflation ou le pourcentage d'augmentation du budget consacré à l'enseignement supérieur. Nous serons évidemment très attentifs à la réforme des bourses sur critères sociaux, dont les concertations sont en cours. Nous sommes également inquiets pour le fonctionnement des Crous, confrontés à des baisses non compensées de leurs recettes et une hausse de leurs dépenses sous l'effet du renchérissement des prix de l'énergie et des denrées alimentaires. Nous déposerons d'ailleurs des amendements en ce sens.
Comme l'a indiqué notre rapporteur, la ministre a annoncé, depuis son audition, une enveloppe de crédits pour limiter les effets sur les établissements de la hausse des prix de l'énergie. Cette rallonge budgétaire répond en partie à l'inquiétude de France Université face aux surcoûts énergétiques attendus en 2022 et 2023.
Bien qu'insuffisantes, toutes ces augmentations de crédits nous apparaissent indispensables et urgentes. Le groupe socialiste souscrit donc à l'avis favorable proposé par le rapporteur.
M. Pierre Ouzoulias . - Le groupe CRCE partage les constats budgétaires du rapporteur. Il reste regrettable que la situation financière compliquée des universités n'ait pas été prise en compte par le Gouvernement, alors que nous savions dès juillet, au moment de la discussion de la loi de finances rectificative, qu'un certain nombre d'entre elles aborderait la rentrée avec des finances au rouge. Plusieurs universités ont récemment voté des budgets en déficit, ce qui constitue à mes yeux un acte fort, dans la mesure où la loi impose qu'un établissement dans cette situation pendant deux exercices consécutifs repasse sous la tutelle de l'État. Au final, ce budget ne préfigure-t-il la mise sous tutelle des universités, autrement dit l'abandon du principe de leur autonomie ?
J'entends le discours du Président de la République sur la sobriété énergétique. Mais je doute qu'il soit possible pour les universités de réaliser des économies d'énergie significatives. Quand j'étais étudiant, le col roulé était déjà de rigueur tant les salles étaient peu chauffées, en tout cas bien en dessous de 19° C. Entre les beaux discours et la triste réalité, il y a un décalage qui nécessite de reposer à plat la politique universitaire et son financement.
Il existe en France une trentaine d'universités qui dispensent des formations de haut niveau sur la géothermie, mais elles ne font aucune utilisation de ces connaissances, faute de moyens. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de relations étroites entre les universités et les collectivités territoriales, car l'exploitation d'un gisement géothermique est évidemment un sujet d'intérêt pour les collectivités. À Angers, la géothermie permet ainsi de chauffer non seulement l'université, mais également le quartier au-delà.
Le Gouvernement, et notamment Bercy, n'a pas pris la mesure de la crise des universités et envoie un message détestable aux étudiants actuels en faisant d'eux une génération sacrifiée sous prétexte que la situation a vocation à s'améliorer du fait de la baisse à venir du nombre d'étudiants sous l'effet de la démographie. Il faut saluer les convictions républicaines de la ministre, qui la conduisent à s'opposer à Bercy et à remporter un certain nombre d'arbitrages. Pour autant, le budget reste, aux yeux du groupe CRCE, inadapté aux enjeux, ce qui explique que nous ne partagions pas l'avis favorable proposé par le rapporteur.
M. Julien Bargeton . - Le budget de l'enseignement supérieur croit de plus de 180 millions d'euros, hors revalorisation du point d'indice et application de la trajectoire fixée par la LPR. Le groupe RDPI estime cet effort considérable. Le budget comporte 80 millions d'euros de mesures nouvelles en faveur de la réussite étudiante, 35 millions d'euros pour renforcer l'autonomie des universités, sans compter les mesures destinées à la programmation immobilière et aux ressources humaines. Je veux insister sur les mesures sociales, dont certaines ont été évoquées par le rapporteur : le maintien du repas à un euro, l'aide exceptionnelle de solidarité de 100 euros, la revalorisation des bourses, le gel des droits d'inscription, l'extension du pass sport aux étudiants jusqu'à 28 ans.
Je comprends que certains points puissent attirer votre attention, mais le groupe RDPI est pour sa part favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur.
M. Jean Hingray . - Nous saluons l'augmentation des moyens conformément à la trajectoire de la LPR. Il reste néanmoins un certain nombre de points de vigilance. Ainsi, la dépense moyenne par étudiant diminue encore, enregistrant une baisse totale de l'ordre de 10 % depuis 2011. Les étudiants demeurent en situation de précarité : l'inflation et la hausse des dépenses énergétiques affectent fortement leur budget. Certes, la revalorisation des bourses sur critères sociaux et le maintien du repas à un euro sont des points positifs. Mais il est dommage que la ministre n'ait pas retenu la piste du ticket restaurant étudiant qui faisait l'objet de la proposition de loi de notre collègue Pierre-Antoine Lévi. Nous serons évidemment attentifs à la réforme des bourses et aux propositions qui seront faites à l'issue de la concertation.
Mercredi dernier, le Président de la République a annoncé des aides ciblées pour les particuliers les plus touchés par la crise énergétique, en particulier les étudiants. Monsieur le rapporteur, en savez-vous plus sur ce futur dispositif ? Pour le reste, nous suivrons évidemment votre avis favorable.
Mme Monique de Marco . - Le budget de l'enseignement supérieur connait une forte augmentation, même si ses effets sur les universités seront atténués par la revalorisation du point d'indice et des bourses. Les mesures destinées à la vie étudiante m'apparaissent contrastées.
Je m'interroge sur les modalités de mise en oeuvre de certaines mesures nouvelles. Ainsi, savez-vous comment les 8,2 millions d'euros destinés aux services de santé universitaires seront ventilés ? Le 1,8 million d'euros pour la lutte contre les violences à caractère sexiste et sexuel a-t-il pour objet de financer des campagnes de communication ?
Cela fait longtemps que nous savons qu'une bonne partie de nos universités sont des passoires énergétiques. Le bâtiment de l'université de Bordeaux est vétuste et n'a toujours pas été rénové par manque de moyens et d'anticipation. En dépit des financements complémentaires débloqués, je doute que nous y arrivions pour les prochaines rentrées.
Notre rapporteur suggère une réorganisation du calendrier universitaire pour réduire les enseignements en automne et en hiver. Cette modulation ne me parait pas opportune dans la mesure où les universités sont sans doute amenées à souffrir de plus en plus de la canicule au printemps et en été.
Contrairement à ce qu'affirme Pierre Ouzoulias, certaines universités s'activent en matière de géothermie. J'en veux pour preuve l'école nationale supérieure en environnement, géoressources et ingénierie du développement durable, située à Bordeaux, qui vient d'installer un système pour le chauffage et la climatisation fondé sur cette source d'énergie. Il s'est déjà montré très performant l'été dernier. Elle pourrait servir de pilote auprès d'autres universités tentées par cette évolution.
Compte tenu des remarques que j'ai formulées, le groupe écologiste est défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2023.
M. Bernard Fialaire . - Mon groupe se réjouit de l'augmentation des moyens alloués à l'enseignement supérieur. Je salue également les pistes de réflexion que le rapporteur nous a soumises. Les problèmes de l'université ne sont pas seulement budgétaires. Il y a aussi des questions d'organisation à régler : le meilleur étalement des cours tout au long de l'année, l'allongement de la pause méridienne pour faciliter le fonctionnement des Crous, la création d'un guichet unique. Une volonté politique forte est nécessaire pour mener à bien ces réformes organisationnelles. Pour ces raisons, nous suivrons l'avis favorable proposé par notre rapporteur.
M. Jacques Grosperrin . - Tout a été dit concernant la hausse des moyens qui ne suit pas celle des effectifs. Les années se suivent et se ressemblent. Le développement du rapporteur sur le parc immobilier est venu rappeler l'urgence à agir. On cite souvent la loi sur les libertés et les responsabilités des universités, mais on ne voit pas où sont les libertés et les responsabilités sont contraintes. On aurait souhaité que les présidents d'universités soient élus par la société civile. Je m'interroge sur les dévolutions qui devaient permettre aux universités de prendre en charge le bâti, ce qui aujourd'hui ferait sens avec la recherche de sobriété énergétique.
Mme Sonia de La Provôté . - La ministre a annoncé de nombreuses initiatives concernant la vie étudiante, les étudiants handicapés, les mesures d'accompagnement... mais la programmation des budgets dédiés semble tarder. L'urgence énergétique ne va-t-elle prendre le pas sur ces dossiers ?
M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis . - C'est Laure Darcos qui vous répondra prochainement sur les questions relatives aux contrats doctoraux, lesquels relèvent du programme 172, mon avis budgétaire portant sur les programmes 231 et 150.
Plusieurs interventions ont évoqué la réforme des bourses. Nous savons que le système présente de nombreux défauts, compte tenu notamment des effets de seuil. Nous serons vigilants aux conclusions de cette concertation.
Concernant la situation des Crous, de nombreux étudiants ont changé leurs habitudes avec la crise sanitaire en fréquentant davantage les restaurants universitaires, sans que le financement des Crous évolue pour autant. Cela ne peut pas durer.
J'ai trouvé les mots de notre collègue Pierre Ouzoulias sévères concernant ce budget. Cela faisait longtemps qu'un ministre de l'enseignement supérieur n'avait pas gagné autant d'arbitrages par rapport à Bercy. Je pense en particulier à la rallonge budgétaire de 275 millions d'euros pour faire face aux surcoûts de l'énergie.
Par ailleurs, je ne partage pas la façon dont est décrite la situation des étudiants. De nombreux logements nouvellement construits ou réhabilités sont modernes, disposant d'un coin bureau et d'une douche. Il y a eu une évolution qualitative substantielle qui invite à ne pas noircir le tableau.
Concernant la dévolution immobilière, le processus est en cours avec une troisième vague qui concerne douze universités. Mais un désaccord subsiste entre le ministère qui souhaite une dévolution totale et certaines universités qui visent seulement une partie des bâtiments les concernant.
Je précise que les fonds consacrés à la rénovation du bâti universitaire, par exemple dans le cadre du plan de relance, viennent en plus de ceux qui doivent permettre de financer les projets des universités. Ce coup de pouce de l'État vient accélérer les rénovations.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » .