IV. VIE ÉTUDIANTE : DES RÉFORMES DE FOND À MENER

A. LA RESTAURATION UNIVERSITAIRE : UN MODÈLE ÉCONOMIQUE EN TENSION QU'IL EST URGENT DE REVOIR

Bien que la rentrée 2022 se soit déroulée dans un climat beaucoup plus serein sur le plan sanitaire que les années précédentes, les restaurants universitaires sont confrontés à une tension croissante . Leur activité a augmenté, selon les sites, de 20 % à 40 % en 2021 par rapport à 2019 , sous l'effet de plusieurs facteurs : l'attractivité du repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et les étudiants en situation de précarité, la fidélisation d'étudiants ayant commencé à fréquenter la restauration universitaire pendant la crise (notamment sous la forme de vente à emporter), le contexte inflationniste qui rend le repas au tarif social de 3,3 euros très compétitif. À cela s'ajoutent les difficultés de recrutement dans le secteur de la restauration - que renforce la très faible compétitivité des Crous sur le plan salarial -, les problèmes d'approvisionnement en denrées alimentaires communs à l'ensemble des acteurs de la distribution, les incidences financières de la loi EGalim, estimées à près de 10 millions d'euros par an.

Or, dans le même temps, la subvention pour charges de service public (SCSP) du réseau, hors crédits destinés au financement de mesures nouvelles, est stabilisée depuis des années autour de 300 millions d'euros . Cette stagnation devient de plus en plus problématique alors que l'activité de restauration ne cesse de croître, que le réseau poursuit son développement (ouverture de nouvelles structures d'hébergement et de restauration, avec les recrutements afférents), qu'il se voit confier des missions supplémentaires d'accompagnement social des étudiants (nécessitant des recrutements de professionnels et le développement d'outils informatiques spécifiques).

Jugeant anormale la non-indexation de la SCSP sur le volume de repas fournis, le rapporteur appelle le ministère à reconsidérer rapidement le financement de l'activité de restauration et, plus globalement, celui de l'ensemble du réseau .

B. LA CONCERTATION SUR LA VIE ÉTUDIANTE : UNE OCCASION À SAISIR POUR ENFIN RATIONALISER LE SYSTÈME D'AIDES PUBLIQUES AUX ÉTUDIANTS ET RÉFORMER STRUCTURELLEMENT LES BOURSES

1. L'indispensable simplification du paysage des aides publiques aux étudiants

Le rapporteur salue le lancement, cet automne, d'une vaste concertation sur la vie étudiante comportant deux volets : un national, centré sur l'évolution du système des bourses, un territorial, intégrant l'ensemble des thématiques liées à la vie étudiante (les aides financières, la santé, la culture, le sport, l'engagement étudiant...). Comme il l'a indiqué à la ministre lors de son audition, il souhaite que les parlementaires y soient associés, le Sénat ayant pour sa part mené un travail approfondi sur la vie étudiante en 2021, dans le cadre d'une mission d'information 4 ( * ) dont il était membre .

Cette concertation doit, selon lui, permettre une remise à plat du système des aides publiques aux étudiants, aujourd'hui caractérisé par une multiplicité de dispositifs et d'intervenants. Cette complexité explique les difficultés d'accès à l'information que rencontrent les étudiants et les « trous dans la raquette » constatés dans leur prise en charge ; malgré la diversité des aides, certains profils échappent à leur bénéfice.

Afin de simplifier l'architecture actuelle et la rendre plus lisible, le rapporteur estime que la logique du « guichet unique » , qui consiste à confier à un seul opérateur l'instruction des demandes d'aides directes et leur gestion, mérite d'être expertisée . Pour les étudiants, cette organisation présenterait l'avantage de la simplicité, de la lisibilité, de la praticité et contribuerait, in fine , à améliorer leur accès aux droits. Compte tenu du rôle central joué aujourd'hui par les Crous dans ce domaine, ceux-ci pourraient logiquement constituer ce point d'entrée unique. Une telle évolution suppose toutefois une concertation approfondie avec les autres opérateurs, en particulier territoriaux. Les échanges régionaux, qui démarrent sous l'égide des rectorats, en sont l'occasion.

2. La réforme annoncée des bourses sur critères sociaux : ne pas rester au milieu du gué

Promesse non tenue du précédent quinquennat, la réforme des bourses s'annonce comme l'un des grands chantiers de la nouvelle ministre . Celle-ci a présenté, à l'occasion de la rentrée, une feuille de route en deux temps : d'abord, une concertation nationale devant aboutir à un point d'étape en janvier 2023, lequel permettra de prendre des premières mesures applicables dès la rentrée 2023 - si consensus il y a, puis, une réforme plus profonde en 2024, voire en 2025.

Si le diagnostic sur les défauts du système actuel et la nécessité de le remettre à plat sont globalement partagés, plusieurs interrogations plus ou moins clivantes sont à trancher, comme :

• faut-il fusionner les bourses avec l'aide personnalisée au logement (APL), sachant qu'il s'agit de deux systèmes aux critères différents 5 ( * ) , gérés par deux ministères distincts ?

• faut-il territorialiser les bourses pour tenir compte des différences du coût de la vie, notamment du coût du logement, selon les territoires ?

• faut-il élargir l'assiette des bénéficiaires au profit des classes moyennes, en créant de nouveaux échelons ?

• faut-il linéariser le système, en supprimant les échelons et éviter ainsi les effets de seuil ?

• faut-il continuer à prendre en compte le revenu des parents ou « déparentaliser » le calcul des bourses comme c'est le cas dans d'autres pays européens ?

Sans vouloir préempter le débat qui commence, le rapporteur espère que la méthode et le calendrier choisis ne déboucheront pas sur des demi-mesures et appelle de ses voeux une réforme systémique des bourses .

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 2 novembre 2022, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'enseignement supérieur dans le projet de loi de finances pour 2023 .


* 4 Rapport d'information n° 742 (2020-2021) de M. Laurent Lafon, fait au nom de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante, « Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d'avenir pour l'État et les collectivités ».

* 5 Pour bénéficier de l'APL, un étudiant, français ou étranger, doit louer un logement « décent » - dont le propriétaire n'est pas quelqu'un de sa famille - et ne pas dépasser un certain plafond de revenu. A contrario, les bourses sur critères sociaux se fondent sur le revenu brut global déclaré par les parents de l'étudiant et l'éloignement du lieu d'études.

Page mise à jour le

Partager cette page