II. LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE DE FRANCE DANS LE CYCLONE DE L'INFLATION
Le grand succès de la réouverture du site historique Richelieu de la Bibliothèque nationale de France les 17 et 18 septembre 2022 à l'occasion des journées européennes du patrimoine met un terme à un chantier de plus de 10 ans. La BnF doit cependant mener immédiatement un autre projet de très grande ampleur, avec le conservatoire d'Amiens, alors même que la crise énergétique ne l'épargne pas plus que les autres institutions publiques et qu'elle ne dispose que d'un faible potentiel d'économies.
Les moyens de la BnF connaissent une progression régulière ces dernières années, passant de 204,3 millions d'euros en 2018 à 224 millions d'euros en 2022 et à 232,7 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023, en hausse de 3,9 % pour cette année.
Dans le détail :
Ø la subvention pour charges de service public progresse de 6 millions d'euros, pour s'établir à 198,4 millions d'euros ;
Ø la dotation pour fonds propres est remplacée par une subvention pour charge d'investissement de 34 millions d'euros.
Le nouveau contrat de performance de la BnF a été approuvé par son conseil d'administration lors de sa séance du 30 juin 2022.
Le rapporteur pour avis signalait l'année dernière que l'institution était gérée sous forte contrainte, entre des dépenses de fonctionnement en progression, dont une masse salariale qui mobilise les trois-quarts de la subvention de fonctionnement , et des lourds investissements à la fois pour développer de nouveaux outils, mais également pour assurer l'entretien de son patrimoine.
Cette équation est devenue encore plus complexe cette année avec une crise énergétique qui frappe tous les secteurs .
Comme l'ensemble des établissements publics, la BnF est confrontée aux conséquences de la crise énergétique , avec des facultés d'économie structurellement plus réduites. En effet, le site de Tolbiac possède 500 000 m² de surface vitrée, ce qui nécessite autant de dépenses d'énergie qu'une ville de 20 000 habitants. La BnF doit cependant assurer la préservation des collections et l'accueil du public dans des conditions satisfaisantes. Les dépenses d'énergie représentent sur une année normale 10 % du fonctionnement, soit près de six millions d'euros, et pourraient progresser de plus de 50 % pour parvenir à 9,4 millions d'euros. |
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Surcoût lié à la hausse des prix de l'énergie en 2023 |
En dépit de la progression de sa dotation, la BnF se retrouve donc contrainte dans sa politique d'investissement par la nécessité d'assurer un fonctionnement courant de plus en plus onéreux .
En novembre 2021, à l'issue d'une compétition qui a suscité un grand enthousiasme des collectivités locales avec 70 dossiers, le site d 'Amiens dans le département de la Somme a finalement été retenu pour la construction du pôle de conservation. Dans l'hypothèse la plus optimiste, le chantier, d'un montant de 96 millions d'euros, dont 40 à la charge des collectivités, devrait être achevé en 2028. |
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Coût estimé du futur centre d'Amiens d'ici 2028 |
Contribution des collectivités locales |
Le centre de stockage doit remplir trois grandes fonctions :
ü des espaces de stockage de haute qualité environnementale et utilisant des technologies innovantes ;
ü des ateliers permettant de réaliser tous les traitements nécessaires à la conservation du patrimoine national (restauration, numérisation, traitements techniques...) ;
ü la possibilité de recevoir, en proportion limitée, des lecteurs et visiteurs dans un site essentiellement technique.
En rassemblant à terme la plus grande collection de presse francophone du monde, ce pôle accueillera le Conservatoire national de la presse .
Les collections de presse de la BnF
Les caractéristiques physiques des collections de presse sont intrinsèquement fragiles. Les publications, tout particulièrement celles de la deuxième moitié du XIX e siècle, sont faites à partir de papier de très mauvaise qualité et d'encres acides qui contribuent à la dégradation des collections. Un grand nombre de titres de presse publiés à partir de cette période, au moment de la promulgation de la loi sur la liberté de la presse, est aujourd'hui très détérioré. Les entreprises de presse, à très forts tirages aussi bien qu'à diffusion restreinte, n'ont quant à elles que peu conservé leurs propres archives. Les fonds de presse conservés à la BnF forment un ensemble extraordinairement précieux mais aussi en large partie menacé de disparaître.
Le rapporteur pour avis souhaite voir émerger une véritable volonté politique pour financer la numérisation des fragiles collections de presse de la III e République, pour laquelle la BnF n'a pas pu recourir aux dispositifs d'investissement d'avenir ou de relance .