EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 16 NOVEMBRE 2022
___________
M. Laurent Lafon, président . - Nous examinons à présent le rapport pour avis de notre collègue Jean-Raymond Hugonet sur le projet de loi de finances pour 2023.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis sur les crédits de l'audiovisuel public . - L'année dernière, à l'occasion de l'examen des crédits de l'audiovisuel pour 2022, nous avions pu constater que le bilan du quinquennat se limitait pour l'essentiel à un travail d'assainissement budgétaire. Nous pouvions espérer alors que la campagne présidentielle serait l'occasion de voir émerger un projet pour l'avenir de l'audiovisuel public dans le cadre d'un paysage largement bouleversé par l'arrivée des plateformes.
Non seulement aucun projet n'a émergé au cours des derniers mois mais rarement la situation du secteur aura paru aussi confuse. Permettez-moi de résumer la situation en quelques points :
La nouvelle ministre de la culture a clairement indiqué que l'évolution du secteur n'était pas sa priorité même si elle n'exclut pas totalement le lancement d'une réforme au printemps 2023 ;
L'élaboration de nouveaux COM a été reportée d'une année. Il faudra donc attendre la fin 2023 pour connaître les objectifs et les moyens que l'actionnaire public entend assigner aux entreprises de l'audiovisuel public pour la période 2024-2028. D'ici là nous sommes, au choix, dans l'attente ou dans la continuité ;
La suppression de la CAP cet été s'est accompagnée d'une solution de financement provisoire mais il n'existe aucune indication sur la solution qui sera retenue à partir de 2025, ce qui crée un climat d'incertitude préjudiciable dans les entreprises concernées ;
La fusion avortée entre TF1 et M6 fragilise aujourd'hui ces deux groupes privés mais aussi France Télévisions puisque la plateforme SALTO apparaît aujourd'hui condamnée du fait des difficultés des trois actionnaires à poursuivre leur coopération. Par ailleurs, la fusion aurait eu un effet de rattrapage sur les prix de la publicité qui aurait également profité à France Télévisions. Le groupe public est donc doublement pénalisé.
Au final, 2023 apparaît déjà comme une nouvelle année de transition. Pour que cette année ne devienne pas une « année blanche », nous devrons veiller à faire vivre nos propositions et je pense en particulier à celles formulées dans le rapport de juin dernier préparé conjointement avec la commission des finances concernant à la fois les garanties à apporter au financement et l'impérative nécessité de regrouper les moyens de l'audiovisuel public pour assurer sa pérennité.
Nous aurons prochainement l'occasion d'examiner les avenants aux COM 2019-2022 préparés pour l'année 2023. Je ne rentrerai donc pas dans le détail des objectifs des entreprises de l'audiovisuel public pour me concentrer plutôt sur les moyens budgétaires accordés l'année prochaine.
Une première remarque concerne le mode de financement de l'audiovisuel public. La suppression de la CAP n'a pas remis en cause l'existence du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». Les recettes du compte sont désormais alimentées par une affectation d'une fraction du produit de la TVA correspondant au niveau de dépenses prévues par la trajectoire financière de l'audiovisuel public. C'est donc une forme de statu quo qui prévaut dans l'affectation des recettes puisque le niveau total des recettes est fixé en première partie du PLF et ne peut plus être modifié en seconde partie. Je note qu'aucun des dirigeants des entreprises concernées n'a émis de réserve sur le financement par une part de TVA. Il y a même un consensus sur le fait qu'il serait souhaitable de conserver un financement par la TVA après 2025.
Si le niveau des recettes est préservé, on ne peut que regretter que le Gouvernement ait renoncé à créer une instance indépendante qui aurait été chargée de proposer une évaluation pluriannuelle des besoins de l'audiovisuel public comme j'en avais fait la proposition avec notre collègue de la commission des finances Roger Karoutchi en juin dernier.
Le Gouvernement reste donc le seul décisionnaire pour évaluer et répartir les moyens qui figurent dans ce PLF. Il est d'autant plus regrettable dans ces conditions qu'il n'explicite pas véritablement ses choix comme l'a montré l'absence de réponse claire à la question que j'avais posée à la ministre de la culture sur ce point lors de son audition budgétaire.
J'observerai ensuite que les crédits de l'audiovisuel public dans le PLF 2023 s'inscrivent dans le prolongement de la trajectoire budgétaire décidée en 2018.
On constate une hausse des crédits de plus de 3 %, ces derniers passant de 3,7 Mds€ à 3,816 Mds€. Les nouvelles dotations n'étant pas soumises à la TVA, les moyens seront en réalité plus importants pour les entreprises qui ne pouvaient la déduire (France Télévisions, Radio France et TV5 Monde) ce qui, selon le Gouvernement, doit permettre de compenser les surcoûts liés à l'inflation. A contrario , pour France Médias Monde, Arte France et l'INA, la perte du droit de déduire la TVA a pour conséquence d'augmenter leurs charges de 15,4 M€ en 2022 et de 36 M€ en 2023 ce qui explique en particulier la hausse plus forte des moyens de France Médias Monde et de Arte France.
La suppression de la CAP intervenue cet été a eu par ailleurs pour conséquence de soumettre les entreprises de l'audiovisuel public au paiement de la taxe sur les salaires. Le montant total dont les entreprises devront s'acquitter en 2023 est évalué par la direction du budget à 42,6 M€.
Lorsqu'on examine les chiffres dans le détail, on constate que la hausse des crédits permet dans tous les cas de compenser les incidences fiscales de la suppression de la CAP. Le Gouvernement estime par ailleurs que les moyens accordés permettent également de compenser les charges additionnelles induites par l'inflation à hauteur de 78,7 M€.
J'en viens maintenant à la situation des différents opérateurs.
Concernant tout d'abord France Télévisions, la mise en oeuvre du budget de l'entreprise en 2022 a donné lieu à 3 évolutions notables par rapport au budget initial : un accroissement des recettes publicitaires (+ 7,3 M€), une augmentation du coût de grille due à l'information, au sport et au programme national (+ 12,3 M€) et une nouvelle dotation à Salto à hauteur de 26,8 M€. Si le résultat d'exploitation demeure à l'équilibre, le résultat net de l'entreprise se dégrade en 2022 à -31,8 M€.
Concernant l'évolution de l'entreprise, on constate que la diminution du nombre de salariés qui avait été forte de 2017 à 2020 marque le pas aujourd'hui. Le plan de départs volontaires s'est traduit par 1 481 départs et 813 embauches, soit un solde négatif de 688 salariés entre juin 2019 et août 2022. L'État a participé à ce plan de départs à hauteur de 47,1 M€ sur 3 ans.
France Télévisions n'aborde pas l'année 2023 de la meilleure façon. L'échec de la fusion entre TF1 et M6 laisse intacte la question de l'avenir de Salto qui demeure un centre de coûts important tandis que l'entreprise reste en attente de décisions stratégiques qui lui permettraient de réduire ses coûts, je pense en particulier au rapprochement organique entre France 3 et France Bleu qui peine à se concrétiser alors qu'il permettrait des économies substantielles.
Dans ces conditions, de nombreux périls menacent l'entreprise : une baisse des recettes publicitaires n'est pas à exclure en 2023 en cas de récession aggravée et des tensions sur les coûts pourraient s'accentuer si l'inflation poursuit son ascension au-delà de la prévision officielle. La direction de l'entreprise évalue à 95 M€ la hausse des charges induite par l'inflation, l'assujettissement à la TVA et la hausse de certains reversements. Elle estime que la hausse des concours publics qu'elle évalue à 50,7 M€ ne permettra pas de compenser la totalité des charges.
De son côté, le Gouvernement estime que la comparaison pertinente doit être faite entre les crédits de 2022 hors taxes et les crédits prévus en 2023 TTC car la nouvelle ressource n'est pas soumise à la TVA. De ce fait, la hausse des moyens alloués à l'entreprise à hauteur de + 73,2 M€ permettrait de couvrir les 47 M€ de surcoûts induits par les effets de l'inflation en plus du coût de la taxe sur les salaires.
Lors de son audition, Delphine Ernotte a indiqué qu'il devenait impossible de construire l'équilibre budgétaire sans toucher à la qualité des programmes. Pour ma part, je considère que l'entreprise fait aussi face à ses choix (l'échec coûteux de Salto) et ses non-choix concernant l'insuffisance des mutualisations avec les autres entreprises de l'audiovisuel public.
J'aborde maintenant la situation de Radio France. En 2022, l'entreprise a également connu une progression de ses recettes publicitaires notamment sur le numérique par rapport au budget initial. Les charges se sont alourdies du fait d'un renchérissement du coût des achats et d'une hausse des charges de personnel. Au final, le résultat net qui aurait dû être positif devrait se transformer en déficit en fin d'année.
Pour 2023, la dotation attribuée à Radio France qui s'établit à 623,4 M€ inclut 13,7 M€ de subvention d'investissement et 12 M€ pour compenser l'assujettissement à la taxe sur les salaires. La direction de l'entreprise estime que la dotation ne prend en compte qu'une partie des coûts liés à l'évolution mécanique des charges et aux coûts liés à l'inflation que subit l'entreprise. Elle chiffre les surcoûts liés à l'inflation à 5 M€ en 2022 et à 15 M€ en 2023.
Concernant l'évolution des effectifs, l'entreprise estime que 85 % de l'objectif du plan de rupture conventionnelle collective (RCC) sera atteint d'ici fin 2022. La participation de l'État aura été de 16,6 M€ sur 3 ans. La transformation de l'entreprise est appelée à se poursuivre mais, faute de nouveau COM, les décisions stratégiques sont reportées à l'année prochaine.
Les moyens d'ARTE France connaissent une nette hausse de près de 9 % pour atteindre 303 M€. Cette hausse met un terme à une baisse continue des moyens depuis 2018 qui a sensiblement pénalisé le développement de la chaîne franco-allemande. Bruno Patino estime que ce « petit rebond » ne permettra pas de reprendre le développement de l'entreprise d'autant plus qu'il servira en particulier à compenser les charges nouvelles que représentent la non-déductibilité de la TVA et l'assujettissement à la taxe sur les salaires qui devraient peser à hauteur de 19,7 M€ dans les comptes d'ARTE France en 2023. La hausse des crédits doit permettre également de compenser la hausse des charges liées à l'inflation à hauteur de 1,6 M€.
Les moyens restants évalués à 9,3 M€ serviront à reconstituer les stocks de programmes, à compenser la hausse du coût des programmes et à accroître les réserves de l'entreprise. Malheureusement, les moyens accordés ne permettront pas à ARTE de lancer son projet de plateforme européenne que je soutiens personnellement depuis deux ans. C'est une nouvelle occasion manquée alors que les relations franco-allemandes ont connu des jours meilleurs et que ce projet aurait pu donner du sens au 60 ème anniversaire du traité de l'Élysée qui devrait être célébré le 22 janvier 2023. La DGMIC m'a indiqué que le projet de plateforme pourrait être discuté dans le cadre du prochain COM 2024-2028. Personnellement je ne vois aucune raison de perdre encore du temps et cet argument me semble confirmer mon intuition qu'il n'était pas souhaitable de reporter la réalisation des nouveaux COM.
J'en arrive maintenant à France Médias Monde qui prend une dimension nouvelle au regard de l'actualité internationale des derniers mois, je pense à la guerre en Ukraine bien sûr mais aussi aux contestations en Iran, à la poursuite des troubles au Mali et aux élections américaines. Rarement la nécessité pour la France de disposer d'un opérateur audiovisuel de taille mondiale n'aura paru aussi nécessaire.
La hausse des moyens de 9,7 % en 2023 à 284 M€ semble démontrer que le Gouvernement est conscient des enjeux. Comme pour les autres entreprises, cette hausse des moyens servira également à compenser la taxe sur les salaires évaluée à 5,3 M€ et la suppression de la déductibilité de la TVA à hauteur de 16,4 M€. La dotation doit également permettre de compenser les surcoûts liés à l'inflation à hauteur de 6,2 M€.
Au final, la hausse des moyens doit donc être relativisée. Le budget 2023 sera donc, selon la présidente de FMM, « conservatoire ». Certains projets financés par des ressources externes comme le projet Afrikibaaru (langues africaines) et la rédaction ukrainienne à Bucarest devront être absolument prolongés. La direction de France Médias Monde rappelle la difficulté à financer ce type de projet avec des crédits limités dans le temps et souhaite vivement que l'AFD puisse apporter son concours dans la durée. À cet égard, on ne peut que déplorer que l'audiovisuel extérieur ne dispose d'aucune visibilité sur les moyens qui lui seront accordés en 2024.
Un mot maintenant concernant l'INA qui connait une hausse de ses moyens de 4,84 % à 93,6 M€. À nouveau, je précise que cette hausse des moyens sera utilisée pour compenser l'assujettissement à la taxe sur les salaires à hauteur de 1,5 M€ et la perte du droit à déduction de TVA pour 0,7 M€. La direction estime également que l'institut devra faire face à une hausse de ses charges due à l'inflation comprise entre 8 et 10 M€ qui ne sera compensée qu'à hauteur de 3,5 M€ par la dotation publique.
L'INA devra donc s'appuyer sur ses ressources propres pour dégager des marges de manoeuvre. La DGMIC a toutefois conscience que la situation de l'INA est tendue et que la construction du budget 2023 pourrait encore nécessiter des ajustements.
Un mot sur le projet de création d'une filiale commune avec les autres entreprises de l'audiovisuel public consacrée à la formation. Une fois de plus, je suis aux regrets de constater que les choses n'avancent pas et sont renvoyées à plus tard.
Pour terminer, je n'oublierai pas TV5 Monde dont les moyens augmentent de 2,82 % à près de 80 M€. Cette hausse devrait permettre à la France de rattraper son retard de financement et de compenser la taxe sur les salaires (0,6 M€) et les surcoûts liés à l'inflation à hauteur de 3,2 M€.
TV5 Monde a réussi à maintenir une couverture partielle en Russie. Elle vient de lancer une chaîne jeunesse en arabe et vient d'accueillir la Principauté de Monaco à son capital.
En conclusion, vous aurez compris que la hausse des crédits affichée est assez théorique. L'examen des crédits est en fait plus complexe car il oblige à prendre en compte les compensations fiscales et la situation de chaque entreprise au regard de la TVA.
On peut toutefois garder en mémoire que si les compensations fiscales sont assurées, des interrogations subsistent concernant l'inflation, notamment si cette dernière devait dépasser la prévision officielle. Ce budget de transition apparaît au final correct au regard des efforts demandés depuis 2018. On pourrait même évoquer une « pause » dans les efforts demandés.
Si les moyens sont bien là pour 2023, on ne peut que déplorer l'absence complète de vision stratégique et finalement le « pilotage en roue libre » de l'audiovisuel public. Nous en reparlerons lors de l'examen des avenants aux COM.
Toutefois, je ne crois pas utile de mélanger les deux problématiques des moyens et de la stratégie, le court terme et le long terme. C'est pourquoi je vous propose de nous abstenir sur l'adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2023. Cet avis, vous l'aurez compris, ne présage en rien du regard que nous porterons prochainement sur les avenants aux COM.
M. Max Brisson . - Je salue la grande qualité du rapport sur un sujet complexe et technique. Ce budget de l'audiovisuel public est emblématique d'une manière de gouverner. Le président de la République a fait une annonce pendant la campagne présidentielle et il a laissé la ministre de la culture se débrouiller sur le mode : « l'intendance suivra ». On peut faire un parallèle avec la suppression de la taxe d'habitation qui n'avait pas davantage été préparée. L'annonce de la suppression de la CAP était forte, populaire, et ne pouvait donc être contestée. Mais ses conséquences sur le financement des entreprises et l'inquiétude suscitée n'ont pas été anticipées. À court terme, le financement par la TVA est apparu rassurant mais une inquiétude subsiste à plus long terme. Par ailleurs, le gouvernement reste incapable d'assumer une réforme de l'audiovisuel public et pratique le pilotage à vue. Il est bien dommage qu'il ne s'appuie pas davantage sur les travaux du Sénat dont les rapports Leleux-Gattolin de 2015 et Hugonet-Karoutchi de 2022. Faute de réforme on assiste à un affaiblissement lent et une perte d'influence de notre audiovisuel public. Nous soutiendrons la proposition du rapporteur afin de manifester notre mécontentement.
M. David Assouline . - Compte tenu de l'implication de notre commission sur l'audiovisuel public, il est important de maintenir nos initiatives car la situation est plus grave qu'on ne le croit. Après une baisse continue des moyens opérée pendant 5 ans, la crise sanitaire a rappelé l'attachement des Français à l'audiovisuel public. Pourtant, on commence le quinquennat avec la suppression de la CAP, qui constituait un mode de financement pérenne et nous n'avons aucune visibilité sur l'après-2025. Le recours à un financement par la TVA a pu paraitre rassurant mais il semblerait que le Gouvernement privilégie une budgétisation après 2025 alors même que cette modalité de financement semblait soulever des interrogations au regard de sa constitutionnalité. Les crédits augmentent mais, compte tenu du niveau de l'inflation, l'effort de l'État apparait en réalité minime. Il n'y a pas de véritable soutien à l'audiovisuel public. Pour reprendre l'exemple du sport, le groupe France Télévisions est concurrencé par les plateformes et menacé de perdre les droits de diffusion du tournoi de Roland-Garros en journée. J'avais proposé de modifier le décret concernant la diffusion des événements sportifs d'importance majeure afin de permettre la diffusion en clair du tournoi à partir des quarts de finale. Aujourd'hui le service public ne peut s'aligner sur les offres financières du privé et ses choix privilégient naturellement l'information et les autres programmes. Je désapprouve la façon dont l'État gère ce problème et je pense qu'une majorité pourrait se constituer pour permettre le rejet des crédits en séance publique.
Mme Catherine Morin-Desailly . - Je salue les travaux du rapporteur et je remarque que sa présentation décrit une situation inquiétante. Le groupe de l'Union centriste avait regretté lors des débats sur le projet de loi de finances rectificative que la suppression de la CAP ait été décidée sans véritable débat et sans anticiper les recettes de substitution. L'audiovisuel public doit avoir des ressources qui garantissent son indépendance et sa pérennité. Le groupe de l'Union centriste constate que l'affectation d'une part de TVA et des crédits en hausse permettent de compenser les effets fiscaux de la suppression de la CAP ainsi que l'inflation. Il s'agit néanmoins d'une hausse en trompe-l'oeil qui ne permet pas aux entreprises de se développer. Si les crédits sont bien là en 2023, l'absence de visibilité pour l'après-2025 demeure inquiétante. On est en train d'évoluer vers des dotations d'État qui peuvent fragiliser notre audiovisuel extérieur et qui rompent avec les engagements pris lors du 50 e anniversaire du traité de l'Élysée en 2013, sur un financement d'ARTE par une redevance. Je souscris à la déception du rapporteur concernant l'absence de financement du projet de plateforme européenne d'ARTE et je regrette également que la proposition faite de créer une instance indépendante pour évaluer les besoins de financement de l'audiovisuel public n'ait pas été retenue. Tout ceci est extrêmement préoccupant, c'est pourquoi nous soutiendrons la proposition du rapporteur de s'abstenir sur l'adoption des crédits.
M. Julien Bargeton . - Nous voterons les crédits qui s'accroissent de 114 millions d'euros. Les remarques faites sur l'inflation sont justes mais il faut rappeler que jamais les budgets de l'État ne compensent intégralement l'inflation. J'entends qu'il existe un débat sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public mais le choix de recourir à une fraction de TVA apporte une réponse satisfaisante dans l'immédiat.
M. Pierre Ouzoulias . - Je salue ce rapport extrêmement précis qui s'appuie sur une vision de long terme. Je constate que le recours à une part de TVA qui fait l'objet d'un vote en première partie prive le Parlement d'un débat sur le niveau des besoins de l'audiovisuel public, le débat en partie II portant sur la répartition de ces crédits. Les apports du Sénat en matière de propositions sont continus depuis une quinzaine d'années dans ce domaine. On a besoin d'un audiovisuel public, c'est pourquoi on ne peut que déplorer le fait que le Gouvernement semble avancer dans le brouillard et sans véritables perspectives. Le financement par la TVA est d'autant moins satisfaisant que cet impôt repose pour une part importante sur les énergies fossiles et qu'il ne s'agit donc pas d'une ressource pérenne. Par ailleurs, les licenciements massifs annoncés par Twitter, Meta et Amazon illustrent la fragilité d'un modèle fondé sur les recettes publicitaires et viennent rappeler l'intérêt d'avoir un audiovisuel public solide proposant des programmes qualitatifs.
Mme Monique de Marco . - Les crédits augmentent de 114 millions d'euros, en particulier au bénéfice de Radio France, France Médias Monde et Arte France mais cette hausse doit être relativisée compte tenu de l'inflation et de l'assujettissement des sociétés publiques à la taxe sur les salaires. Quel sera leur financement en 2024 ? Lors de son audition, la présidente de France Télévisions avait comparé sa situation à celle d'une grenouille plongée dans de l'eau froide qui ne peut réagir quand celle-ci se réchauffe.
M. Bernard Fialaire . - J'entends ceux qui souhaitent rétablir la redevance mais je soutiens sa disparition qui a fait l'objet d'un engagement du président de la République pendant la campagne. Cette taxe était à la fois archaïque et injuste. J'espère que les travaux du Sénat permettront de faire des propositions. Je voterai les crédits proposés par le Gouvernement.
Mme Laure Darcos . - Nous avons, avec Catherine Morin-Desailly, lutté contre la décision de supprimer la CAP. Cette suppression a été motivée par le souci de préserver le pouvoir d'achat et de défendre l'équité mais tout le monde paye la TVA. Je soutiens donc l'abstention proposée par le rapporteur.
M. David Assouline . - Notre commission avait donné un avis défavorable aux projets de contrats d'objectifs et de moyens pour la période 2019-2022. Je rappelle que ces COM portaient en réalité sur la période 2020-2022 alors que la loi du 30 septembre 1986 prévoit que la durée d'un COM peut varier entre trois et cinq ans. La légalité de ces COM était donc discutable et je m'interroge sur la conformité d'avenants pris pour une année supplémentaire.
M. Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis . - Je partage le sentiment de Max Brisson selon lequel l'audiovisuel navigue à vue ainsi que la comparaison entre les conditions de suppression de la taxe d'habitation et de la CAP.
En réponse à David Assouline, je crois que s'il y a bien un sujet dont on parle dans cette commission, c'est celui de l'audiovisuel public et, concernant les moyens, on ne peut ignorer que le groupe France Télévisions a dépensé 45 millions d'euros pour développer Salto et qu'il considère aujourd'hui qu'il lui manque 45 millions d'euros pour boucler son budget.
Je partage les craintes de Catherine Morin-Desailly sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public mais j'observe aussi que les Français ne se sont pas plaints de la suppression de la CAP. Je confirme que la plateforme TV5 Monde + n'aurait pu voir le jour sans le soutien financier du Canada et je déplore à nouveau que la France ne soit pas au rendez-vous de la plateforme européenne d'ARTE.
La commission a décidé de s'abstenir sur l'adoption des crédits relatifs au compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » du projet de loi de finances pour 2023 et s'en remettra, dans ces conditions, à la sagesse du Sénat.