N° 116

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2023 ,

TOME IV

OUTRE-MER

(sera publié ultérieurement)

Par Mme Micheline JACQUES,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, M. Sebastien Pla, Mme Daphné Ract-Madoux, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285, 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Le budget de la mission « Outre-mer » est proposé, à périmètre constant et hors fonds de concours, à hauteur de 2,93 milliards d'euros (Md€) en autorisations d'engagement (AE) et 2,76 Md€ en crédits de paiement (CP) pour 2023, en augmentation respectivement de 298 et 285 millions d'euros (M€) en valeur. En raison d'un ajustement de périmètre sans aucun impact sur les bénéficiaires, les crédits réellement inscrits s'élèvent à 2,67Md€ en AE et 2,49Md€ en CP, en légère hausse, mais qui ne sera pas de nature à compenser l'impact de l'inflation attendue en 2023.

La hausse des crédits s'explique pour deux tiers par l'augmentation mécanique des compensations des exonérations de cotisations sociales. Les autres hausses sont modestes, + 1,81 % en AE pour la ligne budgétaire unique (LBU), ou portant sur des actions très ciblées mais essentielles : service militaire adapté (SMA), soutien à la Collectivité de Guyane ou à l'Agence française de développement (AFD).

Malgré un effort de territorialisation de la politique du logement, les résultats observés en termes de logements livrés et réhabilités demeurent en deçà des besoins. Ce constat appelle à la mobilisation de tous les outils et de tous les acteurs, dans le cadre d'états généraux de la construction en outre-mer, pour ensuite définir un troisième plan logement outre-mer (PLOM 3) en 2023, à la mesure de l'urgence.

L'attractivité demeure un enjeu majeur des territoires ultramarins. Cette attractivité passe par un effort renouvelé de formation, à travers l'extension du SMA ainsi qu'une réflexion sur l'amélioration de l'offre d'études supérieures dans les territoires, pour créer de la compétence et de la valeur directement sur place. L'accompagnement des mobilités par l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (LADOM) en période de forte inflation est également une nécessité, fondée sur des principes d'égalité des droits, de solidarité et d'unité de la République.

La rapporteure formule 10 recommandations pour porter l'action en faveur des territoires ultramarins à la mesure des enjeux auxquels ils font face.

Adoptant une position critique constructive, la commission des affaires économiques du Sénat s'est prononcée en faveur les crédits de la mission outre-mer.

La mission « Outre-mer » est loin de regrouper l'ensemble des crédits budgétaires à destination des outre-mer - et plus loin encore de donner une image fidèle de l'effort global de l'État, en incluant les dépenses fiscales à leur endroit. Avec 2,9 Md€ demandés dans le PLF 2023, à périmètre constant, la mission ne représente que 13 % des montants totaux destinés à l'outre-mer, répartis dans 101 programmes budgétaires issus de 32 missions.

Crédits budgétaires demandés
(en Md€ et en % de l'effort global)

dont mission « Outre-mer »

AE

CP

20,1 (75 %)

21,7 (76 %)

2,9 (11 %)

2,8 (10 %)

Dépenses fiscales en faveur des outre-mer
(en Md€ et en % de l'effort global)

6,8 (entre 24 et 25 %)

Effort global de l'État en faveur des outre-mer (en Md€)

26,9

28,5

Variation avec le PLF 2022

+ 3,9 %

+ 3,3 %

Source : commission des affaires économiques,
d'après le document de politique transversale « Outre-mer ».

I. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS BIENVENUE, À REPLACER DANS UN CONTEXTE FORTEMENT INFLATIONNISTE D'UNE PART, ET DE BESOINS CONSIDÉRABLES D'AUTRE PART

A. LA FIN DE LA CRISE SANITAIRE NE DOIT PAS MASQUER DES SITUATIONS D'INÉGALITÉ ET DE FRAGILITÉ EN OUTRE-MER

Comme pour l'hexagone, les années 2021 et 2022 ont été celles de la reprise progressive pour les outre-mer. À l'issue du premier trimestre 2022, l'outre-mer avait retrouvé son niveau d'activité d'avant crise 1 ( * ). Ce constat globalement positif ne saurait ignorer les spécificités géographiques et de secteur. Si les Antilles et la Guyane sont proches de leur niveau d'avant crise, l'Océan Indien l'a dépassé, quand l'Océan Pacifique peine toujours à l'atteindre.

De même, la plupart des secteurs ont connu un fort rebond, à l'exception du tourisme, qui demeure dans une situation préoccupante. Or, ce secteur exerce un fort effet d'entraînement pour les économies ultramarines, avec à la clef de nombreux emplois directs et indirects. Le secteur de la construction est quant à lui dans une position intermédiaire, proche de son niveau de 2019.

Le taux de chômage poursuit une baisse plus lente que dans l'hexagone, pour atteindre cependant son niveau le plus bas depuis dix ans au premier trimestre 2022 2 ( * ) . Cette bonne performance est à remettre dans le contexte d'un taux de chômage structurellement élevé, à deux chiffres, dans l'ensemble des DROM, ainsi que d'une trajectoire récente à la hausse pour la Réunion.

Source : IEDOM-IEOM.

Passée la crise Covid, la hausse des coûts ainsi que les conséquences de la guerre en Ukraine font désormais figure de principales incertitudes pour les entreprises, notamment dans le BTP et dans le secteur agricole. 80 % des chefs d'entreprise déclaraient, au premier trimestre 2022, devoir faire face à des hausses de coûts, un chiffre supérieur pour les secteurs les plus exposés. À ce moment déjà, la hausse était estimée à 15 %, voire 20 % dans la construction. Les principaux postes de hausse sont l'énergie, les matières premières et le fret. Enfin, on observe assez logiquement que plus la taille de l'entreprise est réduite, plus la hausse de ses coûts est grande et plus le risque de défaillance s'accroît. Ce constat plaide pour un soutien tout particulier en faveur de ces dernières.

Au-delà de ces chiffres, il est essentiel de rappeler que l'écart de niveau de vie entre les Français hexagonaux et les Français ultramarins demeure structurel. La crise sanitaire l'a mis une fois de plus en lumière, tout comme les récents mouvements sociaux qui en découlent.

C'est dans ce contexte où la reprise côtoie l'incertitude, et où les écarts de niveau de vie sont plus que jamais présents, que doivent s'apprécier les crédits à destination des outre-mer proposés pour 2023. Ce budget se doit d'être considéré comme un budget de transition, qui s'inscrit dans une volonté affichée du ministre chargé des outre-mer d'aller vers plus de contractualisation et vers une meilleure prise en compte des besoins de chaque territoire. La volonté de faire bouger les lignes depuis l'appel de Fort-de-France 3 ( * ) doit se traduire par l'élaboration de contrats de plan territorialisés ayant pour objectif de créer de la valeur sur les territoires ultramarins.


* 1 IEDOM-IEOM, « Les entreprises ultramarines face à la crise sanitaire. », n° 719, août 2022.

* 2 De plus, le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A inscrits à Pôle emploi au troisième trimestre 2022 s'établit pour les quatre DROM à 218 080, au plus bas depuis 10 ans.

* 3 Appel des présidents de la Guadeloupe, de Guyane, de La Réunion, de Saint-Martin, de Mayotte et de la Martinique demandant un « changement profond de la politique outre-mer de l'État ».

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