TRAVAUX EN COMMISSION
Audition de Mme Annick
Girardin,
ministre de la mer
(Mercredi 3 novembre 2021)
M. Jean-François Longeot , président . - Nous sommes très heureux de démarrer notre cycle d'auditions budgétaires par le ministère de la Mer, qui a célébré sa première année d'existence au mois de juillet dernier. C'est la première fois depuis près de 30 ans que la France dispose d'un ministère de plein exercice consacré à la mer, une avancée dont je me félicite et qui est indispensable pour porter une stratégie maritime ambitieuse dans notre pays.
Avant toute chose, Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur le périmètre de la Délégation générale de la mer qui verra le jour au 1 er janvier prochain : pouvez-vous nous présenter le périmètre de compétences qui sera le sien ?
Je forme le voeu que cette évolution administrative vous confère encore davantage d'indépendance dans la gestion des affaires maritimes : à terme, cela se pourrait-il se traduire par une plus grande latitude financière dans votre ministère ? Le programme budgétaire 205 consacré aux « Affaires maritimes » est en tension depuis de nombreuses années. En 2020, il a affiché un taux de consommation des crédits très élevé - de l'ordre de 98 % - et les besoins ne cessent de se multiplier pour faire face, à court terme, à la crise économique et au Brexit et, à plus long terme, aux défis posés par la mondialisation et la transition écologique. Avez-vous des perspectives d'augmentation de vos moyens pour les prochains budgets ?
Au-delà de ces aspects institutionnels, nous souhaitons vous entendre dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2022 sur les moyens qui seront consacrés aux affaires maritimes et aux ports, qui ont été lourdement impactés par la pandémie.
Le programme 205 bénéficie d'une hausse de ses crédits à hauteur de 33 millions d'euros pour 2022 par rapport à 2021, dont 10 millions qui seront consacrés au soutien à la flotte de commerce : pouvez-vous détailler les mesures qui seront ainsi financées ?
Notre commission accorde une grande importance à l'avenir de nos ports maritimes. Nous avions formulé de nombreuses propositions dans le cadre de la mission d'information relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes, dont Martine Filleul était la présidente, qui ont été traduites dans la proposition de loi de notre ancien collègue Michel Vaspart, adoptée par le Sénat en décembre 2020. Cette initiative sénatoriale aurait permis des avancées concrètes pour notre système portuaire. Aussi, je regrette que le texte n'ait pas été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Nous avions notamment formulé des recommandations pour rendre nos ports plus attractifs pour les acteurs économiques, à travers la création de zones de relance économique temporaires sur le modèle des zones franches douanières : quelles suites le Gouvernement va-t-il donner à ces propositions ?
Par ailleurs, la limitation des émissions liées au transport maritime est un enjeu croissant pour la lutte contre le changement climatique et l'acceptabilité sociale de nos ports. L'Organisation maritime internationale (OMI) a fixé un objectif de réduction du volume total d'émissions de gaz à effet de serre annuelles d'au moins 50 % d'ici à 2050, par rapport à 2008. Face à ces objectifs, il me semble indispensable de fixer une trajectoire financière claire et ambitieuse allant bien au-delà du Plan de relance : Madame la ministre, quels moyens allez-vous mettre en oeuvre pour accompagner le transport maritime et en particulier nos ports, qui sont au coeur de cette problématique, face au défi de la transition écologique ? Comment allez-vous concilier ces nouveaux impératifs avec la nécessité de préserver la compétitivité de nos ports face à la concurrence étrangère déjà féroce ?
M. Didier Mandelli . - En tant que président du groupe d'études « Mer et littoral », je souhaite vous interroger d'abord sur le soutien financier apporté à la société nationale de sauvetage en mer (SNSM). Avec la mission d'information, dont j'ai été rapporteur, nous avions souhaité que l'État participe à plus grande échelle au financement de la SNSM : c'est désormais chose faite, puisque le montant de la subvention dont elle bénéficie a été pérennisé à hauteur de 10,5 millions d'euros. Si je me réjouis de cette évolution, la pression financière qui pèse sur les stations locales demeure importante et appelle à davantage de solidarité : que pensez-vous de l'idée d'affecter une partie du produit de taxes existantes à la SNSM, par exemple en matière de fiscalité des permis de plaisance ou de redevances sur l'occupation du domaine public maritime ? Par ailleurs, quels moyens sont mis en oeuvre pour impliquer davantage les usagers de la mer et les collectivités territoriales dans le financement de la SNSM ?
S'agissant du soutien à l'emploi maritime, ensuite, pour quelles raisons avoir exclu le transport de passagers exploité sous délégation de service public du dispositif de « net wage », qui a été instauré en mai 2021 et que vous prolongez pour trois ans ? Dans la Manche et la Méditerranée, plusieurs compagnies rencontrent d'importantes difficultés financières et font face à une concurrence internationale particulièrement rude. Si le « net wage » n'est pas l'outil pertinent, quels moyens allez-vous mettre en oeuvre pour les accompagner ?
Le Gouvernement vient de lancer une mission d'évaluation sur l'avenir de la filière nautique, notamment au regard des objectifs de transition écologique. La responsabilité élargie des producteurs (REP) mise en oeuvre depuis trois ans dans le secteur nautique affiche un bilan positif, 3 200 bateaux ont été déconstruits au 30 septembre 2021. La filière rencontre toutefois des difficultés pour appréhender et démanteler les épaves et bateaux abandonnés, du fait de l'impossibilité de les rattacher à un propriétaire. Ce problème est décuplé dans les Antilles, où de nombreux bateaux échoués durant la tempête Irma n'ont toujours pas été évacués après quatre années. Le Gouvernement a-t-il identifié ce problème ? Que pensez-vous de l'idée d'instaurer une procédure permettant de décréter juridiquement l'abandon d'un navire, aux fins de pouvoir le démanteler ?
M. Philippe Tabarot , rapporteur pour avis des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes . - Merci, madame la ministre, de prendre de votre temps pour nous répondre, dans cette crise que traversent nos pêcheurs suite au Brexit. Nous souhaitons qu'une issue favorable, pour nos pêcheurs français, puisse être trouvée dans ce contexte post-Brexit ; situation qui mérite aussi et surtout un appui de l'Union européenne bien plus important qu'il n'y paraît.
Comité interministériel de la mer (CIMer), Assises de la Mer, Fontenoy maritime, stratégie d'exploration des grands fonds, vous semblez porter une haute ambition maritime - et c'est à cette aune que nous allons examiner vos crédits pour 2022.
Je souhaite tout d'abord vous interroger sur le report modal, un sujet qui nous tient à coeur depuis longtemps. Le Gouvernement a enfin présenté la nouvelle stratégie nationale portuaire en janvier 2021, après plusieurs années d'attente. Elle fixe des objectifs ambitieux à notre système portuaire pour la conquête de parts de marché et le positionnement sur les flux à forte valeur ajoutée. En tant que rapporteur pour avis des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes, je considère la massification des flux intérieurs de marchandises comme une condition indispensable pour renforcer la place de nos ports à l'international. Or, ce volet de la stratégie nationale portuaire me semble fragile : vous prévoyez une hausse de 30 % du report modal dans le pré- et le post-acheminement portuaire d'ici 2030, un objectif louable qui me semble toutefois peu réaliste au regard des moyens financiers mobilisés - seuls 200 millions d'euros sont prévus sur deux ans dans le cadre du plan de relance, là où le Sénat préconisait un plan d'investissement à hauteur de 5 milliards d'euros sur 10 ans. Madame la ministre, allez-vous prévoir des moyens financiers supplémentaires pour renforcer le report modal dans nos ports maritimes d'ici 2030 ? Il y a quelques jours, le Premier ministre a annoncé que 140 millions d'euros seraient mobilisés dans le cadre du plan de relance pour le fret ferroviaire, pour réaliser des aménagements dans certains ports maritimes : pouvez-vous nous en dire davantage ?
Ma deuxième question porte sur le verdissement de la flotte maritime. Le secteur maritime était responsable de 13,5 % des émissions totales de gaz à effet de serre de l'Union européenne en 2018. En outre, on estime que les émissions de CO2 liées au transport maritime international vont progresser de 18 % d'ici à 2030 et de 39 % d'ici à 2050 par rapport à 2015. Je me réjouis donc que l'article 8 du projet de loi de finances pour 2022 prévoie un assouplissement des conditions d'éligibilité au « suramortissement vert », qui permet aux armateurs d'obtenir une déduction fiscale sur l'acquisition de technologies de propulsion peu carbonée. Quel regard portez-vous sur les évolutions introduites à l'Assemblée nationale, notamment l'élargissement du champ des équipements éligibles ? La décision de soumettre l'application de la déduction à une analyse de l'impact environnemental des équipements sur l'intégralité de leur cycle de vie ne risque-t-il pas de réduire l'effectivité du dispositif ? Enfin, êtes-vous d'accord avec l'idée que nous défendons ici, de prolonger l'application du dispositif jusqu'en 2026 ?
Troisièmement, l'OMI a annoncé en juillet dernier de nouvelles mesures en faveur de la décarbonation du transport maritime, comme l'institution d'une notation carbone des navires et la mise en place, d'ici 2023, de nouveaux équipements tels que les limiteurs de puissance afin de réduire l'intensité carbone des navires. Par ailleurs, la Commission européenne vient de confirmer l'intégration du transport maritime au marché carbone européen et ce, à un horizon proche, entre 2023 et 2025. Comment ces initiatives vont-elles s'articuler et, surtout, comment vont-elles se traduire au niveau national dans les prochaines années ?
Ma quatrième question intéresse aussi bien les acteurs portuaires que les collectivités territoriales. En effet, pour avoir les moyens de nos ambitions, il nous faut investir. Cependant, nous manquons de visibilité pour les investissements au-delà des contrats de plan État-régions (CPER). Pouvez-vous nous donner aujourd'hui une visibilité ou du moins, des gages sur les investissements de long terme ?
Enfin, ma dernière question concerne la sécurité des ports, qui ne fait pas l'objet, il me semble, d'une quelconque action ou sous-action au sein du projet annuel de performance pour la mission « Affaires maritimes ». L'année dernière, à la suite des événements tragiques de Beyrouth, je vous interrogeais sur la stratégie française de sécurisation de nos ports. Où en est l'état de surveillance et d'alerte des services de l'État sur le nitrate d'ammonium et quelle place occupe cette stratégie dans le projet de loi de finances ?
Mme Annick Girardin, ministre de la mer . - Après un an d'existence, le ministère de la Mer est conforté dans ses priorités et ses budgets ; nous avons eu l'occasion d'en parler ensemble lors de notre rencontre dans le cadre de votre groupe d'études, le 19 octobre dernier. Ce budget témoigne de mon action, elle est claire : faire de mon ministère une autorité politique porteuse d'une stratégie maritime intégrée, coordonnée et ambitieuse pour répondre aux défis économiques et écologiques du XXI e siècle, qui sera maritime. Mon action s'appuie pour le moment sur le seul programme 205 lequel, à compter 2023, intégrera les crédits du programme 149 « Pêche et aquaculture », ce sera plus cohérent. Nous bénéficions aussi de crédits du plan de relance, de crédits de France 2030 sur les grands fonds marins, et j'installerai au 1 er janvier prochain la Direction générale de la Mer, qui regroupera la Direction des affaires maritimes (DAM), la Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) et la gestion des capitaineries ; son périmètre va évoluer avec le temps, pour répondre à tous les défis de la mer.
Le programme 205 compte 192 millions d'euros, c'est 46 millions de plus que l'an passé. Trois axes : les suites du Fontenoy du maritime, avec 29 millions d'euros de mesures nouvelles, dont un volet de formation maritime, le capital humain est essentiel. Le Président de la République a annoncé le doublement du nombre d'officiers de marine - soit 600 officiers - formés à l'École nationale supérieure maritime (ENSM), qui reçoit 8 millions d'euros supplémentaires - soit une augmentation de 45 % de sa subvention pour charge de service public -, pour devenir une école d'excellence capable de se projeter à l'international, ce sera l'objet de son contrat d'objectifs et de performance 2023-2027.
Je travaille à mieux valoriser les 12 lycées professionnels maritimes (LPM) ; une coordination était nécessaire, nous avons créé un poste de coordinateur des lycées maritimes, nous rédigeons une convention de partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, pour des effectifs supplémentaires, en particulier l'ouverture de trois classes de BTS dès la rentrée 2022. Nous avons à repenser l'ensemble la formation continue aux métiers de la mer, structurée autour du Centre européen de formation continue maritime (CEFCM) de Concarneau.
Enfin, dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, et suite au colloque de la Rochelle sur l'avenir de l'emploi maritime qui s'est tenu en octobre nous allons nous réunir en février prochain pour que les membres de l'Union européenne s'accordent sur un standard de formation aux métiers de la mer, comme il en existe dans l'aérien et qui préserve nos économies du dumping social dans le secteur.
Nous avons mis en place le « net wage » en urgence pour aider nos ferries dans la crise consécutive au Brexit, puis nous nous sommes engagés, lors du Fontenoy de la mer, à pérenniser cette mesure parmi d'autres, pour conforter la compétitivité de nos entreprises. Ce projet de budget prévoit donc des crédits pour assurer le remboursement des charges sociales salariales des personnels, pour tous les personnels des ferries, hors délégation de service public ; nous lançons une mission complémentaire, pour répondre aux besoins au-delà de l'aide à l'emploi maritime, et accompagner les ferries sous délégation de service public.
J'en viens aux personnels d'exécution de l'ensemble des services maritimes. Pour 2022, le coût global a été plafonné à 30 millions d'euros. Le curseur peut encore bouger. Pour mémoire, en 2021, sur le net wage , nous étions à 17 millions d'euros pour une aide initialement estimée à 30 millions d'euros.
Nous avons fait évoluer les paramètres du suramortissement vert, qui permet de soutenir l'investissement pour décarboner nos navires. L'objectif était de le rendre plus opérationnel. Le critère géographique, qui était un frein énorme, a été supprimé, et nous avons précisé la liste des carburants éligibles. L'article adopté par l'Assemblée nationale est, selon moi, source de complexité supplémentaire. J'espère que les travaux du Sénat permettront d'améliorer le dispositif.
Tout cela s'inscrit dans un contexte européen et international. L'OMI a fixé comme objectif la réduction de 50 % des émissions liées au transport maritime par rapport à 2018. La France promeut avec ses partenaires européens, notamment l'Allemagne et le Danemark, la mise en oeuvre la plus tôt rapide possible des mesures de tarification mondiale du carbone dans le secteur maritime. Mais le caractère éminemment international du transport maritime rend l'approche régionale moins opérante.
La France soutient également la mise en oeuvre de mesures fortes à l'échelon européen dans l'inclusion du transport maritime dans le marché d'échange de quotas d'émission (ETS).
Le deuxième axe de l'évolution du programme 205 est la création d'un fonds d'intervention maritime de 17,5 millions d'euros. Nous avons besoin d'un tel outil, à la fois simple et souple, pour répondre aux ambitions de notre politique maritime territoriale. Certes, il est de dimension modeste, et il doit encore faire ses preuves. Je souhaite qu'il monte en puissance dans les années à venir, et je compte sur le Parlement pour continuer à le faire évoluer. Il permettra de financer rapidement des actions pour les territoires, notamment celles qui sont identifiées dans le document stratégique de façade. Je souhaite qu'il soit véritablement orienté vers les projets des territoires et qu'il soit porté par des collectivités, associations ou établissements publics. Mon intention est d'en faire une action nouvelle dans le programme 205.
Le troisième axe est le maintien des moyens alloués à la modernisation de l'administration de la mer, en cohérence avec le plan de relance, soit 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 7 millions d'euros en crédits de paiement. Nous allons poursuivre le plan Affaires maritimes 2022, engagé en 2018, avec le renouvellement des moyens nautiques, la modernisation informatique ou la mise en place de l'administration numérique. Comme je l'ai indiqué lors de ma prise de fonction, mon ministère est celui des usagers et de la planification en mer. Notre objectif est de repartir sur une contractualisation 2022-2027 pour sécuriser les crédits d'investissement.
Je n'oublie pas la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), association financée à 75 % par des dons privés, le reste étant réparti entre l'État et les collectivités. La SNSM et l'État ont travaillé ensemble pour assurer la pérennisation du modèle économique de l'association. Nous avons conclu un partenariat le 11 décembre 2020, l'État ayant porté sa subvention annuelle à 10,5 millions dès 2020, avec une convention triennale de subventions 2021-2023. La SNSM est également affectataire d'une partie du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) et de 5 % de la taxe sur les éoliennes implantées. Le modèle de l'association est donc conforté à court terme. Bien entendu, nous devons réfléchir à l'après. La SNCM s'est particulièrement montrée à la hauteur ces deux dernières années, alors que le nombre de ses actions en mer doublait, voire triplait.
Au programme 205 s'ajoutent les crédits du plan de relance, soit 50 millions d'euros pour le renouvellement des moyens nautiques, la modernisation des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (Cross) et la rénovation de nos outils informatiques, et 50 millions d'euros dédiés à la pêche et l'aquaculture, montant doublé par le Président de la République à Nice voilà quelques semaines lors des assises de l'économie de la mer. En outre, 175 millions d'euros sont également consacrés au verdissement des ports.
J'exerce conjointement avec le ministre des transports des attributions sur les ports. Mais je ne suis pas chargée des crédits associés. Mon ambition est de faire de la France le premier port européen en 2030, au-delà de l'objectif, fixé dans la stratégie nationale, d'accroître de 30 % le report modal. Il nous faut agir de manière coordonnée. À mon sens, les grands ports et les ports décentralisés doivent être vus comme un ensemble. J'ai évoqué avec certains d'entre vous la possibilité que le pilotage soit assuré par une agence des ports français.
Nous voulons porter à l'horizon 2025-2050 de 60 % à 80 % la part de fret conteneurisé à destination ou en provenance de la France, doubler le nombre d'emplois directs ou induits liés à l'activité portuaire, accroître de 30 % la part des modes de transport massifiés, contribuer à atteindre les objectifs de neutralité carbone des transports et accélérer la fluidité des passages portuaires.
Une véritable logique d'axe et de façade s'est développée ces dernières années. Le projet Haropa remet Paris, à l'instar d'autres capitales, au coeur du développement du transport. Ce dossier est suivi de près par le Président de la République, qui a fait une annonce à Marseille voilà quelques semaines.
Les grands fonds marins font l'objet d'une stratégie dédiée au sein du plan France 2030, avec une enveloppe totale de 300 millions d'euros, dont 40 millions d'euros de crédits de paiement dès 2022.
Comme vous pouvez le constater, un an et demi après sa création, ce ministère a su se faire une place dans le paysage politique, budgétaire et administratif. À présent, ce budget devra prendre vie dans vos territoires. À mes yeux, le ministère doit être aux côtés des territoires et de l'ensemble des professionnels de la mer. Ce budget est pour moi une satisfaction.
M. Guillaume Chevrollier . - Madame la ministre, si le XXI e siècle sera maritime, 2021 est l'année de la biodiversité : nous avons eu le Congrès mondial de la nature à Marseille et la COP 15 en Chine.
Quelles sont les actions de votre ministère sur les aires marines protégées ? Comment s'articulent-elles avec celles du ministère de la transition écologique ?
Comment comptez-vous agir pour supprimer les bateaux qui sont de gros pollueurs de nos ports ?
Quid de l'articulation avec d'autres ministères de la gestion des crédits de recherche pour avancer sur la connaissance des fonds marins ?
La protection des câbles sous-marins relève-t-elle de votre ministère ? Partagez-vous cette compétence avec le ministère de la défense ?
Quelle sera la contribution de votre ministère à la définition d'une politique de la mer dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne ? Vous avez indiqué souhaiter faire de la France le premier port d'Europe, mais il faudra aussi avoir une vision européenne en la matière.
Lors de votre prise de fonction, vous avez souligné la nécessité d'avoir le « réflexe outre-mer ». Quel bilan tirez-vous à cet égard ?
Mme Angèle Préville . - Madame la ministre, vous n'avez pas évoqué les pollutions marines ; je pense notamment aux pollutions plastiques. Cela fait-il partie de vos préoccupations ? Y aura-t-il un budget dédié ?
Vous avez abordé la décarbonation du transport maritime. Quel regard portez-vous sur l'éventuel développement du transport à la voile ? De nombreuses îles n'ont pas les moyens de traiter les déchets, et le transport vers d'autres îles est évidemment émetteur de gaz à effet de serre. Prévoyez de subventionner ou d'aider le transport à la voile, qui est relativement vertueux ?
M. Ronan Dantec . - Je me réjouis de la création d'un ministère de la mer et d'une direction générale de l'administration de la mer et du développement maritime.
Si je comprends bien, la question, toujours très complexe dans les négociations internationales, des émissions de gaz à effet de serre du transport maritime relève de votre ministère. Cela inclut la problématique de la puissance des bateaux. Je pense qu'il faut en rester à l'ETS européen et ne pas opter pour un système de type Corsia ( Carbon offsetting and reduction scheme for international aviation), même si certains, comme les Chinois, ne seront pas d'accord. Le suivi des bateaux étant informatisé, pourquoi ne pas interdire l'accès aux ports européens aux navires qui vont trop vite ? Évidemment, cela suppose une position commune européenne.
Par ailleurs, sachant que notre espace maritime de quelque 5 millions de kilomètres carrés en Polynésie est notre principal sanctuaire pour les mammifères marins, quel bilan tirez-vous du nouveau plan contre la pêche illégale dans cette zone, présenté voilà quelques mois ?
Mme Martine Filleul . - J'ai du mal à identifier le périmètre des compétences de votre ministère et l'organisation des financements.
L'augmentation de 4 millions d'euros des crédits du programme 203 « Infrastructures et services de transports » me semble insuffisante. Dans son rapport d'information, notre ancien collègue Michel Vaspart préconisait un investissement sur cinq ans de 750 millions d'euros, soit 150 millions d'euros par an. Il manque donc déjà 52 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2022. Ma crainte est que le plan de relance ne soit qu'un one - shot alors que les infrastructures portuaires auraient besoin d'un investissement massif, et sur le long terme. Que prévoyez-vous à cet égard ?
J'ai bien compris que le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » ne relevait pas de votre compétence, mais je m'étonne que les crédits de l'action n° 7 « Gestion des milieux et de la biodiversité » restent stables alors que le Gouvernement prévoit de porter à 30 % la part des aires marines et terrestres protégées d'ici à 2022.
Je regrette également que les crédits consacrés au trait de côte dans le programme 181 n'évoluent pas. Je trouve très inquiétant qu'il revienne aux collectivités territoriales d'assumer les aménagements en la matière. Je ne comprends pas que le Gouvernement ne réagisse pas plus et n'en tire pas les conséquences budgétaires.
Mme Annick Girardin, ministre . - La sécurité portuaire est un enjeu mondial. Selon un rapport d'analyse des risques, en France, ce sont les ports fluviaux qui sont les moins bien surveillés aujourd'hui, d'où l'importance d'avoir une stratégie globale intégrant tous les ports. Nous travaillons actuellement avec le ministère de l'intérieur sur la sûreté des ports ; à ce stade, le plan reste confidentiel.
Depuis 2019, 2 045 navires ont été déconstruits. Une part des recettes du DAFN y ont été affectées dans le projet de loi de finances pour 2021. Cela a permis de recenser toutes les épaves. Nous devons effectivement pouvoir agir davantage et plus rapidement dès cette année.
À Saint-Martin, compte tenu de la répartition des compétences et des difficultés liées aux dégâts qui ont eu lieu, tous les problèmes n'ont pas encore été résolus. J'ai évoqué tout à l'heure la piste d'un fonds d'action permettant d'intervenir très rapidement auprès des collectivités face à de tels événements. Il n'est pas facile d'agir quand on ne sait pas qui doit faire quoi.
Sur la biodiversité, vous avez évoqué les 30 % d'aires marines protégées. À Marseille, le Président de la République a parlé de 5 % de zones de protection forte d'ici à 2027. Avec ma collègue Barbara Pompili, nous veillerons à être au rendez-vous de ces annonces. C'est véritablement un sujet de planification de l'espace maritime. Le ministère suit ce dossier, que ce soit en métropole, avec le document stratégique de façade, ou en outre-mer, où la dynamique existe également.
Sur le verdissement des ports, outre les 175 millions d'euros du plan de relance, il faut se réjouir du classement en zone de réglementation des émissions de polluants (ECA) de la mer Méditerranée dès 2022. Des annonces fortes ont été émises à Marseille. Elles doivent être suivies d'effets.
La protection des câbles sous-marins relève du ministère de la défense.
Le One ocean summit, voulu par le Président de la République, se tiendra au mois de février prochain à Brest. Ce sera l'occasion d'aller plus loin sur de nombreux sujets avec des coalitions d'acteurs différents : États, ONG, entreprises. Sur la question de la pêche illégale, nous aurons l'occasion d'agréger d'autres pays. Je me réjouis que notre espace maritime en Polynésie soit la zone la mieux protégée du Pacifique en la matière, même si nous devons faire mieux encore. Nous aborderons aussi la gouvernance des océans, ainsi que l'économie bleue, durable et sociale, dans la prolongation des travaux que je mènerai à La Rochelle dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne.
Sur la pollution marine, le comité interministériel de la mer (Cimer) de 2019 a prévu un plan « Zéro déchet plastique en 2025 », qui se met en place. Je pourrai vous communiquer quelques éléments chiffrés.
À mes yeux, le transport à la voile est une véritable solution, qu'il faut soutenir. Nous avons donc ouvert ce moyen de propulsion au suramortissement vert.
Le programme 203, qui ne relève pas de ma compétence, n'englobe pas tous les investissements. Ainsi, nous avons mobilisé voilà quelques jours 800 millions d'euros d'investissements pour Calais, qui n'est pas un port d'État, de même que nous avons mobilisé des crédits pour Haropa.
Le trait de côte ne relève pas aujourd'hui directement du ministère de la mer. Je souhaite une source de financement nationale. La solidarité nationale s'est déjà exercée dans les territoires, mais il faut aller plus loin. Nous avons besoin d'une meilleure connaissance des effets du dérèglement climatique sur notre littoral. Ce sera peut-être le cas à l'issue de la COP de Glasgow. La fiscalité des éoliennes en mer flottante qui s'installeront dans la zone économique exclusive (ZEE) française sera peut-être une piste. Nous aurons besoin d'un outil pour réaliser l'énorme travail d'accompagnement des collectivités qui est devant nous.
L'accord de Paris a confié à l'OMI le soin de définir les engagements du secteur maritime en matière de réduction des gaz à effet de serre. Nous avons déjà pris des initiatives. La question de la vitesse a été abordée par les transporteurs eux-mêmes. Peut-être n'avons-nous pas réussi à suffisamment entraîner les autres acteurs. Nous espérons pouvoir aboutir à une déclaration bien plus forte avec plusieurs armateurs, français et autres, à Brest au mois de février prochain. Comme vous le savez, en la matière, c'est l'international qui guide les décisions. Au-delà, nous réfléchissons également à ce que nous pourrions mettre en place dans notre ZEE, en accord avec l'OMI.
La filière pêche est concernée par la mise en oeuvre, qui n'est pas toujours très facile, de l'accord relatif à la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Le dialogue est extrêmement soutenu depuis vendredi. Nous avons tapé du poing sur la table. L'enjeu est important pour la filière, pour nos pêcheurs et pour les littoraux. Nous nous donnons quelques jours supplémentaires. Le dialogue devra se terminer d'ici à vendredi.
Mme Nadège Havet . - Madame la ministre, je vous remercie d'avoir mis en place un véritable suivi de ce que vous faites depuis trois semaines. Cela nous permet de répondre aux sollicitations sur le terrain.
Pourriez-vous nous préciser les projets qui seront financés dans le cadre du fonds d'intervention maritime, ainsi que les procédures à suivre ? Et qui instruira les demandes ?
Mme Annick Girardin, ministre . - Les modalités d'utilisation du fonds sont en cours de définition. Je souhaite que celui-ci soit visible dans les documents budgétaires. Il faut éviter une programmation qui vienne d'en haut. Il doit s'agir d'un outil de financement souple des projets des territoires : économie bleue, transition écologique, patrimoine. Sur le terrain, on se rend compte des difficultés pour soutenir de petits projets, à 50 000 euros, 100 000 euros ou 200 000 euros. Il faut s'inspirer du cadre du document stratégique de façade.
J'ai déjà expérimenté un tel outil en tant que ministre des outre-mer. Le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) permet d'intervenir très rapidement pour soutenir des projets. Je souhaite que l'État, les collectivités ou même des associations ou d'autres organismes puissent agir directement. L'action « France vue sur mer » permet d'aider les collectivités pour que le sentier du littoral ou le chemin des douaniers puissent être toujours disponibles ou prêts à accueillir du public, et ce très rapidement. Il faut que nous arrivions à faire de même avec le fonds d'intervention maritime.
M. Jean-François Longeot , président . - Madame la ministre, je tiens à vous remercier de vos réponses. Vous pourrez compter sur le Sénat et les membres de cette commission pour vous accompagner dans vos projets. Par votre détermination, vous nous avez montré aujourd'hui combien vous avez « la pêche » !
Audition de M. Jean-Baptiste
Djebbari, ministre délégué
auprès de la ministre
de la transition écologique,
chargé des
transports
(Mercredi 17 novembre 2021)
M. Jean-François Longeot , président . - Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui pour échanger sur les dispositions consacrées au transport dans le projet de loi de finances pour 2022, que ce soit dans le cadre de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » ou dans le cadre du plan de relance du Gouvernement.
L'année 2021 a encore été une année difficile pour le secteur des transports. Tous les modes ont été affectés. Je pense en particulier aux transports collectifs, qu'il s'agisse de transports urbains ou ferroviaires, qui peinent encore aujourd'hui à retrouver leur niveau de fréquentation d'avant-crise, ou encore de transport aérien.
Dans ce contexte difficile, je souhaite vous interroger sur les grandes priorités du PLF pour 2022 pour le secteur des transports.
Avant toute chose, nous nous félicitons de l'augmentation globale des crédits de paiement prévus pour le programme 203, le budget annexe et le plan de relance, même si - et mes collègues reviendront sans doute sur ce point -, nous ne sommes pas totalement convaincus que les moyens déployés soient tout à fait suffisants pour atteindre les ambitions que nous nous sommes fixées.
Par ailleurs, il apparaît que ce budget, comme celui de l'an dernier, souffre d'un certain manque de lisibilité, du fait de l'éclatement des crédits entre les programmes « classiques » et les programmes de la mission « Plan de relance ». Au sein de ces programmes, le fléchage précis des enveloppes prévues laisse parfois interrogateur.
À titre d'exemple, 389 millions d'euros de crédits sont prévus par le plan de relance au titre de l'accélération des travaux d'infrastructures de transport pour des opérations aussi variées que le déploiement de bornes de recharges, la ligne ferroviaire Lyon-Turin, la régénération des voies fluviales, la mise en place de voies réservées destinées au covoiturage, ainsi que la modernisation des centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS), mais nous n'avons pas dans les documents annexés au PLF le détail des crédits affectés à chacune de ces opérations. Peut-être pourriez-vous, monsieur le ministre, nous aider à y voir plus clair.
Plus globalement, pouvez-vous indiquer le niveau d'exécution des crédits prévus par le plan de relance en ce qui concerne les transports ?
Par ailleurs, nous souhaiterions vous entendre sur la trajectoire de recettes et de dépenses de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Cette trajectoire a été inscrite dans la loi d'orientation des mobilités, et nous nous réjouissons que les engagements prévus soient jusqu'à présent tenus. Néanmoins, nous constatons un double phénomène qui nous préoccupe sur l'avenir du modèle économique initialement envisagé.
D'une part, la crise sanitaire a mis en doute l'assurance pour l'Afitf de percevoir les recettes qui lui sont affectées, en particulier celles liées à la contribution du secteur aérien et aux amendes radars.
Si l'État a jusqu'à présent compensé ces baisses de recettes, n'estimez-vous pas qu'il soit nécessaire de revoir ce modèle de financement pour que des investissements aussi lourds que ceux liés aux transports n'aient plus à reposer sur des recettes incertaines ?
D'autre part, la trajectoire de la loi d'orientation des mobilités (LOM) ne correspond plus strictement à la réalité des dépenses de l'Afitf, puisque l'État a pris de nouveaux engagements relatifs au canal Seine-Nord Europe et au tunnel Lyon-Turin.
Plus récemment, et à la suite des annonces du Président de la République à Marseille, un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale pour abonder le budget de l'Afitf. Ces pratiques posent questions : d'après vous, la trajectoire de la LOM doit-elle être révisée ?
Plus globalement, le budget pour 2022 intègre-t-il réellement toutes les dépenses liées aux dernières annonces ? Nous sommes en droit de nous poser la question. Le Haut Conseil des finances publiques a en effet qualifié le PLF 2022 d'incomplet. Qu'en est-il pour le secteur des transports ?
Je souhaite également revenir sur les récentes annonces concernant la desserte ferroviaire des ports maritimes. Il y a quelques semaines, le Premier ministre a indiqué que, dans le cadre du plan de relance du fret ferroviaire, 140 millions d'euros étaient prévus pour financer des aménagements ferroviaires dans les ports. Comme vous le savez, le développement du report modal dans les ports maritimes est une préoccupation centrale de notre commission, qui avait d'ailleurs proposé un plan d'investissement de 5 milliards d'euros sur dix ans dans le cadre du rapport d'information sur la gouvernance et la performance des ports maritimes.
Notre système portuaire a besoin d'un cap clair et surtout d'une trajectoire financière lisible. Or il me semble que l'accumulation d'annonces et de dispositifs ne permet pas aux acteurs d'avoir une visibilité suffisante sur leurs investissements à venir.
Je m'interroge sur trois points : cette enveloppe supplémentaire de 140 millions d'euros est-elle intégrée au présent budget ?
Comment va-t-elle s'articuler avec les 175 millions d'euros déjà prévus dans le plan de relance pour favoriser le report modal dans les grands ports maritimes ?
Enfin, quels projets seront financés par ces crédits, et à quelle échéance ?
S'agissant de l'aérien, on constate que le budget annexe ainsi que de nombreux opérateurs de ce secteur voient leurs recettes s'effondrer. L'endettement public et privé s'accroît donc au moment où les investissements massifs dans la transition décarbonée sont plus que jamais nécessaires.
Pouvez-vous nous indiquer quels sont les maillons les plus en difficulté de la communauté aérienne que vous prévoyez de soutenir en complétant les enveloppes du projet de loi de finances pour 2022 ?
Je ne résiste pas à l'envie de vous interroger sur le volet transport de la COP26, qui vient de s'achever à Glasgow. Des échanges auraient été engagés pour renforcer le mécanisme Corsia, mais il semblerait que rien ne soit sorti des négociations sur ce point. Pouvez-vous nous en dire plus ?
S'agissant de l'automobile, la France a refusé de rejoindre l'alliance visant à ce que toutes les ventes de voitures et de vans neufs soient à zéro émission au niveau mondial d'ici 2040 et au plus tard en 2035 sur les principaux marchés. Je note que plusieurs groupes importants - Ford, General Motors, Jaguar, Mercedes, etc. - ont rejoint cette alliance, contrairement aux constructeurs français. Comment justifiez-vous ce manque de volontarisme de notre pays ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports . - Je commencerai par vous présenter formellement le budget avant de vous dire un mot du bilan tel qu'on peut commencer à l'établir au terme de quatre ans et demi d'action.
C'est un budget toujours en hausse, car nos ambitions pour les transports ne faiblissent évidemment pas. Nous sommes engagés dans des transformations importantes, inédites, historiques et très rapides. Je pense notamment à la décarbonation du parc automobile, à celle de l'aviation et au développement du ferroviaire et des transports du quotidien.
Le budget 2022 avoisine les 14 milliards d'euros, avec un niveau de dépenses élevé, conforme aux objectifs de la LOM et de la loi « Climat et résilience » d'août 2021.
Ce budget augmente pour chaque programme : plus 4 % pour le programme « Transports terrestres », plus 20 % pour le programme « Transports maritimes », plus 2,5 % pour l'Afitf et plus 5 % pour le budget annexe de l'aviation civile.
Dans le détail, le programme 203 consacré aux transports terrestres atteint 3,84 milliards d'euros. Le budget du secteur ferroviaire continue à être renforcé, avec 100 millions d'euros supplémentaires au profit de SNCF Réseau. Le fret ferroviaire bénéficie de 170 millions d'euros d'aides à l'exploitation pour 2021. Les engagements qui avaient été pris sont tenus et pérennisés. Il s'agit de réduire les péages pour les opérateurs, de renforcer l'aide au transport combiné, de soutenir le wagon isolé. Nous avons, il y a maintenant quelques semaines, relancé une autoroute ferroviaire entre Perpignan et Rungis, avec un soutien des opérateurs de l'ordre de 300 millions d'euros pour 2022.
S'agissant du plan d'investissement annoncé par le Premier ministre concernant l'aménagement ferroviaire dans les ports, ce sont 140 millions d'euros qui sont intégrés au plan de relance. Au total, cela représente 1,35 milliard d'euros sur quatre ans.
J'aurais l'occasion de revenir sur la politique d'investissement que nous menons dans les ports, à la fois pour renforcer leur activité et aménager le report modal en faveur du ferroviaire.
L'agence d'innovation dans les transports (AIT) bénéficie également pour sa mise en place d'un montant de 4 millions d'euros. Nous poursuivons notre politique sur les investissements aéroportuaires, et notamment la pérennisation de lignes d'aménagement du territoire, dans la dynamique de transports de proximité.
Enfin, dans le cadre du plan « Marseille en grand », ce sont 256 millions d'euros de subventions qui sont consentis pour développer le réseau de transports publics de la ville, dont 32 millions d'euros sont inscrits en 2022 et 744 millions d'euros d'avance remboursable, 100 millions d'euros étant consentis au titre de l'année prochaine.
Le budget de l'Afitf est en augmentation de 2,5 %, à hauteur de 3,47 milliards d'euros. C'est une trajectoire cohérente avec la LOM. Elle a même augmenté grâce au plan de relance. Les recettes, notamment les amendes radars, ainsi que l'écocontribution aérienne, ont manqué à l'Afitf à hauteur de 275 millions d'euros. Certainement faudra-t-il reproduire l'opération cette année, mais la trajectoire de la LOM, en tout état de cause, a bien été augmentée des montants nécessaires aux nouveaux engagements.
En 2022, en base, cela représente 2,58 milliards d'euros. Nous avons ajouté 91 millions d'euros pour le canal Seine-Nord Europe, 30 millions d'euros pour le Lyon-Turin et 32 millions d'euros pour Marseille.
Le budget de l'aviation civile s'établit à 2,38 milliards d'euros. Nous avons maintenu les grandes priorités d'investissement et de modernisation des instruments de la navigation aérienne. Pour tenir cet équilibre, le recours à l'emprunt atteindra 709 millions d'euros pour 2022, ce qui porte l'endettement global à 3,3 milliards d'euros au 31 décembre 2022. Le budget annexe amorcerait ainsi son désendettement à compter de 2023.
Pour le programme 205, nous avions engagé l'an passé des aides exceptionnelles pour Brittany Ferries. D'une manière générale, le dispositif de remboursement de la part salariale des cotisations sociales pour les lignes de transport de passagers soumis à concurrence internationale sera pérennisé pour trois ans. Il s'agit d'un soutien massif à la marine marchande, en complément de l'évolution positive du suramortissement pour les navires propres.
Ce budget bénéficie encore du plan de relance. Il permet d'apporter, en 2022, 26 millions d'euros supplémentaires pour le programme 203 en prenant en compte tous les modes. Ce sont 750 millions d'euros supplémentaires qui sont versés à l'Afitf, dont 124 millions d'euros au bénéfice des deux grands projets d'infrastructure que sont le tunnel Lyon-Turin et le canal Seine-Nord Europe. 1,6 milliard d'euros est versé à SNCF Réseau, conformément aux engagements de recapitalisation que nous avions pris l'an passé. 186 millions d'euros sont consentis à la recherche aéronautique.
Pour répondre précisément à votre question et en finir avec les chiffres, 550 millions d'euros sont consacrés à l'accélération des grands projets d'infrastructures : 175 millions d'euros pour VNF, 25 millions d'euros pour moderniser les CROSS, 50 millions d'euros pour les voies réservées, 200 millions d'euros pour le Lyon-Turin et 100 millions d'euros pour les bornes électriques.
Le plan de relance a déjà montré son efficacité. À ce jour, nous avons engagé 85 % des 6,8 milliards d'euros dédiés aux transports terrestres, hors secteur automobile. 87 % sont dédiés à la construction ou à la recherche aéronautique, soit 1,3 milliard d'euros sur 1,5 milliard d'euros budgété.
Voici pour les éléments chiffrés.
Je souhaiterais à présent vous dire un mot du bilan après cinq ans et les premières réformes.
Je ne reviendrai pas sur le système de transport que nous avons trouvé en 2017. Disons que l'essentiel de notre effort a porté sur l'entretien et la régénération du réseau ferroviaire, qui avait 30 ans en moyenne, et qui comportait de petites lignes qui menaçaient de fermer. Nous avons très largement accéléré le développement du véhicule électrique qui a, là aussi, pu bénéficier positivement des effets du plan de relance et de la crise. Nous avons engagé la décarbonation de l'aviation.
Un mot sur le nouveau pacte ferroviaire. Celui-ci trouve maintenant sa traduction concrète, notamment avec les premières lignes ouvertes à la concurrence en région PACA qui, je crois, démontre qu'il est possible d'ouvrir à la concurrence et d'améliorer le service aux usagers. Pour Marseille, c'est 75 % de trafic en plus et, entre Marseille et Nice, deux fois plus de trafic prévu. C'est donc là l'amorce d'une ouverture à la concurrence qui s'engage pour le bénéfice de l'usager.
Je répète que nous avons tenu nos engagements, s'agissant du groupe SNCF, pour la reprise de dette de 35 milliards d'euros en deux fois et pour la recapitalisation du groupe. Nous avons sanctuarisé 3 milliards d'euros d'investissements pour la régénération du réseau, tout en réinvestissant aux côtés des régions sur les petites lignes ferroviaires. Au total, ce sont aujourd'hui neuf régions qui ont signé ou qui ont délibéré, nous permettant d'engager 6 milliards d'euros sur les 7 milliards d'euros et, d'ores et déjà, de sauver plus de 6 500 kilomètres sur les 9 000 kilomètres de petites lignes qui étaient, comme chacun le sait, assez largement en difficulté.
S'agissant de la LOM, nous aurons déployé, pour le secteur automobile et la révolution électrique, un million de bornes d'ici à la fin de l'année, dont 50 000 ouvertes au public. Nous étions à 400 000 en début d'année. Nous sommes le deuxième pays européen dans ce domaine, et cette tendance s'accélère partout.
Nous aurons développé en cinq ans 13 000 kilomètres de pistes cyclables sécurisées depuis 2017. Cet effort demande évidemment à être poursuivi dans les années qui viennent. Au total, les 13,4 milliards d'euros d'investissements programmés de 2019 à 2023 nous ont, pour la première fois, permis d'afficher une trajectoire et un cap clairs. Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) a d'ores et déjà commencé à travailler pour préparer la future loi de programmation, suite logique qui interviendra dans le courant de l'année prochaine et qui permettra d'afficher à nouveau une visibilité sur les investissements en matière de transports.
Les textes de la loi « Climat et résilience » d'août 2021 seront tous pris d'ici à neuf mois. Nous devrons poursuivre ce travail de modernisation des transports. C'est déjà le cas avec le projet de loi 3DS actuellement débattu. France 2030 pose des jalons importants à la fois pour la décarbonation de l'aviation, la révolution autour de l'hydrogène et la poursuite du développement des véhicules électrifiés d'ici à 2030.
Ceci me permet de répondre à votre question sur la dimension internationale, et notamment la COP26, sous l'angle de l'aviation et de l'automobile.
En matière d'aviation, il a été proposé - ce qui a fait l'objet d'une déclaration et d'un débat - de porter, en tant que signataires de la COP26 au sein de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), un objectif de long terme pour l'aviation qui propose la décarbonation nette en 2050. Cela passe évidemment par Corsia, qui est un outil de compensation, par une meilleure articulation de ce que l'on appelle les systèmes de quotas régionaux (ETS) et surtout, à court ou moyen terme, par le développement des filières de carburant alternatif au kérosène.
Nous avons, à l'échelon français, lancé un plan de 200 millions d'euros, très largement répliqué en Europe. Cela consiste de plus en plus à employer des biokérosènes qui intègrent des huiles de cuisson usagées, des déchets agricoles et forestiers ou des e-fioul, qui sont des carburants synthétiques recombinés avec de l'hydrogène et du CO 2 , pour partie capté.
Il existe un très gros enjeu industriel autour de cette nouvelle activité. Il nous paraît souhaitable de porter une action résolue au niveau européen et, dans un avenir relativement proche, d'avoir une action au niveau de l'OACI pour éviter les « effets de fuites de carbone », qui seraient totalement délétères s'agissant de notre capacité collective à atteindre la décarbonation.
Enfin, s'agissant de l'automobile et de nos engagements, il faut rappeler que la France, en 2017, a été l'un des premiers pays, dans le cadre du plan Climat de l'époque, à annoncer la fin de la vente des véhicules fossiles à l'horizon 2040. Une position de la Commission européenne a été publiée le 14 juillet dernier. La France pose 2035 comme une date possible pour les véhicules électrifiés, en incluant les véhicules hybrides rechargeables. Nous aurons des discussions dans le cadre du Conseil européen avec les autres États membres, et nous verrons le compromis qui peut s'établir.
Les aides que consent la France pour accompagner l'ensemble des ménages, notamment les moins aisés, la mise en place des normes qui s'imposent et le déploiement des bornes électriques que réalise notre pays sont tout à fait inédits à l'échelle de l'Union européenne.
M. Philippe Tabarot , rapporteur pour avis . - Je souhaiterais vous parler de la forme et du manque de lisibilité du budget, et plus particulièrement du plan de relance.
Au cours de nos auditions des acteurs du secteur, j'ai eu beaucoup de mal à obtenir le détail du fléchage et de l'exécution des différents crédits. On parle de plusieurs milliards d'euros. Je fais notamment référence ici aux fameux 4,05 milliards d'euros affectés à SNCF Réseau, dont nous avons du mal à identifier l'affectation précise.
Je souhaiterais en particulier avoir davantage de précisions sur deux points. S'agissant des petites lignes ferroviaires, quels montants ont été consommés en 2021 et quels sont les montants prévus pour 2022 ?
L'an dernier, un montant de 620 millions d'euros avait été évoqué, mais j'ai cru comprendre qu'il concernait 2021 et 2022. Est-ce exact ?
Dans ce cas, nous sommes bien loin des besoins que vous avez évoqués, à la fois par rapport aux neuf conventions avec les régions dont vous avez parlé, aux 6 500 kilomètres de voies ferrées que vous voulez sauver sur les 9 000 kilomètres ou de lignes de desserte fine du territoire. Selon le rapport de François Philizot, il faut environ 700 millions d'euros d'investissement par an pour atteindre les objectifs. Nous sommes encore loin du compte !
S'agissant du fret ferroviaire, où des efforts importants ont été consentis - il serait malhonnête de ne pas le reconnaître -, pouvez-vous nous confirmer que 15 millions d'euros seront dédiés aux autoroutes ferroviaires ?
Plus globalement, dans le secteur du ferroviaire, pensez-vous vraiment que le budget 2022 permette d'atteindre les objectifs ambitieux que nous nous sommes fixés ensemble sur la loi « Climat et résilience » d'août 2021 ? Je pense notamment aux articles 143 et 131, qui prévoient une augmentation de la part modale des voyageurs et un doublement de la part modale du fret ferroviaire d'ici 2030.
Certains chiffres sont en hausse cette année, mais le plan de relance s'apparente toujours plus à un plan de soutien, voire un plan de sauvetage, comme certains l'ont évoqué. Il manquerait en effet environ un milliard d'euros par an pour avoir un service ferroviaire à la hauteur, avec une modernisation, une régénération et une digitalisation du réseau. Je pense notamment au Système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS) et aux centres de commande dignes d'infrastructures du XXI e siècle.
Concernant les ressources de l'Afitf, je suis assez inquiet pour le futur, avec des recettes en diminution, notamment la contribution du secteur aérien mais aussi, cette année, le refus des sociétés concessionnaires d'autoroutes de s'acquitter de la contribution volontaire exceptionnelle. Vous en avez dit un mot. J'aimerais que vous nous expliquiez les solutions que vous envisagez pour garantir les 3,5 milliards de financements nécessaires chaque année.
S'agissant de l'Autorité des transports (ART), nous nous inquiétons du montant de sa subvention pour charge de service public. L'ART s'engage parfois contre son gré dans de gros contentieux. Si elle n'avait pas gain de cause, elle se mettrait gravement en difficulté sur le plan financier. Je ne voudrais surtout pas que l'ART n'ose pas, de ce fait, mener à bien sa mission et qu'elle réduise son champ d'action.
Par ailleurs, on ne peut nier les efforts très importants que vous avez réalisés en matière d'investissement, notamment sur la partie fluviale. Je m'inquiète cependant de la baisse des équivalents temps plein (ETP) de Voies navigables de France (VNF). 175 millions d'euros d'investissement figurent dans le plan de relance. Comment, en baissant cette année encore le plafond d'emplois de 30 ETP supplémentaires, VNF va-t-elle pouvoir mener toutes ses missions à bien et respecter le contrat d'objectifs et de performance que vous avez signé récemment ?
Enfin, s'agissant du domaine portuaire, comme l'a indiqué le président, nous avons du mal à obtenir des explications précises sur la ventilation des crédits du plan de relance. Là aussi, 175 millions d'euros sont prévus en matière de verdissement des grands ports maritimes.
Pouvez-vous corriger le flou de certains projets qui bénéficient ou bénéficieront de cette enveloppe ? Quels moyens allez-vous mettre en oeuvre, face aux impératifs environnementaux, pour accompagner les ports qui n'ont pas le statut de grands ports maritimes (GPM) ? Sont-ils pris en compte dans le plan de relance ?
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - Monsieur le ministre, ma première question porte sur les transports en commun. Quels sont les secteurs qui connaissent le plus de difficultés pour retrouver un rythme normal ? Quel accompagnement l'État a-t-il prévu pour les autorités organisatrices de mobilité ?
On ne peut que déplorer une certaine insuffisance et une inégalité de traitement. Île-de-France Mobilités (IDFM) parvient à obtenir des avances remboursables substantielles, contrairement aux petites autorités organisatrices de la mobilité (AOM), qui n'ont pas créé de syndicats et qui ne sont pas puissantes, pour qui les compensations sont bien plus compliquées à obtenir.
En second lieu, vous aviez demandé à Philippe Duron un rapport sur le modèle économique des transports collectifs. On ne voit aucune traduction de ses 48 propositions dans le budget. Qu'allez-vous faire de celles-ci, dont certaines sont tout à fait innovantes ?
S'agissant de la question routière, la dégradation des chaussées se poursuit. C'est d'autant plus inquiétant que le projet de loi « 3DS » envisage des transferts de certaines sections de voiries nationales vers les collectivités territoriales. Que va-t-il advenir des compensations avec des budgets insuffisants quelques années avant le transfert ?
Je tiens d'autre part à saluer votre action concernant les ponts. Le rapport de Michel Dagbert et Patrick Chaize a eu d'importantes répercussions. On assiste maintenant à une action de l'État en faveur de son propre patrimoine et vers les collectivités territoriales, avec un programme d'expertise des ouvrages communaux qui semble plutôt bien fonctionner. Pouvez-vous nous faire un point à ce sujet ? Pour tenir le rythme, ne faudrait-il pas envisager une hausse des crédits ? Des sommes substantielles y ont été consacrées, mais bien en dessous des préconisations de nos deux rapporteurs.
S'agissant du verdissement du parc relatif aux véhicules légers et aux poids lourds, à l'heure où arrivent les zones à faibles émissions (ZFE-m), les programmes de vidéosurveillance prévus semblent patiner quelque peu. Qu'en est-il de l'évolution des modalités d'accès à la prime à la conversion et au bonus automobile, dont les modalités devraient être revues l'année prochaine ?
En matière de verdissement des poids lourds, il semble que le bonus à l'acquisition de véhicules électriques ou à hydrogène ne fonctionne pas. Quelques dizaines seulement de dossiers sont engagées. Il faut donc passer à la vitesse supérieure.
Autre point très positif : le vélo et sa révolution. Les besoins des collectivités en termes de financement ont été substantiellement accompagnés. Il semble que les moyens mis en oeuvre dans ce domaine sont déjà importants mais qu'ils n'augmentent pas suffisamment. Or nous avons des objectifs de part modale de 9 % en 2024 et de 12 % en 2030. Pour maintenir le rythme de cette belle dynamique, ne conviendrait-il pas d'augmenter par exemple le Fonds vélo ?
Enfin, votre rapport sur les trains d'équilibre du territoire (TET) a fuité dans la presse dans une version brute, non revue par votre ministère. Ce rapport extrêmement intéressant à lire préconise de lancer de nouvelles lignes transversales. Il démontre qu'il existe une clientèle non satisfaite et solvable sur un certain nombre de ces axes. Vous êtes en train de finaliser une nouvelle convention avec SNCF Voyageurs sur les Intercités. Quelle suite envisagez-vous de donner à ces propositions innovantes, qui nécessiteraient notamment l'achat de matériel neuf ?
Mme Nicole Bonnefoy , corapporteure de la mission d'information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux . - Je souhaitais vous interroger sur les mesures prévues en matière de décarbonation du transport de marchandises, sujet sur lequel s'est récemment penchée notre commission dans le cadre d'une mission d'information dont j'étais corapporteure avec mon collègue Rémy Pointereau.
Pourriez-vous nous indiquer où en est la task force en matière de transport routier de marchandises ? Quelles suites seront données à ses conclusions ?
Concrètement, quelles sont les nouvelles aides envisagées en matière de renouvellement du parc de poids lourds ? Certes, un bonus de 50 000 euros avait été mis en place pour faciliter l'acquisition de poids lourds électriques ou à hydrogène, mais près d'un an après, le constat est sans appel : une dizaine de dossiers seulement ont été instruits, sans doute faute d'offre alternative disponible et accessible. À quand une aide crédible au verdissement du transport routier de marchandises ?
Pourriez-vous nous indiquer dans quelle mesure la révision de la directive Eurovignette sera une priorité de la présidence française de l'Union européenne ? Quelles seront les positions défendues par la France ?
Enfin, permettez-moi de m'écarter un peu du sujet qui nous réunit aujourd'hui pour vous interroger une nouvelle fois sur les mesures que vous comptez prendre pour mettre fin au trafic incessant de poids lourds, extrêmement dangereux et anxiogène, en transit sur la RN 10, dans mon département ?
Un jeune homme de 27 ans a perdu la vie sur cette route l'été dernier, à cause d'un poids lourd qui effectuait un dépassement interdit. Je vous ai écrit à ce sujet et n'ai pas encore reçu de réponse. La compagne de ce jeune homme, qui était elle aussi dans la voiture, vous a écrit sans plus de succès. La situation du trafic incessant sur cette route est absolument insupportable. Nous attendons des actes.
Une pétition est en cours. Elle regroupe 9 500 signataires. Une association est en train d'être créée. Les usagers de la RN 10 n'en peuvent plus, les riverains non plus. Nombreux sont les chauffeurs routiers qui m'interpellent, compte tenu du danger que cela représente pour eux également.
Mettons-nous autour de la table pour étudier ensemble des mesures pour faire cesser ces itinéraires de fuite que les poids lourds en transit empruntent à la place des autoroutes, pourtant à proximité, pour économiser quelques euros. Malheureusement, ces comportements créent nombre de difficultés, qui ont des conséquences dramatiques sur la vie des personnes.
Des propositions ont été faites au Sénat, à travers notre rapport et sous forme d'amendements. Une cartographie nationale peut identifier ces points noirs. Ce qui se passe dans mon département a également lieu ailleurs. On peut ainsi renforcer le pouvoir des maires ou des élus pour créer des « zones à faibles nuisances » et imposer aux gestionnaires d'autoroutes des tarifs préférentiels pour inciter les chauffeurs routiers en transit à les emprunter.
Nombre de solutions sont possibles. On ne peut continuer ainsi. C'est un appel du coeur pour que nous y travaillions ensemble et trouvions des solutions, monsieur le ministre.
M. Jean-François Longeot , président . - J'ai le même problème sur la RN 83. C'est également vrai pour les départementales parallèles à une autoroute, qu'empruntent les véhicules en transit. Cela provoque des accidents et génère de la pollution. Les routiers sont pendant des jours sur les parkings du vendredi au lundi matin, avec des déchets partout alentour. Nous n'allons pas trouver la solution en un claquement de doigts, mais il serait intéressant d'organiser une table ronde.
M. Rémy Pointereau , corapporteur de la mission d'information sur le transport de marchandises face aux impératifs environnementaux . - Vous avez évoqué la trajectoire de la LOM avec, aujourd'hui, un léger desserrement concernant les lignes à grande vitesse (LGV). On reparle du Bordeaux-Toulouse, Lyon-Turin est lancée, même si l'Italie pose quelques problèmes.
Quel est votre état d'esprit à propos de la LGV, même si nous sommes tous d'accord pour estimer qu'il faut prioriser la rénovation de l'existant ? Que pensez-vous de la relance de certaines lignes comme la ligne Paris-Orléans-Clermont-Ferrand-Lyon (POCL), dont on parle depuis très longtemps ? Une tierce expertise est attendue pour connaître le meilleur tracé sur le plan économique.
Qu'en est-il pour vous en termes d'aménagement du territoire et de concurrence avec les lignes aériennes ? On sait que le train est le meilleur moyen de transport en termes de décarbonation, mais encore faut-il donner envie de prendre le train face aux problèmes de cadencement, de dessertes, de confort ou de tarifs.
La décarbonation du transport routier représente un vrai coût. Un poids lourd avec un moteur thermique représente un coût de 100 000 euros et de 300 000 euros avec un moteur électrique. Comment faire pour financer la différence, l'hydrogène n'étant pas encore tout à fait opérationnel ?
Enfin, les petits aéroports sont très utiles pour les territoires enclavés qui ne sont pas dotés d'une bonne desserte ferroviaire. Où en est la décarbonation du transport aérien ? Quelles sont les pistes ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué . - Monsieur Tabarot, sur les 4,05 milliards d'euros pour SNCF Réseau, 2,3 milliards d'euros sont consacrés à la régénération afin de maintenir le niveau des 3 milliards d'euros par an sur dix ans. 1,75 milliard d'euros est consacré à l'accompagnement des grandes transformations de SNCF Réseau, notamment concernant la suppression et la sécurisation des passages à niveau et les alternatives au glyphosate.
Sur les 170 millions d'aide supplémentaire au fret ferroviaire, 65 millions d'euros ont été consacrés à la baisse des péages, 20 millions au transport combiné, 70 millions d'euros au wagon isolé et 15 millions d'euros à l'ouverture ou la réouverture d'une nouvelle autoroute ferroviaire. Nous n'avons ouvert en l'état que celle entre Rungis et Perpignan, pour un montant d'un peu plus de 5 millions d'euros.
S'agissant des petites lignes, compte tenu de l'ensemble des crédits consacrés à la fois au plan de régénération et aux contrats qui ont commencé à être passés, plus de 1 000 kilomètres de lignes environ sont d'ores et déjà rénovés. Nous aurons rénové, d'ici à la fin du quinquennat, 1 500 kilomètres sur les 9 000 kilomètres. Environ 600 millions d'euros y ont été consacrés en deux ans. Tout cela va évidemment monter en puissance. C'est l'objet des contrats passés avec les différentes régions.
J'ajoute, concernant les petites lignes, que la logique est double. Il s'agit d'abord de repositionner les acteurs en fonction du type de réseau considéré. L'État réinvestit sur les lignes les plus fréquentées, réintègre dans la trajectoire de réseau un certain nombre de lignes par région, continue de cofinancer les lignes traditionnellement cofinancées par les contrats de plan État-région (CPER) et délègue aux régions qui le souhaitent des lignes d'intérêt local, sur lesquelles de nouveaux modèles peuvent être testés.
Tout ce que nous avons entrepris sur le train léger à hydrogène, qui a fait l'objet de différents appels à projets, participe d'une innovation technologique et d'une régénération plus économe. Nous étions partis il y a deux ans sur des hypothèses d'économies de l'ordre de 30 à 40 %, comportant à la fois la régénération de la voie, l'acquisition et l'entretien des matériels roulants. Les chiffres que nous avons aujourd'hui sont plus optimistes et on nous affirme qu'on pourrait d'ailleurs atteindre des économies de 60 % à 70 %. C'est considérable. Le travail mérite évidemment d'être poursuivi. On est sur des ordres de grandeur conséquents.
Vous avez été très précis concernant ce que nous avons réalisé sur le réseau ferroviaire et ce qui nous reste à faire. Je pense que l'on peut tous, si l'on est honnête, se dire qu'on a très largement rattrapé le retard au titre des sous-investissements du passé, mais qu'un gros travail reste à faire en termes de modernisation du réseau, de digitalisation, de mise en place d'une signalisation à jour d'ERTMS niveau 2 et, demain, d'ERTMS niveau 3 sur une base satellitaire. Je remercie d'ailleurs la SNCF, qui a fait un travail très précis sur des systèmes hybrides, jusque sur la ligne Marseille-Vintimille, ce qui nous permettra d'investir pour faire évoluer demain les systèmes sans risquer l'obsolescence.
Vous avez évoqué la commande centralisée du réseau, qui me tient particulièrement à coeur. On compte aujourd'hui 2 200 postes d'aiguillage. Nous avons pris un retard conséquent au niveau européen, alors que d'autres réseaux ont été très largement rénovés. L'objectif à terme, à l'horizon 2030 par exemple, pour un coût d'investissement de 8 milliards d'euros qui n'est pas aujourd'hui financé, est d'avoir une quinzaine ou une vingtaine de postes de commande et de contrôle centralisés.
S'agissant des réseaux de trains longue distance de nuit et de jour, compte tenu des opportunités de marché, on aboutit à différents corridors. Nous allons continuer à travailler sur les différentes hypothèses.
Pour ce qui est des trains de nuit, nous avons d'ores et déjà rouvert le Paris-Nice, qui fonctionne très bien. Nous rouvrirons le Paris-Tarbes le 14 décembre et le Paris-Vienne en fin d'année. Quand l'offre est bien positionnée sur le plan commercial, notamment avec une politique de petits prix, on arrive assez vite à conquérir ou à reconquérir des populations, notamment les plus jeunes. Ceci est valable au niveau français comme au niveau européen. C'est en tout cas un constat très largement partagé.
S'agissant des ressources de l'Afitf, vous avez rappelé les difficultés rencontrées concernant les amendes radar et l'écocontribution aérienne à court terme, qui n'a pas fourni beaucoup de ressources du fait de l'arrêt ou du quasi-arrêt du transport aérien au pic de la crise de la Covid-19. Le sujet est structurel : les ressources de l'Afitf sont essentiellement assises sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). C'est une cible fossile qui a donc, dans un temps moyen, vocation à diminuer, pour le dire pudiquement.
Nous avons chargé le COI d'y réfléchir, ainsi que l'administration et les corps d'inspection. C'est un sujet très structurel, qui devrait trouver des premières réponses sur le long terme.
J'ai bien noté ce que vous avez dit à propos de l'ART. Je vais me pencher sur la question.
Quant au transport fluvial, vous avez rappelé les investissements en faveur de VNF, qui s'élèvent autour de 3 milliards d'euros sur dix ans. Nous avons modulé la baisse des ETP en la ramenant de - 90 à - 30. Nous gardons cette question bien présente à l'esprit. Alors qu'on réinvestit sur les infrastructures, la digitalisation et la modernisation, il est essentiel que VNF puisse continuer à investir dans de bonnes conditions. Je crois que c'est possible cette année. Ces sujets reviendront sur le devant de la scène dans les mois et les années qui viennent.
En matière portuaire, sur 175 millions d'euros, 140 millions d'euros sont consentis au titre du fret ferroviaire et 30 millions d'euros au titre de la décarbonation des ports, donc essentiellement à l'électrification à quai.
Pour ce qui est des questions de monsieur le sénateur Jacquin à propos des AOM et du fait que nous ayons cherché à pallier les pertes de recettes d'une part, et de fiscalité d'autre part, nous avons mobilisé deux types d'instruments, d'abord des subventions puis des avances remboursables.
Les compensations des pertes de versement en faveur de la mobilité se sont établies en 2020 à 28 millions d'euros pour 61 EPCI bénéficiaires et à 35 millions d'euros pour 24 syndicats mixtes. On a eu l'occasion de débattre des sujets techniques. La gestion des avances remboursables s'élève à 566 millions d'euros pour 85 AOM bénéficiaires. Nous avons accordé à titre exceptionnel à IDFM une aide de 1,6 milliard d'euros d'acompte versée au titre des pertes de recettes 2020, compte tenu des caractéristiques particulières de son réseau.
Une nouvelle avance remboursable a été annoncée cette année par le Premier ministre de 800 millions d'euros au titre de 2021.
Les réseaux de province ont assez rapidement récupéré leur niveau de 90 à 100 % du trafic, mais le trafic observé aujourd'hui sur le réseau parisien du Grand Paris n'a pas retrouvé son rythme de croisière. Il est en décrochage léger mais réel et, de façon nous semble-t-il assez durable, au moins pour quelques mois ou quelques années. Cela pose évidemment des questions. C'est certainement l'effet du télétravail et de la métropolisation, dans un moment où on investit considérablement sur tous ces sujets.
Nous avons reçu les préconisations du rapport de monsieur Duron. Certaines sont déjà actées, je pense à l'Observatoire des prix. Il est évident que nous devrons y donner des suites plus structurelles dans les mois qui viennent. Nous présenterons certainement des propositions à ce sujet.
S'agissant de la route, le budget consenti à leur entretien est passé d'un peu moins de 700 millions d'euros au milliard d'euros par an, afin de se mettre en ligne avec les préconisations d'un rapport suisse et être au bon niveau pour tenir compte de la vétusté du réseau. Le sujet du transfert de gestion dans le cadre du projet de loi « 3DS », en cours de navette, est actuellement débattu.
On aura là un sujet structurant, car on ne peut tout à fait raisonner de façon duale - en tout cas pas à moyen ou long terme - sur les concessions autoroutières afin de repenser la nouvelle génération de concession au-delà de 2030. Cela se prépare quelques années avant. On devra donc certainement, au cours du prochain quinquennat, quel que soit le Président de la République, repenser la future génération de concessions : sera-t-elle plus multimodale ou plus régionalisée ? Aura-t-elle vocation à redresser le caractère aujourd'hui très dual du réseau routier français ?
Concernant les ponts, nous avons mobilisé 100 millions d'euros, 60 millions d'euros pour les ouvrages de l'État et 40 millions d'euros pour les ouvrages des collectivités, en portant une attention particulière aux 19 000 communes les plus fragiles qui ne bénéficient pas d'une ingénierie à même de réaliser ces inventaires.
Pour ce qui est des primes à la conversion et des bonus, nous avons d'ores et déjà distribué, au cours du quinquennat, 860 000 primes à la conversion, environ 182 000 bonus. L'objectif, à la fin du quinquennat, est d'être à 231 000 bonus électriques. Il nous faut encore trouver un bon dispositif pour les poids lourds. Il est vrai que notre prime de 50 000 euros n'a pas eu beaucoup de succès, mais cela va beaucoup plus vite que prévu. D'ores et déjà, pour les 8-10 tonnes, l'offre de camions électriques française et européenne commence à émerger.
Dans le secteur automobile, l'accélération a eu lieu très rapidement. Le vrai sujet est d'abord de faire émerger l'offre, qu'elle soit française ou européenne, et de déployer les recharges. On a un débat national et des discussions au niveau européen pour coordonner le déploiement des bornes de recharge de grande puissance pour les camions électriques, et voir comment tout cela se complète avec le plan hydrogène.
Il nous faut aussi mettre l'aide au bon niveau. Le surcoût baisse très vite. Pour les 8-10 tonnes, on n'est plus sur un triplement du coût par rapport au référentiel de prix qui existait il y a encore deux ou trois ans.
Pour ce qui est du vélo, 13 000 kilomètres de pistes ont été créés au cours de ce quinquennat.
Nous avons lancé trois appels à projets depuis 2018. 350 millions d'euros sur sept ans ont été consacrés au plan vélo. 215 millions d'euros sont déjà engagés, 323 territoires en sont bénéficiaires. 553 projets ont été retenus. Cela a permis une augmentation de 30 % des pistes cyclables sécurisées en France. Un quatrième appel à projets est en cours. En cumulé, cela représente près de 600 millions d'euros d'investissement entre 2018 et 2020, soit 850 millions d'euros à l'échelle du quinquennat.
Les premiers chiffres nous montrent que l'industrie du vélo pourrait créer 78 000 emplois directs. Nous avons confié une mission au député Guillaume Gouffier-Cha à ce sujet
Je n'ai pas parlé des matériels roulants. Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'une ressource rare. Une mission livrera ses conclusions fin décembre à propos d'une Rolling Stock Operating Company (ROSCO) de dimension européenne pour financer des matériels roulants longue distance. Nous avons voulu concevoir ce projet au niveau européen, parce que les sommes sont considérables et que le marché est structurellement européen. Fin décembre, nous disposerons de toutes les données pour l'ingénierie financière de cette ROSCO, qui aurait vocation à se déployer dans les prochaines années.
Madame Bonnefoy, s'agissant de la décarbonation du transport routier de marchandises, vous avez tout à fait raison de dire que nous n'y sommes pas encore pour ce qui est de l'offre, mais nous y travaillons. La task force s'est réunie à plusieurs reprises. Une dernière réunion doit avoir lieu dans les toutes prochaines semaines, dans l'objectif de délibérer d'ici la fin de l'année sur la bonne manière de dépenser les 100 millions d'euros à consacrer à la transition du secteur.
Le bon « triptyque » est le suivant : il convient de se mettre d'accord sur l'accompagnement de l'offre, notamment électrifiée, française et européenne, sur ce qu'on entend par le déploiement d'infrastructures, notamment en termes de puissance demandée au réseau, et de bien positionner le bonus électrique au sens large - j'y inclus l'hydrogène -, afin d'amortir le surcoût par rapport au prix actuel du marché.
Un accord est intervenu entre les trois principaux partenaires au sein de l'Union européenne sur la révision d'Eurovignette. La ratification doit avoir lieu.
Quant au sujet sur lequel vous m'avez interpellé à plusieurs reprises, un courrier est en cours de rédaction. Je vous prie de bien vouloir excuser le délai de réponse. C'est évidemment un accident dramatique. Les réponses seront apportées rapidement.
Sur le fond, j'ai déjà eu l'occasion de répondre au sujet des travaux engagés au titre des CPER de la région Nouvelle-Aquitaine. J'entends, pour le vivre aussi sur la RN 147 entre Limoges et Poitiers, que les difficultés sont nationales. Je saisis votre proposition de nous mettre autour de la table pour discuter d'une cartographie des éventuelles zones à faibles nuisances ou de tarifs préférentiels sur les autoroutes. Il faut essayer de monter cette réunion rapidement pour voir comment jeter les bases d'une réponse structurée à ce sujet.
Quant à la question de monsieur le sénateur Pointereau, l'état d'esprit du Gouvernement sur les LGV est positif. En 2017, pour faire face à la vétusté du réseau, nous avons porté l'action sur la régénération et nous priorisons, dans le cadre de la LOM, la désaturation des noeuds ferroviaires.
Le Président de la République, à l'occasion des 40 ans du TGV, a engagé un nouvel acte en faveur de la grande vitesse en France, en prenant des décisions concrètes sur les LGV Bordeaux-Toulouse, Marseille-Nice, Montpellier-Perpignan. Tout cela participe de la même logique et l'État a confirmé ses engagements à hauteur de plusieurs milliards d'euros sur ces projets, par ailleurs inscrits dans la partie programmation de la LOM.
Pour ce qui est du POCL, une étude est toujours en cours. Le COI avait, en termes de calendrier, considéré le projet réalisable dans une fenêtre lointaine, au-delà de 2040. Le COI aura certainement l'occasion de s'y replonger. L'étude se poursuit quoi qu'il en soit.
S'agissant de la concurrence entre la LGV et l'aérien, nous avons assez largement été instruit par les faits. Nous avons lancé en juillet 2017 la ligne Paris-Bordeaux. En quelques mois, elle a absorbé la clientèle qui, à 60 %, empruntait la ligne aérienne entre Bordeaux et Paris. Cela avait été également le cas quelques années avant avec le Paris-Strasbourg. Autrement dit, en cas de concurrence entre la véritable ligne à grande vitesse et l'avion, c'est le TGV qui gagne. Cela renvoie à ce que j'ai dit auparavant sur le fait de se doter, à terme, d'un réseau à grande vitesse très complet sur le territoire.
Concernant la décarbonation, nous avons souhaité préserver la desserte des aéroports de proximité, notamment au travers des lignes d'aménagement du territoire. C'est une politique qui se poursuit. Bien souvent, c'est l'attractivité même des territoires qui se joue. J'en parle en connaissance de cause.
La décarbonation des aéroports est très largement engagée autour de l'électrification des engins de piste et de différentes actions locales, au terme d'ailleurs d'un programme européen.
La décarbonation des avions, à court et moyen terme, doit recourir aux biocarburants. C'est ce qu'ont commencé à faire Total, Avril et d'autres gros acteurs français avec la technologie des huiles de cuisson usagées. On a fait voler entre Paris et Montréal un avion avec 14 % de biocarburants, plus récemment avec 30 % entre Paris et Nice, et cela continue d'augmenter. Je précise que tout ceci est inodore, incolore et parfaitement sûr.
On pense que c'est, à court terme, la solution pour satisfaire les objectifs d'incorporation des biocarburants à l'horizon 2025-2030.
La deuxième filière très vertueuse sur le plan écologique est celle recourant aux déchets agricoles et forestiers. On l'a vu notamment à Venette, dans l'Oise, et ailleurs. Ce sont des investissements assez lourds, car il s'agit d'usines de traitement chimique, mais c'est une très bonne chose pour la reconquête de nos territoires.
Il faut également compter sur les carburants synthétiques autour de l'hydrogène. Aujourd'hui, le coût triple pour les carburants à base d'huile usagée. Il est multiplié par cinq pour les carburants issus de la biomasse et par dix pour les carburants synthétiques. L'enjeu réside donc dans la massification de la production et, à l'échelle de l'Union, il faut faire appel à un soutien public conséquent pour parvenir à des prix de marché acceptables pour les usagers.
M. Jacques Fernique . - Le contrat triennal « Strasbourg, capitale européenne » cible l'objectif d'un ancrage fort de Strasbourg au réseau allemand et souhaite faire de Strasbourg une gare pivot bien intégrée au réseau des Intercity-Express (ICE), avec une connexion à Offenburg, pour relier ensuite Francfort et Karlsruhe. Strasbourg est en effet à proximité de quatre des neuf corridors européens.
Or, on ne sent pas bien la détermination réelle de la SNCF et du Gouvernement pour engager cette mutation. Certes, le train de nuit Paris-Vienne va être bientôt inauguré, mais on est encore loin de ce qui était prévu.
Les échanges récents de la SNCF avec les élus locaux sont plutôt décevants. On ne voit aucune stratégie se construire, alors que la Deutsche Bank et les Autrichiens paraissent beaucoup plus impliqués en matière de corridors européens et de trains de nuit, et l'engagement de l'État sur une connexion entre Strasbourg et l'aéroport de Francfort n'a par exemple pas progressé à ce stade.
Pour les trains du quotidien, l'Eurométropole « met le paquet » avec le Grand Est sur le projet de réseau Express métropolitain, qui est confronté à au moins trois difficultés, dont la nécessité de réhabiliter la ligne Strasbourg-Schiltigheim-Lauterbourg. C'est le maillon faible de notre étoile ferroviaire. Aujourd'hui, cet axe n'est pas en mesure de supporter un trafic supplémentaire.
Le deuxième problème vient de l'adaptation nécessaire de la gare à une augmentation du nombre des usagers quotidiens, qui va être de l'ordre de 30 % à 40 %.
Enfin, le troisième problème réside dans le coût de développement du trafic, avec des perspectives peu engageantes du côté des péages ferroviaires. Le président de la région Grand Est, monsieur Rottner, et les élus de Strasbourg viennent d'écrire leurs inquiétudes à ce sujet.
Quels engagements vont être pris sur ce dossier qui comporte de forts enjeux ? Comment le Gouvernement compte-t-il soutenir la politique ferroviaire de Strasbourg ?
Mme Angèle Préville . - Je souhaite vous interroger sur l'ouverture à la concurrence et les acteurs qui se positionnent. On le sait, la transition énergétique appelle à la décarbonation du volet transports, notre électricité étant déjà décarbonée. Il faut donc agir et doubler le fret ferroviaire en passant de 9 % à 18 %. On est encore loin du compte !
Certains acteurs, comme des sociétés coopératives et participatives (SCOP) se lancent dans le fret ferroviaire. Y a-t-il des possibilités d'accompagnement de ces acteurs courageux qui se lancent dans cette aventure, par exemple par le biais du plan de relance ?
Qu'en est-il par ailleurs de la ligne Paris-Orléans-Lyon-Toulouse (POLT) ? Le département du Lot va se trouver bien trop éloigné de l'accès à cette ligne et s'inquiète du fait que les trains ne doivent pas s'arrêter à Brive. Le Lot ne sera pas relié directement à la LGV, alors que cette ligne est très importante pour ce département. Pouvez-vous confirmer l'investissement de l'État à ce sujet ?
M. Bruno Belin . - Je suis convaincu que le XXIe siècle ne pourra se passer d'aviation. C'est à l'Europe, comme elle le fait en matière d'espace, de s'affirmer pour ne pas abandonner ce marché et celui de la formation à la Chine et au Moyen-Orient.
Je considère que les aéroports sont des sources de liberté pour les territoires et qu'ils peuvent être utiles. Si l'on veut que l'aviation civile ait un avenir et que les territoires soient desservis, il faut en donner les moyens aux aéroports.
Par ailleurs, qu'en est-il des nouvelles mesures biométriques qui doivent être prises aux frontières (EES) ? Ceci va rallonger le temps d'attente des passagers, qu'on estime à une heure et demie en période de pointe, et va aussi poser un problème de coût - 5 millions d'euros pour ADP. La question est simple : qui va payer, le contribuable ou le passager, alors qu'il s'agit d'une compétence régalienne de l'État, celle de sécurité ?
Enfin, quand les travaux sur l'axe à deux fois deux voies de la RN 147, qui nous est chère à tous les deux, vont-ils commencer ?
M. Guillaume Chevrollier . - Il faut investir afin de tenir les objectifs de décarbonation de notre économie. Vous voulez le faire dans le ferroviaire, et je souligne l'importance d'investir pour l'entretien et la régénération du réseau ferroviaire, qui en a bien besoin.
Il faut aussi, vous l'avez dit, se mobiliser pour relancer le fret. Dans la région des Pays de la Loire et dans le département de la Mayenne, nous avons un potentiel en matière de fret et besoin d'un accompagnement de l'État pour développer nos bases multimodales.
Par ailleurs, nous bénéficions d'une ligne à grande vitesse vers la Bretagne, qui passe par le beau département de la Mayenne. Actuellement, des discussions ont lieu autour des conventions de desserte ferroviaire. La SNCF ne nous garantit pas aujourd'hui de maintenir notre niveau de desserte actuelle. Il faut avoir au moins huit allers-retours de la préfecture du département vers la capitale. C'est important pour l'attractivité de notre territoire et pour accueillir de nouvelles populations de travailleurs dans nos départements.
Les collectivités locales sont mobilisées pour maintenir ce niveau de desserte. Quel soutien votre Gouvernement peut-il apporter dans ce combat ?
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - Monsieur le ministre, vous n'avez répondu que très partiellement à un certain nombre de mes questions.
Je vous ai interrogé sur l'aide au verdissement du parc de véhicules légers. Des programmes vont évoluer en 2022 ; nous sommes au milieu du gué, et on ne sait pas du tout où l'on va, à l'heure où on lance les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
Il en va de même pour le vélo. J'ai souligné tout à l'heure l'engagement de l'État, mais pour poursuivre le rythme de cette belle révolution, ne faut-il pas augmenter le fonds qui lui est dédié ?
Concernant les sociétés de concessions autoroutières, si j'analyse votre réponse, il ne va rien se passer d'ici la fin du quinquennat. Or, mon collègue Philippe Tabarot a souligné tout à l'heure l'attitude des sociétés de concessions autoroutières vis-à-vis de l'Afitf, qui refusent de s'acquitter de la contribution volontaire exceptionnelle et toutes les questions restent posées sur le bon état du patrimoine. Cela ne me satisfait donc pas pleinement.
Concernant les TET, vous m'avez répondu à propos du train de nuit et de l'idée de créer une ROSCO de dimension européenne face à la problématique de l'offre en matériel roulant, mais une nouvelle convention sur les Intercités est en cours de finalisation avec Voyageurs. Allez-vous inscrire de nouvelles lignes TET à ce programme ?
Par ailleurs, concernant le financement des nouvelles LGV annoncées par le Président de la République, s'oriente-t-on vers un financement de type Lisea Tours-Bordeaux, qui coûte 30 % plus cher que les autres LGV en termes de sillons, ou avez-vous en tête un autre mode de financement de la part de l'État ?
Enfin, qu'en est-il de l'indemnité versée à Vinci pour l'arrêt de Notre-Dame des Landes ? Dans les couloirs, on parle de 10 milliards d'euros.
M. Hervé Gillé . - Sur la LGV Bordeaux-Toulouse, le Premier ministre a bousculé le calendrier initialement prévu dans le cadre de la loi LOM et la prise de décision politique, cette dernière devant intervenir rapidement afin qu'une ordonnance soit signée en mars pour lancer le programme.
L'État s'engage aujourd'hui à hauteur de 4,1 milliards d'euros. Comment ceux-ci sont-ils inscrits ?
Le programme s'élève à 14,3 milliards d'euros à l'horizon 2030. La part de l'État de 40 % de ce montant représente donc 5,72 % milliards d'euros. Or, cette somme prévue de 4,1 milliards d'euros est-elle à rapporter aux 5,72 % milliards ? Le plan de financement s'établit à hauteur de 40 % pour l'État, 40 % pour les collectivités locales et territoriales et 20 % pour l'Europe. Pourquoi ce différentiel entre les deux sommes ?
On espère aujourd'hui 20 % concernant le financement européen de la ligne Bordeaux-Dax via l'Espagne - même si le problème du fameux bouchon du Pays basque n'est toujours pas résolu. La négociation est lancée, mais elle n'a toujours pas abouti. Avez-vous des éléments à ce sujet ?
Il existe une pression très forte sur les collectivités locales et territoriales. Or un certain nombre d'entre elles ont déjà fait savoir que, compte tenu des financements qui sont appelés, elles ne pourront pas suivre. Que se passerait-il par rapport au calendrier si tel était le cas ?
Mme Martine Filleul . - Ma première question concerne la suppression de postes chez VNF, alors que beaucoup d'argent a été consacré pour rénover les 6 700 kilomètres de voies navigables. Toutefois, l'automatisation des écluses n'est toujours pas réalisée, et la suppression des postes empêche le fonctionnement normal de nos voies navigables. Ma seconde question concerne les ports. La mission d'information réalisée par notre commission a mis l'accent sur les investissements nécessaires pour les remettre au centre de notre économie.
Certes, 175 millions d'euros ont été consacrés à leur verdissement mais, dans le budget 2022, seuls 100 millions d'euros leur sont destinés. Des investissements pérennes réguliers et importants sont nécessaires pour changer la situation. Je crains qu'on ait eu à faire, au travers du plan de relance, à un « one shot » qui ne perdure pas dans les années à venir.
M. Ronan Dantec . - Nous allons demander aux contribuables, pour financer le tronçon Bordeaux-Toulouse, de participer directement, en plus des impôts qu'ils versent déjà aux collectivités, à travers une taxe spéciale d'équipement (TSE) votée le 10 novembre dernier.
Or, on ne sait pas grand-chose de cette TSE. Pourriez-vous nous communiquer les études préalables lancées par Carole Delga, présidente de région et maire de Toulouse ? La TSE ne porte-t-elle que sur ce tronçon ou va-t-elle aussi concerner le tronçon vers Montpellier ? Une deuxième taxe sur les bureaux est par ailleurs prévue. Il y a donc là un énorme problème de financement.
Par ailleurs, pourrait-on avoir une étude portant non pas simplement sur les coûts des alternatives, mais aussi sur la capacité de ces alternatives sur le plan quantitatif ? Je veux bien qu'on roule à l'huile de friture, mais il nous restera en tout une dizaine de vols à l'échelle européenne. Cela ne suffira pas, pas plus que la biomasse. Quant à l'huile de palme, il faudrait raser l'Indonésie et, pour ce qui est de l'hydrogène, construire on ne sait combien de réacteurs. Est-ce que l'État pourrait compléter les chiffres que vous avez évoqués par une étude sur la capacité de fournir quantitativement ces alternatives ? Ce n'est pas qu'une question de coût, c'est une question technique quantitative.
Enfin, pouvez-vous nous confirmer que la France va soutenir fermement l'Union européenne concernant l'ETS européen pour l'aviation, ce qui amènera une taxation du carbone autour de 100 euros à terme, et qu'elle n'abdiquera pas devant le système Corsia dont l'objectif est que cette taxation ne dépasse pas quelques dizaines de centimes - ou quelques dollars.
M. Frédéric Marchand . - Je voudrais revenir sur la question des alternatives aux carburants et sur la motorisation, non pour parler d'aviation, mais de voitures et de transport routier.
Dans le cadre de la préparation du PLF 2022, j'ai, s'agissant du programme 190 « Enseignement supérieur », entendu quelques-uns des acteurs les plus performants dans le domaine de la recherche française. Nous avons un écosystème de recherche sur les énergies, les carburants et les mobilités assez remarquable, puisque trois des organismes auditionnés sont parmi les dix premiers dans le classement mondial.
Quel est votre avis sur les dernières pistes suivies par l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN) s'agissant du rétrofit qui permettrait, par l'incorporation d'un boîtier électronique à la fois sur des voitures particulières, mais aussi sur des camions, de basculer de la motorisation thermique à l'hydrogène avec quelques aménagements à moindre coût par rapport à ce qui avait été annoncé ? Le rétrofit fait-il partie des pistes qui sont suivies ? Ces organismes pourront-ils bénéficier d'un soutien tout à fait mérité ?
M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué . - S'agissant des questions de monsieur Fernique sur le rail et Strasbourg, une étude est en cours pour achever le schéma directeur du réseau express métropolitain. Au-delà de la quatrième voie déjà réalisée, des voies nouvelles en gare sont envisagées. Cela permettra, dès 2023, de doubler l'offre. S'agissant de la ligne Strasbourg-Aéroport de Francfort, j'ai obtenu il y a quelques mois de mon homologue allemand son inscription dans la liste des ICE, ce qui n'était pas tout à fait gagné.
Pour ce qui est des coûts des péages, nous avons d'ores et déjà mis en place la modulation tarifaire à la demande du président de région pour la période 2021-2023. L'objectif est de trouver une logique vertueuse.
J'ai déjà répondu à la question de madame Filleul sur le report modal en disant que les investissements consentis dans les ports s'élevaient à 140 millions d'euros pour les aménager ou permettre l'intermodalité avec le mode ferroviaire.
Quant aux sociétés à statut associatif, nous avons signé l'agrément de Railcoop en tant qu'entreprise ferroviaire. Nous sommes favorables à un amendement destiné à permettre aux collectivités qui le souhaitent de monter au capital de ces sociétés à statut particulier, ce qui n'est pas possible aujourd'hui.
S'agissant de POLT, je confirme les engagements de l'État. Nous sommes à 2,4 milliards pour la partie plateforme, soit 1,6 milliards d'euros de régénération et 350 millions d'euros de modernisation. Le matériel roulant arrivera d'ici fin 2023. Il aura vocation à se déployer entre fin 2023 et 2026, pour un montant de 450 millions d'euros.
Je partage tout ce qu'a dit le sénateur Belin sur le rôle de l'aviation comme industrie d'excellence et outil d'aménagement du territoire. S'agissant de l'EES, nous avons mené avec le ministre de l'intérieur une étude pour voir comment mettre en place ce système sans perdre trop de temps. Les premières études ne sont pas satisfaisantes en termes de délais. Nous allons voir, avec les aéroports, comment minimiser les temps d'attente.
Sur l'investissement, nous avons précisé aux différents aéroports, notamment ceux de la plaque parisienne, que l'État allait investir plusieurs dizaines de millions d'euros dans l'acquisition des kiosques de préenregistrement.
En parallèle, nous discutons avec Bruxelles du report de la date de mise en oeuvre, de manière à être prêt au bon moment pour permettre une fluidité compatible avec les différents objectifs poursuivis, notamment celui de l'attractivité pour ceux qui empruntent les aéroports parisiens et français.
S'agissant de la RN 147, on parle de deux choses différentes. Des travaux ont été engagés au titre de conventions et de différents CPER. J'ai eu l'occasion de lancer une série de travaux sur les créneaux de dépassement entre Limoges et Bellac il y a quelque temps. Le bouclage financier de la déviation de Lussac-lès-Châteaux est terminé. On a, d'une manière générale, très largement engagé une discussion sur l'aménagement de l'axe Sud-Est de Poitiers autour de la déviation de Mignaloux. Ceci nous permettra de l'inclure dans la contractualisation post-2022.
Un autre projet concerne le passage à un axe autoroutier à deux fois deux voies, sur lequel nous avons avancé ces derniers mois. Nous sommes en capacité de lancer à présent une concertation avec garant en janvier 2022, de manière à recueillir l'avis du public sur les différentes options qui ont été techniquement définies pour se doter d'une autoroute, à péage ou non, sur l'axe entre Limoges et Poitiers.
S'agissant de la question de monsieur Chevrollier concernant la desserte de la LGV traversant la Mayenne, on pourra, le cas échéant, faire office de médiateur entre la région et la SNCF, comme on le fait souvent, de manière à maintenir les capacités de cadencement et la qualité de l'offre.
Concernant les questions de monsieur Jacquin sur les aides aux véhicules électriques, j'ai cité les primes et les bonus. J'aurais peut-être dû commencer par le nombre de bornes déployées. Nous sommes à 800 000 bornes tous azimuts. À la fin de l'année, nous serons à un million, avec 50 000 bornes ouvertes au public.
Nous avons co-investi aux côtés des concessions à contrat constant pour développer sur les grands axes, à hauteur de 500 millions d'euros, des bornes électriques de puissance importante. On aura couvert d'ici la fin de l'année 50 % des aires de service et, d'ici fin 2022, 100 % de celles-ci. Cela permet de résoudre le sujet de l'itinérance.
Reste à déterminer comment organiser la recharge sur la voie publique - puissances installées, hub de recharge de puissance importante, ce qui est ma préconisation. Ceci est financé au travers du programme Advenir, comme pour les copropriétés, alors que le plan de relance traite du financement des bornes sur les grands axes.
Ce sujet est devant nous. On a aujourd'hui 600 000 véhicules électrifiés, dont 400 000 véhicules électriques purs. On en aura, d'après les prévisions, 3 millions d'ici 2025, 10 millions en 2030 et 21 millions en 2035.
Concernant la LGV, le chiffre de 14 milliards d'euros que vous évoquiez, monsieur le sénateur, inclut le Bordeaux-Dax, soit 10,2 milliards d'euros pour le Grand Paris Seine Ouest (GPSO) stricto sensu. C'est donc bien 4,1 milliards d'euros pour la part État pour le financement de la LGV Bordeaux/Toulouse, qui est confirmé et inscrit dans la trajectoire de la LOM, en excluant le Bordeaux-Dax qui sera dans la prochaine programmation d'investissement.
Monsieur Dantec, la TSE est une demande de la région. Ce sont 24 millions d'euros par an qui viennent se défalquer de la contribution de la région. L'Occitanie ne s'est pas encore prononcée concernant Montpellier-Perpignan mais, en l'état, ces 24 millions d'euros par an sont dédiés au GPSO.
Le bouclage du financement, notamment la taxe sur les bureaux, est réalisé sous l'égide du préfet, avec la volonté politique de toutes les parties de conclure positivement.
S'agissant de la décarbonation de l'aviation et de ses alternatives, Corsia constitue un cadre international qui traite de la compensation. Quand on cumule l'ensemble des actions de décarbonation - optimisation des trajectoires, nouvelles générations d'avions, recours à des carburants alternatifs au kérosène - on a besoin, pour tenir le net zéro en 2050, d'une partie de cette compensation. Elle est, suivant les scénarios, entre 9 % et 15 %. Le mécanisme Corsia le permet.
Les ETS sont quant à eux des systèmes de quotas. Nous cherchons à articuler l'ETS aviation avec Corsia. Nous sommes extrêmement clairs depuis le début : nous voulons éviter les effets d'éviction et que les Chinois ou de grands blocs n'arrêtent tout parce que notre système est mal articulé.
La compensation pèse sur le coût pour les opérateurs aériens, même si le prix à la tonne est faible aujourd'hui, tout comme le TSE et les carburants alternatifs au kérosène, dont le chiffre est multiplié par un facteur de trois à dix, les choses devant bien entendu s'améliorer avec la massification de la production. Certains, par ailleurs, préconisent une taxation du kérosène à l'échelle de l'Union européenne.
Le coût de la décarbonation supporté par le transport aérien est donc extrêmement élevé. Le surcoût des alternatifs au kérosène représente 60 % en plus sur le prix du billet. Les biocarburants seront à ce stade la solution pérenne pour les avions long-courriers, pour lesquels les alternatives technologiques comme les avions hybridés ou à hydrogène ne seront pas tout de suite disponibles.
Enfin, s'agissant de la question de Frédéric Marchand sur le rétrofit, j'ai déjà eu l'occasion de dire que les solutions proposées par l'institut que vous évoquez étaient techniquement pertinentes. Nous avons confirmé qu'elles étaient éligibles à la prime à la conversion pour aider à son déploiement, et que le rétrofit constituait une bonne solution de transition.
On constate un très grand mouvement en faveur de l'électrification pour la mobilité légère et du recours à l'hydrogène pour la mobilité lourde, mais ce que vous dites sur le rétrofit est tout à fait vrai. Le Gouvernement l'encourage.
M. Jean-François Longeot , président . - Monsieur le ministre, merci pour ces échanges intéressants et fructueux.
Examen en commission
(Mercredi 17 novembre 2021)
Réunie le mercredi 17 novembre 2021, la commission a examiné le rapport pour avis sur la mission « Écologie, développement et mobilité durables » - Crédits « Transports aériens » du projet de loi de finances pour 2022.
Mme Évelyne Perrot , rapporteure pour avis . - J'ai le plaisir de vous présenter, pour la deuxième année consécutive, l'avis « Transports aériens », portant principalement sur les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».
En préambule, au moment où 255 Airbus viennent d'être commandés à notre fleuron industriel aéronautique, il convient de rappeler que la France est un des deux seuls pays au monde à pouvoir exercer un pouvoir de marché sur la moitié de la flotte mondiale et la faire évoluer vers une « mobilité verte en altitude ». Cela lui permet et même lui impose, au-delà des discours, d'agir positivement pour la planète en réussissant la décarbonation de l'aérien ou plus précisément, comme disent les ingénieurs d'Airbus, sa « défossilisation » - puisque, par exemple, les biocarburants recyclent le carbone présent dans les plantes ou les arbres. Le soutien et la déstigmatisation équitable de l'aérien sont donc un des socles de la capacité de notre pays à préserver sa souveraineté, ses emplois industriels haut de gamme, à financer sa dette - et donc ses « fins de mois » - ainsi que ses investissements de décarbonation, tout en diffusant des innovations climatiquement bénéfiques à d'autres secteurs et d'autres continents.
Je commence donc pas les crédits du budget annexe.
On nous propose, pour 2022, un total de 2,4 milliards d'euros de dépenses avec une masse salariale de 1,2 milliard d'euros pour un effectif de 10 000 personnes. Les 5 % de hausse correspondent à l'augmentation des remboursements d'emprunts.
- Les recettes, prévues en hausse, sont encore lourdement affectées par la baisse du trafic sur lequel elles sont indexées. 1,67 milliard d'euros de recettes seraient encaissées en 2022 dont 1,33 milliard d'euros de prestations de contrôle aérien - à quoi s'ajoutent 330 millions d'euros de taxe de l'aviation civile. Par rapport à 2021, l'augmentation serait de 480 millions d'euros (+ 38 %), ce qui découle d'une vision assez optimiste de la reprise du trafic aérien.
- Pour couvrir le déficit, il est prévu en 2022 d'emprunter 710 millions d'euros. Cette évolution va dans le bon sens au regard de l'endettement supplémentaire qui s'ajoute aux 1,26 milliard d'euros pour 2021 et 1,25 milliard d'euros en 2020. La dette totale du budget annexe atteint 3,3 milliards d'euros.
On a ici une conséquence mécanique de l'effondrement du trafic aérien qui a représenté, par rapport à celui de 2019, 30 % en 2020, près de 40 % en 2021, avec une prévision de 70 % pour 2022, selon la DGAC.
Les espoirs de rééquilibrage du budget reposent sur des prévisions de trafic dont les composantes - tourisme, voyage d'affaires et fret - évoluent différemment.
Selon le scénario médian d'Eurocontrol, l'année 2022 permettrait de revenir à 67 % du niveau atteint en 2019. Les 100 % du trafic aérien, correspondant aux 4 milliards de passagers de 2019, pourraient être à nouveau atteints entre 2024 et 2027 voire 2029. Trois tendances se dessinent principalement :
- des signaux encouragements, un frémissement en ce qui concerne les voyages privés ;
- une plus grande incertitude sur la reprise des voyages d'affaires qui génèrent des marges assez élevées pour les compagnies aériennes ;
- une croissance du fret aérien compte tenu de la situation de paralysie du transport maritime, engorgé et de l'explosion du E-commerce.
Outre l'enveloppe de ce budget annexe (2,4 milliards d'euros), de forts soutiens publics ont jusqu'ici permis au secteur aérien de traverser la crise la plus aiguë de son histoire.
Le Gouvernement évalue à 5,5 milliards le total des pertes des 17 compagnies aériennes de notre pays en 2020 mais aucune n'a été contrainte à déposer son bilan, à la différence, par exemple, de l'entreprise publique italienne Alitalia.
Air France a enregistré des pertes supérieures à ses concurrents en raison de la relative faiblesse de sa flotte d'avions-cargo destinés au fret mais son activité a été soutenue par la poursuite de certains vols entre l'hexagone et les outre-mer. Au-delà des dispositifs généraux de compensation, l'État français a, en 2020, accordé un soutien de 7 milliards d'euros à Air France, en garantie et en prêt, l'aide apportée à KLM par le Gouvernement néerlandais ayant été comparable. Puis, en 2021, confronté aux fonds propres négatifs d'Air France, l'État, avec 1 milliard d'euros est abondé le capital du Groupe au niveau de 28 %, sans toutefois atteindre le seuil de déclenchement d'une OPA obligatoire. L'État a aussi converti en quasi fonds propres le prêt d'actionnaire de 3 milliards d'euros accordé en 2020.
En contrepartie de cette recapitalisation, la commission européenne a imposé à Air France de rendre 18 créneaux quotidiens de décollage ou atterrissage à une autre compagnie aérienne. Les auditions que j'ai conduites ont mis en lumière que cette compensation avait affaibli la compétitivité d'Air France en confortant ses concurrents.
J'en viens à mon second axe qui vous propose de soutenir une décarbonation efficace du transport aérien et de faire un point de situation en ce qui concerne la lutte contre les nuisances sonores aériennes.
Alors que de nombreux secteurs économiques ont amorcé leur transition écologique, de manière à inscrire leur développement en conformité avec les objectifs climatiques que s'est fixé notre pays, le transport aérien a tardé à entreprendre son verdissement. Si ses perspectives de croissance sont pour l'heure remises en cause, il est cependant probable que le transport aérien retrouvera - à plus ou moins long terme, selon l'évolution de la situation sanitaire - le chemin d'un développement soutenu. Les initiatives tendant à verdir le transport aérien doivent donc être poursuivies et accrues pour assurer le respect de nos engagements climatiques.
Dans l'immédiat, la décarbonation de l'aérien passe par des économies de consommation des nouveaux appareils et l'incorporation de biocarburants.
Ces leviers ont leurs limites :
- d'une part, comme l'ont précisé les constructeurs aéronautiques entendus, alors que chaque nouvelle génération d'avion permettait traditionnellement une réduction de 15 % de la consommation de carburant, l'amélioration de l'efficacité énergétique des appareils devrait être multipliée par deux et plus pour contrebalancer les projections haussières de trafic envisagées avant la crise sanitaire ;
- ensuite, le coût des biocarburants ou des carburants de synthèse est aujourd'hui quatre à dix fois plus élevé que celui du kérosène.
Quant à l'avion à hydrogène, dont le rayon d'action se limitera probablement au court / moyen-courrier, il ne se profile qu'à l'horizon 2030-2035. Au-delà même de la problématique de la fabrication d'hydrogène liquide, le défi technologique est considérable. Pour en donner un simple aperçu, les ingénieurs d'Ariane 5 rappellent le volume considérable du réservoir : celui-ci représente les deux tiers de la hauteur du lanceur Ariane alors que le moteur de la fusée fonctionne 10 minutes. Le Gouvernement souhaite donc une mise en circulation vers 2030 tandis que les experts maintiennent plutôt l'échéance 2035.
Si elles doivent continuer à être soutenues par les pouvoirs publics, ces solutions technologiques ne suffiront donc pas, à elles seules, à relever le défi climatique posé au secteur et devront être prolongées par une régulation environnementale plus affirmée.
De premiers jalons ont certes été posés par la loi « Climat et résilience ». Ces dispositions devront nécessairement être prolongées par un approfondissement de la régulation européenne et internationale qui passera notamment par :
- une suppression progressive des quotas gratuits dont bénéficie le secteur depuis son intégration au système des quotas européens en 2012 ;
- un renforcement de CORSIA, mécanisme de compensation des émissions de CO 2 de l'aviation internationale, adopté en 2016, entrant progressivement en vigueur dès 2021. La COP26, qui vient de se clore à Glasgow, n'a malheureusement pas abouti à un relèvement de l'ambition du mécanisme, comme l'avait envisagé la présidence britannique. L'Union européenne devra en conséquence s'interroger sur la pertinence d'un renforcement du marché ETS, par une intégration des vols internationaux extra-européens, exclus du mécanisme en application de la décision « stop the clock » de 2012.
Je terminerai enfin par la problématique des nuisances sonores aériennes, à laquelle je suis très sensible.
Il est regrettable que l'Autorité de contrôle de ces nuisances (l'Acnusa) subisse une baisse de ses effectifs le PLF pour 2022 les limite à 11, contre 12 actuellement.
Dans le prolongement des remarques formulées l'année dernière lors de l'examen budgétaire, on ne peut que déplorer l'absence de compensation des pertes de taxe sur les nuisances sonores aériennes assise sur le décollage des aéronefs dont la masse au décollage excède 2 tonnes. Pour 2020 et 2021, les pertes de recettes sont estimées par la DGAC à environ 60 millions d'euros, soit plus d'une année de recettes - cette taxe étant plafonnée à 55 millions d'euros par an depuis 2016. En ajoutant le manque à gagner prévu pour 2022, le déficit sur trois ans atteindrait 82 millions d'euros. En conséquence, dans le périmètre des plans de gêne sonore qui concernent 3 millions d'habitants, un certain nombre de dossiers d'insonorisation sont prêts, en particulier dans des hôpitaux ou dans des logements sociaux, mais ne peuvent pas être financés. Je vous proposerai donc, comme l'année passée, un amendement afin que l'État compense la perte des recettes de TSNA pour les années 2020, 2021 et 2022, à hauteur de 82 millions d'euros.
Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports aériens, sous réserve de l'adoption de l'amendement que je vous ai présenté.
Je souligne enfin le sentiment général d'inquiétude qui s'est manifesté au cours des auditions, ce qui témoigne des difficultés qu'affrontent les acteurs du transport aérien, à l'exception des représentants des constructeurs d'avions qui ont été plus optimistes.
M. Gilbert-Luc Devinaz . - En premier lieu, je partage les préoccupations qui ont été exprimées à propos de l'impact des nuisances sonores sur la santé et la quiétude des riverains de nos aéroports.
En ce qui concerne la situation générale du secteur, personne ne peut nier les difficultés liées à la pandémie. Des aides publiques ont permis à nos compagnies aériennes de passer le cap, mais on doit s'attendre à des conséquences industrielles qui ne seront pas neutres pour la France. L'augmentation des redevances de navigation aérienne ne va pas faciliter un retour du trafic au niveau de 2019 dès 2024 : je ne suis pas persuadé qu'il se produise et la rapporteure a souligné l'incertitude de cet espoir de rétablissement, surtout pour les voyages professionnels ou même universitaires. Je me demande surtout s'il est souhaitable. J'ai aussi noté la réduction de la voilure des recrutements de futurs contrôleurs aériens à l'École nationale de l'aviation civile (ENAC). Vous avez également évoqué la COP 26 : sans entrer dans l'analyse de ses résultats, l'urgence climatique s'impose tout comme la nécessité d'y répondre.
En même temps, au tout récent salon de Dubaï, le secteur semble renouer avec une certaine euphorie en envisageant de multiplier par cinq, d'ici 2040, le nombre d'habitants de la planète qui vont pouvoir prendre l'avion, en tablant sur la possibilité d'utiliser les nouveaux carburants que vous avez évoqués, mais qui ne seront pas opérationnels avant 2030- 2035.
J'ai donc l'impression que nous vivons une période antagoniste entre ce qui se dit à Glasgow et du côté de Dubaï, même si je suis conscient que, pour se rendre à la COP 26, plus de 400 avions ont été utilisés ! Tout compte fait le moment n'est-il pas venu de prendre le virage de la sobriété dans le secteur aérien ? Cela va se faire dans les entreprises - j'en ai rencontré un certain nombre qui envisagent sérieusement une réduction des voyages d'affaires - et il en va de même pour les Universités ou la recherche. D'où la question de savoir dans quelle mesure le Gouvernement est prêt à accompagner le secteur dans ce sens restrictif.
M. Ronan Dantec . - Merci à la rapporteure, qui nous a apporté beaucoup d'éléments d'informations et je rejoins pleinement les propos de Gilbert Devinas : on ne va pas pouvoir faire cohabiter deux discours en même temps et le secteur aérien risque de pâtir des propos contradictoires que tiennent ses diverses composantes. Notre responsabilité politique sera, à un moment donné, de trancher et je ne crois pas un instant que le transport aérien européen - au niveau mondial, c'est une autre affaire - va pouvoir retrouver des seuils ou des niveaux de croissance d'avant crise. Ce n'est pas possible, sans quoi l'Europe ne tiendrait pas ses engagements de réduction de CO 2 et aussi parce qu'il n'y a quasiment aucune perspective industrielle consistante. Cette « fable » technologique, portée par une partie du secteur aérien risque de lui porter tort et j'ajoute qu'avant de passer du prototype à la production en série, il va se passer beaucoup de temps. Par ailleurs, s'agissant des biocarburants, si on fait, par exemple, un simple calcul sur les surfaces qui seraient nécessaires pour produire de l'huile de palme, ça ne marche pas non plus : il faut le souligner. Je suis assez vif dans mes propos car je pense que tout cet affichage joue contre le secteur aérien. Celui-ci incarne, au niveau international, les contradictions de nos sociétés face à la gravité du risque climatique et c'est donc sur l'aérien qu'une grande partie de la contestation risque de se diriger. Seul un discours clair lui permettrait de s'en sortir, et pour l'instant ce n'est pas le cas. Vous avez bien dressé le panorama de toutes les stratégies qui sont présentées mais elles sont contradictoires.
Notre responsabilité politique est de sortir de la contradiction, d'abord en assumant la nécessité du transport aérien et le fait qu'il va rester émetteur de gaz à effet de serre parce qu'il n'y a pas d'alternative technologique possible dans les vingt à trente prochaines années. Nous devons ensuite faire en sorte que l'aérien compense ses émissions alors qu'il cumule un nombre inimaginable d'exonérations fiscales et sociales, ce qui aboutit à un dumping de l'État contre l'environnement et contre le ferroviaire.
Il faut donc partir de l'idée qu'une partie du transport aérien européen va rebasculer sur le rail et redimensionner les investissements sur le ferroviaire pour le rendre plus compétitif. De plus, le prix du billet d'avion doit absolument augmenter pour refléter la réalité de ses coûts. Or on voit bien, par exemple, que le dirigeant d'Air France Benjamin Smith se bat férocement contre toutes les taxes et finalement contre le fait que le transport aérien puisse être traité comme les autres, en semblant se baser sur l'idée que le secteur doit continuer de se développer. Nous devons, au contraire, accompagner le fait que l'aérien ne retrouvera pas son niveau d'avant crise et, d'ailleurs, cela facilitera la gestion des aéroports. Par exemple, à Nantes, il y a quinze ou vingt ans, j'étais seul à défendre l'interdiction des vols de nuit contre tous les représentants des milieux économiques tandis qu'aujourd'hui le consensus a été réuni : il n'y aura plus de vol de nuit à Nantes. Cela va se généraliser à l'ensemble des aéroports et on gérera ainsi le coût social que représente le bruit pour la santé.
Au niveau européen, la position est assez claire pour préférer au système de compensation CORSIA - qui est une façade - le mécanisme communautaire de plafonnement des quotas de CO 2 qui portera la tonne de CO 2 entre 50 et 100 euros contre quelques euros dans le CORSIA. À partir de là, le transport aérien sera plus cher, ce qui encouragera le basculement sur le rail.
Contrairement aux apparences, ce n'est pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour Airbus parce que cela incitera au renouvellement des flottes plus économes en carburant.
Mme Évelyne Perrot , rapporteure pour avis . - Je rejoins la logique générale de vos analyses tout en faisant observer que sur mon territoire, à 150 km de Paris, on ne dispose toujours pas d'une ligne ferroviaire électrifiée, ce qui montre la nécessité de progresser dans tous les secteurs. Par ailleurs, un certain nombre de petits aéroports risquent de devoir fermer : notre devoir immédiat, face à une telle situation, est aussi de protéger le secteur aérien. Je souligne également que les constructeurs aéronautiques sont réellement et pleinement mobilisés pour amplifier les économies de carburants et la décarbonation des flottes. Dans la situation actuelle qui est très difficile pour l'aérien, on ne peut pas se contenter de préconiser le basculement vers le ferroviaire. N'oublions pas non plus qu'au niveau mondial, deux tiers des commandes d'avions émanent des pays émergents : il est donc souhaitable que nos constructeurs d'avions, fleuron industriel de la France, puissent y répondre en livrant des appareils de plus en plus sobres.
M. Bruno Belin . - Je tiens à formuler des propos différents de mes collègues Gilbert-Luc Devinaz et Roland Dantec. En matière de transport, il y a les croyants et les pratiquants, dont je fais partie, et il y a aussi les non-croyants mais qui sont tout de même pratiquants, comme en témoigne par exemple le nombre considérable d'avions mobilisés pour se rendre à la COP26 de Glasgow.
Il y a surtout des avancées technologiques qu'on ne peut pas nier.
J'entends Ronan Dantec, je parie que dans 20 ans on n'aura guère avancé, mais qui sait où nous serons dans 20 ans... Le Président Longeot a raison : soyons optimistes !
Le premier vol long-courrier avec un avion utilisant uniquement du carburant aérien durable a été effectué entre Paris et Montréal. Telle est la réalité qu'on ne peut pas nier : personne ne sait si ce processus sera généralisé dans 5, 10 ou 20 ans mais on ne peut pas s'opposer à cette évolution vers la sobriété ; c'est comme si on était allé contre le chemin de fer au XIX ème siècle...et je ne vois pas ceux qui tambourinent contre l'aviation s'engager solennellement à ne plus prendre l'avion.
La rapporteure a évoqué à juste titre le cas des petits aéroports et je souligne qu'ils ont été très utiles pendant la crise sanitaire : j'ai participé à la première évacuation sanitaire avec ma collègue du Haut-Rhin pour sauver des vies. Les dons et transplantations d'organes dépendent également souvent de la mise en oeuvre de moyens d'aviation civile.
Arrêtons d'opposer l'avion et le train et aussi de parler de dumping fiscal d'Air France car si on alourdit les prélèvements, nous savons très bien qu'il faudra augmenter les allocations, au-delà des 7 milliards de soutien qui ont sauvé cette compagnie.
Sachons exactement de quoi nous parlons : par exemple, les seuls vols restants qui ont été arrêtés à Nantes étaient ceux de la Poste. Juste une dernière remarque pour prolonger les propos de la rapporteure sur le sujet essentiel pour la santé des nuisances sonores : il faudrait prévoir des avantages fiscaux pour les personnes qui réalisent des travaux afin de s'installer à proximité des aéroports et pour les collectivités qui implantent ou gèrent des écoles ainsi que des maisons de santé.
M. Gérard Lahellec . - À mon tour de rendre hommage à la rapporteure pour l'exhaustivité et la différenciation de son approche, ainsi qu'à l'universalité des ambitions qui sont fixées.
J'ai beaucoup entendu ici parler de contradictions, mais comme le rappellent les philosophes, c'est l'état naturel des choses et ne soyons donc pas surpris de devoir les surmonter.
Jusqu'à tout récemment, j'ai présidé les commissions consultatives économiques de quatre aéroports décentralisés. Ceux-ci étaient traditionnellement à l'équilibre d'exploitation, ce qui montre que leurs gestionnaires n'étaient pas inflationnistes en matière de développement aérien : ils se sont appliqués à satisfaire un besoin d'utilité publique et ont dû relever le défi découlant de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales dite Raffarin qui a transféré ces infrastructures aux collectivités territoriales. Deux régions sont essentiellement confrontées à ces réalités : la Corse et la Bretagne, dépositaires de quatre aéroports. Aujourd'hui, ces derniers ne sont plus à l'équilibre et les concessionnaires doivent tenter de compenser les pertes de recettes : je regrette l'absence de soutien de l'État pour y parvenir. Je citerai l'exemple de l'aéroport de Dinard qui n'accueille plus de compagnie commerciale, mais assure la maintenance aéronautique d'avions de provenances diverses, ce qui génère 700 emplois locaux et dont l'activité sert l'objectif de développement durable de l'aviation. J'appelle donc à créer les conditions du retour à l'équilibre de ces contrats de concessions afin de ne pas déstabiliser cet écosystème vital pour l'équilibre de nos territoires.
M. Jean-Claude Anglars . - Je rejoins ces propos. Certains territoires ne peuvent se passer ni d'aéroport ni de liaisons d'aménagement du territoire : tel est le cas à Rodez ou dans le Massif central, en l'absence de lignes ferroviaires. Ma question porte sur le financement des charges régaliennes - sécurité, services d'incendies - qui incombent aux aéroports sous le contrôle exclusif de l'État qui doit en assurer l'équilibre. Ce financement s'opère via la taxe d'aéroport et un fonds de péréquation, avec des recettes assises sur le nombre de passagers. Or le produit de cette taxe s'est effondré en même temps que le trafic et le fonds n'est quasiment plus alimenté : comment l'État va-t-il compenser ces pertes ? Pour l'aéroport de Rodez, cela représente 500 000 euros.
M. Gilbert-Luc Devinaz . - Je vous rassure : mon intention n'est pas du tout de fustiger l'aviation et, dans ma vie professionnelle, j'ai plutôt utilisé l'hélicoptère pour des expertises de falaises et ce mode de transport conserve toute son utilité dans un certain nombre de domaines.
J'ai souhaité souligner les contradictions dans lesquelles nous sommes et me demander si nous prenons aujourd'hui les bonnes orientations pour pouvoir sauver l'aviation dans une économie compatible avec l'urgence climatique.
M. Philippe Tabarot . - J'ai presque l'impression de revenir quelques mois en arrière, au moment du débat sur la loi « Climat et résilience ». Le principal problème est aujourd'hui la pandémie qui a un impact sur tous les modes de transport en commun. Certaines compagnies ont eu la chance d'obtenir une compensation de leurs pertes ; cela n'a pas été le cas pour Alitalia, qui a constitué, un pilier du transport aérien de l'Italie.
À mon tour de souhaiter qu'on cesse de monter les modes de transport les uns contre les autres car il faut varier les réponses en fonction des besoins des territoires. À ce titre, nous avons rappelé que les liaisons d'aménagement du territoire sont indispensables, y compris, et même si cela peut surprendre, pour certaines mobilités du quotidien.
Dans la confrontation entre les modes de transports, n'oublions pas la question du coût : dans le cas de la ligne aérienne Paris-Bordeaux, ce qui m'a surtout semblé choquant c'est que l'usager puisse payer moins cher son billet d'avion que son ticket de train et nous avons pris l'initiative de demander un prix plancher pour l'aérien. Telle est la vraie question.
Enfin, les aéroports ont pris conscience de la nécessité de la décarbonation et font des avancées concrètes.
J'en termine avec une petite anecdote : lors de mon dernier voyage en avion de Nice à Paris, on nous a annoncé en cours de vol que notre appareil fonctionnait avec 30 % d'huile usagée issue de la restauration rapide dans les réservoirs, en complément du kérosène. La décarbonation fonctionne donc avec des progrès plus rapides qu'on ne croit.
M. Olivier Jacquin . - La qualité du rapport suscite une discussion passionnante et je rejoins les propos de Gilbert-Luc Devinaz. J'insiste sur le fait qu'il y a des phases et des paliers dans la lutte contre le réchauffement climatique et on ne peut pas uniquement miser sur le temps long. Il faut aussi des mesures de court terme pour décarboner ce secteur. Je fais observer que l'utilisation de l'huile de recyclage est un signal intéressant mais c'est du « greenwashing » et on sait qu'il n'y a pas de modèle économique global pour un tel procédé. De la même façon, les ressources en hydrogène vert sont limitées.
Miser sur des mutations qui auront lieu dans vingt ans ne suffit pas : je pense à mes enfants et il faut agir dès maintenant.
Mme Évelyne Perrot , rapporteure pour avis . - Je souligne simplement que de nombreux éléments suscitent beaucoup d'espoir car les constructeurs se mobilisent très fortement ainsi que les exploitants d'aéroports. S'agissant des carburants à base d'huile de cuisson, qui se développent rapidement aussi aux États-Unis, je ne souhaite tout de même pas qu'on incite nos enfants à consommer un maximum de hamburgers pour récupérer l'huile usagée...
Je pense aussi qu'il faut mieux informer les passagers avec, sur les billets d'avions, une information sur les différents paramètres de verdissement du vol et des opérations au sol. Cela favoriserait une réelle prise de conscience et je pense aussi à l'explosion des commandes du e-commerce , ce qui génère du fret nocturne.
Je me suis efforcée de vous résumer les éléments qui ressortent des auditions et qui peuvent permettre de sauver ce bel outil qu'est l'aviation.
Je mentionne enfin la nécessité de moderniser, en passant à la propulsion électrique, la flotte des petits avions utilisés dans les écoles de pilotage. Il faut aussi expliquer aux riverains qu'il ne s'agit pas d'activités de loisirs des riches touristes mais de formation des pilotes.
Là encore, il y a un déficit de communication : on a trop tiré à boulets rouges sur l'aviation. C'est un peu trop facile, dans les pays qui n'ont pas de filière de construction aéronautique, de laisser se développer le sentiment anti aérien.
M. Jean-François Longeot , président . - Nous en venons à l'examen de l'amendement présenté par la rapporteure sur la taxe sur les nuisances sonores.
Mme Évelyne Perrot , rapporteure pour avis . - Cet amendement propose que l'État compense à hauteur de 82 millions d'euros la perte des recettes de taxe sur les nuisances sonores pour les années 2020, 2021 et 2022. La mesure se traduirait par une hausse de l'action 52 Transport aérien du programme 203 Infrastructures et services de transports de la mission Écologie, développement et mobilité durables, en suggérant au Gouvernement de lever la compensation.
La commission adopte l'amendement n° II-35 .
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA).
Examen en commission
(Lundi
22 novembre 2021)
Réunie le lundi 22 novembre 2021, la commission a examiné le rapport pour avis sur les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Plan de relance » - Crédits « Transports ferroviaires, fluviaux et maritimes » du projet de loi de finances pour 2022.
M. Philippe Tabarot , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes . - J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui le rapport sur les crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes prévus par le projet de loi de finances (PLF) pour 2022. Ce rapport est le fruit d'un travail conséquent et d'une quinzaine d'auditions, réalisés dans des délais assez courts.
Le premier objectif était de rester cohérent avec les remarques et amendements que nous avions présentés lors des discussions sur le PLF pour 2021. Le deuxième était d'être cohérent avec la loi « Climat et résilience » d'août dernier, ce texte qui a beaucoup occupé notre commission cette année. Nous avons en effet passé des semaines à y travailler ensemble, et il me paraissait logique de tenter de décliner dans le PLF ce que nous avions voté alors. Enfin, j'ai souhaité prendre la mesure de l'effectivité du plan de relance. S'agissait-il d'une annonce politique du Gouvernement ? D'un plan de soutien à certaines filières ? D'un plan de sauvegarde ? Nous avons essayé à travers ce rapport d'apporter des réponses à ces questions.
Le PLF pour 2021 présentait un caractère exceptionnel compte tenu de la crise sanitaire et économique, et des moyens déployés pour y faire face. Le PLF pour 2022 s'inscrit dans une certaine continuité puisque les effets de la crise se poursuivent, mais s'ajoute aussi le contexte particulier de la campagne présidentielle à venir. En effet, les annonces gouvernementales se sont multipliées ces derniers mois dans le domaine des transports, et il n'est pas toujours facile de distinguer les mesures nouvelles de celles ayant déjà été budgétées. Cette situation accroît l'impression d'un éclatement des moyens, et nuit à la lisibilité du budget. Dans le cadre des auditions conduites avec les acteurs du transport ferroviaire, fluvial et maritime, je me suis donc attaché à éclaircir le contenu de ce PLF dans la mesure du possible, et à vérifier si les crédits du plan de relance avaient bien été déployés.
J'en viens à la présentation des différents volets autour desquels s'articule mon rapport, en commençant par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). La crise ayant éclaté en 2020 continue à peser de manière significative sur les recettes de l'Afitf, notamment sur le produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (TSBA), le produit de la taxe d'aménagement du territoire (TAT) et celui des amendes radars. En outre, les sociétés concessionnaires d'autoroutes, contestant une évolution de la TAT, refusent de s'acquitter d'une contribution de 61 millions d'euros pour 2021, ce qui n'arrange rien. Les prévisions de recettes pour 2022 apparaissent toutefois plus réalistes qu'en 2021, et l'Afitf devrait être en mesure de respecter la trajectoire de dépenses prévue par la loi d'orientation des mobilités (LOM), avec des investissements à hauteur de 2,6 milliards d'euros pour 2022. Néanmoins, cette trajectoire reste théorique puisque le Gouvernement a engagé de nouvelles dépenses qui ne sont pas incluses, pour financer le canal Seine-Nord Europe, le tunnel ferroviaire Lyon-Turin ou le récent plan « Marseille en grand ». Les députés ont d'ailleurs adopté un amendement visant à abonder le budget de l'Afitf de 32 millions d'euros, en faveur du développement des transports collectifs de la cité phocéenne. Sans remettre en cause le bien-fondé de ces investissements, une telle manière de faire, consistant à amender le PLF au fur et à mesure des annonces présidentielles et ministérielles, suscite la perplexité quant à la lisibilité et la sincérité de ce budget.
Au-delà de cette problématique, la soutenabilité du financement de l'Afitf continue d'interpeller. D'une part, la situation conduisant chaque année le Gouvernement à compenser les pertes de recettes de l'agence via un collectif budgétaire n'est pas tenable. Cette année encore, le Gouvernement prévoit une compensation à hauteur de 250 millions d'euros en deuxième loi de finances rectificative. D'autre part et à plus long terme, on peut s'interroger sur le devenir de la part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affectée à l'agence, qui a vocation à se contracter à mesure du verdissement du parc automobile. Ainsi, comme l'année dernière, j'estime urgent d'engager une réflexion sur l'avenir du financement de cette agence, afin de faire reposer les investissements de long terme, nécessaires à nos infrastructures, sur des ressources crédibles et pérennes.
À cette problématique de financement vient s'ajouter une insuffisance des moyens humains de l'agence. En effet, malgré l'extension du champ de ses missions, notamment pour déployer les crédits du plan de relance qui s'élèvent à 750 millions d'euros en 2022, l'agence n'est dotée que de quatre équivalents temps plein travaillés (ETPT), mis à disposition par le ministère de la transition écologique. Nous considérons, avec Olivier Jacquin, rapporteur des crédits relatifs aux transports terrestres, qu'il est indispensable d'augmenter ces effectifs, pour que les moyens soient à la hauteur des besoins. Certes, l'agence a pour objectif principal d'investir, et j'ai bien conscience que le budget de notre pays n'a pas dans certains secteurs toujours besoin d'agents supplémentaires. Cependant, il s'agit dans ce cas d'investir 3,5 milliards d'euros, avec les responsabilités juridiques et les erreurs potentielles que cela comporte, et il faut des hommes et des femmes pour mener à bien cette mission. En tant que membre du conseil d'administration de l'Afitf, je continuerai à tout faire pour que des moyens supplémentaires soient obtenus, et pour que l'agence puisse ainsi mener à bien vos projets.
J'en viens à présent au transport ferroviaire, qui peine à retrouver son niveau de fréquentation d'avant-crise. En effet, d'après le groupe SNCF, l'impact de la crise sur les trafics se poursuit et au premier semestre 2021, on observe une baisse d'environ 29 % sur les trains à grande vitesse (TGV) et de 30 % sur les Transiliens et transports express régionaux (TER). Cette baisse persistante s'explique notamment par une réduction de 60 % des déplacements professionnels et de 50 % des déplacements pendulaires en 2020, et par une diminution des déplacements de loisirs dans une moindre mesure. Dans ce contexte, et pour faire du train un bien de première nécessité, la commission a adopté, sur ma proposition, la semaine dernière un amendement visant à diminuer le taux de TVA à 5,5 % sur le transport ferroviaire. Malheureusement, la majorité de nos collègues n'a pas souhaité nous suivre en séance publique. Pourtant, cette proposition figurait dans la version du Sénat du texte « Climat et résilience », même si elle n'a pas résisté à une commission mixte paritaire musclée.
Cette situation se traduit par d'importantes pertes de chiffre d'affaires pour le groupe SNCF, pertes qui pourraient atteindre 2,9 milliards d'euros en 2021, dont plus de 450 millions d'euros pour SNCF Réseau.
Le PLF pour 2022 est dans le droit fil de celui de 2021 puisqu'il prévoit globalement une augmentation des crédits consacrés au transport ferroviaire. Ainsi, les crédits prévus par le programme 203, « Infrastructures et services de transports », dédiés aux infrastructures ferroviaires devraient passer de 2,47 à 2,56 milliards d'euros. Les crédits consacrés aux transports collectifs, notamment aux trains d'équilibre du territoire, sont eux aussi en légère augmentation. Il est également prévu de supprimer deux taxes ferroviaires qui pesaient exclusivement sur SNCF Voyageurs et n'étaient plus soutenables, compte tenu de l'ouverture à la concurrence. En outre, le PLF pour 2022 prévoit d'acter la deuxième tranche de reprise de la dette de SNCF Réseau, à hauteur de 10 milliards d'euros. Le soutien au transport combiné est quant à lui en légère diminution, mais `il est complété par des crédits de la mission « Plan de relance ».
J'en viens justement aux crédits consacrés au transport ferroviaire par le plan de relance, dont une partie a été exécutée en 2021, et dont le déploiement devrait se poursuivre en 2022 et en 2023. Tout d'abord, 4,05 milliards d'euros sont prévus pour SNCF Réseau, dont 1,6 milliard d'euros a été versé au gestionnaire d'infrastructure en 2021, le reste étant prévu pour 2022 et 2023. Cette somme se décompose ainsi : 2,3 milliards d'euros pour les investissements de régénération du réseau ferroviaire, 1,5 milliard d'euros pour les surcoûts liés à la fin de l'utilisation du glyphosate et à la sécurisation des ouvrages d'art et 250 millions d'euros au bénéfice des petites lignes. Par ailleurs, 650 millions d'euros ont été alloués par le plan de relance à des programmes spécifiques et sont ainsi répartis : 250 millions d'euros pour les infrastructures de fret ferroviaire, 300 millions d'euros pour les petites lignes et 100 millions d'euros pour les trains de nuit. Je voudrais m'arrêter un instant sur ces enveloppes, afin de les analyser de plus près.
D'abord, j'ai eu beaucoup de difficultés à obtenir le détail de l'affectation de ces quelque 5 milliards d'euros de crédits. Certains acteurs confirment d'ailleurs cette opacité et le manque de lisibilité du plan de relance, que les documents budgétaires ne permettent pas d'éclaircir quand il s'agit de la répartition précise des crédits, des modalités ou dates prévues de versement.
En ce qui concerne les 2,3 milliards d'euros destinés au réseau, ils sont indispensables pour maintenir le niveau de rénovation compte tenu des pertes liées à la crise sanitaire. Cependant, si le montant des investissements bruts prévus pour la rénovation devrait approcher 3 milliards d'euros pour 2022, les besoins sont estimés à 3,5 milliards d'euros par an. Certes, nous prenons moins de retard que précédemment en matière de régénération, mais le réseau ferroviaire peine toujours à sortir de son état de dégradation. Par ailleurs, les montants ne sont pas à la hauteur des besoins pour atteindre les objectifs ambitieux fixés par la loi « Climat et résilience » quant à l'augmentation de la part modale du transport ferroviaire de voyageurs et de fret. Toutefois, alors même que la régénération de notre réseau est loin d'être terminée, et qu'aucun modèle de financement n'a été esquissé pour sa modernisation - notamment en ce qui concerne l' European Rail Traffic Management System (ERTMS), les commandes centralisées et la signalisation -, des annonces récentes prévoient de nouveaux investissements dans des lignes à grande vitesse.
Par ailleurs, s'agissant de la somme de 1,5 milliard d'euros destinée à couvrir les coûts liés à l'arrêt de l'utilisation du glyphosate et à la sécurisation des ouvrages d'art, elle correspond en réalité à des actions déjà prévues, mais non budgétées.
Néanmoins, les nouveaux crédits consacrés aux lignes de desserte fine du territoire sont bienvenus et supérieurs à la trajectoire précédente, même si les montants prévus restent en deçà des besoins annuels identifiés par le rapport Philizot, qui s'élèvent à environ 700 millions d'euros. En effet, les 620 millions d'euros prévus par le plan de relance correspondent à un investissement sur deux ans, soit environ 310 millions d'euros supplémentaires par an en moyenne. Nous sommes loin de couvrir les besoins nécessaires pour éviter les fermetures de lignes sur nos territoires et si l'État signe des conventions avec les régions, les engagements seront difficilement tenus. La commission, sur ma proposition, a adopté la semaine dernière un amendement visant à abonder de 300 millions d'euros les crédits dédiés aux petites lignes, qui sont essentielles à la mobilité dans les territoires les plus reculés.
Le fret ferroviaire connaît quant à lui une dynamique très positive depuis quelques mois, à la suite de la publication de la stratégie nationale pour son développement. De nouvelles aides ont ainsi été mises en place depuis l'an dernier, et seront pérennisées jusqu'en 2024, ce qui représente une excellente nouvelle pour ce secteur, dont le caractère indispensable à la continuité de la vie de la Nation a été mis en lumière par la crise sanitaire. En revanche, des inquiétudes persistent au sujet de la consommation de ces crédits et du choix des sillons bénéficiant d'optimisations de chantier, choix dont on peut s'interroger sur la pertinence d'après l'Association française du rail (AFRA). Comme nous l'avions évoqué l'an dernier, ce plan de relance constitue bien un plan de soutien du ferroviaire, voire un plan de sauvetage à entendre certains acteurs du secteur. Et le suivi de ce plan reste particulièrement difficile. Les mesures prévues par le budget pour 2022 sont certes en hausse, ce qu'il convient de saluer, mais les montants demeurent insuffisants pour tenir nos objectifs et régler la question du financement du système ferroviaire, comme l'a rappelé la Cour des comptes dans un récent rapport. Nous aurons l'occasion d'en reparler lorsque nous évoquerons dans les prochains mois le nouveau contrat de performance entre SNCF Réseau et l'État, mais la question du financement de SNCF Réseau est d'autant plus inquiétante que le coût des péages ferroviaires en France reste l'un des plus élevés de l'Union européenne.
Dans ce contexte, et dans la perspective de l'arrivée de nouveaux entrants sur le marché, l'existence d'un régulateur fort semble indispensable. L'Autorité de régulation des transports (ART) a jusqu'à présent joué un rôle considérable pour permettre à l'ouverture à la concurrence de se dérouler dans de bonnes conditions. Cependant, malgré l'extension de ses missions, les moyens qui lui sont affectés n'ont pas suffisamment augmenté, et l'ART a beaucoup entamé son fonds de roulement. Étant son propre assureur, l'autorité s'expose à devoir verser des indemnités en cas de litige perdu. Il est donc indispensable de lui permettre d'exercer ses missions dans de bonnes conditions et de ne pas craindre d'aller au contentieux s'il le faut, face à des groupes particulièrement puissants. La force de l'ART doit résider dans sa capacité à mener ses combats en toute indépendance. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que l'on puisse augmenter sa subvention pour charge de service public, et avec Olivier Jacquin, nous vous proposerons d'adopter un amendement en ce sens.
En ce qui concerne le transport fluvial, le PLF pour 2022 s'inscrit dans la continuité de 2021. La subvention pour charge de service public de Voies navigables de France (VNF), qui s'élève à 248 millions d'euros, reste stable. Par ailleurs, le décaissement des crédits du plan de relance prévus pour la régénération du réseau devrait s'accélérer et, sur les 175 millions d'euros prévus, environ 60 millions d'euros ont été dépensés en 2021, ce montant devant atteindre 85 millions d'euros en 2022. Cette trajectoire d'investissement en faveur des infrastructures fluviales, qui représente une évolution positive après des décennies de sous-investissement, est soutenue par le contrat d'objectifs et de performance signé par VNF et l'État au mois d'avril dernier. Celui-ci fixe des orientations stratégiques et prévoit une trajectoire d'investissement globale s'élevant à 3 milliards d'euros pour la prochaine décennie.
Néanmoins, il me semble que pour respecter des objectifs ambitieux, notamment le doublement de la part du fluvial dans le transport de marchandises à horizon 2030, des mesures de soutien direct en faveur de ces acteurs sont nécessaires. En effet, le plafond d'emplois de VNF diminue depuis plusieurs années et la baisse a été particulièrement marquée en 2020 et 2021, avec la perte de 92 et 99 ETP. Cette baisse se poursuivra en 2022, bien qu'à un niveau plus modéré, avec une diminution prévue de 30 ETP. D'autre part, si l'établissement est engagé dans une démarche de modernisation qui devrait permettre des gains de productivité, une contraction trop rapide du schéma d'emplois menacerait l'accomplissement de ses missions essentielles. Je serai donc attentif au séquençage de ces réformes, afin de ne pas affaiblir cet opérateur qui est au coeur de l'ambition fluviale de notre pays.
Je souhaiterais également que les entreprises fluviales fassent l'objet d'un soutien plus affirmé de la part de l'État. Le transport fluvial a fait preuve d'une grande résilience face à la crise sanitaire et il est écologiquement vertueux, émettant selon VNF jusqu'à cinq fois moins de CO 2 que le transport routier. Ces deux éléments plaident en faveur d'un renforcement du report modal vers la voie d'eau. Or, la reprise du trafic fluvial semble encore inégale. Au premier semestre 2021, le fret fluvial était en hausse de près de 10 % par rapport à la même période en 2020, et le transport de passagers reprend également, bien que de manière très différenciée selon les secteurs. Afin de renforcer la compétitivité de ces entreprises et d'encourager les investissements en faveur du verdissement de la flotte, j'ai proposé deux amendements que la commission a adoptés : le premier, pour encourager le renouvellement de la flotte au profit de bateaux plus récents, a malheureusement été rejeté en séance publique, le second pour renforcer la situation financière des entreprises fluviales, qui a, quant à lui, été adopté.
Par ailleurs, en ce qui concerne le transport maritime, si les crédits relatifs aux ports du programme 203 sont stables par rapport à 2021, le budget des affaires maritimes du programme 205 connaît une hausse de près de 25 %, passant de 155 à 192 millions d'euros. Cette augmentation traduit en partie les engagements issus du Fontenoy du maritime en faveur de la marine marchande et concerne notamment : l'enseignement maritime, 5 millions d'euros supplémentaires ayant été affectés à l'École nationale supérieure maritime afin de doubler le nombre d'officiers d'ici 2027 ; le soutien à la flotte de commerce, avec 16 millions d'euros prévus pour financer le « net wage », instauré en mai 2021 afin de renforcer la compétitivité des compagnies de ferries effectuant du transport international de passagers ; et la création d'un fonds d'intervention maritime doté de près de 18 millions d'euros, pour soutenir des projets sur les territoires littoraux. Enfin, je tiens à saluer la pérennisation du soutien de l'État à la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), à hauteur de 10,5 millions d'euros.
La tendance est donc globalement positive, mais des inquiétudes persistent quant à la situation des compagnies de ferries. En effet, étant gérées en délégation de service public, elles ne sont pas éligibles au dispositif de soutien à l'emploi « net wage », et plusieurs d'entre elles rencontrent une concurrence étrangère féroce. Pour l'heure, aucun dispositif n'a été trouvé pour soutenir leur compétitivité.
Enfin, je souhaiterais aborder la question de la transition écologique du secteur maritime et portuaire. Lors de la COP26, la France s'est engagée, dans le cadre de l'Organisation maritime internationale (OMI) et aux côtés de quatorze autres États, à atteindre la neutralité carbone dans le transport maritime d'ici à 2050. Il est donc urgent de mettre en place des outils pour relever ce défi.
S'agissant du verdissement des ports, le plan de relance prévoit 175 millions d'euros pour financer des projets liés à l'électricité à quai, à l'amélioration de la desserte ferroviaire et fluviale, ou à l'amélioration de la performance énergétique. Cette enveloppe est bienvenue, mais j'identifie une insuffisance et un angle mort. D'une part, elle est nettement en deçà des besoins que le rapport de Michel Vaspart avait évalués à 5 milliards d'euros sur dix ans pour le seul développement du report modal. D'autre part, la transition écologique va impliquer un bouleversement du modèle économique de nos ports, qui devront à la fois développer une offre de production et de distribution d'énergies alternatives, et attirer des entreprises innovantes dans le domaine de la transition écologique. Or, la stratégie nationale portuaire (SNP) présentée en janvier 2021 apporte très peu de solutions pour renforcer l'attractivité de nos ports.
S'agissant du verdissement de la flotte maritime, les outils manquent pour aider les armateurs. Le dispositif de suramortissement vert qui permet de bénéficier d'une déduction fiscale à l'acquisition d'un équipement permettant une propulsion décarbonée, en vigueur depuis 2020, n'a jamais trouvé à s'appliquer. Je suis donc favorable à l'article 8 du PLF qui assouplit les critères d'éligibilité de cette mesure, et sur ma proposition, la commission a adopté deux amendements visant à en renforcer le caractère opérationnel, qui ont été adoptés en séance publique.
Au vu de ces observations, des amendements déjà soumis et de celui que je vais vous soumettre, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes.
M. Didier Mandelli . - Je voudrais commencer par féliciter le rapporteur pour son excellent travail. On ne peut que se réjouir des fonds qui vont être consacrés à ces sujets dans les années qui viennent. Cependant, je souhaiterais pointer une carence en termes d'effectifs. En effet, si je synthétise bien, cette question risque de créer des points de blocage avec l'Afitf, VNF et l'ART. Nous accueillons favorablement les actions et fonds supplémentaires portés par la LOM, le plan de relance et les annonces récentes, mais je ne vois pas comment nous pourrons faire face à des capacités d'investissement doublées en réduisant les effectifs. Pour prendre le seul exemple de VNF, il s'agit de mettre en oeuvre des budgets ayant presque quadruplé en cinq ans tout en accusant la perte de quasiment 300 postes en deux ans et demi. Il y a là un sujet de cohérence et d'équilibre, et je souhaiterais que nous puissions demander des explications au Gouvernement.
M. Gérard Lahellec . - Je remercie le rapporteur pour cette présentation exhaustive et intéressante. Je souhaitais pointer quelques éléments qui rendent la lisibilité délicate. Tout d'abord, en matière de contrats de plan, ce qui a trait aux mobilités et aux transports est renvoyé à 2023, ce qui crée un manque pour les territoires, qui attendent que les choses adviennent. De plus, le fait de reporter de quelques années permet de recompter deux fois la même somme, ce qui génère un problème de lisibilité.
Par ailleurs, à l'occasion des débats sur la loi « Climat et résilience » comme sur la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), j'ai constaté que nos ministres ne connaissaient pas si bien le sort fait aux petites lignes ferroviaires et ignoraient les résultats de la mission Philizot. Il ne serait pas aberrant de continuer à rendre de petites lignes éligibles à des contrats de plan, dès l'instant que leur utilité publique serait avérée dans le cadre d'un consensus entre l'État et les collectivités.
Je pointe une autre difficulté : l'État ne sait pas toujours que les régions sont les autorités organisatrices de transport (AOT). Il n'y a eu aucune reconnaissance de compensation à opérer pour mettre nos contrats à l'équilibre dans les territoires ; rien n'a été fait en ce domaine. Or, les budgets de ces collectivités sont en grande souffrance, d'autant qu'elles ont veillé à faire en sorte que les compagnies de transport ne soient pas mises en difficulté.
Enfin, concernant le maritime, je trouve que 18 millions d'euros, c'est peu. Je pense notamment à Brittany Ferries, une compagnie qui bat pavillon français et qui était jusqu'à présent à l'équilibre économique, sans subvention publique - il est important de le souligner. Or, il va sans dire que l'effet conjugué de la crise sanitaire et du Brexit entraîne des conséquences qu'il serait trop long de développer ce soir. Mais je vous laisse les imaginer et vous rappelle que cette compagnie emploie 6 000 salariés.
En définitive, j'admets les avancées pour le ferroviaire ; je note le retard pour tout ce qui a trait à la contractualisation que nous sommes en droit d'attendre et dont nous avons retardé les échéances pour des raisons que nous comprenons, et je souligne de petits manques comme celui que je viens d'évoquer sur le maritime, n'en déplaise au rapport de Michel Vaspart qui ne traite que des grands ports maritimes (GPM). Je viens d'une région qui compte 2 700 kilomètres de côtes et au regard de ce rapport, il n'y aurait pas de ports en Bretagne...
M. Olivier Jacquin . - Je salue tout d'abord la qualité du travail de Philippe Tabarot. Il l'a souligné, nous regrettons la non-adoption de l'amendement relatif à la TVA ferroviaire ; c'était l'occasion d'envoyer un bon signal. Je n'y reviendrai pas, mais je constate que nous ne nous donnons pas les moyens d'engager une véritable politique ferroviaire. Et permettez-moi de la comparer à la politique du transport aérien, même si je ne souhaite pas les mettre en opposition. Je suis conscient du soutien considérable apporté à la SNCF, avec le plan de désendettement, et les 4 ou 5 milliards d'euros alloués l'an dernier, mais ils ne sont pas à la hauteur du problème. J'ai eu l'occasion de visiter le système ferroviaire japonais, qui est excellent, et le système suisse, où il est clair qu'en matière d'infrastructures des investissements sont réalisés sur le long terme.
Je suis inquiet, car si nous prenons des engagements concernant le réchauffement climatique et la décarbonation, au moment de la discussion du budget, nous ne mettons pas en face les crédits correspondants.
Je suis tout à fait d'accord avec l'analyse qui a été faite sur les petites lignes, et je trouve le tour de passe-passe consistant à renvoyer la responsabilité finale aux régions véritablement incroyable.
Quant aux contrats de plan État-région (CPER), j'ai interrogé directement le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer au sujet des sommes qui sont diluées par leur prolongement. Sa réponse a été la suivante : « Non, nous allons exécuter totalement les CPER, ils seront satisfaits à 98, 100 %». Verre à moitié vide ou à moitié plein ? Personnellement, j'y vois bien une dilution.
Par ailleurs, nous parlons en permanence de la faiblesse du Parlement. L'an dernier, notre groupe avait présenté un amendement visant à supprimer la contribution de solidarité territoriale (CST) et la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF), ces deux drôles de taxes d'un autre temps qui visaient à taxer l'activité grande vitesse pour financer les trains d'équilibre du territoire par un compte d'affectation spéciale. La majorité sénatoriale ne s'en est pas saisie. C'est le Président de la République qui a annoncé, pour les quarante ans du TGV, qu'il supprimait les taxes, et un député de la majorité qui a eu l'honneur de le faire ! Nous nous sommes cependant privés d'un débat extrêmement intéressant sur l'avenir de ce compte d'affectation spéciale, sur le financement des trains d'équilibre du territoire et de la SNCF, d'autant que la TREF sera supprimée en 2023.
Nous avions demandé un rapport lors de la LOM - il me semble qu'il s'agissait d'un amendement unanime portant sur les trains d'équilibre des territoires et les trains de nuit. Il n'a pas été rendu, mais une version brute a fuité dans la presse : il y aurait des besoins non satisfaits et solvables de trains d'équilibre du territoire sur cinq grandes transversales en France. Pour cela, des financements sont nécessaires pour acheter de nouvelles rames. Or dans ce budget, il n'y a pas l'ombre du début d'un commencement, sinon une promesse orale du ministre lors du débat à l'Assemblée nationale. Nous devrons, Monsieur le Président, nous saisir de cette question.
J'ai cru aussi comprendre qu'il comptait créer une Rosco - rolling stock leasing company -, à savoir une société de location de matériel ferroviaire au niveau européen sur le moyen terme et lancer des appels d'offres sur d'éventuelles lignes non ouvertes actuellement. Bref, nous sommes très loin des conclusions de notre rapport.
S'agissant de SNCF Réseau, nous sommes satisfaits que les 3 milliards d'euros de remise en état des lignes de régénération soient effectifs et que la crise sanitaire n'ait pas servi d'excuse pour en baisser le montant. Cependant, il existe un vrai souci entre régénération et modernisation, et nous sommes sur une trajectoire insuffisante. Alors quand le Président de la République lance un nouveau programme de lignes à grande vitesse (LGV) non financé, il y a de vraies inquiétudes à avoir sur le syndrome SNCF et LGV.
Enfin, je partage aussi les propos du rapporteur sur VNF et la baisse des effectifs. Mais l'investissement atteint un niveau très significatif, que nous n'avions pas connu depuis très longtemps. Il faut donc le souligner.
M. Philippe Tabarot , rapporteur pour avis . - Au sujet de VNF, si le rapport est assez critique sur un certain nombre de points, j'ai tout de même donné un avis favorable, car des financements supplémentaires ont été attribués dans différents domaines. Trop d'ETP ont été supprimés, c'est vrai, mais l'investissement sur le fluvial n'a pas connu d'égale dans notre pays depuis très longtemps.
Sur le ferroviaire, les crédits ne sont pas à la hauteur de nos espérances, mais en deux ans, 35 milliards d'euros de dettes de SNCF Réseau ont été repris.
S'agissant des effectifs, bien sûr, nous avons pointé les diminutions. Pour ce qui concerne l'Afitf, à chaque conseil d'administration, nous passons des vingtaines, des trentaines de conventions avec l'État, des AOM et des concessionnaires, et nous sommes bien conscients que nous devons trouver des moyens supplémentaires pour ne pas mettre l'agence en difficulté, d'autant que nous sommes persuadés que c'est le bon outil pour financer tous ces projets.
L'ART a vu le champ de ses missions s'élargir, avec notamment des compétences supplémentaires importantes en matière de régulation des redevances aéroportuaires. L'ouverture de la concurrence dans les transports publics en Île-de-France va aussi être un dossier important. Nous devons absolument nous prémunir de toute situation dans laquelle l'ART hésiterait à aller au contentieux avec les nouveaux entrants, car, en cas de perte, elle ne serait pas en mesure de payer. Certes, l'État pourrait verser des indemnités en cas de perte d'un litige, mais l'ART a besoin d'être indépendante, non seulement à l'égard des entreprises de transport, mais aussi de l'État.
Concernant les CPER, nous n'arrivons jamais à avoir de réponses claires. Ils ont d'abord été reportés d'un an, puis de deux et maintenant peut-être davantage. De fait, nous allons avoir un taux de consommation bien plus important et si nous continuons comme cela pendant dix ans, nous finirons à 100 %. Mais les contrats de plan sont censés durer cinq ans et non dix.
S'agissant du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), notre collègue Christine Herzog effectue un travail remarquable à mes côtés. Le COI organise, en ce moment, le tour de France pour noter les priorités. Le Gouvernement veut relancer la balle vers les territoires et le COI afin qu'ils procèdent à une classification des infrastructures qui sont les plus urgentes et qu'ils travaillent sur les futurs contrats. Mais si la priorité change à la suite d'une visite du Président de la République ou du Premier ministre, nous n'avancerons pas. Nous sommes dans un régime présidentiel par excellence. Que le Président de la République ne nous demande pas alors de travailler sur des aspects techniques en relation avec les élus locaux ! J'ai donc clairement indiqué que le COI réalisera ce travail en collaboration avec les présidents de région, mais qu'il doit être respecté. Car s'il y a une tournée électorale concurrente, ce sera assez difficile.
Le transfert des petites lignes prévu par le projet de loi 3DS en cours d'examen est un cadeau empoisonné. Je connais bien la question. Dans quel état les régions qui vont vouloir récupérer leurs lignes ferroviaires vont-elles les retrouver ? Seront-elles en capacité d'investir autant qu'aujourd'hui ? L'État les a abandonnées pendant des années et, aujourd'hui, il demande aux régions de les reprendre. Et si demain, certaines d'entre elles ferment, ce sera la faute non pas de l'État, qui ne les aura pas entretenues pendant dix ou vingt ans, mais des régions qui ne disposeront pas des financements nécessaires pour les régénérer. Et quand je parle de l'État, je ne vise pas ce gouvernement, mais les gouvernements successifs qui n'ont pas investi suffisamment en matière de transport.
Concernant le nouveau fonds d'intervention maritime doté de 18 millions d'euros, il va monter en puissance et permettre à l'État de cofinancer certaines actions dans de plus petits ports, notamment pour des opérations de dragage, d'aménagement...
Par ailleurs, un plan de sauvetage de Brittany Ferries est prévu, grâce à un accord signé avec CMA CGM, qui va investir 25 millions d'euros. En outre, un accord a été passé avec la Commission européenne pour attribuer à la compagnie une aide complémentaire de 60 millions d'euros. Je suis plus inquiet pour La Méridionale et Corsica Linea qui n'entrent pas dans ce cadre et qui vont se retrouver très rapidement en difficulté.
Concernant la TVA à 5,5 % sur le transport ferroviaire, je l'ai dit, je ne trouve pas cohérent de ne pas la voter aujourd'hui.
S'agissant des projets de lignes à grande vitesse, tous les projets d'infrastructure doivent aujourd'hui conduire à l'amélioration du train du quotidien. Il s'agit d'un engagement pris par le Président de la République, il est dommage qu'il n'ait pas été tenu complètement.
Enfin, en ce qui concerne la suppression de la CST et de
la TREF
- en 2023 pour cette dernière -, il
s'agissait là aussi d'un engagement du Gouvernement au moment des
discussions sur la CMP. Veillons à ce que la SNCF puisse, soit
investir dans les lignes d'aménagement du territoire, soit baisser sa
tarification, puisque la taxe sera supprimée.
M. Philippe Tabarot , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-78 a pour objet d'augmenter la subvention pour charge de service public de l'ART de 4,6 millions d'euros, pour la porter à un total de 18,6 millions d'euros, afin, en cas de contentieux, qu'elle puisse disposer d'un fonds de roulement qui lui garantisse une indépendance financière.
L'amendement n° II-78 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports ferroviaires, fluviaux et maritimes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et de la mission « Plan de relance », sous réserve de l'adoption de son amendement.
Examen
en commission
(Lundi 22 novembre 2021)
Réunie le lundi 22 novembre 2021, la commission a examiné le rapport pour avis sur les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Plan de relance » - Crédits « Transports routiers » du projet de loi de finances pour 2022.
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - Comme l'année précédente, et comme l'ont indiqué mes collègues, ce budget est un budget d'exception. Mes remarques porteront sur la complexité d'un plan de relance, dans une période particulière qui le rend difficilement lisible. S'il se caractérise, sur le fond, par une hausse globale des crédits, il présente plusieurs insuffisances.
Je souhaiterais évoquer avec vous, dans cette présentation, cinq grands axes thématiques : la situation budgétaire de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) - dans le prolongement des propos de Philippe Tabarot -, les transports publics, l'infrastructure routière, le verdissement du parc automobile et de poids lourds et, enfin, le développement du vélo.
Tout d'abord, la trajectoire financière de l'Afitf mérite d'être sécurisée.
Comme vient de l'évoquer notre collègue Philippe Tabarot, il faut d'abord saluer le respect de la trajectoire de dépenses fixée par l'article 2 de la loi d'orientation des mobilités (LOM). Pour autant, cette trajectoire de dépenses est aujourd'hui en quelque sorte dépassée et donc largement théorique puisque le Gouvernement a engagé de nouvelles dépenses après la publication de la LOM - Canal Seine-Nord Europe, Lyon-Turin, plan Marseille.
La partie recettes est sans aucun doute beaucoup plus problématique. Et pour cause : si l'année 2021 est marquée, comme l'année 2020 d'ailleurs, par des pertes de plusieurs recettes en raison du contexte sanitaire - notamment la taxe de solidarité sur les billets d'avion - et le produit des amendes radars, dont l'agence est la dernière bénéficiaire, l'Afitf est également confrontée au refus des sociétés concessionnaires d'autoroutes (SCA) de s'acquitter des 61 millions d'euros de contribution volontaire exceptionnelle qui leur reviennent, puisqu'elles contestent une évolution de la taxe d'aménagement du territoire. Cette situation est tout à fait inacceptable.
Non seulement l'Afitf connaît, de manière désormais quasi structurelle, d'importantes difficultés pour se voir transférer les recettes prévues pour financer sa trajectoire de dépenses, ce qui a conduit et conduira encore cette année le Gouvernement à compenser les pertes dans le cadre de lois de finances rectificatives, mais la trajectoire de financement de l'agence est désormais prise en otage par les SCA.
Cette situation n'est pas tenable ni acceptable, et il paraît urgent de réfléchir à un nouveau modèle de financement des infrastructures de transports, qui, en tant qu'investissements de long cours, nécessitent de reposer sur des recettes certaines. C'est pourquoi vous avez adopté, la semaine dernière, sur ma proposition, un amendement de première partie visant à augmenter le plafond de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pouvant être affecté à l'Afitf, afin de réduire l'aléa lié à l'incertitude de percevoir les autres recettes. Il ne s'agit pas de remplacer par de la TICPE les amendes radars ou la « taxe Chirac », qui ont une vraie vertu pédagogique, mais de faire en sorte, dans le cas où ces recettes feraient défaut, que les recettes globales de l'agence soient sécurisées. Malheureusement, l'amendement a été rejeté en séance publique.
Par ailleurs, les missions de l'agence se sont largement étendues, notamment sous l'effet du plan de relance. L'Afitf est chargée du déploiement d'une partie du fonds Vélo sur plusieurs centaines de territoires. Il s'agit d'un travail particulièrement chronophage, avec un grand nombre de petits dossiers. Or l'agence n'est pas structurée à cet effet puisqu'elle n'est dotée que de 4 équivalents temps plein (ETP). C'est pourquoi nous recommandons de doter l'agence d'un nouvel équivalent temps plein.
J'en viens à présent à la situation des transports publics, qui ont été mis à rude épreuve durant la crise sanitaire, qui a causé d'importantes pertes de recettes commerciales et de versement mobilité (VM) pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM).
Les dispositifs mis en place par le Gouvernement et prévus pour 2022 n'ont pas permis, et ne permettront sans doute pas, de compenser l'intégralité de ces pertes en 2020, 2021 et 2022. Les dispositifs de compensation des pertes de VM et d'avances remboursables ont créé une double iniquité : d'une part, entre les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, pour lesquels le montant à compenser a été calculé sur la base d'un panier de recettes, alors que les syndicats mixtes ont pu bénéficier d'une compensation spécifique du VM ; et, d'autre part, entre Île-de-France Mobilités et les autres AOM. Certes, le Gouvernement a annoncé un doublement de l'enveloppe destinée au quatrième appel à projets de transports collectifs en site propre - mais certaines petites AOM ne peuvent pas souscrire à ce type d'appel d'offres - ainsi que 200 millions d'euros pour les métros démarrant en 2022 et 1 milliard d'euros pour les projets d'Aix-Marseille.
Sur ce sujet, je regrette que le Gouvernement n'ait pas vraiment donné de suite, du moins à ce stade, aux recommandations riches et nombreuses du rapport M. Philippe Duron pourtant réalisé à sa demande, sur le modèle économique des transports collectifs.
Jean-Baptiste Djebbari, que j'ai interrogé la semaine dernière, a indiqué qu'il mettrait en oeuvre un observatoire des prix, qui peut être intéressant, mais qui n'est pas la première des propositions de ce rapport.
En outre, je me suis particulièrement intéressé, au cours de mes auditions, à la situation des petites AOM qui ne lèvent pas le versement mobilité, faute d'informations précises sur leur base fiscale puisque, comme vous le savez, la répartition inégale des activités et des emplois limite fortement le rendement du versement mobilité dans certaines zones. C'est pourquoi je vous ai proposé la semaine dernière, en m'inspirant de ce que nous avions adopté unanimement lors de l'examen de la LOM au Sénat, un amendement visant à affecter à ces AOM une fraction de TICPE. Cet amendement a été adopté cet après-midi en séance publique.
Je vous présenterai également un amendement demandant un rapport au Gouvernement détaillant le rendement fiscal potentiel du VM pour chaque AOM, afin de les éclairer dans la mise en oeuvre de leur nouvelle compétence.
Je tiens à le redire, alors que les impôts de production ont été supprimés pour un montant de 10 milliards d'euros, il est dommage que ces questions n'aient pas pu être ajustées. Nous aurions pu imaginer que cela entraîne un effet neutre pour les entreprises en baissant, par exemple, le nombre de salariés à partir duquel le versement mobilité est exigé.
Je souhaitais également évoquer devant vous la question de l'entretien de l'infrastructure routière, qu'il s'agit d'amplifier dans la perspective de futurs transferts.
Les crédits prévus en 2022 pour l'entretien des routes du réseau national non concédé sont en hausse, avec 893 millions d'euros - dont 610 millions d'euros versés par l'Afitf - complétés par 310 millions d'euros au titre du plan de relance sur deux ans. Ce montant respecte la trajectoire fixée par la LOM. Pour autant, et en dépit de l'augmentation des moyens consacrés à l'entretien des routes ces dernières années, la dégradation de l'état des chaussées se poursuit : la part d'entre elles nécessitant un entretien de surface ou de structure est passée de 46,10 à 50 % entre 2019 et 2021.
Cette situation est particulièrement préoccupante, d'autant plus dans la perspective de futurs transferts de voies du réseau non concédé aux régions et aux départements volontaires, qui pourraient avoir lieu sur le fondement de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS) en cours d'examen à l'Assemblée nationale. Il est à craindre que l'entretien de ces routes ne soit insuffisant, alors même qu'elles entreront bientôt potentiellement dans le domaine routier de certaines collectivités territoriales. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à abonder cette action de 100 millions d'euros supplémentaires.
J'espère vous délivrer l'an prochain, si je suis toujours rapporteur de ce budget, une information intéressante, que je n'ai pas encore réussi à affiner, relative au montant précis du prix d'entretien des routes au kilomètre sur le réseau routier national non concédé, à comparer au budget d'entretien d'un kilomètre d'autoroute concédé. Vous vous rendrez compte que le service public réalise une véritable prouesse, en faisant beaucoup avec très peu.
Je profite de ce point sur l'infrastructure routière pour vous faire part de mes inquiétudes quant à la préparation de la fin des contrats de concessions autoroutiers, et j'invite le Gouvernement à réfléchir d'ores et déjà aux futurs modes de gestion des autoroutes.
Jean-Baptiste Djebbari, au cours de son audition, a laissé entendre qu'il renvoyait cela au prochain quinquennat. C'est assez gênant, car un rapport sénatorial montre que la rentabilité des concessions autoroutières pourrait augmenter significativement. Il y a une question importante de droit sur le fait de qualifier le bon état de ces autoroutes à la fin des contrats ; une question qui n'est aujourd'hui pas claire. L'ART a évalué le plan de relance autoroutier (PRA) de 2015 : il apparaît totalement déséquilibré, des augmentations de la durée des concessions ont été réalisées, moyennant un investissement effectué sur des devis. L'ART les a comparés par rapport à la réalité, or il y a un delta très important.
Dans un contexte de diminution de l'impôt sur les sociétés pour les sociétés autoroutières, et dans lequel les taxes locales ont baissé, cette réaction de refuser de financer l'Afitf est assez étonnante. Même du point de vue des rapports de forces politiques, on s'interroge sur cette manière d'agir.
Cela étant dit, je souhaitais attirer votre attention sur les importantes répercussions du rapport d'information sur les ponts de notre commission, dont les rapporteurs étaient MM. Michel Dagbert et Patrick Chaize : d'importants moyens ont été déployés dans le plan de relance, notamment pour aider les collectivités à recenser, diagnostiquer et mettre en place des expérimentations sur leurs ponts. Il s'agit d'un dispositif très apprécié par les collectivités, que je vous ai proposé, la semaine dernière, d'abonder de 20 millions d'euros supplémentaires.
Enfin, et comme c'est le cas dans le domaine ferroviaire, le rôle du régulateur est particulièrement important. C'est pourquoi nous vous avons présenté, avec Philippe Tabarot, un amendement visant à augmenter la subvention qui est affectée à l'ART que la commission a adopté.
J'évoquerai maintenant un sujet qui nous intéresse de près et sur lequel nous avons déjà eu l'occasion de travailler, lors de l'examen du projet de loi « Climat et résilience » d'août dernier ou, pour ce qui concerne le fret, dans le cadre de la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux : il s'agit de la question du verdissement du parc automobile, qu'il s'agisse de véhicules légers ou de poids lourds.
Pour ce qui est des véhicules légers, le Gouvernement a renforcé, dans le cadre du plan de soutien à l'automobile, les dispositifs de bonus à l'achat et de prime à la conversion, qui sont particulièrement importants pour le renouvellement du parc. De plus, un dispositif de micro-crédit a été mis en place en 2021. Pour autant, les modalités de la prime et du bonus feront l'objet de nouvelles évolutions, dont je crains qu'elles ne conduisent à ralentir le rythme de renouvellement.
Ainsi, le montant du bonus sera prochainement réduit de 1 000 euros pour tenir compte « de la généralisation des motorisations à faibles et à très faibles émissions ». Pourtant, il reste encore beaucoup à faire, à l'aune du déploiement de zones à faibles émissions mobilité dans une trentaine d'agglomérations de plus de 150 000 habitants. C'est pourquoi, afin de soutenir les ménages dans le renouvellement de leur véhicule, je vous ai proposé la semaine dernière - et je vous le proposerai à nouveau cette semaine pour des questions de procédure - de renforcer les modalités du prêt à taux zéro pour l'achat d'un véhicule léger peu polluant prévu par la loi « Climat et résilience » en reprenant la rédaction adoptée par le Sénat, afin de rendre le dispositif plus efficace.
Concernant les poids lourds, nous sommes toujours en attente des retours de la task force sur le transport routier de marchandises. L'année dernière, le Gouvernement avait annoncé, dans le cadre du plan France Relance, une enveloppe de 100 millions d'euros afin de distribuer des bonus de 50 000 euros pour l'achat de poids lourds électriques ou à hydrogène. Cette enveloppe n'a été que très peu consommée, puisque seules quatre demandes de bonus ont été réceptionnées pour des poids lourds et sept pour des bus - je parle bien en unités et non en dizaines de milliers.
L'offre de poids lourds électriques ou à hydrogène est, à ce stade, quasi inexistante, ou bien à des conditions inacceptables pour les transporteurs ; cet exemple est symptomatique des effets d'annonce du Gouvernement.
Je propose donc un dispositif crédible, que nous avions voté à l'occasion de l'examen du projet de loi « Climat et résilience » ; il s'agit d'un prêt à taux zéro pour l'achat de poids lourds peu polluants, y compris ceux qui fonctionnent aux biocarburants, dès lors que leur cycle énergétique et carbone s'avère vertueux.
Au-delà du renouvellement de la flotte de véhicules, il est indispensable d'accompagner le déploiement d'infrastructures de recharge de qualité, notamment afin de permettre des recharges rapides des véhicules électriques. Dans cette optique, j'ai proposé, la semaine dernière, de doter la mission « Plan de relance » de 10 millions d'euros supplémentaires.
Lors de son audition, M. Djebbari a évoqué le chiffre de 1 million de bornes ; ce chiffre correspond au total des bornes privées et publiques. Sur les 100 000 bornes publiques annoncées, seulement 50 000 environ sont aujourd'hui effectivement installées. La mise en oeuvre est très complexe, avec des difficultés en termes de déploiement et d'approche qualité. Dans certains endroits, on connaît même des problèmes de renforcement du réseau électrique. Il ne s'agit pas non plus, pour satisfaire l'objectif quantitatif, d'installer des bornes à charge lente dans une station-service de campagne.
Enfin, j'aborderai le nécessaire soutien au développement du vélo pour atteindre nos objectifs de report modal.
Le vélo connaît un essor considérable dans chacun de nos territoires, urbains comme ruraux. Ainsi, d'après l'Afitf, sur les 533 projets retenus dans le cadre du fonds Mobilités active - doté de 350 millions d'euros sur sept ans -, 260 sont en territoires peu denses.
Afin d'amplifier le soutien aux collectivités territoriales pour la mise en place d'infrastructures cyclables et de tenir nos objectifs de développement de part modale du vélo pour atteindre 9 % en 2024 et 12 % en 2030, je vous propose un amendement abondant le fonds dédié au vélo de 150 millions d'euros supplémentaires, de manière à atteindre les 200 millions d'euros en 2022.
M. Djebbari a précisé que l'on n'avait jamais autant fait dans notre pays pour le vélo, ce qui est vrai. Il est toutefois nécessaire d'accompagner cette révolution. La crainte est de voir l'engouement des collectivités freiné par un manque de moyens financiers.
Malgré les nombreuses réserves exprimées, je propose un avis favorable sur ces crédits pour saluer leur augmentation globale.
M. Didier Mandelli . - Avec tous ces opérateurs privés, je ne sais pas comment s'organise le déploiement des bornes électriques. J'ai cru comprendre que, sur un certain réseau, les prix avaient été multipliés par six en deux ans...
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - Vous évoquez les prix de création de bornes ?
M. Didier Mandelli . - Non, les prix liés à la recharge. Cette situation risque de créer de la concurrence. Une régulation des offres est-elle prévue ?
Par ailleurs, demain, nous devons recevoir Mme Pompili pour évoquer les thématiques budgétaires de notre commission. Je m'interroge sur l'opportunité de maintenir cette audition dans la mesure où la première partie du budget ne devrait pas être votée. N'est-ce pas un peu incongru ?
M. Jean-François Longeot , président . - Je souhaitais évoquer le sujet en fin de réunion. En effet, est-il judicieux de maintenir l'audition de Mme Pompili dans la mesure où la deuxième partie du projet de budget pour 2022 pourrait ne pas être examinée par le Sénat ? Doit-on malgré tout la recevoir, sachant que nous aurons d'autres questions à lui poser ? Peut-être pouvons-nous réunir le Bureau de la commission demain matin pour en discuter...
M. Daniel Gueret . - Ne peut-on pas décider maintenant ?
M. Jean-François Longeot , président . - Si vous le souhaitez, cela ne me pose aucun problème.
M. Frédéric Marchand . - Je rejoins la préoccupation de Didier Mandelli. L'audition, demain, de Mme Pompili n'a pas beaucoup de sens ; si j'étais à la place de la ministre, je me délecterais d'ailleurs de cette situation...
M. Jean-François Longeot , président . - Si nous devons la recevoir, ce sera demain matin, avant l'examen ou le non-examen de la deuxième partie.
M. Joël Bigot . - Des sujets autres que le budget méritent, à mon sens, d'être évoqués. Un plan de relance de 30 milliards d'euros a notamment été annoncé. Peut-être pouvons-nous avertir la ministre que nous ne discuterons pas du budget, mais d'autres thématiques.
M. Jean-François Longeot , président . - Je propose d'informer Mme Pompili que nous annulons son audition consacrée au projet de loi de finances pour 2022, mais que nous souhaitons malgré tout profiter de sa présence demain pour évoquer d'autres sujets. Cela vous convient-il ?
M. Didier Mandelli . - Je ne suis pas favorable à cette proposition. Je préférerais que l'on fixe une nouvelle date, dans trois semaines ou un mois, afin d'avoir le temps de préparer des questions.
M. Pascal Martin . - Si nous maintenons l'audition demain, nous risquons un mélange des genres. Il serait préférable de reporter l'audition à une date ultérieure, afin que les sujets abordés soient déconnectés de l'actualité du budget.
M. Jacques Fernique . - Cette audition ne doit pas non plus tarder. J'avais prévu d'interroger la ministre sur le site de StocaMine et le vote en catimini à l'Assemblée nationale notamment ; mais il est vrai que la présence de la ministre, demain, risque de paraître étrange.
M. Jean-François Longeot , président . - Au regard de vos observations, je préviendrai Mme Pompili que son audition de demain est reportée si la discussion budgétaire devait ne pas se poursuivre.
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - Pour répondre à Didier Mandelli sur la problématique des bornes, je sais que l'on s'efforce, tant au niveau du régulateur de l'énergie que de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), de tendre vers une normalisation. J'ai évoqué des problèmes qualitatifs ; il faut discuter avec les personnes utilisant les véhicules électriques de manière nomade afin de bien identifier ces problèmes. Cela mériterait d'être traité dans un prochain rapport.
M. Jacques Fernique . - Concernant le vélo, au-delà de la question des infrastructures, il y a également celle de la réparation. Avec une augmentation de 30 % des déplacements à vélo, la filière a été rapidement débordée. Nous devons intensifier nos efforts en matière de formation professionnelle.
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - De manière à être synthétique, je n'ai parlé dans mon rapport que du fonds dédié au vélo. L'audition de la Fédération française des usagers de la bicyclette (FUB) fut également très instructive en ce qu'elle a mis en évidence des problèmes de structuration de l'ensemble de la filière : des techniciens en liaison avec les collectivités en passant par le taux de TVA fixé pour la réparation des vélos cargos et d'autres choses encore. La révolution en cours doit être accompagnée.
M. Jean-François Longeot , président . - Je propose maintenant au rapporteur de présenter les amendements.
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-82 renforce l'efficacité du prêt à taux zéro (PTZ) créé par la loi « Climat et résilience » pour l'acquisition d'un véhicule léger propre. Cet amendement a plusieurs objectifs : avancer la mise en place d'un an pour un démarrage au 1 er janvier 2022 ; allonger la durée du dispositif de 2 à 3 ans ; et surtout, étendre le champ des bénéficiaires à l'ensemble des personnes physiques et morales, le dispositif actuellement en vigueur étant réservé aux personnes physiques ou morales domiciliées dans ou à proximité d'une commune ayant mis en place une zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m).
Dans la mesure où ces zones ont vocation à se multiplier dans les prochaines années, il est indispensable d'accompagner davantage les ménages dans le renouvellement de leur véhicule.
L'amendement n° II-82 est adopté.
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-83 prévoit de créer un prêt à taux zéro pour l'acquisition de poids lourds peu polluants affectés au transport de marchandises. J'ai évoqué, dans ma présentation, le très faible nombre de dossiers et la nécessité d'accompagner le verdissement des flottes. Nous souhaitons créer un prêt à taux zéro pour les véhicules de plus de 2,6 tonnes utilisant des énergies alternatives au gazole et moins polluantes, à savoir l'électricité, les biocarburants et l'hydrogène. Cette mesure avait déjà été adoptée par le Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi « Climat et résilience », à l'article 31 A. Il s'agit d'une proposition de la mission d'information de Mme Nicole Bonnefoy et de M. Rémy Pointereau.
L'amendement n° II-83 est adopté.
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-84 concerne les petites autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ayant de faibles ressources en versement mobilité. Nous avons voté, cet après-midi, un amendement en fidélité complète avec le travail de M. Didier Mandelli lors de la loi d'orientation des mobilités.
Il s'agit de dresser un inventaire précis des AOM en difficulté. Nous avons entendu l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) ; le sujet est assez complexe, avec des évaluations compliquées à réaliser, fondées sur un nombre de salariés en évolution constante. Un tel rapport serait donc utile pour accompagner ces collectivités.
L'amendement n° II-84 est adopté.
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-80 concerne le plan vélo. Actuellement, l'Afitf déploie 50 millions d'euros par an pendant sept ans, soit 350 millions d'euros au total. La crainte, comme je l'ai expliqué dans ma présentation, est de voir la dynamique freinée, faute de crédits suffisants. L'idée est donc d'abonder ce fonds à hauteur de 150 millions d'euros supplémentaires pour atteindre les objectifs de part modale de 9 % en 2024 et 12 % en 2030.
L'amendement n° II-80 est adopté.
M. Olivier Jacquin , rapporteur pour avis . - L'amendement n° II-81 s'intéresse à la problématique de l'entretien du réseau routier non concédé. La dégradation de l'état des chaussées se poursuit. En conséquence, nous proposons d'augmenter de 100 millions d'euros l'action n° 04, Routes-entretien du programme 203.
L'amendement n° II-81 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports routiers de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et de la mission « Plan de relance », sous réserve de l'adoption de ses amendements.