TRAVAUX EN COMMISSION
Audition de Mme
Bérangère Abba, secrétaire d'État
auprès
de la ministre de la transition écologique, chargée de la
biodiversité
(Mercredi 10 novembre 2021)
M. Jean-François Longeot , président . - Madame la secrétaire d'État, nous vous remercions d'avoir répondu à notre invitation. Je m'abstiendrai de tout propos liminaire pour laisser certains de nos collègues rejoindre leur circonscription en vue de participer, demain, aux cérémonies commémoratives du 11 novembre. Je vous cède immédiatement la parole.
Mme Bérangère Abba , secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité . - Je suis très heureuse de pouvoir échanger avec vous sur ce projet de loi de finances pour 2022, qui apporte de bonnes nouvelles pour la biodiversité en des temps de contrainte budgétaire.
La priorité est clairement donnée à la biodiversité, non seulement au travers du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », mais aussi de toutes les réflexions en cours avant la présentation de la prochaine stratégie nationale pour la biodiversité (SNB).
Cette politique de l'eau et de la biodiversité se structure par une cohérence entre nos différentes politiques publiques et ce que nous défendons au niveau international. La COP 26 réserve ainsi une large place à la question de la nature, puisque l'on sait aujourd'hui qu'il nous faut absolument décloisonner les raisonnements, nos politiques et les moyens dédiés. La voix de la France porte donc de hautes ambitions sur ces questions de biodiversité, sur lesquelles nous devons être exemplaires.
Le projet de loi de finances pour 2022 apporte quelque 3 milliards d'euros de financement budgétaire en faveur de la biodiversité, dont 244 millions pour le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité ». Un apport exceptionnel du plan France Relance avec plus de 1 milliard d'euros pour 2021-2022 et des ressources fiscales via des redevances affectées, notamment aux agences de l'eau, à hauteur de 2,2 milliards d'euros.
Le programme 113 bénéficie en particulier de moyens importants avec sa dotation de 244 millions d'euros, en hausse de 30 % depuis la recréation de mon secrétariat d'État à la biodiversité. Cela correspond à une augmentation de 15 millions d'euros après une hausse, l'an passé, de 35 millions. Nous sommes donc en situation de reconquête, du point de vue budgétaire, des moyens dédiés à la biodiversité, hors moyens exceptionnels du plan de relance.
L'essentiel de ce budget est consacré à la lutte contre la perte de biodiversité. Il se concentre essentiellement sur les espaces, les espèces et l'eau. Parmi les 15 millions d'euros supplémentaires, je prévois de dédier 5 millions à la stratégie nationale pour la biodiversité afin d'amorcer immédiatement et concrètement les premières actions de déclinaison opérationnelle du plan.
Je propose ensuite de dédier 3,5 millions d'euros supplémentaires à la gestion durable des ressources minérales, qui doit nous permettre notamment de renforcer les actions de lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane et l'élaboration d'une stratégie durable sur les approvisionnements critiques.
Nous disposons également de 2,3 millions d'euros supplémentaires pour l'Office national des forêts (ONF), dans l'optique d'un renforcement de la politique interministérielle de la forêt. Nous avions déjà augmenté, en 2020, cette dotation de 7 millions d'euros.
Enfin, 2 millions d'euros sont destinés au financement de cartographies dans le cadre du recul du trait de côte.
Pour la première fois depuis plus de dix ans, le plafond du droit annuel de francisation et de navigation (DAFN) augmentera en 2022 pour passer de 38,5 à 40 millions d'euros au profit du Conservatoire du littoral.
Le plan France Relance apporte des moyens conjoncturels via un apport de 1 milliard d'euros concernant directement ou indirectement la mise en oeuvre de nos politiques de l'eau et de la biodiversité pour la période 2021-2022 : 300 millions d'euros pour l'eau, 250 millions pour la biodiversité, 650 millions pour le fonds pour le recyclage des friches, 50 millions d'euros destinés aux haies ou encore 300 millions pour les forêts.
Ce volet écologique de restauration ou de construction d'infrastructures nouvelles dans les espaces et aires protégées comporte une enveloppe de 250 millions d'euros déployés par l'Office français de la biodiversité (OFB), les parcs nationaux, le Conservatoire du littoral ou nos services déconcentrés. Ils oeuvreront à hauteur de 135 millions d'euros à la restauration écologique, de 60 millions d'euros sur les aires protégées, de 40 millions sur la protection du littoral et de 15 millions sur le renforcement des barrages. À ce jour, les trois quarts des crédits sont d'ores et déjà engagés.
S'agissant du volet « eau » du plan France Relance, nous proposons 300 millions d'euros pour financer la modernisation des réseaux d'eau et d'assainissement, dont 50 millions pour les outre-mer. Cette mesure sécurise les infrastructures de distribution d'eau potable et d'assainissement ainsi que la gestion des eaux pluviales, ce qui permettra de renforcer la résilience de l'alimentation en eau potable en luttant contre les sources de contamination de l'eau. Elle vise la modernisation de 2 715 kilomètres de réseau d'eau en métropole et 41 kilomètres en outre-mer. Fin août, quelque 275 millions d'euros de crédits prévus pour 2020 et 2021 ont déjà été engagés budgétairement, soit plus de 90 % de l'enveloppe.
Hors plan France Relance, l'action des agences de l'eau se décline dans le cadre du onzième programme d'intervention 2019-2024. Après deux ans, ce programme plafonné à hauteur de 12,5 milliards d'euros présente un taux d'exécution global des prévisions de plus de 32 %.
Cette année, les nouvelles sont très bonnes s'agissant des effectifs qui sont en augmentation dans les parcs nationaux et dans les parcs naturels marins. Ce sont 20 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires qui sont dédiés à la montée en puissance du onzième et nouveau parc national de forêts et au renforcement des effectifs de tous les parcs nationaux.
Il n'était pas question que la création de ce onzième parc se fasse au détriment des parcs existants. Un effort a également été fait pour les effectifs des aires marines protégées via l'OFB. Je tiens en outre à saluer l'effort de nos opérateurs sur la mutualisation et les rationalisations, notamment au travers des fonctions support. Cette année encore, 2 635 emplois sont ouverts à l'OFB, lequel fait en outre l'objet d'un contrat d'objectifs et de performance en voie de finalisation.
Au-delà de cette présentation budgétaire, je tenais à vous faire part de notre réflexion globale sur le financement même de la biodiversité en France. Celui-ci est stratifié et il est aujourd'hui nécessaire de le revoir, tant pour mettre en valeur l'effort budgétaire de l'État que pour y apporter davantage de transparence.
Nous prônons des leviers d'action plus massifs et des outils plus récents sur lesquels il nous faut monter en puissance. On peut citer la réorientation de l'épargne individuelle vers des actifs verts, des outils qui conjuguent le label « bas-carbone » et la protection de la biodiversité, ainsi qu'un éventuel renforcement de la fiscalité dédiée à la biodiversité, comme l'a évoqué récemment le Président de la République. Citons enfin les nouveaux outils auxquels je suis très attachée, tels que les obligations réelles environnementales (ORE).
Vous le voyez, notre mobilisation est totale.
M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - Lors de l'examen de la loi « Climat et résilience », le Sénat avait approuvé les mesures proposées par le Gouvernement et les députés sur le sujet majeur de la déforestation importée, c'est-à-dire, d'une part, la problématique des émissions de gaz à effet de serre (GES) importées lorsque nous consommons des produits qui contribuent à la déforestation dans leurs pays d'origine et, d'autre part, la problématique de l'érosion de la biodiversité qui résulte de la déforestation importée via la consommation de produits d'origine étrangère.
Le Sénat avait également enrichi ses dispositions, principalement au sein du volet « se nourrir », certaines d'entre elles ayant survécu à la longue commission mixte paritaire qui a permis d'aboutir à un accord avec les députés.
Où en est la mise en oeuvre de la plateforme prévue à l'article 270 de la loi « Climat et résilience », dans le cadre de la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée ? Le décret prévu à l'article 272 de cette même loi pour accompagner l'État dans la réduction de l'achat de biens ayant contribué à la déforestation a-t-il été publié ?
Comment suivez-vous l'application de l'article 273 de cette loi, qui a été réécrit à l'initiative du Sénat pour traduire les propositions du rapport d'information intitulé Alimentation durable et locale que nous avons produit en lien avec la commission des affaires économiques ? C'est une disposition à laquelle je tiens particulièrement, car l'adoption de plans de vigilance, opposables aux entreprises, est une mesure puissante de prévention de la déforestation importée. Avez-vous pris l'arrêté définissant les catégories d'entreprises qui seront soumises à cette obligation d'élaborer un plan de vigilance, sur le modèle de la loi sur le devoir de vigilance en matière sociale ?
Enfin, pouvez-vous faire le point sur les échanges qui ont lieu en ce moment au sein de l'Union européenne en vue d'élaborer un cadre juridique commun de vigilance des entreprises par rapport à la déforestation importée ?
Mme Nadège Havet . - S'agissant des moyens prévus par le Gouvernement pour la politique de biodiversité en 2022, pourriez-vous être plus précise sur ceux mis en oeuvre pour établir la stratégie nationale pour la biodiversité ?
M. Guillaume Chevrollier , rapporteur pour avis - Je salue votre engagement et votre discours sur la priorité donnée à la biodiversité dans notre pays.
Néanmoins, la hausse budgétaire de 15 millions d'euros semble assez légère au regard de tous les milliards annoncés ces derniers temps par le Gouvernement. En sus, je voudrais pointer quelques incohérences et contradictions.
Concernant la fiscalité, il est prévu à l'article 10 du projet de loi de finances pour 2022 la suppression de la réduction d'impôt sur le revenu pour les dépenses d'entretien des espaces naturels protégés. Pour une bonne politique de biodiversité, n'aurait-il pas été plus judicieux de le rendre plus efficient ?
S'agissant de la question centrale et de plus en plus sensible de l'eau, votre ministère a organisé les Assises de l'eau et le ministère de l'agriculture le Varenne de l'eau. Or nous sommes encore loin de respecter les objectifs fixés par la directive-cadre sur l'eau. Comment comptez-vous accentuer les efforts de la France vers l'atteinte du bon état des masses d'eau ? Pourquoi avoir fait le choix de ne pas relever le plafond mordant qui aurait pu accroître les moyens d'intervention des agences ?
Je voudrais évoquer le sujet des espèces exotiques envahissantes, angle mort de la politique française en matière de biodiversité. Les dégâts économiques sont considérables, estimés a minima par les scientifiques à 368 millions d'euros par an, uniquement pour notre pays. Les moyens sont éparpillés sur plusieurs opérateurs et trop souvent centrés sur la réparation des dégâts causés plutôt que sur la recherche et la prévention. Comptez-vous désigner un opérateur chef de file sur cette question et mobiliser des personnels dédiés ? Comment comptez-vous accentuer les efforts de la France en matière de prévention et de lutte contre les espèces exotiques envahissantes ?
M. Éric Gold . - Toujours concernant la lutte contre les espèces invasives, le frelon asiatique et le frelon oriental, classés danger sanitaire, menacent les ruches depuis plus de quinze ans. Vous m'avez indiqué lors de votre précédente audition devant notre commission qu'une stratégie nationale de prévention, de surveillance et de lutte contre le frelon asiatique avait été mise en place avec la filière apicole. Pouvez-vous m'en donner l'état d'avancement et m'indiquer si quelque chose est prévu dans le PLF à ce sujet ?
Des travaux sont-ils menés à une échelle internationale pour lutter contre ces phénomènes qui se multiplient et affectent fortement notre biodiversité ?
Mme Angèle Préville . - La pollution plastique ne doit pas constituer un angle mort de votre politique, car cette pollution croise les sujets du bon état de l'eau, de l'air, des sols et la problématique des espèces invasives. De plus, elle a un impact très fort sur la biodiversité.
Lors de l'examen de la loi « Climat et résilience », j'ai fait voter au Sénat un amendement visant à ce que soit indiqué sur les vêtements en fibre plastique le fait qu'ils libèrent dans l'environnement des microfibres tout au long de leur cycle de vie. Or cet amendement n'a pas dépassé l'enceinte du Sénat.
Que mettre en place contre cette pollution qui ne fait que s'accumuler ? Je précise qu'un petit plan ne me paraît pas suffisant.
M. Didier Mandelli . - Ma question porte sur le DAFN, payé par les propriétaires de bateaux supérieurs à 2,5 mètres et qui vient alimenter le budget du Conservatoire du littoral.
Vous avez évoqué la progression de ce budget de l'ordre de 1,5 million d'euros supplémentaires. Dans le cadre de la loi pour l'économie bleue, nous avions intégré une quote-part de ce DAFN en faveur de la filière nautique pour financer le démarrage d'une filière de recyclage, de traitement et de démantèlement des bateaux. Notre stock de bateaux est difficile à traiter, soit parce que les bateaux sont en déshérence, soit parce qu'ils sont stockés sans être traités.
Cette évolution du budget plutôt positive peut-elle permettre de prendre en compte ces bateaux en déshérence ? Je précise qu'un certain nombre de départements, dont la Vendée, prennent en charge le transport de l'épave vers le centre de démantèlement.
Mme Martine Filleul . - Madame la ministre, je salue votre engagement au service de la biodiversité ainsi que votre grand optimisme, notamment votre capacité à voir le verre tout à fait plein.
Pour ma part, je ne le vois pas exactement de la même manière et tenais absolument à vous le dire. Je considère que 15 millions d'euros pour la biodiversité est vraiment très peu, par rapport aux sommes actuellement abondamment déversées vers d'autres domaines. Ces 15 millions d'euros sont assez dérisoires eu égard aux enjeux actuels.
Pour ce qui concerne les effectifs, vous évoquez une hausse dans votre ministère, qui concerne le onzième parc naturel de forêts. Il est toutefois important de rappeler que le ministère de l'écologie a été sacrifié plusieurs années de suite et a perdu 4 000 ETP depuis 2018. La hausse à laquelle vous faites référence est donc tout à fait maigre.
Le budget que vous venez de nous présenter pour l'année 2022 est-il à la hauteur des enjeux ? Selon moi, la réponse est négative.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État . - Notre engagement sur la déforestation importée a effectivement constitué un gros travail, non seulement dans le cadre de la stratégie nationale préexistante, mais surtout dans sa mise en oeuvre.
Cette plateforme est opérationnelle et consultable par tous et permet aux citoyens comme aux entreprises d'accéder aux données des produits, aux commodités et aux lieux d'importation liés à la déforestation et donc de créer ce système d'alerte aux entreprises. Ce faisant, nous sommes tout à fait précurseurs, aux niveaux européen et international. J'ai participé à de nombreuses tables rondes à la COP 26 cette semaine sur ce sujet pour faire valoir cette expérience. Il nous reste à travailler sa gouvernance qui mêle de nombreux acteurs ainsi que l'anonymat des données, souvent sensibles. Il ne s'agit pas, en effet, de mettre à l'index, mais d'éclairer la politique d'achat de certains importateurs.
Nous avons également accéléré le déploiement du guide de l'achat public « zéro déforestation importée » qui s'enrichit d'une première mise à jour. L'achat public représentant potentiellement 10 % du PIB national, nous disposons d'un levier énorme.
En outre, nous nouons de manière très opérationnelle des contrats avec les filières soja dans le cadre des financements liés à la stratégie protéines végétales. En relocalisant cette production, l'objectif est de nous passer des importations de soja, lesquelles favorisent la déforestation. Il en va de même pour le récent plan Cacao durable, en lien avec les importateurs et les distributeurs. Ce me semble être un bel exemple de décloisonnement entre les secteurs public et privé.
S'agissant des 30 % d'augmentation de cette ligne budgétaire, vous savez l'effort et l'arbitrage conséquents que cela peut représenter. Mais arrêter cette érosion et mettre fin à l'hémorragie d'emplois, qui a d'ailleurs touché tous les opérateurs de l'État, dans un contexte de contrainte budgétaire et de dette que vous connaissez, doit se faire en responsabilité. Ce geste est extrêmement fort et salué par les opérateurs, notamment par les agences de l'eau, mais également au niveau européen et international. Les collectivités locales ont besoin d'être accompagnées et la mise en oeuvre de cette montée en charge ne doit pas être accélérée de manière inopportune.
S'agissant de l'eau, nous devons montrer à quel point la préservation des continuités écologiques est essentielle à la restauration de la bonne qualité des eaux. Le Varenne de l'eau et de l'adaptation au changement climatique, que nous co-portons avec Julien Denormandie, montre que, trop longtemps, on a voulu opposer les politiques de l'eau et de la biodiversité et les politiques agricoles. Nous refusons de nous laisser caricaturer dans ces postures et nous travaillons à ce chemin commun. Le Varenne de l'eau s'inscrit pleinement dans les conclusions des Assises de l'eau. Nous devons construire ces chemins à l'équilibre entre enjeux de territoires, enjeux économiques et agricoles et enjeux de préservation de la biodiversité.
Il faut donc concilier la lutte contre l'amenuisement de cette ressource en eau et la nécessité de soutenir l'agriculture française, première à préserver au quotidien la biodiversité et à assurer notre souveraineté alimentaire.
Pour ce qui concerne les espèces exotiques envahissantes, je prépare un plan d'action contre l'introduction et la propagation de ces espèces, pour le début de l'année 2022. Son volet prévention sera très musclé, mais j'entends également démultiplier les actions sur le terrain et poursuivre la prévention, car le développement de ces espèces exotiques envahissantes provient généralement d'une maladresse humaine.
La pollution plastique se situe au coeur de nos réflexions. Le plan d'investissement France 2030 dédie 1 milliard d'euros au recyclage des plastiques. La suppression progressive des plastiques à usage unique sera au coeur des réflexions de la présidence française de l'Union européenne. Nous avons mené une action majeure et massive, ces dernières années, sur cette question des plastiques et je crois qu'on peut s'en féliciter.
S'agissant du DAFN, je sors quelque peu de mon champ de compétence, aussi je ne me prononcerai pas en détail. Toutefois, le plan France Relance permet de trouver les moyens de démanteler des péniches en état de délabrement avancé, en lien avec les collectivités et les préfectures.
Pour conclure, il me paraît plus utile non pas de regarder uniquement les chiffres du programme 113, mais de voir les choses de manière plus holistique en prenant en compte toutes les politiques que nous déployons en faveur du climat.
M. Jean-François Longeot , président . - Permettez-moi d'insister sur la problématique liée à la forêt.
C'est un sujet particulièrement inquiétant considérant les périodes de sécheresse qui ont eu lieu à la fois en 2018, 2019 et 2020 et les attaques de scolytes. Mon département est parsemé d'hectares et d'hectares de coupes blanches. En outre, on perçoit l'OPA de la Chine sur nos forêts, qui achète jusqu'à 50 % du bois. C'est aussi une question de manque à gagner pour les communes.
Comment lutter contre les émissions de gaz à effet de serre si nos forêts sont atteintes à ce niveau ? Nous devons développer des idées sur ce sujet et y allouer des moyens. Certaines collectivités ont la tentation, au lieu de planter des arbres, soit de rendre à l'agriculture ces espaces, soit d'y installer des panneaux solaires.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Je tiens à saluer le travail des entreprises, notamment les entreprises distributrices d'eau qui ont considérablement allégé le plastique dans leur processus de fabrication. Elles nous répètent d'ailleurs qu'elles peuvent fabriquer leurs bouteilles en verre, mais que la pollution s'en trouverait largement augmentée sur le transport.
S'agissant des arbres, on aperçoit aujourd'hui une démultiplication des maladies dans tous les secteurs et pour de nombreuses essences, ce qui fait hésiter les producteurs de bois à replanter.
S'agissant du contrat de plan État-région (CPER), la biodiversité sera-t-elle prise en compte dans les politiques publiques ou est-ce un budget complètement à part ?
M. Hervé Gillé . - Permettez-moi de revenir sur la question des agences de l'eau et du plafond mordant, à laquelle il me semble que vous n'avez pas répondu.
Les sollicitations des agences de l'eau s'accroissent aujourd'hui du fait de leurs nouvelles missions et nous devons trouver des stratégies de financement pertinentes. Nous avons également besoin de trouver des réserves de substitution d'eau potable pour créer des prélèvements plus équitables et plus durables. Nous pourrions mettre en place une évaluation des agences de l'eau pour étudier leur état financier. Je rappelle que si le plafond mordant a été appliqué, c'est qu'on a estimé que des réserves n'étaient pas mobilisées.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État . - Sur la question des forêts, je plaidais déjà, en tant que députée, pour ces assises de la forêt et du bois. Je suis du Grand Est, une région où l'on voit - si on ne les entend pas - mourir et souffrir ces forêts françaises. Il m'a toujours paru essentiel de nous projeter à long terme et de penser des politiques à vingt, trente ou cinquante ans, tout en approchant le sujet de façon holistique, pour penser la forêt dans son lien à notre activité économique, à notre politique de construction, aux enjeux stratégiques et internationaux. Il est nécessaire d'embrasser tous ces sujets de manière corrélée, sans oublier bien sûr les questions sanitaires, la problématique du stress hydrique et les épisodes de sécheresses, de plus en plus nombreux et fréquents.
Il s'agit aussi d'une question de sensibilité sociétale, qui nous oblige à réinterroger ce qu'est la gestion forestière. Les coupes rases émeuvent, par exemple, et elles ne sont pas toujours liées à des choix ou à une gestion forestière ancestrale ; elles nécessitent alors qu'on mette fin aux atteintes observées dans certaines parties de nos forêts. Toute une réflexion est ainsi menée aujourd'hui, qui inclut les propriétaires, les collectivités, l'ONF, et porte sur la question de la diversification des modes de gestion et des essences. Des expérimentations ont lieu, qui doivent être valorisées et contribuer à nourrir cet effort pour se projeter et imaginer une modification de nos paysages, une modification de nos représentations de ce qu'est la forêt française. Nous touchons là au coeur d'un sujet qui est profondément sociétal.
Tout ce travail vient de débuter. Il est passionnant et il mobilise fortement, avec des moyens qui, dans le contexte du plan France Relance, peuvent paraître minimes. Ils sont tout de même déjà très importants et ont été renforcés pour les forêts. C'est un travail global, et j'aurais pu vous parler aussi de la gestion des dégâts forestiers, tant le sujet des dégâts faits aux cultures est prégnant, dans les questions d'équilibre sylvo-cynégétique.
Une attention évidemment particulière est portée aux communes forestières (Cofor), dont j'ai entendu la surprise dans la mobilisation qui leur a été demandée aux côtés de l'ONF. Cependant, une fois la surprise passée, les Cofor tiennent à participer à cet effort national pour nos forêts. Elles attendent néanmoins de la visibilité, et il leur faut comprendre comment peuvent se réorganiser leur modèle et les équilibres économiques, car les forêts sont des éléments structurants de nos territoires. Le travail se conduit en commun et je remercie les Cofor de le poursuivre et d'avancer. À ce titre, je pense aussi aux agents de l'ONF, qui sont interrogés et bousculés dans leurs façons de faire, et ont besoin aujourd'hui d'être accompagnés ; ils ont entre les mains l'avenir de nos forêts françaises.
Cette mobilisation était essentielle et je remercie le Premier ministre de nous avoir missionnés, avec Julien Denormandie et Agnès Pannier-Runacher, pour traiter ces questions d'amont en aval, afin de dessiner les forêts françaises de demain.
Je n'oublie pas non plus les entreprises, et je vous rejoins sur ce point, monsieur de Nicolaÿ. J'étais hier soir avec le groupe LVMH, qui est évidemment très concerné par ces sujets, mais je rencontre aussi de très petites entreprises qui, au quotidien, essayent de trouver les moyens, veulent s'engager dans cette transition, mais ont besoin d'accompagnement dans la transformation de l'outil industriel français. Nous devons, dans la rapidité de la transition à l'oeuvre, donner de la visibilité au cadre législatif et réglementaire, mais aussi à notre vision, et il semble important de se donner des points de rendez-vous sur la trajectoire à suivre. Cela vaut pour les entreprises françaises, mais aussi au niveau international, dans les engagements que nous prenons. En termes de crédibilité, si nous voulons rassurer les marchés, il nous faut absolument être clairs sur nos objectifs.
J'en viens aux CPER, et plus largement au rôle des régions, puisqu'elles sont cheffes de file sur la question de la biodiversité. Les agences régionales de la biodiversité offrent un lieu central où se nouent des partenariats essentiels, qui se retrouvent ensuite dans les CPER, dans les partenariats avec les agences de l'eau, dans les projets de minimisation des impacts sur les infrastructures, dans la gestion des espaces de renaturation. Dans le cadre de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (dite « 3DS »), figure d'ailleurs la possibilité pour ces régions de se saisir de la gestion de ces espaces - la définition en revenant toutefois à l'État, pour que le niveau d'ambition demeure partagé au niveau national.
Ces évolutions à l'oeuvre ne se feraient pas
sans les collectivités régionales, qui sont devenues expertes sur
ces sujets et sont au plus près des enjeux locaux. En effet, et cela
m'apparaît clairement depuis le début de l'année, alors que
je réécris la SNB : nous pouvons définir de grands
axes, une vision, mais il nous faut être au plus près des
territoires. Et d'ailleurs, le niveau régional est parfois encore trop
grand et je vois bien comment, d'un bout à l'autre du Grand Est par
exemple, les considérations et les contextes diffèrent. Pour la
SNB, et en premier lieu pour la stratégie aires
protégées
- nous avons un gros effort à fournir,
de définition et de protection de notre réseau d'aires
protégées - j'ai demandé que la réflexion soit
menée dans la concertation avec les territoires, autour des
régions, mais aussi au niveau départemental. Il fallait que nous
retrouvions ces espaces de réflexion qui associent, au niveau local, des
agriculteurs, des chasseurs et des associations environnementales. Les projets
les plus solides et les plus pérennes se bâtiront dans cette
concertation, au plus près du terrain.
Je finirai en évoquant les agences de l'eau et la question du plafond mordant. Étant entourée de directeurs et d'anciens directeurs d'agences de l'eau, je peux vous assurer que la réflexion sur ces sujets tient une place importante au sein de mon cabinet. Le concept « l'eau finance l'eau et la biodiversité finance la biodiversité » doit s'incarner dans nos flux budgétaires et, vous l'avez dit, il faut être transparent à ce sujet, c'est essentiel en termes d'acceptabilité. Si l'on veut partager les objectifs et cet effort budgétaire nécessaire pour la nature - elle est, un peu comme la culture, un patrimoine assez immatériel et pour lequel le « retour sur investissement » est parfois difficile à imaginer et à quantifier -, alors il nous faut être transparents sur ces flux de financement et sur la participation de cette fiscalité à nos politiques.
Un groupe de travail se penche sur le sujet et il est trop tôt pour savoir quelles conclusions il en tirera. Toutefois, je voudrais partager un sentiment personnel sur cette question du plafond mordant : tout finit par se retrouver dans le budget de l'État. Certes, nous avons besoin de transparence et je plaide pour la biodiversité et pour une spécificité en termes de fiscalité affectée renforcée dans nos politiques. Mais je crois aussi que nous devons préserver cette vision de solidarité entre nos différentes politiques publiques, selon laquelle ce qui retombe dans le budget de l'État n'est pas perdu et participe à d'autres politiques, dont les ressources sont moindres et les besoins supérieurs. Il n'est pas possible de décorréler les politiques environnementales des politiques de santé ou d'éducation. La réflexion sur cet exercice d'équilibre budgétaire est loin d'être close, mais les politiques sont liées et le décloisonnement doit se retrouver dans les flux financiers. Nous avons vu naître l'OFB, qui est en partie financé grâce aux recettes des agences de l'eau. Cette question du plafond est presque un totem, et j'espère que nous réussirons à échapper à cette crispation pour développer une vision globale du financement de la biodiversité, ce qui peut également résonner en termes de financement des collectivités. Cette réflexion doit en tout cas se retrouver dans les sujets sur lesquels nous serons amenés à travailler ensemble, dans les mois et années qui viennent.
M. Jean-François Longeot , président . - Je vous remercie, madame la ministre, pour vos réponses, les efforts qui sont faits et votre volonté d'agir.
Examen
en commission des crédits consacrés la biodiversité
et
à l'expertise en matière de développement
durable
(Lundi 22 novembre 2021)
Réunie le lundi 22 novembre 2021, la commission a examiné le rapport pour avis sur les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Plan de relance » - Crédits « Paysages, eau, biodiversité et expertise en matière de développement durable et météorologie » du projet de loi de finances pour 2022.
M. Jean-François Longeot , président . - Nous examinons les rapports budgétaires programmés mercredi. En effet, demain, la première partie du projet de loi de finances pour 2022 pourrait ne pas être adoptée, ce qui mettrait un terme à l'examen du budget par le Sénat. J'ai donc préféré anticiper pour que nos rapporteurs pour avis soient en mesure de nous présenter le travail qu'ils ont réalisé ces dernières semaines.
M. Guillaume Chevrollier , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l'eau, à la biodiversité et à l'expertise en matière de développement durable et météorologie . - Mon rapport est consacré à l'analyse des crédits des programmes 113 et 159 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », portant sur la politique des paysages, de l'eau et de la biodiversité pour le programme 113, sur l'expertise, l'information géographique et la météorologie pour le programme 159 et sur les crédits associés au sein de la mission « Plan de relance ».
Au cours des neuf auditions budgétaires, qui m'ont permis d'entendre l'ensemble des opérateurs des deux programmes, j'ai acquis la conviction que les moyens consacrés à la biodiversité ne répondent pas à l'urgence environnementale et que les engagements du Gouvernement sont insuffisamment mis en oeuvre dans ce projet de loi de finances (PLF). Malgré des annonces volontaristes et des stratégies ambitieuses, force est de constater qu'elles ne trouvent pas de traduction budgétaire adéquate et que les arbitrages ont fait prévaloir la logique de Bercy sur celle de la biodiversité. Le « quoi qu'il en coûte » ne s'étend manifestement pas à l'environnement !
Le contexte est pourtant propice à relever des défis qui engagent la soutenabilité de notre société : la France a accueilli en septembre dernier le Congrès mondial de la nature à Marseille, à l'occasion duquel le Gouvernement s'est associé aux constats de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) concernant le déclin continu de la biodiversité. Le Président de la République a profité de cette occasion pour annoncer des mesures fortes en faveur de la biodiversité.
Nous, sénateurs, avons également pris la mesure des enjeux et apporté une réponse forte, en amendant avec responsabilité et ambition la loi « Climat et résilience » promulguée le 22 août dernier. Nous avons donné un coup d'accélérateur à la protection et la résilience de nos écosystèmes, guidés par la pertinente logique du développement durable, qui concilie la protection de l'environnement avec l'économie et le social. Entre autres mesures, nous avons donné une assise législative à la stratégie nationale pour les aires protégées et ses objectifs d'au moins 30 % d'aires protégées et 10 % sous protection forte, et à la non-régression des superficies couvertes entre deux actualisations, en associant les collectivités territoriales et en donnant aux maires de nouveaux moyens de police pour lutter contre l'hyperfréquentation des sites naturels et culturels patrimoniaux.
Notre boussole montrait le bon cap : j'en veux pour preuve l'adoption du Manifeste de Marseille, qui valide notre approche, en recommandant d'associer autant que possible l'échelon infranational aux mesures de protection de l'environnement et à faire confiance aux élus locaux.
Ces engagements portés par les parlementaires et l'exécutif dessinent une trajectoire intéressante, qui semble enfin avoir pris la mesure des menaces sur la biodiversité. Mais l'observation attentive des crédits du programme 113 ne fait pas ressortir ces ambitions. Malgré une hausse de 6,5 % et une dotation qui augmente de 13,3 millions d'euros à périmètre constant, pour un total de 244 millions d'euros, nous sommes toujours bien en deçà des financements nécessaires à la biodiversité, même si l'on peut se réjouir des crédits mobilisés au sein de la mission « Plan de relance », qui consacre 97,7 millions d'euros de crédits de paiement à la biodiversité sur les territoires - restauration écologique, aires protégées et protection du littoral - pour soutenir la production des atlas de la biodiversité communale, construire deux passes à poissons sur le Rhin ou encore réhabiliter certains points d'accueil du public dans les aires protégées.
Un rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) de juillet 2016 avait mis en avant un manque à financer d'au moins 200 millions d'euros par an en faveur de la biodiversité, et recommandait de porter les crédits du programme 113 à 394 millions d'euros. En se référant au scénario médian et sans procéder à l'actualisation requise par les nouvelles stratégies élaborées depuis lors, le manque à financer pour la biodiversité est de l'ordre de 150 millions d'euros pour 2022 : c'est donc seulement 62 % des besoins de financement qui sont couverts. Le déficit cumulé s'élève à 986 millions depuis 2018. Le compte n'y est manifestement pas.
Ainsi que je le soulignais dans mon récent rapport d'information à la suite du déplacement de la commission au Congrès mondial de la nature, il est temps de passer des promesses aux actes. L'étude économique de l'OCDE « France 2021 », publiée le 18 novembre dernier, pointe la même insuffisance : elle souligne que « la France s'est fixée des objectifs environnementaux ambitieux » , mais constate que « l'écart entre les résultats et les principaux objectifs se creuse : malgré tous les efforts entrepris depuis plusieurs années, la France se situe encore en deçà de ses objectifs de meilleure préservation de la biodiversité ».
Concernant le programme 159, la situation est encore plus préoccupante : les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme - le Commissariat général au développement durable (CGDD), le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema), l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et Météo France - diminuent de 9,48 millions d'euros, soit une baisse de 2,2 % par rapport à 2021. Ces évolutions contraignent les opérateurs dans leur adaptation aux changements induits par le numérique et les nouvelles attentes en matière de services. L'ouverture des données publiques, non compensée, nuit à leur faculté d'assurer la souveraineté et la fiabilité des données cartographiques et météorologiques, essentielle pour préserver la pertinence de nos modèles d'anticipation et de prise de décision.
Le devenir du Cérema, centre d'expertise publique précieux pour l'accompagnement de l'ingénierie territoriale de l'État et des collectivités territoriales, a ainsi fait l'objet d'une mise en garde sévère dans un rapport conjoint du CGEDD et de l'Inspection générale de l'administration (IGA) : son « pronostic vital est engagé », son « modèle économique est insoutenable », ce qui crée un « risque important de déclassement technique » . Est-ce vraiment ce que nous voulons pour notre expertise publique ?
Météo France est également dans une situation inconfortable, avec une baisse de 20 % de sa subvention depuis dix ans, alors que le nombre d'acteurs météo-sensibles progresse et que 25 à 30 % de notre PIB dépend des conditions météorologiques. Un rapport de contrôle de notre collègue des finances Vincent Capo-Canellas a bien mis en évidence ces tendances, d'autant plus préoccupantes que les bénéfices socio-économiques de la délivrance de services météorologiques sont estimés entre 3,4 à 8 fois son budget. Il est essentiel que cet opérateur puisse développer des modèles de vigilance capables de mieux anticiper les événements dangereux, dont il est à craindre qu'ils ne se multiplient ces prochaines années.
Un autre sujet d'inquiétude ressort nettement des auditions que j'ai menées : les effectifs des opérateurs ne cessent de fondre depuis le début du quinquennat. Depuis 2018, 710 équivalents temps plein (ETP) ont été supprimés, dont une baisse de 12 % des effectifs de Météo France et 11 % pour le Cérema. Seul point positif : le schéma d'emplois sera stable en 2022 pour les opérateurs du programme 113, et les parcs nationaux bénéficieront de la création de 20 ETP, 10 pour accompagner le développement du onzième parc national et 1 pour chacun des autres parcs. Je salue cet effort ponctuel, même s'il intervient après une baisse de 14 ETP depuis 2010 quand, dans le même temps, deux nouveaux parcs ont été créés - Calanques et Forêts - et que les Français ont massivement fréquenté ces espaces au sortir des confinements successifs. Le compte n'y est pas pour concrétiser l'ambitieuse stratégie nationale pour les aires protégées. Sandra Lavorel, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et spécialiste des écosystèmes terrestres, avait déploré devant notre commission, en octobre dernier, que « les moyens et les effectifs alloués à la gestion des aires protégées sont une tragédie pour la gestion de la biodiversité en France ».
La situation des agences de l'eau est également préoccupante : leurs effectifs ont diminué de 21 % depuis 2010, alors que leurs missions n'ont cessé de se développer, notamment en direction de la biodiversité et des milieux marins depuis la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Je rappelle que nous sommes toujours loin de l'objectif fixé pour 2027 par la directive-cadre sur l'eau d'un bon état des masses d'eau. On a vu le rôle positif que les agences de l'eau ont joué auprès des collectivités territoriales pendant la crise sanitaire ; ce sont des outils essentiels, qui assurent le soutien de projets à fort effet de levier et l'adaptation de nos territoires au changement climatique.
Le schéma d'emplois du programme 159 continue d'être négatif, avec une baisse de 110 ETP en 2022. Depuis 2012, Météo France a perdu 923 ETP, ce qui obère ses capacités à maintenir une recherche et développement de pointe. Le Cérema a également vu ses effectifs s'amenuiser depuis sa création en 2014, de 3 045 à 2 382 ETP, ce qui correspond à un important effort de rationalisation de l'établissement. Ces tendances mettent à mal l'excellence météorologique et l'expertise scientifique et technique au profit de l'État et des collectivités territoriales. Ces opérateurs, soumis à une forte concurrence, doivent répondre à des demandes toujours plus complexes et exigeantes en ressources. Ils sont arrivés au terme d'un processus de rationalisation et de mutualisation. La poursuite de cette tendance menace désormais leur compétitivité et leur modèle économique, mais également - et c'est plus grave - leur capacité à répondre de manière satisfaisante à leurs missions de service public : poursuivre sur cette voie, c'est courir le danger du déclassement et de la perte de compétences. Les opérateurs n'ont plus de marges de manoeuvre et sont d'ores et déjà contraints de faire des choix dans l'exercice de leurs missions.
Outre des dotations budgétaires inférieures aux besoins et les inquiétantes pertes d'effectifs, plusieurs mécanismes engendrent des effets pervers. J'en citerai trois dont les conséquences sont particulièrement dommageables pour les opérateurs.
Le « plafond mordant » des agences de l'eau, qui prévoit un maximum annuel de recettes fiscales encaissées par les agences au-delà duquel l'excédent est reversé au budget général de l'État, ne sera pas relevé en 2022, ce qui limite les interventions financières des agences, alors que les assises de l'eau et le Varenne agricole de l'eau et de l'adaptation au changement climatique montrent à quel point la question de l'eau est sensible - le secteur reçoit 250 millions d'euros alors qu'il faudrait dix fois plus d'investissement pour la qualité de l'eau et préserver la ressource. Le constat est clair, il faut maintenant investir.
Le choix de l'ouverture des données publiques, qui engendre d'importants manques à gagner non compensés, bouleverse le modèle économique des opérateurs générant de telles données. Pour Météo France, les conséquences sont évaluées à 1,4 million d'euros de perte directe et à 5 millions d'euros de pertes indirectes de recettes commerciales.
Enfin, le passage au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep) et les mesures de revalorisation salariale décidées nationalement engendrent également un surcoût important pour les opérateurs, estimé à 4 millions d'euros pour l'IGN ou 4,3 millions d'euros pour le Cérema et ce, sans compensation.
Enfin, ce budget compte un trop grand nombre d'angles morts. Les moyens consacrés à la lutte contre les espèces exotiques envahissantes manquent de coordination et la stratégie est inefficace pour faire face à ce fléau estimé à 368 millions d'euros par an, soit plus que le programme 113 dans son ensemble. Vous le savez, les collectivités territoriales sont démunies face à cette problématique et ne savent pas vers qui se tourner quand elles y sont confrontées.
La secrétaire d'État à la biodiversité nous a annoncé qu'elle nous présenterait un nouveau plan d'actions début 2022 ; un guichet unique, auprès d'un opérateur identifié et des effectifs dédiés, pourrait être une piste intéressante. Rien n'est cependant clair à ce stade et je serai attentif aux propositions qui seront faites.
Enfin, plusieurs personnes entendues en audition m'ont indiqué que la baisse continue des effectifs entraînait une moindre présence de l'État dans nos territoires, une police de l'environnement moins efficace et des règlementations moins contrôlées. Je l'ai constaté ce matin dans mon département, où les responsables de l'Office français de la biodiversité (OFB) de Mayenne m'ont fait part du manque d'effectifs, ce qui nuit à la crédibilité de nos stratégies environnementales. La préservation de la biodiversité mérite que l'on y consacre des moyens budgétaires mieux calibrés, des effectifs pérennes et que soient financées les ambitions que la France défend sur la scène internationale.
Pour ces raisons, mes chers collègues, je vous propose d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs aux paysages, à l'eau et la biodiversité ainsi que ceux qui sont relatifs à l'expertise, l'information géographique et la météorologie. En revanche, je vous propose d'émettre un avis favorable aux crédits consacrés à l'écologie de la mission « Plan de relance ».
M. Jean-François Longeot , président . - Merci pour la qualité de ce travail.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs aux paysages, à l'eau, à la biodiversité et à l'expertise en matière de développement durable et météorologie et un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'écologie de la mission « Plan de relance ».
Examen en commission des crédits consacrés à la
prévention des risques
(Lundi 22 novembre 2021)
Réunie le lundi 22 novembre 2021, la commission a examiné le rapport pour avis sur les missions « Écologie, développement et mobilité durables » et « Plan de relance » - Crédits « Prévention des risques » du projet de loi de finances pour 2022.
M. Pascal Martin , rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la prévention des risques . - Pour la deuxième année, je vous présente mon rapport sur les crédits dédiés à notre politique de prévention des risques naturels, industriels, technologiques et nucléaires, crédits qui concourent également au développement de l'économie circulaire. J'ai procédé à cinq auditions à titre principal.
Le financement de cette politique me tient particulièrement à coeur, car il permet d'agir très concrètement pour réduire à la source ces risques, au bénéfice de nos concitoyens, de nos entreprises, de nos infrastructures.
Comme l'an dernier, ces moyens sont rassemblés dans les programmes 181 et 217 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », ce dernier programme portant les crédits des personnels dédiés à la politique de prévention des risques, ainsi que dans la mission « Plan de relance ».
Cette année, j'aurais cinq observations principales à partager avec vous et une proposition d'amendement.
Première observation : ce budget pour 2022 est stable et s'inscrit dans la continuité de l'exercice 2021 et du quinquennat.
L'an dernier, plusieurs éléments importants étaient intervenus : budgétisation du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), reconduction de la réduction d'impôt pour risque sismique, prorogation du crédit d'impôt pour les travaux prescrits par des plans de prévention des risques technologiques (PPRT), définition de la fiscalité applicable au projet du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo), notamment.
D'ailleurs, cette année, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à prolonger la contribution spéciale exigible auprès des producteurs de déchets et perçue par les groupements d'intérêt public (GIP) constitués localement pour la mise en oeuvre du projet Cigéo jusqu'en 2025, en lien avec le décalage du calendrier d'autorisation de création du projet. Comme vous l'avez sans doute vu, le dossier de demande de déclaration d'utilité publique (DUP) de Cigéo a été déposé en août 2020 par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra), il comprend les 17 avis favorables et 7 avis défavorables des collectivités concernées ainsi que les évaluations socio-économiques. L'enquête publique préalable à la DUP a démarré en septembre 2021. L'obtention de la DUP est prévue pour fin 2021 et un décret d'autorisation de création (DAC) sera encore nécessaire avant de lancer véritablement l'exploitation du site, qui ne devrait pas intervenir avant 2025, voire 2027. La phase d'exploitation du site pourra alors débuter, pour s'achever à l'horizon de 2150.
Autre élément pour 2022, le Gouvernement a déposé un amendement, dans le cadre de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022, au sein des articles non rattachés, pour apporter une garantie financière à la société des Mines de potasse d'Alsace, pour le stockage des déchets solubles et non solubles en couches géologiques profondes présents sur le territoire de la commune de Wittelsheim. Il s'agit du dossier « StocaMine », que certains d'entre vous connaissent bien.
Pour répondre à l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel (CAA) de Nancy, pour lequel il s'est d'ailleurs pourvu en cassation, l'État souhaite apporter une garantie financière à hauteur de 160 millions d'euros jusqu'au 1 er janvier 2030, afin de montrer que la société concernée pourra assumer l'ensemble des coûts liés à un stockage à durée illimitée de ces déchets.
D'autres solutions ont été envisagées. C'est un dossier particulièrement complexe, avec des implications très fortes en fonction des solutions retenues.
Ces deux dossiers, Cigéo et StocaMine, pourraient d'ailleurs faire l'objet d'un suivi plus précis de la part de notre commission, notamment avec des déplacements, comme nous l'avons déjà évoqué en Bureau et avec Marta de Cidrac, qui a conduit des travaux sur StocaMine dans le cadre du groupe d'études relatif à l'économie circulaire dont elle assure la présidence.
Pour le programme 181, derrière une baisse de 15 % des autorisations d'engagement (AE), à 1 milliard d'euros pour 2022 par rapport à la loi de finances initiale 2021, et une hausse de 8,5 % des crédits de paiement (CP), à 1 milliard d'euros également, se cache en fait le retour à une situation « normale » pour le programme 181. La ventilation des crédits entre les actions est très proche.
L'an dernier, des fonds importants avaient été inscrits sur la nouvelle action portant le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds « Barnier », tant pour couvrir des engagements passés que pour faire face aux dégâts très importants de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes.
Cette année, les hausses résultent d'un saupoudrage sur plusieurs actions, dont un renforcement des crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), pour 50,7 millions d'euros, et 30 millions d'euros pour le FPRNM, en lien avec la tempête Alex.
La réduction d'effectifs pour le ministère est moins importante cette année, soit - 1,4 %, mais la réduction totale sur cinq ans aura tout de même été de - 13,5 %, correspondant à environ 5 500 postes supprimés.
Si cette trajectoire était anticipée, je m'inquiète toutefois d'un mouvement parallèle d'érosion progressif de l'expertise dans nos grands opérateurs, ce qui rejoint les observations formulées précédemment par mes collègues rapporteurs pour avis. Ainsi, l'Ademe a massivement recours à des contrats courts pour mener à bien sa mission et elle a perdu 12 % de ses effectifs sous plafond en cinq ans. Si elle parvient à attirer des profils de grande qualité selon son président, Arnaud Leroy, il est difficile de maintenir cette ressource dans la durée.
Certains champs d'action sont ainsi délaissés comme le bruit ou certaines pollutions atmosphériques, quand d'autres sont priorisés, en lien avec les moyens proposés par le Gouvernement, à l'image du fonds « Sols », qui sera mis en place par l'Ademe.
Deuxième remarque, dont je vous avais déjà fait part l'an dernier : le plan de relance est décevant et insuffisant pour la prévention des risques naturels et industriels.
Même si les crédits dévolus à l'économie circulaire sont importants, ils ne font pas oublier ce manque.
D'ailleurs, parmi les éléments qui m'ont été transmis par la direction générale de la prévention des risques (DGPR) s'agissant de la liquidation du plan de relance, il n'est pas fait mention des mesures prises en faveur de la protection et de l'adaptation face au recul du trait de côte.
Pour 2022, environ 15 millions d'euros sont inscrits pour la protection du littoral dans la mission « Plan de relance » et 4 millions d'euros pour le renforcement des barrages. Le Gouvernement demande également 2 millions d'euros pour la construction de 17 abris anticycloniques en Polynésie française et 13,3 millions d'euros pour renforcer la solidité et la résilience de 20 bâtiments en lien avec le plan Séismes aux Antilles.
Les montants demeurent donc encore modestes pour la prévention des risques, alors que des moyens seraient nécessaires pour opérer un changement d'échelle sur plusieurs de nos politiques d'adaptation au changement climatique et de lutte contre les pollutions de toute nature, pour l'environnement et nos concitoyens.
Troisième remarque : l'un des enjeux centraux du programme pour le prochain exercice, à savoir le budget pour 2023, sera la sûreté nucléaire, compte tenu de l'annonce du Président de la République, qui demeure encore floue à ce stade d'ailleurs sur l'ampleur des investissements et des sites concernés, de déployer un nouveau programme nucléaire national, visant la construction d'au moins six réacteurs de nouvelle génération.
Cette annonce aura pour conséquence d'alourdir un programme de travail déjà bien rempli pour l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), notamment par le réexamen périodique des réacteurs de 900 et 1300 mégawatts (MWe) et par la montée en puissance prochaine des exigences de contrôle sur les réacteurs de petite à moyenne puissance - 30 à 400 MWe -, les SMR, qui bénéficieront d'un soutien via le plan France 2030 annoncé récemment et traduit dans le budget par un amendement du Gouvernement.
D'après les travaux préparatoires qui ont été conduits notamment par Bercy, le coût total de la construction et de la mise en service de trois nouvelles paires de réacteurs EPR II représenterait 47,2 milliards d'euros au total.
Il est évident que les ressources mises pour assurer le contrôle de la sûreté nucléaire et l'inspection des sites, à tous les stades pertinents avant et après leur mise en service, devront être ajustées en conséquence.
Ce renforcement devra porter à la fois sur le fonctionnement, pour permettre aux opérateurs de l'expertise et du contrôle de la sûreté nucléaire, en particulier l'ASN, de renforcer leurs connaissances des risques et leur méthodologie, sur les effectifs, qui s'établiront à 444 ETPT en 2022 hors mesures de périmètre, contre 392 en 2017 hors mesures de périmètre, pour assurer une présence sur le terrain à la hauteur des enjeux - en 2022, 2 ETP supplémentaires assureront le fonctionnement de l'ASN, représentant 1 ETPT - et sur son indépendance.
Je resterai attentif à ces points et vous proposerai sans doute des amendements l'an prochain si vous me renouvelez votre confiance pour examiner ce budget.
Une réflexion doit donc être engagée sur les moyens de l'ASN et il faudra également suivre l'avancement de l'affaire qui a éclaté récemment à propos de manquements à la sûreté supposés dans la centrale du Tricastin. Un salarié a déposé plainte contre EDF pour « mise en danger de la vie d'autrui » et « infractions au code pénal, au code de l'environnement et au code du travail et à la réglementation sur les installations nucléaires », évoquant notamment une surpuissance du réacteur 1 en 2017 et une inondation interne en 2018, qui n'auraient pas donné lieu à un signalement dans les formes à l'ASN.
Ma quatrième observation est en lien avec nos travaux sur Lubrizol et concerne les effectifs de l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).
L'engagement de la ministre est bien respecté : 50 postes d'inspecteurs en ETP, pour un total de 1 427 ETP pour 2022, auront vu le jour en deux ans, même si Élisabeth Borne avait initialement annoncé 50 postes dès 2021... Toutefois, cette information n'est pas simple à vérifier ni totalement précise, compte tenu des marges de manoeuvre laissées aux préfets, à l'échelle des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). En outre, certains postes affichés dans les tableaux des services ne correspondent pas toujours à des postes effectivement occupés et la suppression factuelle des lignes qui se rapportent à ces postes ne correspond donc pas à des suppressions de postes...
La politique de ressources humaines est donc difficilement lisible.
Quoi qu'il en soit, dans les documents budgétaires de 2021, on a constaté une hausse effective de 22 ETP et un transfert de 8 ETP vers le ministère du travail pour le contrôle des mines à ciel ouvert et des carrières, correspondant à 30 postes. Toutefois, la répartition géographique de ces 30 nouveaux postes, trouvés par repyramidage entre catégories C et A en 2021, est très inégale. On compte, par exemple, 0,9 ETP pour la région Normandie, 7,8 pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, 3,6 pour la région Occitanie.
Dans les documents budgétaires de 2022, la hausse sera de 14 ETP nouveaux en net et 6 ETP par repyramidage entre catégories C et A.
Au total, ces 20 postes, s'ajoutant aux 30 de l'an dernier, font que l'on arrive à 50.
À l'heure actuelle, un inspecteur intervient sur environ 420 sites par an et le nombre de contrôles a été divisé par deux en quinze ans. Par rapport aux 18 200 visites réalisées en 2018, l'objectif de 27 200 visites annuelles sera atteint en 2023 selon l'administration, ce qui correspond à peu près au calendrier initial de l'annonce de la ministre pour la hausse de 50 % des contrôles.
Enfin, ma cinquième et dernière observation concerne les risques naturels, compte tenu de notre déplacement dans les Alpes-Maritimes, le 25 novembre prochain, qui vise à mesurer les conséquences de la tempête Alex intervenue fin 2020 et à suivre l'avancée des travaux de reconstruction.
Dans le PLF pour 2022, les moyens dédiés aux risques naturels sont confortés pour la seconde année avec le maintien de la budgétisation du FPRNM. Cette budgétisation s'effectue à un niveau important cette année encore, à hauteur de 235 millions d'euros, après 415 millions l'an dernier, mais elle ne peut faire oublier le fait que le fonds a été ponctionné de près plus de 300 millions d'euros sous ce quinquennat.
Je me réjouis que cette ponction ait cessé, d'autant plus que le fonds est de plus en plus mobilisé et que la pression sur le financement de la prévention et du traitement des risques naturels va s'amplifier au cours des prochaines années.
L'amendement que je vais vous proposer a été élaboré en concertation avec notre collègue François Calvet, qui a travaillé sur le programme 174, comportant à titre principal les crédits délégués aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) en France : je vous propose de leur attribuer 2 millions d'euros supplémentaires, afin qu'elles participent au service de prélèvements atmosphériques pour les situations d'urgence, dont le régime a été renforcé à la suite de l'accident de Lubrizol et qui impose des exigences accrues pour certaines installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sensibles.
L'objectif est de participer, avec ces 2 millions d'euros, au financement des coûts de veille et de fonctionnement du dispositif de prélèvements, car son intervention au cas par cas donnera lieu à un financement de l'exploitation concernée. Je souhaite souligner combien ces associations manquent de crédits pour assumer leurs missions qui sont essentielles.
Tels sont les principaux éléments dont je souhaitais vous faire part pour ce budget 2022.
Après un budget de changements en 2021, le budget pour 2022 s'inscrit dans la stabilité, et le rendez-vous est pris pour 2023 avec des échéances importantes à plusieurs titres.
En conséquence et en cohérence avec l'avis favorable émis l'an dernier, je vous propose un avis favorable sur le vote des crédits du programme 181.
M. Didier Mandelli . - Je souhaiterais rappeler ce qu'est devenu le fonds « Barnier », qui a été supprimé en tant qu'outil autonome par la budgétisation opérée en 2021.
Comme chaque année, le prélèvement opéré sur les contrats d'assurance habitation et automobile correspond à une recette d'environ 230 millions d'euros.
Ces recettes alimentent désormais le budget de l'État alors qu'elles sont censées alimenter directement notre politique de prévention des risques naturels, en contribuant à la prise en charge de dépenses de prévention, de protection et d'indemnisation.
J'ajoute que le fonds n'était pas à un niveau « 0 » ! Entre les crédits délégués aux préfectures mais non engagés ou non consommés et le solde de trésorerie, les ressources du fonds représentaient environ 700 millions d'euros, qui ont également été versées au budget général de l'État.
Je considère donc qu'il y a un décalage énorme entre les besoins mesurés sur le terrain, notamment par rapport au recul du trait de côte - des digues ne sont pas financées et réalisées, par exemple - qui est complément disproportionné.
Je comprends pourquoi le Gouvernement a souhaité budgétiser ce fonds, cela permet plus de flexibilité de gestion !
Je rappelle que ce fonds est alimenté par des cotisations sur nos assurances - entreprises, collectivités, particuliers. La recette est toujours là mais les moyens ne sont pas affectés en conséquence.
Les ressources du fonds ont été ponctionnées puis plafonnées à plusieurs reprises, nous nous sommes tous battus pour supprimer ce plafond.
C'est donc un tour de passe-passe qui est réalisé par le Gouvernement sur ce fonds et lui permet de récupérer des centaines de millions d'euros sans pour autant les consacrer tous à la politique de prévention des risques.
M. Jean-François Longeot , président . - Notre commission s'exprime en effet régulièrement sur ce sujet...
M. Joël Bigot . - J'abonderai dans le même sens que mon collègue Didier Mandelli : désormais les cotisations des assurés alimentent le budget général, par un tour de passe-passe, au lieu de servir directement le financement de la politique de prévention des risques.
Article 20 (État B)
L'amendement II-79 est adopté.
M. Joël Bigot . - Vous l'avez dit, monsieur Martin, la politique des ressources humaines est difficilement déchiffrable, et si l'on ajoute à cela l'illisibilité du fonds Barnier, ce rapport soulève bien des questions. Le dérèglement climatique va entraîner une hausse des moyens nécessaires pour la prévention des risques et nous devrons y répondre car les crédits correspondants sont condamnés à augmenter, si la France veut être à la hauteur des enjeux.
J'aimerais revenir sur les risques industriels. Vous avez mentionné le site de Lubrizol, pour lequel le Gouvernement avait promis de recruter des inspecteurs des installations classées. Cette promesse semble avoir été tenue mais il faudra aller plus loin car la prévention des risques devra être renforcée pour d'autres sites dans les années à venir.
Je tiens enfin et surtout à évoquer l'Ademe, véritable bras armé de la transition écologique. En effet, à ce jour, si le nombre de salariés est stable, de nombreux contrats restent précaires. Si l'on veut donner à l'expertise publique et gouvernementale toute sa dimension, on ne peut se satisfaire de cette politique qui, au mieux, pourrait conduire à privatiser l'expertise et il ne s'agirait plus alors d'une politique publique d'accompagnement de la transition écologique. Les effectifs sous plafond de l'Ademe, en baisse depuis cinq ans, sont donc très préoccupants et il serait bon d'avoir des certitudes à ce sujet après juin 2022, afin de pouvoir conduire la transition écologique.
En attendant, je propose de voter contre l'adoption de ces crédits.
M. Hervé Gillé . - Dans le cadre de son rapport, Guillaume Chevrollier a remis en perspective la question du « plafond mordant » des agences de l'eau. Sa remarque était judicieuse, notamment en ce qui concerne la montée en puissance des schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (SAGE), qui se fait alors que les moyens des agences ne sont pas toujours suffisants pour accompagner les collectivités territoriales.
Je voudrais en venir à une demande d'éclaircissement au sujet de l'intervention de l'État sur les ouvrages de prévention dans le cadre des programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI). Jusqu'à maintenant, environ 30 % du coût de ces ouvrages est couvert par l'État ; ces dépenses figurent-elles bien dans le cadre du programme ? Les compétences sont notamment transférées dans le cadre de la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) mais en ce qui concerne les politiques d'intervention de l'État, je voudrais m'assurer que les moyens d'accompagnement sont toujours présents.
M. Pascal Martin , rapporteur pour avis . - Tout d'abord, pour revenir à la remarque de Didier Mandelli sur le fonds Barnier et son fonctionnement, je la partage en partie.
Pour répondre à M. Bigot sur l'Ademe, je souhaiterais rappeler que, lors de son audition, le président Leroy nous a expliqué en toute transparence qu'une partie des contrats à durée déterminée (CDD) prendraient fin le 30 juin 2022 et que, pour l'instant - son budget n'étant voté qu'en décembre - il n'a aucune garantie quant à la reconduction éventuelle de ces contrats. Il nous a confié aussi se satisfaire, dans le contexte général, de la création de neuf postes pour 2022.
Enfin, sur les PAPI, l'action 10 du programme 181 porte sur la prévention des risques naturels et hydrauliques, qui comporte notamment des crédits d'intervention au bénéfice des collectivités. Dans le « bleu » budgétaire et les réponses qui m'ont été transmises par l'administration, on apprend également que le taux de territoires à risque important d'inondation couverts par un PAPI était de 77 % en 2020. Le taux de prévision actualisé est de 81,5 % pour 2021, et de 85 % pour 2022, la cible étant de 89 % pour 2023.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la prévention des risques de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de son amendement, et un avis favorable à l'adoption des crédits du plan de relance concernés.