CHAPITRE IER :
LES CRÉDITS
CONSACRÉS
À LA PRÉVENTION DES RISQUES
Réunie le 22 novembre 2021, sous la présidence de Jean-François Longeot, la commission a, suivant son rapporteur, Pascal Martin, émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes dédiés à la prévention des risques du projet de budget 2022 sous le bénéfice de certaines observations et réserves tendant à :
- saluer la concrétisation de la hausse de + 50 postes (ETP) pour l'inspection des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) annoncée par le Gouvernement après l'accident des usines Lubrizol et Normandie Logistique en 2019 ;
- regretter l'absence d'ambition pour la prévention des risques dans le plan de relance , hors économie circulaire, alors que cette politique contribue directement à l' adaptation au changement climatique et à la protection des citoyens et des activités économiques en s'attachant au traitement à la source des risques naturels, industriels et nucléaires ;
- souligner que parmi les enjeux centraux du prochain budget 2023 figureront d'une part, la consommation effective des crédits dédiés au traitement des conséquences des catastrophes naturelles et, d'autre part, le renforcement de la sûreté nucléaire .
Sur proposition du rapporteur et de François Calvet, rapporteur sur les crédits dédiés à la transition énergétique et au climat, la commission a adopté 2 amendements visant à :
- augmenter de 2 M€ la subvention versée aux associations agréées de surveillance de la qualité de l'air ( AASQA ) pour leur permettre de couvrir les coûts de fonctionnement du système de suivi environnemental des situations incidentelles et accidentelles ;
- rattraper le retard pris par la France dans le développement des énergies renouvelables en renforçant les moyens alloués au Fonds Chaleur .
I. UN BUDGET 2022 S'INSCRIVANT DANS LA CONTINUITÉ DE L'EXERCICE 2021 : DES FORCES ET DES FAIBLESSES
A. LES ÉQUILIBRES ET LES ANGLES MORTS DU BUDGET DE LA PRÉVENTION DES RISQUES DEMEURENT LES MÊMES QU'EN 2021
Pour le programme 181, la baisse de 14 % des autorisations d'engagement (AE) par rapport à 2021 et la hausse de 8,5 % des crédits de paiement (CP) voilent une stabilité , illustrée par une ventilation très proche entre les actions.
Les hausses constatées cette année résultent d'un saupoudrage sur plusieurs actions , dont :
- un renforcement de la prévention des risques hydrauliques (+ 3,6 %) ;
- un effort supplémentaire sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (- 43 % en AE et + 14,6 % en CP) avec 30 M€ fléchés vers le traitement des conséquences de la tempête Alex ;
- un accroissement des moyens de l' Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) de 50 M€ (+ 9,25 %).
En outre, pour la deuxième année, le plan de relance apparaît décevant pour la prévention des risques naturels et industriels et ce, malgré des montants importants inscrits pour la décarbonation de l'industrie et l'économie circulaire. Des crédits de paiement manquent pour couvrir les engagements ouverts en 2021 et un financement complémentaire sera donc nécessaire dans les exercices post-2022 en particulier pour l'action 2 « Biodiversité » du programme 362 « Écologie ». Le rapporteur regrette particulièrement la faiblesse des moyens mis à disposition des collectivités pour anticiper et gérer le recul du trait de côte , alors que la loi « Climat et résilience » d'août 2021 leur confie de nouvelles responsabilités.
Cette année, les angles morts sont d'autant plus visibles avec la mise en place du plan « France 2030 » , qui n'apporte pas de financement supplémentaire pour la politique de prévention des risques.
Face à ce constat et compte tenu des enjeux qui s'annoncent pour le prochain budget 2023, sur proposition conjointe du rapporteur et du rapporteur François Calvet, la commission a adopté 1 amendement , visant à augmenter les crédits du programme 181 de 2 M€ , afin de permettre l'attribution de cette somme aux associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA) pour assurer le financement des coûts de fonctionnement (astreinte météorologique, temps et coûts de maintenance, temps consacré aux exercices de commandement des opérations de secours) du système de suivi environnemental des situations incidentelles et accidentelles , qui peuvent avoir des conséquences sur la qualité de l'air et les populations, comme l'a montré l'incendie des usines Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen en septembre 2019.
Cette année encore, le rapporteur regrette que le plan de relance ne comporte pas davantage de crédits dédiés à la prévention des risques naturels, industriels et nucléaires . Il formule la même critique à l'égard du plan « France 2030 » .
Cette absence de moyens supplémentaires ne permet pas encore d'opérer un changement d'échelle pour plusieurs de nos politiques d' adaptation au changement climatique (érosion du trait de côte, gestion des conséquences des catastrophes naturelles) et de lutte contre les pollutions de toute nature (perturbateurs endocriniens, qualité de l'air, etc.). Ce déficit est particulièrement dommageable, car pour 1 euro investi dans la prévention, ce sont 7 euros économisés en matière d'indemnisation des dommages .
Des actualités nécessitant une vigilance accrue et un travail plus approfondi : « Fonds chaleur » - « StocaMine » - « Cigéo »
Chaleur : diverses mesures ont été engagées en 2021 pour renforcer le Fonds Chaleur 1 ( * ) . Le plan de relance a également permis d'accroître les moyens en faveur de la chaleur renouvelable dans les secteurs industriel, agricole et tertiaire (500 M€ sur 2020-2022). Le rapporteur estime toutefois que des leviers supplémentaires doivent être mobilisés dès à présent pour espérer rattraper le retard pris par rapport aux objectifs de la PPE .
En conséquence, la commission a adopté 1 amendement , co-signé avec le rapporteur François Calvet, visant à renforcer les moyens du Fonds Chaleur à hauteur de 450 M€ pour 2022 afin de permettre le financement de l'ensemble des projets actuellement en attente.
Cigéo : lors de l'examen du PLF 2022 à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à prolonger la contribution spéciale exigible auprès des producteurs de déchets et perçue par les groupements d'intérêt public constitués localement pour la mise en oeuvre du projet Cigéo jusqu'en 2025 , en lien avec le décalage du calendrier d'autorisation de création du projet 2 ( * ) (article 32 duodecies ). Le décret d'autorisation de création ( DAC ) ne devrait pas intervenir avant 2025, voire 2027 . La phase d'exploitation du site pourra alors débuter, pour s'achever à l'horizon 2150.
StocaMine : les députés ont adopté un amendement du Gouvernement visant à permettre à l'État d'apporter une garantie financière à la société des Mines de Potasse d'Alsace à hauteur de 160 M€ jusqu'au 1 er janvier 2030, pour le stockage des déchets solubles et non solubles en couches géologiques profondes présents sur le territoire de la commune de Wittelsheim, afin de répondre à l'arrêt rendu par la Cour administrative d'appel (CAA) de Nancy, pour lequel l'État s'est d'ailleurs pourvu en cassation (article 39 octies ). Selon une étude du BRGM, le confinement définitif sans déstockage représente un coût de 87,32 M€ , le coût du déstockage uniquement des déchets solubles d'ici 2029, puis de leur confinement ailleurs représente entre 246 et 307 M€ , et le déstockage total d'ici 2029 puis un confinement ailleurs de l'ensemble des déchets solubles et non solubles représenterait un coût de 379 à 440 M€ .
La commission demeurera attentive à ces dossiers, qui ont déjà fait et feront encore l'objet de travaux au Sénat .
* 1 Voir l'avis n° 167 (2021-2022).
* 2 La LFR 2013 avait prévu que le fonds « conception », dédié au financement des études de conception du centre de stockage Cigéo, serait alimenté par cette contribution spéciale jusqu'au 31 décembre 2021.