II. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA PUBLICITÉ DANS LES MÉDIAS AUDIOVISUELS : UN RECOURS À L'AUTORÉGULATION ET UNE MESURE EN TROMPE-L'oeIL POUR DISSIMULER UNE AMBITION LIMITÉE
A. DES DISPOSITIONS VISANT À ENCADRER ET RÉGULER LA PUBLICITÉ
1. Faut-il et peut-on encadrer la publicité ?
Si l'efficacité de la publicité est reconnue pour favoriser la consommation, il apparaît légitime et cohérent de s'interroger sur la logique consistant à autoriser la publicité pour des produits qui ont un effet néfaste prouvé sur l'environnement. Dans ces conditions, le projet de limiter la publicité pour ce type de biens constitue effectivement une dimension essentielle de toute politique en faveur de la préservation de l'environnement. Pour être considérée comme efficace, une telle politique devrait rechercher une baisse rapide de la consommation d'un maximum de ces produits identifiés comme nuisibles à la planète. Cela suppose de pouvoir identifier ces produits et de les classer en catégories selon leur effet sur l'environnement mais cela exige aussi d'examiner la capacité des industriels à remplacer les produits concernés par des produits plus vertueux.
La suppression de la publicité pour les produits néfastes à l'environnement ne peut donc être générale et immédiate du fait des délais nécessaires pour permettre une transition. Elle doit aussi tenir compte du modèle économique des chaînes de télévision et des antennes de radio. Comme l'a indiqué le directeur général du CSA lors de son audition, les recettes publicitaires représentent 95 % des ressources des médias audiovisuels privés. Toute baisse de ces ressources aurait des effets immédiats sur les programmes diffusés alors même que le marché publicitaire est de plus en plus accaparé par des acteurs comme Facebook et Google et que le prix des programmes augmente du fait de leur captation par les plateformes de vidéos par abonnement comme Netflix et Amazon Prime.
L'encadrement de la publicité est donc nécessaire mais il ne doit pas viser uniquement les médias audiovisuels au risque de laisser les nouveaux acteurs asseoir leur position et rendre inopérantes les contraintes imposées aux médias traditionnels . Cet encadrement doit ensuite s'inscrire dans la durée et tenir compte des réalités économiques, ce qui justifie une approche mêlant d'une part des interdictions et d'autre part des engagements des acteurs faisant l'objet d'évaluations et d'ajustements réguliers.
2. Une ambition en trompe-l'oeil et des mesures proches de l'« écoblanchiment »
L'approche retenue par le projet de loi au chapitre II recourt à une double démarche faite à la fois de contraintes et d'engagements mais force est de constater l'absence d'équilibre entre les deux outils et donc les limites quant à l'efficacité du dispositif retenu. Si l'article 4 prévoit, certes, de limiter le recours à la publicité, cette interdiction ne concerne que les énergies fossiles. Par ailleurs, cette interdiction est elle-même ambiguë puisqu'elle ne concerne pas les produits qui recourent aux énergies fossiles pour fonctionner comme les voitures à moteur thermique, les avions, les bateaux de croisière... Le CSA estime le manque à gagner à 0,1 % des recettes publicitaires pour la télévision et 0,3 % pour la radio selon les chiffres de 2019. Cette interdiction aura donc un effet quasiment nul sur les recettes des médias mais aussi sur l'environnement puisque les détenteurs de voitures auront toujours la nécessité de passer à la pompe à essence...
Cette interdiction n'est donc que symbolique et vise d'abord à démontrer une détermination qui, en réalité, manque cruellement.
L'essentiel du dispositif retenu par le projet de loi repose donc sur des engagements des acteurs dans le cadre d'une autorégulation . L'article 5 prévoit ainsi la mise en oeuvre d'un code de bonne conduite qui transcrirait les engagements pris au sein d'un « contrat climat » conclu entre les médias et les annonceurs d'une part et le Conseil supérieur de l'audiovisuel, d'autre part, afin de réduire la publicité pour les produits polluants, par des engagements volontaires que l'exposé des motifs du projet de loi envisage « ambitieux » . Un processus de suivi de ces engagements est institué.
Pour le CSA, les engagements qui seront pris devront être « clairs, précis, auditables car les citoyens doivent savoir et le CSA doit pouvoir les contrôler ». Cependant le régulateur estime en même temps qu'« il n'est pas compétent pour identifier les messages qui portent atteinte à l'environnement et qu'il lui faudra coopérer avec l' Ademe ». L'absence d'expertise du régulateur apparaît comme une limite majeure du dispositif d'autant plus que le projet de loi a été préparé sans que soit procédé au « détourage » des produits concernés . Il n'y a pas dans le projet de loi d'objectifs quantitatifs ni de délais pour les atteindre concernant la baisse du nombre des messages commerciaux pour des produits néfastes à l'environnement...
Les mesures proposées semblent relever davantage de l'« écoblanchiment » que de la volonté politique affirmée. Le Gouvernement a choisi de se reposer sur le CSA pour donner du contenu à un dispositif législatif qui apparaît très « mou ».
Il reviendra ainsi au CSA de négocier les codes de bonne conduite, de faire des propositions et d'inciter les acteurs à prendre des engagements. Il faudra ensuite que ce dernier évalue la bonne application de ces textes puis rende compte au Parlement. Or non seulement le régulateur de l'audiovisuel reconnaît être peu outillé pour ce faire mais il rappelle que l'accroissement des missions qui lui sont confiées ne s'accompagne pas d'une hausse des moyens correspondante 1 ( * ) .
* 1 Le CSA estime qu'il lui faudrait 1 ou 2 ETP supplémentaires pour mettre en oeuvre ces compétences nouvelles.