B. L'ÉCHEC DE LA RÉDUCTION DES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES DEMANDES D'ASILE EN RAISON DE LA CRISE SANITAIRE

Alors que la cible de délai moyen de traitement des demandes d'asile a été fixée à six mois par le Gouvernement dans son plan d'action « Garantir le droit d'asile, maîtriser les flux migratoires » adopté en Conseil des ministres le 12 juillet 2017, les délais de traitement ont été considérablement allongés en raison de la crise sanitaire .

1. La stabilisation des crédits de l'OFPRA ne permet pas d'espérer parvenir au respect du délai cible de traitement des demandes d'asile avant un horizon 2021-2023

Le PLF pour 2021 prévoit le versement à l'OFPRA d'une subvention pour charges de service public d'un montant de 92,8 millions d'euros, en hausse de 1,3 % par rapport à l'année 2020. Cette dotation a vocation à financer les dépenses de personnel et de fonctionnement. Le plafond d'emplois est quasi constant (1 003 ETPT pour l'année 2021).

Cette stabilisation de la dotation accordée à l'OPFRA fait suite à plusieurs années de forte croissance. En 2020 notamment, des moyens considérables avaient été accordés à l'OFPRA, qui avaient permis de financer la création de 200 ETPT , dont 150 ont été affectés à l'instruction de la demande d'asile.

Malgré ces moyens supplémentaires, qui devaient permettre de réduire à soixante jours le délai moyen de traitement des demandes d'asile , celui-ci a été allongé en raison de la crise sanitaire. Ainsi, ce délai moyen, qui s'élevait en 2019 à 166 jours, devrait passer en 2020 à 275 jours.

Durant la période du confinement de mars 2020, l'OFPRA a dû fermer l'accueil du public , sauf pour le traitement de dossiers urgents de demandeurs à la vulnérabilité particulièrement signalée. Les nouvelles demandes d'asile ont donc cessé d'être enregistrées. Par ailleurs, les entretiens ont été suspendus et n'ont été relancés qu'au mois de mai, conduisant à une augmentation du stock de dossiers et, mécaniquement, à une augmentation du délai moyen de traitement des demandes.

En outre, la crise sanitaire a provoqué un report des recrutements prévus par le PLF 2020. Seuls 150 des 200 nouveaux recrutements autorisés par le PLF 2020 ayant pu être réalisés.

Comme son directeur général, Julien Boucher, l'a confirmé aux rapporteurs lors de son audition, l'OFPRA doit, comme l'OFII, faire face à un fort taux de rotation de son personnel (19 % en 2019) : la plupart des contractuels recrutés ne restent pas travailler à l'OFPRA, et par ailleurs, le rattachement des officiers de protection au corps des attachés d'administration de l'État semble avoir provoqué de nombreux départs au titre de la mobilité.

Dans ces conditions, l 'objectif de réduction à 60 jours du délai moyen de traitement par l'OFPRA d'un dossier a été repoussé à 2023, avec un objectif intermédiaire de 112 jours en 2021.

2. Les délais de jugement de la CNDA ont également été allongés en 2020

La CNDA - qui relève budgétairement du programme 165 « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » - a également vu ses délais de jugement augmenter en 2020.

L e délai moyen de jugement avait été réduit difficilement de moitié en dix ans , passant de 13 mois en 2010 à 7 mois et 5 jours en 2019, malgré le doublement du nombre de recours enregistrés par la CNDA, au prix d'un renforcement considérable de ses moyens. En dépit de la grève des avocats et de la grève des transports à la fin de l'année 2019, ce délai avait été encore réduit à 5 mois et 18 jours en février 2020.

Le confinement devrait néanmoins faire augmenter à nouveau le délai moyen de jugement en 2020, la totalité des audiences ayant dû être annulée durant cette période.

Auditionnée par vos rapporteurs, la présidente de la Cour, table toutefois elle aussi sur une amélioration de la situation, les deux recrutements de juges vacataires organisés en 2020 ainsi que le recours à la vidéo-audience devant permettre de commencer à réduire à nouveau les délais de jugement dès de l'année 2021.

La vidéo-audience

L'article L. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la possibilité pour la CNDA de recourir à la visio-conférence pour la tenue des audiences . Depuis l'adoption de la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018, la juridiction n'est plus tenue de recueillir le consentement du demandeur d'asile pour organiser des vidéo-audiences en métropole.

Si ce dispositif est déjà largement utilisé par la CNDA en outre-mer depuis 2014 en lieu et place des audiences foraines, son extension a en revanche fait l'objet d'une forte opposition de la profession d'avocat . Malgré les quatre salles vidéo dont est équipée la CNDA sur le site de Montreuil, la vidéo-audience n'a pas pu être généralisée pour le moment, alors même que son utilisation aurait permis de ne pas annuler la totalité des audiences durant la période du confinement.

Une médiation organisée en 2020 entre la juridiction et la profession d'avocat a toutefois permis d'aboutir à la signature d'un accord qui permettra de démarrer une généralisation expérimentale de ce dispositif à compter de l'année 2021 . S'ils se félicitent que les modalités concrètes adaptées à la particularité de ce contentieux aient été définies (qualité vidéo, droit des parties, etc.), les rapporteurs regrettent que, contre la volonté du législateur, cet accord rétablisse en pratique l'obligation de consentement du demandeur au recours pour tout recours à une vidéo-audience.

Page mise à jour le

Partager cette page