II. L'EXERCICE DU DROIT D'ASILE : DES MOYENS INSUFFISANTS FACE AU VOLUME TOUJOURS CROISSANT DES DEMANDES ET MALGRÉ LES INCERTITUDE LIÉES À LA CRISE SANITAIRE
Budgétairement, la prise en charge des demandeurs d'asile pendant l'instruction de leur demande représente ainsi près des deux-tiers des crédits de la mission . Les crédits de l'action n° 2 s'élèvent à 1,18 milliard d'euros en AE et 1,28 milliard d'euros en CP dans le PLF pour 2021, ce qui représente une baisse de 13,8 % en AE - qui s'explique par l'arrivée en fin de cycle pluriannuel du financement des places d'hébergement d'urgence - et une hausse de 2,37 % en CP par rapport à l'année 2020.
Les moyens consacrés à l'exercice du droit d'asile reflètent une volonté de réduire les délais de traitement des demandes d'asile et d'améliorer les conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile , mais l'effort budgétaire demeure insuffisant pour faire face à une demande aussi soutenue.
A. UNE NOUVELLE HAUSSE DES DEMANDES D'ASILE EN 2019 QUI DEVRAIENT RESTER À UN NIVEAU ÉLEVÉ APRÈS LA CRISE SANITAIRE
La France est confrontée à une hausse continue du niveau de la demande d'asile depuis une dizaine années. Cette tendance s'est confirmée en 2019, avec une augmentation de + 7,4 % et un nombre record de 132 826 premières demandes enregistrées à l'OFPRA 2 ( * ) .
Cette hausse a résulté principalement, d'une part, des flux migratoires méditerranéens vers l'Europe et, d'autre part, des mouvements dits « secondaires » (c'est à dire de demandeurs ayant déjà transité par un pays tiers ayant pu les accueillir). Ainsi, environ un tiers des demandes d'asile déposées en préfectures en 2019 concernaient des demandes traitées en procédure « Dublin » (dont l'examen relève d'un autre État membre et ne passe normalement pas par l'OFPRA, le demandeur ayant vocation à y être transféré).
Sur l'année 2020, la France a connu une baisse du nombre de demandeurs d'asile de l'ordre de 30 % en raison de la crise sanitaire. Des diminutions du même ordre de grandeur ont été constatées dans les autres pays de l'Union européenne.
Cette baisse généralisée de la demande d'asile est liée, d'une part, à la limitation des déplacements provoquée par la fermeture des frontières et la réduction de l'offre de transports , et d'autre part, à l'interruption du traitement des demandes d'asile durant le confinement en raison de la fermeture de la quasi-totalité des guichets uniques en préfecture et de l'interruption des entretiens conduits par l'OFPRA.
Le PLF pour 2021 prévoit pour l'année prochaine une stabilisation du nombre de demandeurs d'asile autour du niveau constaté en 2019 . Cette hypothèse paraît crédible pour la plupart des acteurs, eu égard aux nombreuses incertitudes qui imposent une certaine prudence, ainsi qu'au nombre de nouvelles demandes d'asile enregistrées depuis le déconfinement. La demande a en effet retrouvé un rythme plutôt dynamique depuis le mois de mai, l'OFPRA enregistrant en moyenne de 8 000 à 9 000 demandes d'asile par mois , contre 11 000 demandes d'asile enregistrées par mois en 2019.
Si en 2019, la France demeurait un pays de destination privilégié pour les demandeurs originaires de pays en guerre (Afghanistan, Syrie), du Maghreb, de pays d'Afrique francophone (Côte d'Ivoire, Guinée, Mali...) et de pays d'origine sûre d'Europe de l'Est (Albanie, Géorgie), la répartition des demandeurs d'asile a quelque peu évolué en 2020. Les demandes en provenance d'Albanie et de Géorgie ont ainsi diminué assez fortement, tandis que les demandes en provenance de Turquie et du Bangladesh ont augmenté.
Comme en 2018, l'Afghanistan est demeuré le premier pays de provenance des demandeurs d'asile en 2019, avec un taux de protection d'environ 60 %, alors qu'il est moitié moins élevé en Allemagne. Les rapporteurs s'inquiètent de ces divergences persistantes de taux de protection entre pays pourtant comparables au sein de l'Union européenne , qui exposent encore plus les États les plus protecteurs à la pression des flux secondaires. À cet égard, ils notent avec intérêt la récente inflexion jurisprudentielle 3 ( * ) amorcée par la CNDA concernant les critères d'évaluation du niveau de violence en Afghanistan, qui tient pleinement compte des recommandations du Bureau européen d'appui en matière d'asile en la matière.
Le taux global de protection (demandes acceptées) devrait quant à lui rester plutôt stable en 2020. Pour mémoire, ce taux s'élevait en 2019 à 24 % auprès de l'OFPRA et à 38 % après recours devant la CNDA.
* 2 Sous la pression des instances européennes, les indicateurs statistiques de demande d'asile ont fait l'objet d'un changement de méthode de calcul en 2020. Le système d'information asile (SI-Asile) a succédé à la source OFPRA et une nouvelle méthodologie permet désormais de dénombrer, outre les demandes passant par l'OFPRA, les demandes en procédure « Dublin » et les demandes déposées en guichet unique (GUDA) qui échappaient à l'OFPRA. La nouvelle source SI-Asile ne permettant pas de remonter au-delà de 2018, les demandes d'asile mentionnées ici sont celles issues du système d'information de l'OFPRA comme lors des précédents avis budgétaires.
* 3 CNDA Grande formation, 19 novembre 2020, M. N. n° 19009476 R et M. M. n° 18054661 R.