III. LE TRANSPORT AÉRIEN FRANÇAIS SOUMIS À DES INJONCTIONS CONTRADICTOIRES, ENTRE REDRESSEMENT DE SA COMPÉTITIVITÉ ET AMÉLIORATION DE SON BILAN CARBONE
A. LE DÉFICIT DE COMPÉTITIVITÉ DU PAVILLON FRANÇAIS N'A PAS ÉTÉ RÉSORBÉ PAR LES ASSISES DU TRANSPORT AÉRIEN
Les difficultés du pavillon français découlent en grande partie d'un déficit de compétitivité , par rapport à ses grands concurrents européens et aux compagnies à bas coût. Ce constat, partagé par tous, avait été clairement établi lors des Assises du transport aérien de 2018 et a été retranscrit dans la Stratégie nationale du transport aérien pour 2025. La loi de finances pour 2019 a ainsi aménagé la taxe d'aéroport (TAP) pour une baisse de charge de 118 millions d'euros au profit des compagnies opérant en France.
Bien que cet allègement ait constitué une première étape dans le redressement de la compétitivité du transport aérien français, la rapporteure pour avis déplore qu'elle n'ait pas été suivie d'une réflexion plus globale tendant à s'attaquer aux difficultés structurelles du pavillon national.
Elle regrette en outre que la remise du rapport d'information portant sur les niveaux de fiscalité du secteur aérien en France en comparaison avec ses voisins européens, initialement prévue au 1 er octobre 2019 par l'article 1 er F du projet de loi d'orientation des mobilités, ait été repoussée à mars 2020 . Le manque d'informations objectives sur les « coûts de touchée » des compagnies affaiblit grandement la capacité du Parlement à débattre de manière éclairée sur le sujet crucial de la compétitivité du pavillon français . Il traduit de surcroît l'absence de vision à long terme du Gouvernement, dont la Stratégie nationale du transport aérien s'est manifestement bâtie sans diagnostic préalable de l'environnement fiscal dans lequel évoluent nos compagnies.
B. LA HAUSSE DE LA TAXE DE SOLIDARITÉ PRÉVUE PAR LE PLF 2020 AUGMENTERA LA CHARGE FISCALE PESANT SUR LES COMPAGNIES FRANÇAISES, FRAGILISANT LEUR ÉQUILIBRE ÉCONOMIQUE SANS POUR AUTANT AMÉLIORER LEUR BILAN CARBONE
1. Une hausse de la taxe de solidarité prévue par le PLF 2020
L'article 20 du projet de loi de finances pour 2020 prévoit une hausse de la taxe de solidarité de 180 millions au profit de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).
L'augmentation du financement de l'Afitf, bien que nécessaire au soutien d'une politique des transports plus favorable aux territoires, s'appuiera donc sur une hausse de la charge fiscale pesant sur les compagnies aériennes nationales , annulant entièrement les mesures de compétitivité inscrites dans le PLF 2019. Plusieurs mois après la clôture des Assises du transport aérien, le Gouvernement semble donc avoir renoncé à faire du redressement du pavillon français un axe prioritaire de sa politique.
2. Une contribution qui n'améliorera pas le bilan carbone de l'aérien, sans soutien à la R & D et à la structuration d'une filière de biocarburants
Présentée dans un premier temps comme une contribution à portée environnementale , la hausse de la taxe de solidarité prévue par le PLF 2020 constitue en réalité une variable d'ajustement budgétaire . En tout état de cause, au regard de l'intensité concurrentielle du marché, si une taxation à vocation environnementale devait être imposée au secteur, il conviendrait de la mettre en place à l'échelle européenne , afin de limiter les distorsions entre les différentes compagnies européennes.
L'ensemble des acteurs auditionnés par la rapporteure pour avis, professionnels de l'aérien ou associations environnementales, estime en outre qu'une augmentation de la charge fiscale n'aurait de sens que si elle contribuait à financer la transition énergétique et la recherche et développement du secteur , par exemple en orientant le produit de la contribution vers le soutien à une filière française de biocarburants 27 ( * ) . Les biocarburants de seconde génération , qui n'entrent pas en concurrence avec la production agricole à vocation alimentaire, sont aujourd'hui peu matures et nécessitent un soutien public massif. Ils pourraient pourtant constituer à moyen terme le principal levier de réduction des émissions de gaz à effet de serre du transport aérien. Pour accompagner le transport aérien français vers un développement conforme aux ambitions climatiques du pays, tout en maintenant la France à son rang de pionnière de l'aviation civile, il est urgent d'accélérer la structuration d'une filière nationale de biocarburants. C'est à cette condition que notre pays réussira à concilier le redressement de la compétitivité du pavillon français et la limitation de son impact climatique.
* 27 Voir proposition n° 27 du rapport précité de Mme Costes.