B. L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS DÉDIÉS AUX OPEX ET À L'EPM
1. La poursuite du resoclage budgétaire des surcoûts des OPEX : 250 millions d'euros supplémentaires
L'une des causes de l'augmentation des crédits du programme 178 réside dans la poursuite du resoclage budgétaire encore partiel des surcoûts des OPEX débuté en 2018 pour 125 millions d'euros , poursuivi en 2019 pour 195 millions d'euros , il atteindra 250 millions d'euros en 2020 portant à 850 millions d'euros les crédits de l'action du P178 dédiée aux OPEX sur les 1,1 milliard d'euros désormais consacrés aux OPEX au sein de la mission « Défense ».
L'imputation plus sincère des crédits dédiés aux OPEX sur le programme 178, largement souhaitable, pose plusieurs questions :
- le niveau de crédits prévu ne sera pas suffisant ce qui entraînera l'année prochaine encore des mises en réserve et un douloureux débat sur la fin d'exécution budgétaire ,
- le principe de ce resoclage ne peut être considéré comme équitable que s'il est effectué à due concurrence d'une augmentation du budget de la programme. Or, le budget du programme augmente mais le poids relatif des OPEX passera entre 2018 et 2020 de 4 à 8 % des crédits du programme 178. Les crédits dédiés aux OPEX augmenteront de 42 % contre 13,9 % pour l'ensemble du programme. Il conviendra donc d'être très attentif à la proportion que les crédits finançant les surcoûts des OPEX atteignent en exécution et à aux répercussions sur l'équilibre du programme,
- L'article 4 de la LPM, adopté à l'initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat prévoit que les surcoûts nets, hors crédits de masse salariale, non couverts, font l'objet, pour la période de programmation 2019-2025, d'un financement interministériel , la participation de la mission « Défense » à ce financement interministériel ne pouvant excéder la proportion qu'elle représente dans le budget général de l'État. Tel n'est pas le cas cette année, ce qui est extrêmement regrettable. De même, la LPM a été modifiée pour prévoir que les dépenses supplémentaires de MCO, liées à la surusure des équipements, dues à la suractivité et la surintensité de leur exploitation en OPEX, sont comptabilisées dans le surcoût des OPEX couvert par la solidarité interministérielle. La bonne exécution de ces dispositifs doit faire l'objet d'un suivi attentif.
- ceci n'épuise pas le sujet puisque le contenu des surcoûts liés aux OPEX reste objet de débat. À titre d'exemple, les moindres recettes du SSA, liées à la projection sur les théâtres des équipes médicales qui ne peuvent alors travailler au sein des hôpitaux d'instruction des armées (HIA) 4 ( * ) n'est pas totalement pris en compte dans les surcoûts liés aux OPEX. Le coût que représentent les OPEX pour les crédits du programme 178 est donc encore sous-évalué à ce jour.
Le tableau suivant présente les effectifs et crédits de chaque OPEX, ainsi qu'une synthèse des dépenses des forces françaises hors de métropole pour les années 2013 à 2016.
2. 4 milliards d'euros dédiés à l'entretien programmé du matériel (EPM)
La LPM pour la période 2014-2019 a pris acte de la nécessité de faire de l'activité opérationnelle un objectif prioritaire, d'une part, et de produire un effort financier important au service d'une préparation opérationnelle renouvelée, d'autre part. La LPM, avant actualisation, prévoyait ainsi que les crédits alloués à l'EPM devaient progresser en moyenne de 4,3 % par an en valeur pour s'établir à un niveau moyen de 3,4 milliards d'euros courants par an sur la période . L'actualisation en 2015 de la LPM 5 ( * ) a ouvert, pour la période 2016-2019, 500 millions d'euros supplémentaires destinés à l'EPM pour permettre la régénération de matériels. Aux termes de la période de programmation, les crédits consacrés à l'EPM devaient s'établir à un niveau moyen de 3,5 milliards d'euros courants par an sur la période 2014-2019 .
La LPM 2019-2025 consacre un effort supplémentaire à l'EPM. Un effort financier d'un milliard d'euros supplémentaire par an, sur la durée de la programmation, est annoncé. Les crédits consacrés à l'EPM devraient s'établir à 4,4 milliards d'euros par an à l'EPM, soit 22 milliards d'euros sur la période de programmation.
Les montants inscrits en LFI en 2019 et 2020 sont inférieurs à l'objectif défini en LPM : soit 4,2 Milliards en 2019 et 4 milliards en 2020.
Le PLF 2020 prévoit la contraction des moyens du programme 178 dédié à l'EPM, soit une diminution de 3,7 % en CP par rapport à 2019 . Cette évolution tient au retour à la normale après le pic de ressources exceptionnelles de 500 millions d'euros votées lors de l'actualisation de juillet 2015 de la LPM 2014-2019. Les AE bénéficient en revanche d'une nouvelle augmentation de 5,9 % (contre 69,9 % en 2019) .
a) La tendance haussière du coût de maintien en condition opérationnelle (MCO)
Il convient de rester particulièrement attentif à la progression des coûts unitaires du maintien en condition opérationnelle, mesurés par milieu par un indicateur du projet annuel de performance, qui augmentent dans tous les domaines : terrestre, naval et aéronautique.
Les coûts sont passés de 61 à 69 euros entre 2014 et 2019 pour le coût moyen de la fonction maintien en condition opérationnelle - MCO - terrestre par matériel et jour de préparation opérationnelle. La cible est fixée à 70 euros pour 2020 . Le coût moyen de la fonction MCO aéronautique à l'heure de vol est passé de 11 149 euros en 2014 à 11 828 euros en 2019. La cible pour 2020 est de 12 202 euros . En revanche, le coût transitoire de la fonction MCO navale par jour de disponibilité de la flotte, qui était passé de 57 000 à 64 000 euros entre 2014 et 2019, est fixé en diminution à 61 000 € pour 2020.
Les coûts de MCO se situeraient à hauteur de 35 % à 50 % du coût global de possession d'un matériel, et seraient en augmentation, comme le montre l'évolution de l'indicateur ci-dessus exposée. Plusieurs facteurs essentiels expliquent cette évolution :
- la maintenance de matériels très âgés est très coûteuse,
- la maintenance des nouveaux matériels s'avère plus importante que prévue. Chaque génération de matériel se caractérise par des progrès technologiques 6 ( * ) qui accroissent les coûts de maintenance. Les équipements modernes nécessitent ainsi une main-d'oeuvre et des infrastructures spécifiques plus coûteuses que celles des équipements précédents, plus rustiques. Le coût d'EPM à l'heure de vol du Rafale est estimé 3 fois supérieur à celui d'un avion de combat d'une génération antérieure, tel que le Super-étendard modernisé ou le Mirage 2000. Le même écart existe entre le coût d'entretien annuel d'un hélicoptère ancien et un hélicoptère moderne. L'efficacité des équipements modernes a un prix : l'augmentation structurelle du coût du MCO .
b) Les réformes des structures de maintenance
Face à la fois aux coûts et aux faibles niveaux de DTO, les structures de maintenance se réorganisent. Ainsi, le modèle de MCO de l'armée de terre est en pleine évolution, se réorientant vers l'EPM et le délestage d'activités du MCO terrestre vers le privé.
De même, la mise en place d'une nouvelle Direction de la maintenance aéronautique (DMAé) tente de remédier aux mauvais taux de disponibilité des hélicoptères et d'autres aéronefs.
En 15 ans la disponibilité des aéronefs a baissé de 10 points et est globalement inférieure à 50 %, tandis que les coûts de maintenance ont augmenté de près de 40 %. La disponibilité technique de l'A400M était de 31 % du parc au 31 août 2019, celle du Caïman Marine de 29 %, celle du Rafale Marine de 41 % .
Le niveau élevé des autorisations de programme dédiées à l'EPM vise à permettre l'externalisation des marchés d'entretien des équipements aéronautiques sous la houlette de la nouvelle Direction de la maintenance aéronautique (DMaé). Ces autorisations de programme pluriannuelles sont l'instrument fondant les contrats de performance passés avec les industriels sur la base de contrats verticalisés . Ceci signifie que pour un équipement, tous les multiples contrats d'entretien sont regroupés en un seul, confié à un seul industriel en charge de l'entretien, de la gestion des stocks de rechange et de la disponibilité de l'équipement concerné.
Ce changement d'orientation de l'organisation de la maintenance est un changement de paradigme qui appelle quelques remarques :
- il vise à transférer les charges de responsabilités de la performance, les charges de gestions de stocks et les délais de maintenance aux industriels. Il est donc possible que les prix des contrats verticalisés puissent parfois être un peu supérieurs à la somme des contrats d'entretien auxquels ils se substituent. Toutefois, il conviendra de veiller au fur et à mesure de leur mise en place et de leur renouvellement à la performance et à l'encadrement de l'évolution des coûts,
- il conviendra dans la mesure du possible d'évaluer et de comparer les réformes menées par la Structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres-SIMMT et par la DMAé dans les domaines suivants : gestion des contrats verticalisés qui réduisent les possibilités de mise en concurrence ultérieure, maintien des relations contractuelles existantes et satisfaisantes, maintien des compétences en régie de l'État, etc.
Enfin, la hausse des crédits de l'EPM, malgré l'effort consenti depuis l'actualisation de la LPM précédente, ne se traduit pas par une augmentation de la disponibilité technique opérationnelle et son amélioration tardera probablement à venir.
* 4 À titre d'exemple, pour l'année 2016, cette diminution de recettes a été évaluée à 2,3 millions d'euros.
* 5 La loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense a augmenté de 3,8 milliards d'euros les crédits de la défense prévus entre 2016 et 2019. Les moyens supplémentaires ainsi ouverts sont destinés à financer entre 2016 et 2019 pour un montant d'un milliard d'euros, un double effort en matière d'équipement des forces, équitablement réparti entre les crédits destinés à l'EPM et ceux destinés aux opérations d'armement. Ils bénéficieront l'un et l'autre d'un abondement de 500 millions d'euros sur la période.
* 6 La part croissante de l'électronique, de l'informatique, ou encore de matériaux composites, explique l'envol du coût de possession de ces équipements.