N° 142 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019 |
AVIS PRÉSENTÉ au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 , |
TOME IV AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT : Aide économique et financière au développement (Programme 110) et Solidarité à l'égard des pays en développement (Programme 209) |
Par M. Jean-Pierre VIAL et Mme Marie-Françoise PEROL-DUMONT, Sénateurs |
(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon, président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Olivier Cigolotti, Robert del Picchia, Jean?Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean?Marc Todeschini, vice?présidents ; Mme Joëlle Garriaud?Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie?Françoise Perol?Dumont, M. Olivier Cadic, secrétaires ; MM. Jean?Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway?Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert?Luc Devinaz, Jean?Paul Émorine, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy?Chavent, MM. Jean?Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean?Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond?Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean?Pierre Vial, Richard Yung. |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348 Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020) |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE
VOS RAPPORTEURS POUR
AVIS
La Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ». Elle formule les observations suivantes : 1. - Les crédits de la mission « Aide publique au développement » (programmes 209 et 110) progressent depuis plusieurs années et devraient atteindre 3,27 milliards d'euros en 2020 contre 3,06 milliards d'euros en LFI 2019, soit une progression d'environ 6,5%. Parallèlement, les engagements de l'AFD continuent à croître, celle-ci devant générer en 2020 près de 2 milliards d'aide publique au développement (APD) à elle-seule, notamment grâce à ses prêts concessionnels. Au total, l'APD déclarée par la France passera de 10,6 milliards d'euros en 2019 à près de 12 milliards en 2020, soit une progression de 0,43 à 0,46% du RNB. Cette progression sera due à une hausse de 150 millions de la mission APD, mais également à une augmentation de 100 millions d'euros des dépenses de la prise en charge des réfugiés et surtout à un accroissement de 600 millions d'euros de l'APD générée par les prêts de l'AFD, alors que cette hausse n'a été que de 240 millions d'euros entre 2018 et 2019. 2. - Pour atteindre les 0,55% du RNB souhaités par le Président de la République d'ici 2022, des augmentations encore nettement plus fortes des crédits budgétaires seront nécessaires au cours des dernières années du quinquennat. En tout état de cause, la commission souhaite disposer d'une programmation budgétaire solide et détaillée pour les années à venir . Il est nécessaire qu'une telle programmation figure au sein de la future loi d'orientation et de programmation relative à l'aide publique au développement, dont la présentation a été reportée tout au long de l'année 2019. En outre, cette montée en puissance de l'APD française devra respecter les orientations définies par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) et par les deux assemblées : priorité à l'Afrique subsaharienne et en particulier au Sahel, renforcement des dons et de la composante bilatérale de l'APD française. 3 . - Avec près de 3,27 milliards d'euros pour la mission APD en 2020 dont 2,1 milliards sur les 5 milliards gérés par le ministère des affaires étrangères tous programmes confondus, il est nécessaire que la stratégie et le pilotage de l'aide publique au développement, actuellement brouillés par la répartition de la responsabilité des crédits entre deux ministères et un opérateur principal, l'AFD, soient clarifiés. Au-delà de la création d'un ministère de plein exercice, la commission souhaite une amélioration du pilotage par le renforcement des structures existantes : CICID, le Conseil national pour le développement et la solidarité internationale (CNDSI) et le Conseil d'orientation stratégique de l'AFD. Il convient également de renforcer la tutelle des ministères chargés des affaires étrangères et des finances sur l'opérateur. 4 . - Si la priorité « Afrique » de l'aide française s'est notamment traduite par un accroissement des crédits en dons dont dispose l'AFD depuis 2018, il est impératif de maintenir cet effort au cours des prochaines années. Or les autorisations d'engagements de l'AFD sont en diminution dans le PLF 2020 par rapport au PLF 2019. Au sein de l'Afrique subsaharienne, plusieurs pays du Sahel sont en situation difficile et les effets de l'aide tardent à se manifester malgré les efforts des bailleurs. Ceux-ci, et notamment pour la France l'AFD à travers le fonds Minka, le Centre de crise et de soutien du quai d'Orsay et les autres acteurs de l' « approche globale », ont tenté d'améliorer la rapidité et l'efficacité de leurs interventions. Toutefois, bien qu'en augmentation (avec une augmentation substantielle du Fonds d'urgence humanitaire), les moyens dont dispose le Centre de crise sont encore insuffisants comparés à ceux des pays européens comparables. 5. - Concernant Expertise France , en 2019, hors « initiative 5% », la commande publique devrait représenter 11% du chiffre d'affaires de l'opérateur, soit 25,9 M€. La part du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'élève à 82% de cette commande publique et celle de la Direction générale du Trésor à 15%, le reste venant pour l'essentiel du Ministère des solidarités et de la santé. Ces chiffres devraient peu évoluer en 2020. Le financement ministériel de l'agence est donc encore assez peu diversifié, ce qui reflète en creux la persistance de l'éclatement des opérateurs d'expertise internationale . Or il est important que l'agence bénéficie d'une commande publique stable et diversifiée afin de renforcer son modèle économique. Si l'adossement à l'Agence française de développement a été présenté comme une « solution miracle » pour la viabilité économique d'Expertise France, et si les financements en provenance de l'AFD ont effectivement progressé au cours des deux dernières années, il ne peut s'agir que d'une partie de la réponse. Il faut notamment éviter que ne s'installe une relation exclusive avec l'AFD, qui priverait progressivement Expertise France de son accès à l'expertise des ministères. 6. - En ce qui concerne les nécessaires progrès de l'évaluation , qui ne reçoit pour le moment qu'un montant de crédits budgétaires relativement limité, la commission a estimé que le dispositif d'évaluation britannique, dont l' « Independant committee on aid impact » (ICAI) est la pièce maîtresse, constitue une référence valable pour créer le nouveau dispositif d'évaluation qui doit être inscrit au sein de la future loi d'orientation relative à la politique de solidarité internationale. Ce nouveau dispositif devra comporte les mêmes garanties d'efficacité que le dispositif britannique : une indépendance des membres de la commission d'évaluation vis-à-vis des ministères et de l'opérateur et un budget de fonctionnement suffisant pour celle-ci ; une obligation pour la commission d'évaluation de rendre compte devant l'Assemblée nationale et le Sénat en présence d'un représentant du ou des ministères de tutelles ; la possibilité pour les commissions du Parlement de valider le programme d'évaluation de l'instance ou d'avoir un droit de tirage sur celui-ci. À l'issue de sa réunion du mercredi 6 novembre 2019, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement ». |
I. LES GRANDES ORIENTATIONS DU PLF 2020
Malgré les augmentations de crédits relativement importantes prévues pour la mission APD, il sera difficile d'atteindre les 0,55% du RNB prévus pour 2022.
A. UN OBJECTIF DE 0,55% DU RNB CONSACRÉ À L'AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT QUI SANS DOUTE DIFFICILE À ATTEINDRE
Les crédits de la mission « Aide publique au développement française » progressent depuis plusieurs années et devraient atteindre 3,27 milliards d'euros en 2020 contre 3,06 milliards d'euros en LFI 2019, soit une progression d'environ 6,5%.
Parallèlement, les moyens de l'agence française de développement (AFD) continuent à croître :
Toutefois, pour atteindre les 0,55% du RNB souhaités par le Président de la République, il est prévu une augmentation de 634 millions d'euros en 2021 et de près de 900 millions d'euros en 2022. Les dernières marches vers l'objectif des 0,55% sont donc d'une hauteur considérable.
L'Aide publique au développement française totale (comprenant les dépenses éligibles dans d'autres missions budgétaires, les dépenses du fonds de solidarité pour le développement (FSD) ainsi que les prêts de l'AFD a atteint fin 2012 12 milliards d'euros, en augmentation progressive depuis 2015 mais encore loin derrière celles de l'Allemagne et du Royaume-Uni :
Évolution de l'APD des 10 principaux contributeurs de l'APD sur les 5 dernières années en volume
De même, le taux APD/RNB de la France stagne à 0,43 :
Évolution de l'APD des 10 principaux contributeurs
du CAD sur les
5 dernières années en part du revenu
national brut