D. BILAN DES
SUBVENTIONS ATTRIBUÉES AU TITRE DE LA DETR
ET DE LA DSIL
EN 2017 ET 2018
1. La répartition de la DETR : premiers enseignements
Afin d'y voir plus clair sur les choix opérés par les préfectures de département en ce qui concerne la répartition de la DETR, et sur les moyens de renforcer les moyens de contrôle des commissions d'élus, votre rapporteur, dans le cadre du questionnaire budgétaire qu'il a adressé au Gouvernement le 10 juillet 2018, conformément à l'article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances , a demandé que lui soit adressée la liste des communes, EPCI et syndicats mixtes bénéficiaires en 2017, ainsi que les montants perçus. Il a également demandé que soit fait le point sur la répartition de la DETR au titre de l'année 2018.
Il lui a été répondu que ces informations n'étaient « pas demandées lors de la constitution des bilans annuels », autrement dit que l'administration centrale n'en disposait pas, ce qui ne laisse pas d'étonner.
Ne se satisfaisant pas de cette réponse, votre rapporteur a écrit le 22 octobre 2018 à tous les préfets de département, afin de leur demander communication de ces mêmes documents , pour 2017 et 2018, en application des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. La liste des subventions attribuées, telle qu'elle est transmise aux membres des commissions DETR, constitue en effet un document administratif communicable à toute personne qui en fait la demande.
On mesure ici combien les droits d'information du Parlement mériteraient d'être renforcés à l'occasion des débats institutionnels à venir.
Les réponses des préfets continuent à parvenir à votre rapporteur, à l'heure où ces lignes sont publiées. Qu'ils en soient ici remerciés, tout particulièrement lorsqu'ils ont pris la peine de lui adresser ces renseignements en temps utile pour l'examen du projet de loi de finances et sous un format aisément exploitable. On ne peut qu'espérer qu'il ne sera pas nécessaire de saisir la Commission d'accès aux documents administratifs pour obtenir les documents manquants...
Pour l'heure, votre rapporteur ne dispose donc que de données lacunaires. Il a d'ailleurs manqué de temps pour en faire un examen aussi approfondi que nécessaire. Néanmoins, quelques enseignements peuvent déjà en être tirés.
Deux échantillons ont pu être constitués. Sur le premier (échantillon A), qui comprend 49 départements, votre rapporteur dispose de la liste des opérations subventionnées et du montant de chaque subvention. Sur le second (échantillon B), qui comprend 39 départements, le coût total des opérations subventionnées a également été communiqué, ce qui permet une analyse plus fine (notamment sur les variations du taux de subvention et la part prise par les projets de plus ou moins grande ampleur). En revanche, sauf quelques très rares exceptions, aucune information n'a été fournie par les préfectures sur les opérations pour lesquelles une subvention a été refusée. Par ailleurs, le Gouvernement a fourni quelques statistiques globales sur la répartition de la DETR au niveau national.
En 2017, sur l'ensemble du territoire national et sur les 49 départements de l'échantillon A, les statistiques suivantes peuvent être établies :
Répartition de la dotation d'équipement
des territoires ruraux en 2017
(chiffres arrondis à
l'unité)
France entière |
Échantillon A (49 départements) |
|||||
Ensemble des départements de l'échantillon |
Minimum départemental |
Maximum départemental |
Moyenne des départements étudiés |
Écart-type |
||
Nombre de demandes de subvention |
30 605 |
Inconnu |
Inconnu |
Inconnu |
Inconnu |
Inconnu |
Nombre de subventions attribuées |
21 070 |
10 562 |
15 |
779 |
216 |
150 |
Montant total des subventions attribuées |
965 488 430 € |
465 393 944 € |
1 984 958 € |
15 976 705 € |
9 497 835 € |
3 474 984 € |
Moyenne des subventions |
45 823 € |
44 063 € |
17 565 € |
176 292 € |
57 600 € |
32 214 € |
Subvention minimale |
Inconnu |
136 € |
136 € |
43 100 € |
2 684 € |
6 835 € |
Subvention maximale |
Inconnu |
1 980 334 € |
100 000 € |
1 980 334 € |
483 432 € |
279 452 € |
Source : commission des lois du Sénat
Le tableau suivant retrace le nombre et la proportion de subventions par tranches de montant, sur le même échantillon.
Subventions au titre de la DETR par tranches de
montant
(échantillon A, 49 départements)
Nombre |
Proportion |
|
Subventions supérieures à 200 000 euros |
497 |
5 % |
Subventions comprises entre 150 000 et 199 999 euros |
286 |
3 % |
Subventions comprises entre 100 000 et 149 999 euros |
625 |
6 % |
Subventions comprises entre 50 000 et 99 999 euros |
1 166 |
11 % |
Subventions comprises entre 30 000 et 49 999 euros |
1 028 |
10 % |
Subventions comprises entre 10 000 et 29 999 euros |
2 692 |
25 % |
Subventions comprises entre 5 000 et 9 999 euros |
1 673 |
16 % |
Subventions comprises entre 3 000 et 4 999 euros |
1 064 |
10 % |
Subventions comprises entre 1 000 et 2 999 euros |
1 179 |
11 % |
Subventions inférieures à 1 000 euros |
849 |
8 % |
Source : commission des lois du Sénat
Ces chiffres ne doivent pas masquer une très grande disparité de pratiques d'un département à l'autre , où le nombre de subventions attribuées oscille, comme on l'a vu, entre 15 et 779 et la moyenne des subventions entre 17 565 euros et 176 292 euros. Certains préfets font le choix de subventionner un très grand nombre de projets, tandis que d'autres concentrent les crédits de la DETR sur des opérations plus importantes. Cette dispersion statistique, qui ressort des écarts-types considérables mentionnés précédemment, s'observe également si l'on classe les départements en fonction du nombre de subventions qui y sont attribuées et de leur montant moyen.
Source : commission des lois du Sénat
Source : commission des lois du Sénat
Comme il est normal, le nombre de projets subventionnés est relativement faible là où l'enveloppe de la DETR et le nombre de communes, EPCI et syndicats mixtes éligibles sont limités : on recense 31 subventions attribuées en Guadeloupe (4,552 millions d'euros de DETR), 66 dans l'Essonne (3,730 millions). À l'inverse, il est le plus élevé dans des départements ruraux (comptant un grand nombre de communes de moins de 2 000 habitants, éligibles sans autre condition) et relativement pauvres (puisque le nombre de bénéficiaires potentiels et l'enveloppe départementale dépendent en partie du potentiel financier des communes et EPCI à fiscalité propre). C'est ainsi que les 13,857 millions d'euros dévolus au département de l'Aisne ont donné lieu à 779 subventions.
Mais ces simples données n'expliquent pas tout, comme en témoigne la très forte variation des subventions moyennes par département. Comparons les deux départements voisins de l'Aisne et de la Somme, proches par leurs caractéristiques démographiques, administratives, économiques et sociales. On constate que les choix de répartition de la DETR y ont été très différents.
Répartition de la DETR en 2017 dans l'Aisne et dans la Somme
Aisne |
Somme |
|||
Population, en nombre d'habitants |
538 659 |
571 879 |
||
Nombre de communes |
804 |
779 |
||
Revenu médian par unité de consommation |
18 604 € |
19 205 € |
||
Enveloppe départementale de DETR en 2017 |
14 890 620 € |
15 336 083 € |
||
Montant de DETR effectivement distribuée |
13 856 545 € |
14 395 868 € |
||
Nombre de subventions attribuées |
779 |
275 |
||
Moyenne des subventions attribuées |
17 787,61 € |
52 348,61 € |
||
Nombre |
Proportion |
Nombre |
Proportion |
|
Subventions supérieures à 200 000 euros |
13 |
2 % |
21 |
8 % |
Subventions comprises entre 150 000 et 199 999 euros |
4 |
1 % |
21 |
8 % |
Subventions comprises entre 100 000 et 149 999 euros |
13 |
2 % |
15 |
5 % |
Subventions comprises entre 50 000 et 99 999 euros |
22 |
3 % |
20 |
7 % |
Subventions comprises entre 30 000 et 49 999 euros |
32 |
4 % |
14 |
5 % |
Subventions comprises entre 10 000 et 29 999 euros |
135 |
17 % |
56 |
20 % |
Subventions comprises entre 5 000 et 9 999 euros |
159 |
20 % |
42 |
15 % |
Subventions comprises entre 3 000 et 4 999 euros |
119 |
15 % |
33 |
12 % |
Subventions comprises entre 1 000 et 2 999 euros |
228 |
29 % |
29 |
11 % |
Subventions inférieures à 1 000 euros |
54 |
7 % |
24 |
9 % |
Source : commission des lois du Sénat
Le préfet de la Somme a choisi de subventionner prioritairement des travaux coûteux, destinés notamment à rénover des réseaux d'assainissement ou à construire des bâtiments scolaires, quand le préfet de l'Aisne, tout en apportant le soutien de l'État à quelques gros projets d'aménagement ou de construction, a également choisi de subventionner de menus travaux de rénovation (le remplacement d'une fenêtre dans une école, l'ajout d'un portail au cimetière communal...) ou l'achat de petits équipements (un tracteur-tondeuse, une photocopieuse, une alarme anti-incendie...).
On constate donc que le cadre légal est suffisamment souple pour permettre aux préfets de s'adapter aux besoins locaux , suivant les priorités fixées par la commission d'élus.
Toutefois, on remarque aussi que le montant moyen de subvention au titre de la DETR est relativement élevé : il s'est établi à 45 823 euros au niveau national en 2017. Il en va de même du coût total moyen des opérations subventionnées , de 149 928 euros. Les opérations les plus coûteuses, bénéficiant de fortes subventions, absorbent une part conséquente de l'enveloppe de la DETR , même si les pratiques, là encore, varient d'un département à l'autre.
Le coût des opérations
subventionnées
(échantillon B, 39
départements - coût moyen des opérations
subventionnées : 127 550 euros)
Nombre |
Montant des subventions attribuées |
|||
En valeur absolue |
En proportion du nombre d'opérations subventionnées |
En valeur absolue |
En proportion du montant total des subventions |
|
Opérations subventionnées dont le coût est supérieur ou égal : |
||||
- à 1 million d'euros |
190 |
2 % |
63 191 035 € |
17 % |
- à 500 000 euros |
659 |
8 % |
151 826 508 € |
42 % |
- à 200 000 euros |
1 767 |
20 % |
254 921 918 € |
70 % |
- à 100 000 euros |
2 775 |
32 % |
297 864 967 € |
82 % |
- à 50 000 euros |
4 084 |
47 % |
326 712 091 € |
90 % |
Opérations dont le coût est inférieur à 50 000 euros. |
4 542 |
52 % |
37 238 211 € |
10 % |
Source : commission des lois du Sénat
Le coût des opérations
subventionnées : variations
interdépartementales
(échantillon B, 39
départements)
Minimum départemental |
Maximum départemental |
|||
Coût moyen des opérations subventionnées |
713 732,53 € |
54 980,51 € |
||
Opérations subventionnées dont le coût est supérieur ou égal : |
En proportion du nombre d'opérations |
En proportion du montant des subventions attribuées |
En proportion du nombre d'opérations |
En proportion du montant des subventions attribuées |
- à 1 million d'euros |
0 % |
0 % |
15 % |
44 % |
- à 500 000 euros |
0 % |
0 % |
36 % |
69 % |
- à 200 000 euros |
3 % |
24 % |
65 % |
92 % |
- à 100 000 euros |
4 % |
26 % |
80 % |
97 % |
- à 50 000 euros |
7 % |
31 % |
93 % |
99 % |
Source : commission des lois du Sénat
À titre de comparaison, on notera que le montant moyen des subventions attribuées à la demande des sénateurs au titre de la défunte « réserve parlementaire » était de 6 788 euros 30 ( * ) , et le coût total moyen des projets subventionnés de 102 850 euros. Il est à craindre que, depuis sa suppression, les communes rurales rencontrent plus de difficultés pour faire financer de petits projets. Votre rapporteur propose un amendement à l'article 81 pour y remédier, sans rétablir la réserve parlementaire.
Un autre enseignement que l'on peut tirer de ces statistiques, c'est que les commissions d'élus ne sont appelées à se prononcer que sur un nombre infime de dossiers . Jusqu'en 2017, rappelons-le, le seuil au-delà duquel les projets de subvention étaient soumis à leur avis était de 150 000 euros. Lorsque ce seuil a été abaissé à 100 000 euros par la dernière loi de finances, on a entendu dire que cette modification risquait d'engorger les commissions. On en est loin.
Opérations subventionnées soumises à l'avis de la commission d'élus
Moyenne des départements étudiés |
Minimum départemental |
Maximum départemental |
||
Nombre |
Proportion |
|||
Nombre de subventions supérieures à 50 000
euros
|
436 |
6 % |
1 |
42 |
Nombre de subventions supérieures à 100 000 euros |
771 |
11 % |
3 |
57 |
Source : commission des lois du Sénat
Les données relatives à l'année 2018 qui ont été communiquées à votre rapporteur ne font pas apparaître de variation significative.
2. La DSIL, une dotation hétérogène
Le Gouvernement a été en mesure de communiquer à votre commission la liste des opérations subventionnées au titre de la DSIL en 2017, ou plus exactement au titre de ce qui était alors la deuxième part de la DSIL, relevant du programme 119 et pour laquelle 420 millions d'euros avaient été budgétés. En revanche, votre rapporteur ne dispose pas du coût des opérations subventionnées. Selon les déclarations de M. Gérard Collomb, alors ministre d'État, ministre de l'intérieur, leur coût moyen s'élève à 520 000 euros, ce qui lui faisait conclure que la DSIL « est concentrée sur les territoires urbains alors que la DETR l'est sur des territoires ruraux avec de plus petits projets 31 ( * ) ». La réalité semble pourtant plus contrastée.
Selon les chiffres disponibles, la répartition de la deuxième part de la DSIL s'est établie comme suit en 2017.
La répartition de la DSIL en 2017
Montant total réparti |
419 044 696,42 € |
|||
Nombre de subventions attribuées |
3675 |
|||
Moyenne des subventions attribuées |
114 025,77 € |
|||
Subvention la plus basse |
131,12 € |
|||
Subvention la plus élevée |
12 477 750,00 € |
|||
Nombre |
Montant total |
|||
En valeur absolue |
En proportion |
En valeur absolue |
En proportion |
|
Subventions supérieures ou égales à 2 millions d'euros |
8 |
0,2% |
35 269 993 € |
8,4% |
Subventions comprises entre 1 million et 2 millions d'euros (seuil supérieur non inclus) |
33 |
0,9% |
42 227 661 € |
10,1% |
Subventions comprises entre 500 000 et 1 millions d'euros (seuil supérieur non inclus) |
96 |
2,6% |
59 674 240 € |
14,2% |
Subventions comprises entre 200 000 et 499 999 euros |
427 |
11,6% |
125 684 472 € |
30,0% |
Subventions comprises entre 150 000 et 199 999 euros |
194 |
5,3% |
33 082 898 € |
7,9% |
Subventions comprises entre à 100 000 et 149 999 euros |
361 |
9,8% |
42 990 605 € |
10,3% |
Subventions comprises entre 50 000 et 99 999 euros |
645 |
17,8% |
45 270 879 € |
10,8% |
Subventions comprises entre 30 000 et 49 999 euros |
434 |
11,8% |
8 704 623 € |
2,1% |
Subventions comprises entre 10 000 et 29 999 euros |
776 |
21,1% |
8 110 976 € |
1,9% |
Subventions inférieures à 10 000 euros. |
701 |
19,1 % |
3 429 115 € |
0,8 % |
Source : commission des lois du Sénat (données : Gouvernement)
On constate donc que la DSIL finance un grand nombre de très petits projets, qui ne se distinguent guère de ceux auxquels la DETR est destinée . On peut douter que le préfet de région soit le mieux placé pour attribuer des subventions de quelques milliers ou dizaines de milliers d'euros...
Par ailleurs, alors que l'un des arguments pour justifier que la DSIL soit répartie en enveloppes régionales était que le préfet serait en mesure d'assurer une forme de redistribution entre les territoires plus ou moins riches, il apparaît que ces enveloppes sont ventilées entre les départements au prorata de leur population, ou peu s'en faut .
Répartition de la DSIL dans les Pays-de-la-Loire en 2017
Loire-Atlantique |
Maine-et-Loire |
Mayenne |
Sarthe |
Vendée |
|
Population |
|||||
en nombre d'habitants |
1 365 227 |
810 186 |
307 940 |
568 445 |
666 714 |
en proportion de la population régionale |
18% |
11% |
4% |
8% |
9% |
Montant total des subventions perçues par les communes et EPCI du département |
|||||
en valeur absolue |
8 748 144 € |
5 750 828 € |
1 961 645 € |
3 496 135 € |
4 222 140 € |
en proportion du total régional |
18% |
12% |
4% |
7% |
9% |
Source : commission des lois du Sénat (données : Gouvernement)
En Auvergne-Rhône-Alpes, des écarts un peu plus grands s'observent entre la proportion de la population départementale et celle des subventions perçues, au profit du Cantal (6 % des subventions pour 2 % de la population), de l'Ardèche (9 % pour 4 %), de la Drôme (9 % pour 6 %) et au détriment de territoires plus prospères comme la métropole de Lyon (12 % des subventions pour 23 % de la population) et la Haute-Savoie (8,5 % pour 10 %). Mais dans ce paysage, la situation de la Loire (8 % des subventions pour 10 % de la population) et de la Savoie (7 % pour 5 %) fait figure de bizarrerie.
* 30 Le taux de subvention (6,6 %) était certes plus bas que pour la DETR (31 %).
* 31 Compte rendu de la réunion du jeudi 7 juin 2018 de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Ce document est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/15/cr-cfiab/17-18/c1718113.asp .