III. TROIS ENJEUX A SURVEILLER EN 2019

A. GARANTIR L'ATTRACTIVITE : UN DÉFI MAJEUR POUR NOS ARMÉES

Le principal enjeu RH du ministère des armées est celui du maintien de l'attractivité des métiers et carrières de la défense. Celle-ci conditionne en effet sa capacité à recruter à la hauteur de ses besoins, en quantité (25 300 recrutements à réaliser en 2019, dont 21 600 militaires et au moins 3 700 civils) mais aussi en qualité, ce qui renvoie à la problématique des compétences rares ou critiques, ainsi que sa capacité à conserver ses ressources, c'est-à-dire à les fidéliser. Il s'agit d'un enjeu d'autant plus vital que les armées doivent remplacer chaque année une proportion très importante de leurs personnels (10 % des effectifs dans la Marine).

Et c'est aussi une question non neutre au plan budgétaire , comme l'a montré la fin de gestion 2018, les départs prématurés et la difficulté à recruter durant l'année ayant contribué à la sous-consommation des crédits de titre 2.

La sous-consommation des crédits de personnel : une fragilité pour le ministère des armées

La sous-exécution des crédits de titre 2 de la mission Défense tend à devenir un phénomène récurrent. Sur l'année 2018, elle représenterait 155 millions d'euros .

Lors de son audition, le SGA Jean-Paul Bodin a avancé plusieurs facteurs d'explication qui se combinent, sur fond de difficultés de fidélisation : départs plus importants que prévu de sous-officiers en début d'année dans la Marine et l'Armée de l'Air, non immédiatement compensés par des recrutements (lesquels interviennent plutôt en en deuxième partie d'année), moindre consommation des enveloppes destinées à l'indemnisation du chômage des militaires et à l'attribution d'aides aux départs, produits de cession du Service de Santé des Armées supérieurs aux prévisions, modification des conditions d'attribution de certaines indemnités comme l'indemnité de résidence à l'étranger...

Cette sous-consommation des crédits de personnel pose problème dans la mesure où elle fragilise la position du ministère dans les arbitrages liés à la fin de gestion budgétaire. Elle a sans doute contribué à la décision gouvernementale de mettre à la charge intégrale du ministère des armées le financement du dépassement du surcoût des OPEX et MISSINT en 2018, en contradiction avec la solidarité interministérielle prévue par la loi de programmation militaire.

En ce qui concerne la situation de chaque armée au regard de la problématique de la fidélisation, il faut souligner que les mesures mises en oeuvre par l'armée de terre depuis 2015 paraissent porter leurs fruits , comme en témoigne la forte progression du taux de renouvellement du premier contrat, notamment chez les militaires du rang (de 32,2% en 2012 à 75% en 2017). En revanche, la Marine nationale et l'Armée de l'air rencontrent de réelles difficultés pour recruter et fidéliser des personnels dont les compétences sont stratégiques pour l'accomplissement de leurs missions (atomiciens, mécaniciens aéronautiques, spécialistes des systèmes d'information, contrôleurs aériens...).

La réponse à un tel défi passe par la combinaison d'actions variées .

S'agissant du recrutement, le contrôleur général des armées Jean-Paul Bodin, Secrétaire général pour l'administration du ministère des armées, a évoqué, lors de son audition en commission, des initiatives dans différentes directions : fréquentation des salons professionnels pour diffuser les offres d'emploi, rapprochement avec les établissements professionnels, définition de grilles de rémunération adaptées, en concertation avec le Contrôle budgétaire et comptable du ministère voire avec la direction du budget... La LPM apporte des outils, à travers l'expérimentation de recrutements sans concours et l'assouplissement du recours à des personnels contractuels pour pourvoir certains postes présentant des vacances d'emploi dans des spécialités bien identifiées (génie civil, systèmes d'information..). Cette disposition devrait notamment permettre de répondre aux difficultés de recrutement par concours du service des infrastructures de la défense, où 130 postes de techniciens ne sont pas pourvus.

Néanmoins, recruter ne suffit pas, il faut aussi garder les personnels susceptibles d'être tentés par de meilleures conditions de travail à l'extérieur. La fidélisation passe par le recours à plusieurs leviers.

La réévaluation des rémunérations dans les emplois exposés à la concurrence du secteur privé en est un. C'est dans cette optique que la nouvelle LPM prévoit une revalorisation en faveur du corps des ingénieurs de l'armement, des ingénieurs des études et fabrication et des praticiens des armées. S'agissant par exemple des médecins, de nouvelles primes ont été mises en place et les gardes ont commencé à être rémunérées. Le présent PLF prévoit, quant à lui, le financement d'une nouvelle prime dite « de lien au service », qui se substituera à cinq primes existantes (notamment la prime réversible des compétences à fidéliser qui pouvait être attribuée en contrepartie d'un engagement à rester pour une durée déterminée, mais dont l'utilisation s'avérait insuffisamment souple). Chaque employeur devrait gérer la nouvelle prime selon ses priorités en définissant lui-même sa politique d'attribution. Cet exemple de subsidiarité dans le domaine des RH est destiné à introduire de la souplesse et à mieux répondre aux besoins.

Contribue aussi à l'attractivité des armées et la fidélisation de leurs personnels une gestion dynamique, cohérente et individualisée des carrières et parcours , ménageant des périodes de formation et permettant une valorisation des acquis. Dans certains métiers, il peut être nécessaire de d iversifier l'activité ressentie comme trop monotone ou de réduire l'usure générée par la suractivité, en renforçant les effectifs. Le doublement des équipages sur certains bâtiments de la Marine Nationale (FREMM, patrouilleurs...) participe de cette démarche. Enfin, il faut fluidifier et organiser autant que possible les passerelles entre les armées et les entreprises et substituer à la logique de concurrence avec le secteur privé des accords ou partenariats comme celui passé entre EDF et la Marine nationale concernant le recrutement d'atomiciens.

Mais la fidélisation implique aussi de mettre l'accent sur l'amélioration des conditions de vie des militaires et de leur proches . Tel est l'objectif du « plan familles », adopté à l'automne 2017 et doté d'une enveloppe de 530 millions d'euros sur la période 2019-2025. Celui-ci prévoit un soutien renforcé aux conjoints, notamment pendant les absences opérationnelles (nombre de places en crèche, facilitation des démarches administratives et prestations élargies), des mesures visant à faciliter les mobilités (meilleure visibilité, amélioration du dispositif de déménagement, accompagnement des conjoint sur le plan de la recherche d'emploi, de scolarisation des enfants... ), une amélioration des conditions de logement familial et d'hébergement des célibataires, un renforcement de la politique d'action sociale... 70% de ces mesures ont d'ores et déjà été lancées et devraient être effectives d'ici la fin de l'année. Une meilleure conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle doit aussi être recherchée par des mesures comme la possibilité, ouverte par la LPM, pour les militaires placés en disponibilité pour convenances personnelles en vue d'élever un enfant de moins de huit ans de souscrire un engagement à servir dans la réserve opérationnelle pour préserver leurs compétences.

Plus largement, la fidélisation requiert de porter une attention à la condition du personnel et à son environnement de travail , qui sont des éléments déterminants pour le moral. C'est ainsi que, conformément à la LPM, le projet de loi de finances comporte un certain nombre de mesures « à hauteur d'homme » , comme les nouveaux gilets pare-balles ou l'amélioration de l'entretien courant des infrastructures. Il importe de souligner l'impact très positif que peuvent avoir certaines mesures simples comme l'installation du wifi gratuit dans les unités. Il en est de même de la nouvelle tenue de sport, que le chef d'état-major de l'armée de terre souhaiterait voir distribuer rapidement dans ses unités.

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