III. LE DÉSENGAGEMENT DE L'ETAT DES AIDES À LA PIERRE (PROGRAMME 135)

Les crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » sont notamment consacrés au financement des aides à la pierre, de la lutte contre l'habitat indigne ou encore au financement de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Ces crédits du programme 135 diminuent de nouveau de 10,3 % en AE et de 7,4 % en CP.

Ici aussi, cette diminution de crédits masque des évolutions divergentes des crédits des actions du programme. Ainsi, tandis que les crédits dédiés à la lutte contre l'habitat indigne augmentent de 250%, ceux destinés au financement des aides à la pierre n'existent plus.

Évolution des crédits du programme 135

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Actions

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

Construction locative et amélioration du parc

61 815 197

10 800 000

-82,53 %

51 815 197

10 800 000

-79,16 %

Soutien à l'accession à la propriété

3 900 000

3 994 162

2,41 %

3 900 000

3 994 162

2,41 %

Lutte contre l'habitat indigne

7 200 000

25 200 000

250,00 %

7 200 000

28 125 283

290,63 %

Réglementation, politique technique et qualité de la construction

162 995 000

160 972 968

-1,24 %

163 875 000

160 972 968

-1,77 %

Soutien

17 187 771

22 985 972

33,73 %

17 187 771

18 485 972

7,55 %

Urbanisme et aménagement

64 980 000

61 124 866

-5,93 %

64 100 000

62 699 583

-2,18 %

Grand Paris

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

318 077 968

285 077 968

-10,37 %

308 077 968

285 077 968

-7,47 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2019.

Est rattachée à ce programme la quasi-totalité des dépenses fiscales en matière de logement telles que l'application de taux réduits de TVA, les dispositifs d'investissement locatif, ou encore le crédit d'impôt lié au prêt à taux zéro. Ces dépenses fiscales sont estimées à 13,4 milliards d'euros pour 2018.

Votre rapporteur a souhaité s'intéresser plus particulièrement dans cette partie aux aides à la pierre et à la construction de logements sociaux. Elle examinera la question de la lutte contre l'habitat indigne dans la section suivante (cf. infra IV).

A. LE DÉSENGAGEMENT DE L'ETAT DU FINANCEMENT DU FNAP

1. L'absence de crédits budgétaires pour financer le FNAP

Depuis plusieurs années, votre rapporteur constate la diminution des crédits budgétaires dédiés au financement des aides à la pierre. Le Gouvernement avait déjà annulé des crédits en 2018 pour abonder le fonds national des aides à la pierre (FNAP) de 39 millions d'euros seulement.

Évolution des crédits budgétaires de l'État
consacrés aux aides à la pierre
(en millions d'euros)

Source : Rapport d'information de M. Philippe Dallier, n° 3 (2018-2019) intitulé « Aides à la pierre : du retrait de l'État à la décentralisation ? »

En 2019, sans surprise, le Gouvernement ne financera plus les aides à la pierre laissant les bailleurs sociaux et Action Logement seuls financeurs du FNAP. Ce faisant, l'État achève le processus de passage des aides à la pierre vers les aides à la personne engagée il y a quarante ans.

Ressources du Fonds national des aides à la pierre
(en millions d'euros)

2017

2018

2019

Contribution de l'État

180,1

38,8

0

Contribution des bailleurs sociaux (fraction des cotisations versées à la CGLLS et produit de la taxe sur les produits de cessions de vente HLM)

270

375

375

Action Logement

-

50

50

Reliquat de prélèvements SRU

-

4,3

4-5

Majoration SRU

12

12

28,2

Crédits issus des Fonds d'aménagement urbains (les crédits non engagés ont été transférés au FNAP après la suppression des FAU)

-

6,6

-

Total

462,1

486,7

458,2

Total après annulation de crédits

366,1

Source : Commission des affaires économiques d'après les réponses au questionnaire budgétaire.

Les bailleurs sociaux financeront la quasi-totalité des ressources du FNAP. Depuis la loi de finances pour 2018, le montant de cette contribution est fixé à 375 millions d'euros par an. Cette contribution repose sur les cotisations versées par la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) et sur la taxe sur les plus-values des ventes de logements sociaux instaurée lors de la loi de finances pour 2018.

Votre rapporteur avait été partagée sur la création de cette taxe puisque si elle est une source de financement du FNAP elle pourrait aussi être un frein au développement de la vente HLM. Le taux de la taxe qui doit être inférieur à 10 %, pourrait être fixé à 4,5 % pour obtenir un rendement de 10 millions d'euros. Selon les informations transmises par le Gouvernement, cette taxe représenterait environ 1 400 euros sur une plus-value moyenne de 31 700 euros. Elle note que les députés ont adopté le report de cette mesure à 2019.

2. Les objectifs de construction de logements sociaux du FNAP

S'agissant des objectifs de financement de logements sociaux décidés par le FNAP , votre rapporteur constate que ce dernier a mis en place une enveloppe de 10 millions d'euros dédiée au financement d'opérations de démolition en zone détendues hors cadre des programmes de renouvellement urbain.

Le FNAP doit également déterminer des objectifs de réalisation de logements sociaux à destination des ménages éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d'existence (PLAI adapté) et de la mise en oeuvre de dispositifs d'intermédiation locative dans les communes carencées. En effet, en application de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, la majoration sur les prélèvements SRU, dont est bénéficiaire le FNAP, est fléchée vers certaines opérations.

Constatant une sous-exécution de l'enveloppe des PLAI adaptés, les dispositions relatives à son utilisation ont évolué à plusieurs reprises : doublement de la subvention, instruction déconcentrée des dossiers, éligibilité des résidences sociales. Néanmoins, ces évolutions si elles ont permis d'augmenter le nombre de projets proposés n'ont pas réussi à renverser la situation et fin 2017, les ressources non utilisées demeuraient importantes (16 millions d'euros d'AE et 25 millions d'euros de CP). Or, au regard du bilan triennal 2014-2016, ces ressources ont vocation à augmenter puisqu'une première analyse des arrêtés de carence laisse entrevoir un doublement de cette ressource, soit environ 28 millions d'euros par an.

Par une décision du 21 septembre 2018, le FNAP a de nouveau modifié ses critères. Peuvent bénéficier de cette enveloppe les opérations de construction ou d'acquisition de logement, de résidences sociales ou pensions de famille. Les projets doivent respecter les conditions suivantes :

- les logements doivent être destinés aux ménages éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de leurs ressources ou de leurs conditions d'existence. Sont ainsi visés les ménages reconnus prioritaires DALO ou les publics prioritaires identifiés dans le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, les accords collectifs ou les conventions intercommunales d'attribution, ainsi que les ménages en situation de surendettement ;

- un niveau de loyer maîtrisé doit être garanti ;

- des modalités d'accompagnement des ménages doivent être précisées ;

- le projet doit contribuer à la mixité sociale.

Votre rapporteur sera attentive à la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions qui participent à la mise en oeuvre du plan quinquennal en faveur du logement d'abord.

3. Le FNAP, un établissement sans véritable pilote depuis un an

Le FNAP est composé de 15 membres répartis en trois collèges :

- 5 représentants de l'État ;

- 5 représentants des bailleurs sociaux ;

- 3 représentants des collectivités territoriales, un député et un sénateur. Le président du conseil d'administration est nommé parmi les représentants des collectivités territoriales.

Après les annulations de crédits budgétaires en 2018, le président du FNAP, Emmanuel Couet, a démissionné. Depuis, le poste est vacant et c'est le directeur de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages qui exerce l'intérim.

Notre collègue Daniel Dubois qui siège au sein du FNAP a dénoncé lors de l'audition de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, l'absence de réunion du conseil d'administration du FNAP depuis la démission de M. Couet.

Pour votre rapporteur, cette situation est inadmissible. Elle partage la recommandation de notre collègue Philippe Dallier, rapporteur spécial, appelant à la nomination rapide d'un président susceptible de redonner de l'impulsion à l'action du FNAP.

En outre, face au désengagement de l'État, elle s'interroge sur la composition du conseil d'administration, considérant que la présence de membres de l'État à parité avec les bailleurs avait perdu toute légitimité.

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