C. LE MAINTIEN DES PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES AGRICOLES
1. Vers un plafonnement de l'abattement sur le bénéfice des jeunes agriculteurs
Les jeunes agriculteurs qui bénéficient de la dotation jeune agriculteur sont éligibles à un abattement de 100 % sur le bénéfice imposable réalisé au cours de la première année et de 50 % lors des quatre années suivantes (article 73 B du CGI).
La dépense fiscale a représenté environ 32 M€ en 2018.
La Cour des comptes, lors de son contrôle sur les aides à l'installation en agriculture de 2011, a constaté qu'une partie des bénéficiaires (12%) appartient à des tranches de revenu fiscal supérieures à 31 000 €. Ces contribuables ont ainsi obtenu, grâce à la déduction prévue à l'article 73 B du CGI, une diminution d'assiette moyenne de 26 660 €.
À partir d'un certain niveau de revenus, il peut être considéré que l'abattement ne se justifie plus pour assurer la viabilité de l'exploitation. La Cour des comptes estime même qu'il s'apparente alors à un instrument incitant à des stratégies d'optimisation fiscale.
L'article 53 du projet de loi de finances pour 2019 propose de plafonner les abattements sur les bénéfices en faveur des jeunes agriculteurs en prévoyant un abattement dégressif en fonction du bénéfice réalisé.
L'abattement actuel serait maintenu pour les bénéfices allant jusqu'à 29 276 € (soit deux SMIC net).
Dans la limite de 58 552 € (soit quatre SMIC net), l'abattement serait alors porté à 60% l'année de l'installation puis 30 % pour les quatre exercices suivants.
Les jeunes agriculteurs dont le bénéfice agricole est compris entre ces deux seuils représentent environ 35 % des foyers fiscaux bénéficiaires effectifs de l'aide fiscale.
Au-delà d'un bénéfice de 58 552 €, l'abattement serait supprimé.
L'évaluation préalable estime que les jeunes agriculteurs dont le bénéfice agricole excède ce seuil représentent 10 % environ des foyers fiscaux bénéficiaires effectifs de l'aide fiscale. La même évaluation estime que ce plafonnement engendra une économie de 9 M€ pour les finances publiques de l'Etat.
Vos rapporteurs appellent à ce que cette somme soit réinvestie en faveur des dispositifs d'aides à l'installation.
2. Le maintien du taux réduit de TICPE pour l'achat de gazole non routier
Depuis 1966, les principaux secteurs économiques utilisant du carburant à des fins non routières 9 ( * ) bénéficient d'une intervention économique pour réduire leurs dépenses de carburant.
Mis en place initialement pour soutenir la mécanisation de certaines filières, il a été maintenu jusqu'à aujourd'hui à des fins de compétitivité des filières et se traduit par l'application d'un taux réduit de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à l'achat de carburant.
Ils règlent ainsi un tarif de 18,82 €/hl en 2018 au lieu du taux normal pour le gazole de 59,40 €/hl en 2018, soit une réduction de 40,6€/hl.
Ce taux réduit concerne les secteurs des travaux publics, les transports ferroviaires, les bateaux de navigation maritime et le secteur agricole et forestier.
Le coût global de cette réduction pour les finances publiques est de 2,023 Md€ en 2018 10 ( * ) .
Même si la mesure ne concerne l'agriculture qu'à hauteur de 40% 11 ( * ) , pour environ 825 M€, l'intégralité de la dépense fiscale est imputée sur le programme 149 de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».
Si l'article 19 du projet de loi de finances pour 2019 supprime le tarif réduit de TICPE sur le GNR, l'exonération à destination des agriculteurs est maintenue.
Le montant estimé de la dépense fiscale pour 2019 est estimé à 950 M€ 12 ( * ) .
En outre, les agriculteurs bénéficient d'un taux « super-réduit » grâce à un tarif spécifique de 3,86€/hl qui leur est appliqué pour leur consommation de gazole non routier 13 ( * ) .
En pratique, ils reçoivent chaque année un remboursement partiel de la différence entre le tarif du gazole non routier et ce tarif spécifique.
Le coût de cette dépense fiscale est estimé à 240 M€ en 2018 14 ( * ) .
La procédure est toutefois lourde tant pour l'administration que pour les agriculteurs, ces derniers devant consentir une avance de trésorerie avant de bénéficier d'un remboursement l'année suivant l'achat. L'exposé des motifs de l'article 19 du présent projet de loi de finances précise que « la mesure permettra également de remplacer, d'ici 2021, le remboursement de TICPE du gazole non routier utilisé par les agriculteurs par un tarif réduit applicable directement à la mise à la consommation du produit.»
Concrètement, les agriculteurs n'auront plus à effectuer d'avance et règleront directement leur tarif réduit « à la pompe ». L'évaluation préalable estime que l'impact net de cette mesure sur la période 2019-2022 est de 470 M€.
Vos rapporteurs saluent le maintien de la réduction de TICPE à l'achat de carburants pour les agriculteurs tout comme la simplification de la procédure d'avance, permettant de donner de l'oxygène aux producteurs en cette période de hausse des prix à la pompe.
Dans un contexte de hausse des taxes sur les carburants, le montant de la dépense fiscale devrait considérablement augmenter dans les années à venir.
* 9 Mélange d'hydrocarbures d'origines minérale ou de synthèse destiné à des moteurs ou engins non destinés à la propulsion de véhicules sur routes sauf pour les entreprises du secteur ferroviaire et agricole. Les engins concernés sont mentionnés l'article 2 de l'arrêté du 10 novembre 2011 fixant pour le gazole, les gaz de pétrole liquéfiés et les émulsions d'eau dans du gazole des conditions d'emploi ouvrant droit à l'application du régime fiscal privilégié institué par l'article 265 du code des douanes en matière de taxe intérieure de consommation
* 10 Source : PAP 2019 - Programme 149
* 11 Contre 47 % pour le secteur des travaux publics et 11 % pour les transports ferroviaires d'après un rapport de l'inspection générale des finances de 2011
* 12 Évaluation des voies et moyens, tome II
* 13 Article 32 de la loi n°2013-1278 du 29 décembre 2014 de finances pour 2014
* 14 Évaluation des voies et moyens, tome II