B. UNE RÉSERVE DE CRISE UNIQUEMENT DÉSTINÉE À ASSURER L'ETAT CONTRE SES PROPRES ERREURS
L'action n° 27 (501 M€ en AE et CP pour 2019), qui porte les subventions aux principaux opérateurs de l'État, analysées ci-après, ainsi que la réserve « de crise » apparue pour la première fois dans le budget 2018, recule de 90 M€ par rapport à 2018 compte tenu du recul de cette dernière.
1. Dès la première année, une crise sans réserve pour la « réserve de crise »
La création en 2018 d'une réserve de crise de 300 millions d'euros répondait à un enjeu de plus grande sincérisation budgétaire nécessitée par le budget de l'agriculture, ce dernier ayant connu ces dernières années des ouvertures de crédits importantes en cours d'exercice.
Pour le Gouvernement, l'inscription de cette provision de 300 M€ devait permettre de « couvrir, tout au long de l'année 2018, d'éventuelles crises économiques, sanitaires ou climatiques affectant le secteur agricole, ainsi que les pénalités imposées par la Commission européenne . 28 ( * ) » Cette réserve venait s'ajouter à la réserve de précaution du programme, d'environ 72 M€ en 2018 sur la mission.
Vos rapporteurs s'étaient alors interrogés sur l'opportunité d'inscrire une telle réserve au budget, qui présentait l'intérêt manifeste de masquer un budget pour l'agriculture en forte baisse en 2018 compte tenu de la fin de la compensation à la MSA de l'exonération de cotisation maladie des exploitants agricoles.
Un premier bilan peut être tiré de l'utilisation de cette provision, près d'un an après son apparition dans le budget de la MAAFAR.
D'une part, dans les faits, l'inscription de cette provision est un alibi pour imposer des coupes claires dans le budget de l'agriculture française. Vos rapporteurs n'ont ainsi pas été surpris d'apprendre que dès la budgétisation de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, laquelle prévoit une baisse du budget de la MAAFAR pour 2019 de 300 M€, la diminution de cette provision à 200 M€ était déjà prévue.
Il est à craindre pour les années à venir que cette diminution progressive de la provision ne se poursuive inéluctablement jusqu'à son extinction. Au titre d'une économie facile, le Gouvernement aura ainsi privé le budget agricole de 300 M€ en plusieurs étapes.
D'autre part, cette réserve pour risques n'est réservée qu'à la couverture d'un seul risque : celui des refus d'apurement communautaire. C'est d'ailleurs la dénomination officielle de cette réserve dans le PAP , ce qui démontre bien que le marketing qui a entouré sa création en 2018, reposant sur l'idée de la création d'une réserve pour tous les aléas agricoles, n'a pas résisté à l'épreuve des faits.
Au titre de l'année 2018, le montant de l'exécution estimée des crédits affectés à cette provision est estimé à 190 M€ dont 178 M€ pour les refus d'apurement communautaires et 9M€ pour le contentieux lié au dispositif « Nallet » d'aides financières aux agriculteurs corses en difficulté, préfinancées par un tiers mais non remboursées par l'État.
Ainsi, en 2018, 94 % des dépenses de la réserve pour risques ont été affectées au paiement des refus d'apurement communautaire .
La réserve ne constitue donc qu'une auto-assurance de l'État contre ses propres erreurs, financée par des économies réalisées au détriment des agriculteurs en ponctionnant le budget de la MAAFAR.
Enfin, plus généralement, la constitution d'une provision par réserve est un « solde de tout compte » pour les agriculteurs en cas de survenance d'un aléa. Les urgences étaient avant 2018 gérées par l'ouverture de crédits supplémentaires à hauteur des besoins, par nature imprévisibles au moment du projet de loi de finances initial. La mise en place d'une telle réserve a, au contraire, une tendance à figer ces ouvertures et à réduire l'intervention de l'État en cas de survenance d'un aléa.
L'année 2018 le prouve. Le surgel immédiat d'une telle somme par le ministère de l'action et des comptes publics favorise une non-mobilisation de la somme pour financer des priorités du ministère de l'agriculture, y compris lors de la survenance d'un aléa grave comme une sécheresse, entraînant une sous-exécution de la réserve.
Cette sous-exécution presque subie autonourrit le discours prompt aux rabots budgétaires du Gouvernement puisque, constatant la sous-exécution en 2018 de la réserve, le Gouvernement propose de mieux « calibrer » l'enveloppe à un niveau de 200 M€ (alors que, nous l'avons vu, cette économie était déjà prévue dès la LPFP). Cela se traduit par une nouvelle économie du budget de la MAAFAR à hauteur de 100 M€.
Le reliquat de la provision cette année devrait n'être reporté qu'à moitié sur l'exercice suivant au titre de la réserve à hauteur de 50 M€ . Le montant de 2019 sera donc, dans tous les cas, inférieur au montant de 300 M€ fixé en 2018, au prix d'une nouvelle économie sur le budget de l'agriculture française.
L'autre partie pourrait, sous réserve des arbitrages de fin de gestion, abonder le grand plan d'investissement et financer des besoins informatiques de l'ASP.
Cette manipulation budgétaire est très contestable . Alors même que des aléas majeurs pèsent sur l'agriculture française comme la sécheresse ou l'épidémie de peste porcine, la constitution d'une provision permettant de faire face rapidement à ces événements dont sont victimes les agriculteurs doit être une priorité.
2. Maintien du budget des autres dispositifs de gestion des crises
L'action n°22 intitulée : « gestion des crises et des aléas de la production agricole », qui rassemble les deux dispositifs Agridiff et le Fonds d'allègement des charges (FAC), évolue légèrement à la baisse, à 5,4 millions d'euros en AE et CP.
Cette dernière ligne reste cependant dotée à un niveau minimum.
Si la réserve de crise reste uniquement fléchée vers les apurements communautaires, cette action nécessitera des crédits supplémentaires en cas de crise, dans des proportions sans commune mesure avec la dotation initiale, comme cela a encore été le cas en 2017 (avant la création de la réserve de crise qui était censée, en théorie, limiter ces mouvements de gestion en cours d'exercice). Alors que la ligne initiale n'était dotée que de quelques millions d'euros, les dépenses exécutées sur cette action ont atteint en 2017 144 millions d'euros en AE et 145 millions d'euros en CP, notamment pour financer les mesures en faveur de la filière avicole touchée par la seconde épizootie de grippe aviaire H5N8 ainsi que par l'épizootie de grippe aviaire H5N1 pour les entreprises de l'aval ou les producteurs de cerise touchés par la mouche suzukii.
* 28 Dossier de presse du PLF2018