III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
Lors de sa réunion, votre commission a souhaité appréhender le projet de loi tout à la fois avec pragmatisme et ambition , pour soutenir une transition collective vers une agriculture et une alimentation plus durables. Elle a été particulièrement soucieuse de privilégier l'accompagnement des parties prenantes et la définition d'objectifs atteignables à des échéances raisonnables, plutôt que de proposer des ruptures brutales, sans moyens suffisants ou solutions alternatives pour les acteurs de terrain.
Face aux nombreuses mesures adoptées par l'Assemblée nationale, votre commission a également souhaité veiller à la cohérence et à la qualité du projet de loi , en distinguant les dispositions qui proposent de réelles avancées, de celles dépourvues de portée normative et relevant davantage du signal politique que de l'écriture de la loi. À ce titre, elle a adopté plusieurs amendements de suppression et de précision proposés par votre rapporteur.
Sur la restauration collective , à l'article 11 , votre commission, saisie pour avis, a proposé de maintenir l'ambition fixée par le projet de loi initial tout en en améliorant la lisibilité - les repas servis devront comprendre au moins 30 % de produits sous signe de qualité et au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique - et en valorisant les produits issus des exploitations bénéficiant de la certification environnementale de niveau III « haute valeur environnementale » (HVE) .
Elle a néanmoins adopté deux amendements de suppression :
- de l'article 11 bis A , qui prévoit une expérimentation pour les collectivités territoriales souhaitant rendre obligatoire l'affichage de la composition des menus des services de restauration collective qu'elles gèrent ; une telle disposition est en effet dépourvue de portée normative ;
- de l'article 11 quater , relatif à l'information et à la consultation des usagers des services de restauration collective scolaire et universitaire et des services de restauration collective des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans sur la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis, dans la mesure où il était redondant avec les dispositions de l'article 11.
Votre commission a également souhaité que le rapport prévu par l'article 11 quinquies sur l'opportunité d'étendre les objectifs de l'article 11 à la restauration collective d'entreprise se penche aussi sur les obstacles juridiques éventuels d'une telle extension.
À l'article 11 ter , dont la commission des affaires économiques lui avait délégué l'examen au fond, votre commission a suivi son rapporteur qui a proposé de supprimer l'expérimentation - inutile - pour les collectivités territoriales qui souhaitent interdire l'utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique dans les services de restauration collective qu'elles gèrent au profit d'une évaluation scientifique par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et le travail (Anses) sur la dangerosité de ces barquettes en plastique et de leurs éventuels produits de substitution, indispensable avant de décider d'interdire un produit. Elle a également repoussé à 2022 l'interdiction de l'utilisation des bouteilles d'eau plate en plastique dans les services de restauration collective , afin de laisser le temps aux industriels concernés d'adapter leur offre. Enfin, elle a introduit l'interdiction des pailles en plastique à partir de 2020 , dans le droit fil des travaux de la Commission européenne qui a présenté, le 28 mai 2018, sa nouvelle proposition de directive sur les déchets marins.
Votre commission a également souhaité donner au Parlement la capacité de légiférer sur des sujets nécessitant une expertise scientifique ou sanitaire indépendante et rigoureuse en ouvrant aux commissions permanentes en charge de l'environnement, de la santé, de l'alimentation et du travail la possibilité de saisir l'Anses .
Sur la question de l'affichage environnemental des denrées alimentaires , votre commission a considéré que le dispositif introduit à l'Assemblée nationale présentait un réel risque de non-conformité au droit européen et pouvait être de nature à pénaliser les produits français , qui seraient seuls soumis à un tel étiquetage. En outre, la faisabilité technique d'un tel dispositif pose, selon elle, également question. Elle a néanmoins souhaité adopter un dispositif alternatif , plutôt que de supprimer purement et simplement l'article. En effet, la transparence sur les denrées alimentaires et l'information du consommateur ont été largement plébiscitées au moment des États généraux de l'alimentation. Votre commission a estimé qu'il était essentiel de commencer à réfléchir à améliorer le droit existant en la matière. Elle a ainsi adopté un amendement prévoyant un dispositif plus souple , avec une obligation, à horizon 2023 d'une information à caractère environnemental sur certaines catégories de denrées alimentaires, information pouvant, de manière facultative, contenir des éléments relatifs à la nature des protéines ayant servi à nourrir les animaux dont sont issues les denrées, au mode d'élevage, à l'origine géographique ou aux traitements appliqués aux fruits et légumes.
Votre commission a en outre adopté, à l'article 11 terdecies A , un amendement prévoyant que les cahiers des charges des signes d'identification de l'origine et de la qualité (SIQO) devaient répondre aux exigences prévues pour faire l'objet d'une certification environnementale.
Votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur pour supprimer l'article 11 quaterdecies , prévoyant la remise d'un rapport sur la déforestation importée. Défavorable à la multiplication des demandes de rapports au Gouvernement, votre commission a jugé celle-ci particulièrement redondante avec la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importante qui sera prochainement publiée par le Gouvernement.
Sur les articles relatifs au gaspillage alimentaire , votre commission n'a pas apporté de modification substantielle.
Elle a néanmoins :
- inscrit dans la loi l'extension à toute la restauration collective de l'obligation d'une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire fondée sur un diagnostic préalable ;
- prévu que les restaurants de vente à emporter ou proposant des plats à emporter utilisent à cet effet des contenants recyclables ou réutilisables.
À l' article 14 bis , transposant aux produits biocides certaines dispositions applicables aux produits phytopharmaceutiques, votre commission a adopté plusieurs amendements afin de préciser le périmètre des produits visés en tenant compte de la diversité des produits biocides, et d'organiser par voie réglementaire la procédure de retrait de la vente en libre-service des catégories jugées dangereuses pour les utilisateurs non professionnels.
Votre commission a par ailleurs adopté un amendement réécrivant l' article 14 ter en vue de faciliter le recours à des solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques, sans créer de risques sanitaires ou environnementaux nouveaux. Cette nouvelle rédaction prévoit d'établir par voie réglementaire un régime d'autorisation simplifié pour les parties consommables de plantes utilisées en alimentation animale ou humaine.
Afin que l'expérimentation prévue par l' article 14 sexies reste strictement encadrée, tout en disposant d' enseignements probants sur les enjeux sanitaires et environnementaux, votre commission a adopté un amendement pour rétablir la possibilité d'avoir recours à tout produit phytopharmaceutique, tout en limitant l'expérimentation aux surfaces plantées en vignes.
Votre commission a également adopté un amendement à l' article 14 septies , relatif aux substances actives ayant des modes d'action identiques aux néonicotinoïdes, afin de prévoir un avis de l'Anses sur le décret définissant ses modalités d'application. Il s'agit en particulier de disposer d'une expertise scientifique pour préciser la notion de mode d'action.
À l' article 14 nonies , votre commission a adopté un amendement complétant la mission confiée aux chambres d'agriculture par des actions relatives au recours à des solutions alternatives , afin de proposer une réponse durable aux besoins des agriculteurs.
Partagée sur le projet de séparation des activités de vente et de conseil pour les produits phytopharmaceutiques et regrettant le manque d'informations apportées par le Gouvernement sur ses intentions, votre commission a adopté deux amendements modifiant l' article 15 . En vue d'éviter de créer un conseil obligatoire trop régulier, déconnecté des besoins des agriculteurs et à l'origine de surcoûts, ces amendements suppriment la contrainte d'une séparation capitalistique et prévoient que le conseil stratégique mis en place par ordonnance sera doté d'une dimension pluriannuelle .
En complément de ces dispositions, votre commission a adopté un amendement visant à créer un article additionnel après l'article 14 sexies donnant la possibilité au préfet de définir des périmètres faisant l'objet de prescriptions ou de restrictions particulières pour l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de certaines zones habitées. L'exposition à ces produits est une préoccupation sociétale de plus en plus vive et votre commission a jugé important de doter les pouvoirs publics d'un moyen d'y répondre lorsque les circonstances locales le justifieront.
Au total, votre commission a adopté 23 amendements proposés par votre rapporteur, et a émis un avis favorable à l'adoption de 2 amendements déposés sur les articles qui lui ont été délégués au fond.
Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié.