II. UNE NETTE DIMINUTION DES MOYENS DES ADMINISTRATIONS EN CHARGE DES PRINCIPALES ACTIONS DU PROGRAMME
Dans le périmètre des missions intéressant plus spécifiquement votre commission des lois, votre rapporteur s'est plus particulièrement intéressé, à l'instar des années précédentes, à la situation de l'Autorité de la concurrence, de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et de la direction générale des entreprises (DGE).
Pour ces trois administrations, le projet de loi de finances pour 2018 se caractérise par une forte réduction de leurs moyens d'action , alors que leur situation était plus contrastée les années précédentes.
A. UNE BAISSE DES MOYENS DE L'AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE EN CONTRADICTION AVEC LE DÉVELOPPEMENT DE SES MISSIONS
Le montant des autorisations d'engagement allouées à l'Autorité de la concurrence devrait augmenter de 0,71 % en 2018, mais celui de ses crédits de paiement devrait fortement diminuer de 4,19 % , passant de 22,604 millions d'euros à 21,657, soit près d'un million d'euros en moins, alors que 75 % de ces crédits sont des dépenses de personnel.
Après plusieurs années d'érosion régulière des crédits et des effectifs, fragilisant ses capacités de contrôle du respect des règles de la concurrence et donc in fine la crédibilité même de ses décisions, alors que les infractions sont de plus en plus difficiles à caractériser, l'Autorité de la concurrence avait connu en 2016 et 2017 une progression de son budget, afin de lui permettre d'assumer ses nouvelles missions de régulation à l'égard de certaines professions juridiques et judiciaires réglementées, qui lui avaient été confiées par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Ainsi, le plafond d'emplois de l'Autorité est passé de 182 en 2015 à 192 en 2016 puis à 197 en 2017.
Certes, le plafond d'emplois est prévu en progression pour 2018, à hauteur de 202, mais les crédits alloués en 2018 ne permettront pas de l'atteindre, compte tenu de leur diminution. Une telle situation est particulièrement contradictoire selon votre rapporteur. La masse salariale de l'Autorité reste insuffisante pour recruter et conserver les compétences requises par la complexité croissante de ses missions.
Aussi le sort budgétaire réservé en 2018 à l'Autorité de la concurrence paraît-il en contradiction, selon votre rapporteur, avec les priorités d'action qui lui ont été assignées, en particulier vis-à-vis des professions réglementées. Une telle évolution ne peut que susciter l'inquiétude.
S'agissant plus spécialement de la liberté d'installation des notaires , alors que le Gouvernement, reprenant sans modification la proposition de carte de l'Autorité de la concurrence, avait décidé en septembre 2016 de créer 1 650 nouveaux offices en deux ans, dont 1002 dans les douze premiers mois, force est de constater que ce nombre est loin d'être atteint. Ce retard résulte notamment du contentieux sur les modalités du tirage au sort des candidatures aux nouveaux offices, qui a conduit à l'annulation d'un premier arrêté par le Conseil d'État et à la prise d'un second arrêté, lequel a mis en place un dispositif assez lourd de contrôle des opérations de tirage au sort. En outre, la faculté pour les sociétés déjà titulaires d'un office de déposer une candidature et la possibilité de présenter plusieurs candidatures ont alourdi le dispositif. Cette situation confirme l'analyse présentée l'année dernière par votre rapporteur, selon laquelle cette réforme a conduit, en raison des choix réglementaires faits par le Gouvernement, qui s'en est remis à la seule analyse de l'Autorité, à un mécanisme de régulation plus administré, lourd et complexe qu'auparavant, au nom pourtant d'une plus grande liberté d'activité et d'installation des membres de ces professions.
À la date du 17 novembre 2017, 693 offices ont été créés, permettant la nomination de 720 notaires (dont 62 déjà en exercice), et 25 ont été supprimés, soit un solde net de 668 nouveaux offices .
Cette opération reste fortement contestée au sein de la profession, tant en raison de l'opposition au principe même du tirage au sort que de la faculté pour les sociétés déjà titulaires d'un office notarial, donc des notaires déjà en exercice, de présenter des candidatures pour de nouveaux offices, alors que la création de nouveaux offices devait permettre de renouveler la profession.
Une révision de la carte d'installation des notaires est prévue en 2018, conformément à la loi 23 ( * ) . L'Autorité de la concurrence a prévu à cette occasion d'évaluer la méthode appliquée pour la première carte et de proposer une amélioration des modalités de désignation des nouveaux notaires. À cet égard, votre rapporteur avait indiqué, l'année dernière, que l'Autorité devait renforcer son expertise sur les sujets intéressant les professions réglementées tout en prenant mieux en compte leurs spécificités.
Alors que l'Autorité de la concurrence a publié en décembre 2016 son avis sur la liberté d'installation des huissiers de justice et son avis sur la liberté d'installation des commissaires-priseurs judiciaires 24 ( * ) , comportant dans les deux cas une proposition de cartographie et des recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices, le Gouvernement n'a toujours pas publié le texte réglementaire fixant les évolutions de ces deux professions.
Par ailleurs, l'activité de l'année 2016 a été particulièrement soutenue pour l'Autorité, tant en matière de décisions de concentration, avec un record de 230 décisions, que de pratiques anticoncurrentielles, avec un nombre de décisions plus important que les années précédentes, comme l'illustre le tableau ci-après. En matière de pratiques anticoncurrentielles, le taux de confirmation des décisions au fond de l'Autorité par la cour d'appel de Paris 25 ( * ) demeure particulièrement élevé année après année. En revanche, le taux de recours en 2016 contre ses décisions a été faible.
Évolution du nombre des décisions contentieuses sur des pratiques anticoncurrentielles
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
|
Décisions
|
50 |
34 |
40 |
39 |
20 |
29 |
23 |
20 |
20 |
31 |
Total des décisions |
56 |
35 |
42 |
40 |
21 |
29 |
23 |
22 |
20 |
55 |
Recours |
25 |
12 |
12 |
8 |
6 |
10 |
10 |
14 |
8 |
10 |
Taux de recours |
44,6 % |
34,3 % |
28,6 % |
20,0 % |
28,6 % |
34,5 % |
43,5 % |
63,6 % |
40,0 % |
18,2 % |
Recours examinés |
25 |
12 |
12 |
8 |
6 |
10 |
10 |
14 |
6 |
2 |
Décisions confirmées |
18 |
11 |
11 |
5 |
6 |
7 |
8 |
13 |
6 |
2 |
Taux de confirmation |
72,0 % |
90,9 % |
91,7 % |
62,5 % |
100,0 % |
70,0 % |
80,0 % |
92,8 % |
100,0 % |
100,0 % |
Source : Autorité de la concurrence
Après un record en 2015, au-delà de 1,25 milliard d'euros, le montant cumulé des sanctions pécuniaires est plus modeste en 2016, un peu au-delà de 200 millions d'euros, pour un nombre important de 14 décisions. Il convient toutefois de noter que 2016 a vu l'accroissement du nombre de demandes de clémence, selon la nouvelle procédure résultant de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 précitée. Entendue par votre rapporteur, la présidente de l'Autorité a indiqué que l'activité en matière de sanctions serait plus importante en 2017.
Évolution du montant des sanctions
pécuniaires des pratiques anticoncurrentielles
(en
millions d'euros)
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
|
Nombre de décisions prononçant des sanctions pécuniaires |
24 |
16 |
15 |
12 |
8 |
13 |
10 |
7 |
9 |
14 |
Montant total des sanctions pécuniaires |
221,0 |
631,3 |
206,6 |
442,5 |
419,8 |
540,5 |
160,5 |
1 013,6 |
1 252,3 |
203,2 |
Source : Autorité de la concurrence
* 23 L'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques prévoit une révision, fréquente, tous les deux ans, de la carte, notamment, des notaires.
* 24 Ces avis sont consultables à l'adresse suivante :
http://www.autoritedelaconcurrence.fr/user/standard.php?lang=fr&id_rub=629&id_article=2919
* 25 Méthodologiquement, sont considérées comme confirmées les décisions donnant lieu à un arrêt de rejet, une irrecevabilité ou un désistement ainsi qu'à un arrêt de réformation partielle confirmant au fond.