III. LES INTERROGATIONS DES ASSOCIATIONS EN CE DÉBUT DE QUINQUENNAT

A. L'ACCUMULATION DE SIGNES NÉGATIFS EN DIRECTION DU SECTEUR ASSOCIATIF

1. La fin des contrats aidés

Les contrats aidés ont été créés afin de permettre aux publics les plus éloignés du marché du travail (demandeurs d'emploi de longue durée, jeunes en grande difficultés...) d'obtenir un emploi à travers des contrats spécifiques pour lesquels l'embauche et l'accompagnement sont encadrés et appuyés financièrement par l'Etat.

Créés à partir de 1984, leur dénomination a évolué au cours du temps mais ils répondent toujours au même objectif. Actuellement, il en existe quatre types différents :

-  les contrats uniques d'insertion - contrats d'accompagnement pour l'emploi (CUI-CAE), qui concernent uniquement le secteur non marchand ;

- les contrats uniques d'insertion - contrats initiative emploi (CUI - CIE) qui concernent le secteur marchand ;

- les contrats starter , qui concernent les jeunes et visent le secteur marchand ;

- les contrats d'avenir , qui concernent également les jeunes mais sont principalement créés dans le secteur non marchand pour des activités ayant une utilité sociale avérée ;

Après avoir atteint un pic de plus de 800 000 au milieu des années 90 , le nombre de contrats aidés a diminué et avoisinait 400 000 sous la précédente législature. Les fluctuations du nombre de contrats aidés ont néanmoins tendance à suivre le cycle électoral, d'autant que le nombre d'emplois aidés prévu dans le projet de loi de finances est systématiquement dépassé. Alors que la loi de finances initiale pour 2016 prévoyait 295 000 emplois aidés, 453 000 ont été accordés en cours d'exercice. De même, la loi de finances initiale pour 2017 comptabilisait 280 000 emplois aidés. Au 30 juin 2017, plus de 195 000 étaient réalisés, soit près de 70 % de la dotation budgétaire.

Pour faire face à cette sous-évaluation des crédits, l'actuel Gouvernement a dégagé des crédits supplémentaires par décret d'avance du 30 juillet 2017 « pour atteindre une programmation annuelle comprise entre 310 000 et 320 000 contrats aidés et ainsi couvrir les forts besoins prioritaires identifiés dans le secteur de l'éducation nationale notamment pour l'accompagnement des élèves handicapés , l'Outre-mer, les communes rurales en difficulté financière et le secteur de l'urgence sanitaire et sociale ». Le Gouvernement a ainsi réduit considérablement le champ d'action des contrats aidés.

Par ailleurs, en fixant un plafond à l'enveloppe budgétaire consacrée aux contrats aidés, il a mis un terme à une pratique, jusqu'à présent habituelle, intégrée par les employeurs de contrats aidés de non limitation en volume de ce dispositif et les a placés dans une situation délicate en raison de l'arrêt brutal des crédits consacrés à ce dispositif.

Concrètement, de nombreuses personnes dont le renouvellement du contrat avait été considéré comme acquis ont dû être licenciées, ce qui a particulièrement entravé l'action des collectivités territoriales - d'autant que la décision a été prise juste avant la rentrée scolaire - ainsi que les associations, surtout les plus fragiles financièrement, qui ont fortement recours aux emplois aidés.

Dans le projet de loi de finances pour 2018, seuls 200 000 contrats aidés sont prévus. En outre, le taux de prise en charge passe de 72,5 % à 50 %. Enfin, la possibilité d'embaucher de nouveaux emplois d'avenir est supprimée.

2. Les effets pervers du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires

L'article 88 de la loi de finances pour 2017 a institué, à compter du 1er janvier 2017, un crédit d'impôt pour les associations, sur le modèle du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) dont elles ne bénéficient pas. Intitulé crédit d'impôt de taxe sur les salaires (CITS), ce dispositif bénéficie aux associations qui restent redevables de la taxe sur les salaires après l'abattement prévu à l'article 1679 A du code général des impôts. Ce crédit d'impôt est calculé sur les rémunérations inférieures à 2,5 fois le Smic et son taux s'élève à 4 % 8 ( * ) . Afin de relativiser la portée de la suppression des contrats aidés sur l'équilibre financier des associations, le Gouvernement a insisté sur l'avantage fiscal accordé par le CITS.

Votre rapporteur pour avis tient à souligner que seules les associations dont la masse salariale dépasse 330 000 euros par an peuvent réellement bénéficier du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires . Par conséquent, ce dispositif concerne des associations dont l'assise financière est relativement stable et qui ont proportionnellement moins recours aux contrats aidés que les petites associations.

En outre, plusieurs associations se sont inquiétées que l'augmentation des ressources liées au CIST soit annulée par la stratégie des financeurs des associations (agences régionales de santé, préfectures, collectivités territoriales) qui s'efforcent de récupérer le montant du CIST par une réduction proportionnelle des subventions ou des tarifications.

L'article 43 du projet de loi de finances pour 2018 prévoit la suppression de ce crédit d'impôt en 2019 et son remplacement par une réduction pérenne de cotisations patronales.

L'article 12 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2018) précise les modalités de cette réduction :

- une réduction forfaitaire de 6 points de la cotisation patronale maladie sur les salaires jusqu'à 2,5 SMIC, soit une sorte « d'équivalent-CICE », dont le taux sera ramené à 6 % en 2018 ;

- un renforcement de l'allègement général, par une réduction de près de 10 points des charges au niveau du SMIC (4 points nets des 6 points de la réduction forfaitaire maladie, qui s'imputera avant). C'est en effet à ce niveau que les allègements sont réputés les plus créateurs d'emploi.

L'avantage de ce dispositif par rapport au CITS est qu'il bénéficiera à toutes les associations « employeurs » quelle que soit leur masse salariale.

Comme pour le CITS, il faudra néanmoins s'assurer que cette diminution des cotisations sociales profite réellement aux associations et ne soit pas un effet d'aubaine pour les institutions qui les financent.

3. Les conséquences de la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF)

L'article 12 du projet de loi de finances pour 2018 supprime l'ISF et crée en remplacement un impôt sur la fortune immobilière (IFI) à la charge des personnes physiques détenant un patrimoine immobilier supérieur à 1,3 million d'euros. Le barème sera identique à celui de l'actuel ISF (avec maintien de l'abattement de 30 % sur la résidence principale).

Selon les informations fournies par le Gouvernement, il devrait en résulter un allégement de fiscalité pour les ménages de 3,2 milliards d'euros. Certes, les contribuables soumis à l'impôt de solidarité sur la fortune continueront à bénéficier d'une réduction de leur ISF en cas de dons à certains organismes d'intérêt général à but non lucratif. Néanmoins, en réduisant fortement la base d'imposition de l'ISF et surtout pour les patrimoines les plus élevés 9 ( * ) , cette réforme risque d'avoir un impact négatif sur le montant des dons.

Les caractéristiques des dons aux fondations d'utilité publique
dans le cadre de l'ISF en 2015

Le montant des dons aux fondations d'utilité publique dans le cadre de l'ISF en 2015 s'est élevé à 220 millions d'euros, soit 9 % du montant des dons effectués ou déclarés au titre de l'impôt sur le revenu.

Le don moyen se chiffrait à 5 060 euros tandis que le don médian se montant à 1 170 euros. Les foyers fiscaux donnant plus de 13 000 euros ont représenté 56 % des dons, les foyers fiscaux donnant plus de 5 000 euros 73 % des dons.

Source : Direction de la jeunesse, de l'éducation populaire e de la vie associative

4. Diminution des dotations des collectivités territoriales

Depuis 2014, les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales sont en diminution . Entre 2015 et 2017, la baisse cumulée a atteint 9,6 milliards d'euros, dont près de 5,2 milliards d'euros pour le bloc communal.

L'actuel Gouvernement attend également que les collectivités territoriales participent activement au redressement des finances publiques et mise sur 13 milliards d'économies d'ici à 2022 , notamment à travers la contractualisation des dépenses de fonctionnement des plus grandes collectivités.

Le projet de loi de finances pour 2018 marque certes une pause dans la diminution de la dotation globale de fonctionnement, qui croît même de 327 millions d'euros pour atteindre 30,98 milliards d'euros. Pourtant, chaque catégorie de collectivité territoriale subit des baisses de crédit.

Ainsi, les communes voient la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) diminuer de 240 millions d'euros. Par ailleurs, la suppression sur trois ans de la taxe d'habitation pour 80% des contribuables prévue dans l'article 3 du projet de loi de finances pour 2018 inquiète les représentants des communes en dépit de l'engagement du Gouvernement en faveur d'un dégrèvement au profit des collectivités territoriales. En effet, en 2000, la part régionale de la taxe d'habitation avait été supprimée sous la forme d'un dégrèvement, mais la loi de finances pour 2001 avait transformé celui-ci en exonération, privant ainsi les régions de cette ressource.

En tant qu'employeurs, les communes sont également particulièrement concernées par la réduction drastique des contrats aidés et la diminution de la prise en charge financière par l'État de ce type de contrat.

Confrontées à une réduction de leurs ressources et à une hausse de leurs dépenses, les collectivités territoriales sont donc amenées à faire des choix en matière de politique publique qui pénalisent doublement le secteur associatif. D'une part, celui-ci voit ses subventions diminuer, d'autre part, les collectivités territoriales en tant que financeurs tendent à répercuter la baisse de leur dotation sur les associations, à travers notamment la baisse des tarifications ou des enveloppes budgétaires (cf supra : les effets pervers du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires).

5. Baisse des crédits pour l'économie sociale et solidaire

Enfin, les associations sont également touchées par la diminution des crédits relatifs aux dispositifs locaux d'accompagnement de l'économie sociale et solidaire. Portés dans la précédente législature par le programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » et gérés par la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, ces crédits ont été transférés au ministère de la transition écologique et solidaire sur le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologique ». Dans le projet de loi de finances pour 2018, ils sont en baisse de 1,8 million d'euros par rapport à 2017 pour ne s'élever qu'à 8,6 millions d'euros. Or, ils sont destinés à financer les activités des associations en matière d'économie sociale et solidaire.


* 8 À titre de comparaison, le taux du CICE, fixé à 4 % pour 2013, a été porté à 6 % pour les rémunérations versées entre 2014 et 2016, puis à 7 % en 2017. L'article 42 du PLF 2018 ramène le taux à 6 % en 2018. Depuis 2015, le taux est majoré pour les salaires versés dans exploitations situées dans les départements d'outre-mer : 7,5 % en 2015, 9 % depuis 2016.

* 9 Les plus hauts patrimoines devraient particulièrement bénéficier des nouvelles mesures puisque, statistiquement, plus un patrimoine est important, plus la part des valeurs mobilières (bientôt exonérées) augmente et plus la part d'immobilier (qui continuera, elle, à être imposée) se réduit.

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