B. PORTAGE ET POSTAGE À LA RECHERCHE DE L'EFFICIENCE

1. Une judicieuse réforme de l'aide au portage
a) Un mode de diffusion plébiscité

Le portage, qui consiste à apporter à domicile un titre de presse à ses abonnés, propose le double avantage de ne nécessiter aucun déplacement pour le client , contrairement à la vente en kiosque, et de mettre la publication à disposition dès les premières heures du matin , bien avant le passage du facteur.

Sur le long terme, s'agissant de la distribution de la presse imprimée, la part des ventes au numéro a chuté au profit du portage , tandis que les abonnements par voie postale observaient une relative stabilité. Ainsi, alors qu'en 1992, le portage ne représentait que 31,3 % des exemplaires diffusés, cette proportion s'établissait à 38,6 % en 2014.

Répartition de la diffusion par mode

En proportion de l'ensemble et en pourcentage

1992

1995

2000

2005

2010

2012

2013

2014

Réseau de vente

46.9

44.3

42.2

35.6

33.8

38.4

37.9

36.9

La Poste

21.8

21.8

20.9

19.9

21.2

23.7

23.8

24.5

Portage

31.3

33.9

36.9

44.5

45.0

37.9

38.3

38.6

Total

100.0

100.0

100.0

100.0

100.0

100.0

100.0

100.0

Source : DGMIC

Même si le recours au portage pour les abonnements a augmenté de 6,5 % entre 2011 et 2016, les familles de presse n'en usent pas dans les mêmes proportions. Traditionnellement, il est préféré par la presse quotidienne régionale et départementale , qui dispose d'un efficace réseau de portage, dont il diffuse plus de 80 % des abonnements individuels, proportion qui paraît difficile à augmenter davantage, compte tenu des contraintes liées aux abonnés géographiquement excentrés que seule la Poste est en mesure de servir . Forte de ce réseau, la presse hebdomadaire régionale, dont la périodicité ne nécessite pas absolument de recourir au portage, en a largement développé l'usage ces dernières années.

La presse quotidienne nationale , confrontée à l'explosion des coûts de la vente au numéro et aux contraintes horaires de La Poste, développe doucement le portage. Son utilisation a ainsi crû de 11 % entre 2011 et 2016, même s'il ne représente encore que 45 % environ des abonnements, soit 56,8 millions d'exemplaires en 2016. 35 % des abonnés à un titre de la presse quotidienne nationale reçoivent désormais leur journal par portage ; ils n'étaient que 24 % en 2006.

Nombre d'exemplaires portés en presse quotidienne nationale

Source : SPQN

La presse magazine est celle dont le recours au portage a le plus été développé depuis 2011, avec une augmentation de 455 % de son usage pour la distribution des abonnements individuels, en conséquence de l'augmentation considérable des tarifs postaux opérée ces dernières années pour ces publications. Toutefois, le portage ne représente encore, pour les magazines, que 35,7 % de leur distribution d'abonnements.

Taux de portage (abonnés portés/total des abonnements) par famille de presse

Famille de presse

2011

2013

2014

2015

2016

Progression 2016/2011

PQN

40,4 %

43,8 %

45,6 %

46,4 %

44,9 %

+ 11 %

PQR

84,0 %

85,5 %

86,2 %

86,7 %

87,2 %

+ 4 %

PQD

79,4 %

82,4 %

83,4 %

84,1 %

84,7 %

+ 7 %

Presse magazine

3,3 %

10,8 %

12,6 %

17,6 %

18,3 %

+ 455 %

PHR

29,3 %

30,5 %

32,1 %

34,7 %

35,7 %

+ 22 %

TOTAL

73,8 %

75,9 %

76,9 %

78,1 %

78,6 %

+ 6,5 %

Source : DGMIC

Toutefois, l'attrition des volumes de tirage a conduit à réduire le nombre d'exemplaires portés de 3,5 % sur la période, toutes familles de presse confondues, exception faite de la presse hebdomadaire régionale (+ 16 % du nombre d'exemplaires portés) et, surtout, de la presse magazine (+ 334 %), qui utilisaient très peu ce mode de distribution. Elles représentent néanmoins des volumes relativement faibles dans la masse globale des volumes portés, de l'ordre de 1 % du total.

Nombre d'exemplaires portés

(en millions d'exemplaires, hors abonnements collectifs et compagnies aériennes)

Famille de presse

2011

2013

2014

2015

2016

Progression 2016/2011

PQN

59,11

61,37

62,31

60,35

56,82

- 4 %

PQR

759,00

751,21

744,94

731,07

723,51

- 5 %

PQD

73,72

73,81

73,61

72,11

72,63

- 1,5 %

Presse magazine

2,12

6,81

7,57

9,60

9,21

+ 334 %

PHR

2,30

2,49

2,6

2,61

2,66

+ 16 %

TOTAL

896,25

895,70

890,45

875,74

864,83

- 3,5 %

Source : DGMIC

Le tassement des volumes portés s'observe particulièrement pour la presse quotidienne nationale et régionale, depuis plusieurs années déjà et pour des montants élevés (recul de 36 millions d'exemplaires au total entre 2011 et 2016), qui font plus que compenser les hausses venant de la presse magazine et de la presse hebdomadaire régionale (augmentation de 7 millions d'exemplaires sur la période).

Par comparaison, le taux de portage des abonnements atteint 61,8 % au Canada, 70 % en Finlande, 74 % aux États-Unis et 95 % au Japon, selon les chiffres récemment publiés par l'Association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d'information (WAN-IFRA) pour l'année 2016.

b) Des modalités de soutien en constante adaptation
(1) 2017 : nouveau changement pour un dispositif régulièrement réformé

L'aide au portage a été instituée par le décret n° 98-1009 du 6 novembre 1998 relatif au fonds d'aide au portage. Lors des États généraux de la presse de 2009, il a été décidé d' encourager ce mode de distribution favorisant la fidélisation des lecteurs et améliorant la qualité du service . Dès lors, les crédits consacrés à l'aide au portage, qui s'établissaient à 8,2 millions d'euros en 2008, ont été augmentés à 70 millions d'euros en 2009.

Suivant les préconisations de la Cour des comptes, qui, en 2013, dénonçait certains effets d'aubaine de ce généreux dispositif , et les conclusions de l'étude menée en 2014 par le cabinet Roland Berger, l'aide au portage a été réformée par le décret n° 2014-1080 du 24 septembre 2014 portant réforme du fonds d'aide au portage de la presse. La distinction entre aide au flux et aide au stock a alors disparu et les crédits consacrés au soutien au portage, déjà ramenés à 37,6 millions d'euros en 2013, se sont établis depuis à 36 millions d'euros par an jusqu'en 2017.

La réforme de 2014 s'est toutefois rapidement heurtée - pour ce qui concerne le volet éditeurs de l'aide - à l'attrition d'ensemble des volumes pour la presse quotidienne . Sans le correctif finalement mis en place, le tassement des volumes aurait conduit, en tendance, à une aide nulle pour ces familles de presse, ce qui aurait accélérer leurs difficultés.

L'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et l'Inspection générale des finances (IGF) ont publié en février dernier un rapport d'évaluation de l'aide au portage , destiné à proposer des solutions pour rendre l'aide plus incitative et assurer une meilleure visibilité des montants distribués . Leurs travaux ont confirmé le diagnostic traditionnellement porté sur la réforme intervenue en 2014 : celle-ci s'est avérée inadaptée à la presse quotidienne régionale , en raison d'une stagnation de son portage, tant pour des raisons économiques que logistiques. Le dispositif d'aide n'a pu être mis en oeuvre qu'avec l'ajout d'une clause de sauvegarde, qui garantissait aux éditeurs 90 % de l'aide versée l'année précédente, renouvelée chaque année par voie réglementaire pour atténuer les effets potentiellement trop brutaux de la réforme.

Le décret n° 2017-1332 du 11 septembre 2017 réforme l'aide au portage en maintenant cependant sa division en deux sections :


• sur la première section , qui incite les éditeurs à développer le portage des abonnements, sont éligibles les titres d'information politique et générale au maximum hebdomadaire et les publications d'information sportive. Il s'agit d'une aide à l'exemplaire porté , multipliée, pour chaque titre, par le volume total des exemplaires individuels et collectifs portés. Les titres bénéficiaires des aides au pluralisme reçoivent une bonification.

Un correctif a été apporté en 2014, 2015 et 2016 afin de maintenir un montant d'aide égal à 90 % du montant perçu l'année précédente, dans la limite des crédits disponibles. La réforme menée en 2017 intègre cette clause de sauvegarde de manière pérenne dans le calcul de l'aide, afin d'assurer une visibilité du soutien public aux éditeurs de presse. Elle est cependant plafonnée à 110 % de l'aide perçue l'année précédente ;


• la seconde section , qui incite les réseaux de portage à porter pour compte de tiers et donc à mutualiser davantage le portage , concerne essentiellement le portage par les réseaux de la presse régionale, de titres de la presse quotidienne nationale ou de la presse magazine, mais également les réseaux de portage indépendants. L'aide est calculée en fonction de la progression du portage pour le compte de tiers. Cette progression, autrefois calculée sur trois ans, l'est désormais sur quatre, afin de lisser dans le temps la tendance au ralentissement de la progression de ce type de portage.

Par ailleurs, la réforme de 2017 a introduit un principe de dégressivité de l'aide aux réseaux à partir de quinze millions d'exemplaires tiers portés, afin qu'une éventuelle augmentation de la part de l'aide consacrée aux réseaux ne constitue pas un effet d'aubaine pour les acteurs dominants du secteur, notamment les réseaux de portage en Ile-de-France.

En 2016, neuf entreprises de portage dépendant d'éditeurs de presse et deux réseaux de portage indépendants ont été subventionnés au titre de la seconde section, pour un total de 3,91 millions d'euros , sur un total de 35,3 millions d'euros de subventions accordées au titre du fonds d'aide au portage, soit 11,1 % des versements. Les réseaux de portage avaient prévu de porter 52,5 millions d'exemplaires pour le compte de tiers , contre 537,8 millions d'exemplaires pour leurs propres titres (ou leur titre principal pour les réseaux de portage indépendants), soit 8,9 % de portage pour compte de tiers hors livraisons aux compagnies aériennes. À titre de comparaison, en 2011, cette proportion s'était élevée à 3,9 %. Dans un contexte de tassement du portage en propre, le portage pour les titres tiers, dont les volumes ont plus que doublé entre 2011 et 2016, fait donc montre d'une dynamique vertueuse, que la réforme de 2017 devrait encourager un peu plus.

Enfin, dans un souci de visibilité et de simplification administrative , les aides des deux sections sont désormais calculées sur la base des données réelles définitives de l'année n+1 et non plus en fonction de données prévisionnelles sur l'année en cours, ce qui entraînait de trop fréquents trop-perçus et moins-perçus.

Favorable à la mutualisation des réseaux de distribution , votre rapporteur pour avis salue l'esprit de cette nouvelle réforme de l'aide au portage, dont il souhaite qu'elle permette enfin un essor du portage pour compte de tiers et le développement de partenariats entre acteurs du portage et de la vente au numéro .

(2) L'enjeu de la mutualisation

Si nécessaires soient-ils, les projets de mutualisation du portage à domicile et vers les points de vente entre la presse quotidienne nationale et la presse quotidienne régionale ont dû faire face à plusieurs obstacles :

- en matière de production et d'organisation de la distribution , l'horaire de fin de l'impression de la presse quotidienne nationale sur un site adapté à son format (berlinois ou tabloïd), cumulé au temps de transport nécessaire pour arriver sur les lieux de routage de la presse quotidienne régionale, n'est pas forcément compatible avec les horaires de départ des tournées de cette dernière. Cette difficulté est encore accrue par l'horaire de bouclage tardif des quotidiens nationaux sportifs. Toutefois, un rapport précité du cabinet PMP relativise ce facteur pour l'essentiel du territoire ;

- d'un point de vue juridique , la mutualisation de ces réseaux se heurtait à la double contrainte de l'exclusivité du contrat Presstalis et de la loi du 2 avril 1947. Dans le cadre de la loi Bichet, deux titres partageant leur logistique pour la distribution d'exemplaires destinés à la vente au numéro devaient créer une coopérative à laquelle tout autre éditeur devait pouvoir adhérer. La loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a assoupli ce point. Elle prévoit en effet que le CSMP « définit les conditions dans lesquelles les entreprises de presse [...] peuvent, dans des zones géographiques déterminées, sans adhésion à une société coopérative de messageries de presse commune, recourir à des réseaux locaux de distribution aux points de vente et homologue les contrats de distribution conclus dans ces conditions, au regard des principes de la présente loi » ;

- des raisons économiques : alors que Presstalis offre aujourd'hui à la presse quotidienne nationale une couverture intégrale du territoire, la presse quotidienne régionale ne peut offrir que des solutions de distribution locales en raison de son organisation par définition décentralisée. Il conviendrait donc de négocier avec chaque acteur de la presse quotidienne régionale les conditions de distribution de la presse quotidienne nationale. En outre, la presse quotidienne régionale n'est pas soumise au même cadre social que la presse quotidienne et que Presstalis pour son impression et sa distribution ;

- des raisons d'opportunité : les éditeurs de presse quotidienne régionale ont pu considérer que porter les abonnés d'autres titres faisait peser un risque de cannibalisation de leur propre lectorat . Ils se sont donc souvent montrés peu enclins à ouvrir leur réseau ou, lorsqu'ils le faisaient, à opter pour des conditions peu favorables pour les autres éditeurs. Afin de lever cette difficulté, la réforme de l'aide au portage intervenue en 2014 oriente une partie de cette aide vers les réseaux de portage, évolution qu'accentue la réforme de 2017.

Dès lors, l'ouverture des réseaux de portage fait apparaître une très forte hétérogénéité . Deux groupes ( Le Parisien-Les Echos et Le Figaro ) ont pleinement joué le jeu de la mutualisation, aidés par leur position géographique particulièrement favorable, tandis que plusieurs autres progressent dans cette voie, quoique de façon encore modeste. Par ailleurs, dans le Grand Est, l'absence quasi-totale d'ouverture des réseaux de portage d'EBRA a entraîné l'émergence de réseaux de portage indépendants, qui assurent la distribution abonnée portée de titres de la presse quotidienne nationale et de magazines.

Le portage pour compte de tiers en 2016
(exemplaires individuels et collectifs payés
hors exemplaires livrés aux entreprises de transport aérien)

Réseau

Exemplaires des titres du groupe portés

Exemplaires des titres tiers portés

% d'exemplaires tiers portés

Alsace de portage (DNA)

-

-

-

La Dépêche

23 984 103

2 174 300

8,3 %

Mediaportage (L'Alsace)

22 797 937

181 000

0,8 %

Midi Libre

28 200 116

1 710 530

5,7 %

Nordispresse (La Voix)

100 462 677

1 413 222

1,4 %

Ouest Plus Service (Ouest France)

199 947 601

988 888

0,5%

Presse Portage (NRCO)

18 446 830

1 444 061

7,3 %

Promoporte (Le Figaro)

19 973 719

7 132 891

26,3 %

Azur Distribution (Nice-Matin)

21 820 529

1 521 366

6,5 %

Pyrénées Presse

7 255 744

76 950

1,0%

Proximy (Le Parisien-Les Echos, ex-SDVP)

36 319 417

27 738 128

43,3 %

Sud-Ouest

40 066 417

1 046 700

2,8 %

Sud Presse Distribution
(La Provence)

13 500 000

1 046 700

7,2 %

Source : DGMIC

Depuis une dizaine d'années, en raison de l'érosion des ventes au numéro et d'une complémentarité industrielle avec son activité de réseau de dépôts, Presstalis accompagne les initiatives des éditeurs qui souhaitaient favoriser le développement du portage au travers des différents acteurs de la vente au numéro (messageries, dépositaires, diffuseurs). La messagerie, compte tenu de son savoir-faire , pourrait même envisager d' assurer la logistique d'approche des volumes de presse portés vers les centres de répartition régionaux - Presstalis a d'ailleurs conclu un accord de sous-traitance logistique avec le groupe La Dépêche -, voire jouer le rôle d'intégrateur du flux de portage , valorisant ainsi son organisation logistique et son réseau.

Un certain nombre de tests ont été menés, notamment en 2008 et en 2009, qui ont confirmé la capacité opérationnelle de Presstalis et des dépositaires à mettre en oeuvre des solutions de portage . Mais le passage à une phase industrielle de la gestion intégrée et complète de ces flux nécessiterait le développement ou l'acquisition d'un système d'information adapté et coûteux. Outre les difficultés économiques de la messagerie, la présence d'acteurs de la presse quotidienne régionale déjà fortement implantés rend malheureusement cette perspective quelque peu lointaine.

c) Vendeurs-colporteurs et porteurs de presse : des professions originales à sécuriser

Le dispositif d'aide à l'activité des vendeurs-colporteurs et des porteurs de presse constitue un volet complémentaire de l'aide directe au portage . L'article 22 de loi n° 91-1 du 3 janvier 1991 tendant au développement de l'emploi par la formation dans les entreprises, l'aide à l'insertion sociale et professionnelle et l'aménagement du temps de travail, pour l'application du troisième plan pour l'emploi a établi un double statut pour ces professions sur le modèle de ce qui existait déjà en Alsace-Moselle :

- les vendeurs-colporteurs de presse exercent leur profession à titre indépendant pour le compte d'un éditeur de presse quotidienne ou assimilée, d'un dépositaire (niveau 2) ou d'un diffuseur (niveau 3), qui est juridiquement leur mandant ;

- les porteurs de presse salariés sont employés par des sociétés de portage , souvent développées par des quotidiens régionaux, dont 52 % des titres sont portés. Leur statut est organisé par le code du travail et par la convention collective nationale du portage de presse du 26 juin 2007, étendus par un arrêté en date du 3 juin 2016, lorsque l'activité principale de l'entreprise de laquelle ils dépendent est le portage de presse.

Afin de réglementer ces professions, alors majoritairement exercées en travail dissimulé, la loi précité du 3 janvier de 1991 a également établi une assiette forfaitaire de cotisations , assise sur le nombre d'exemplaires portés chaque mois, correspondant, par tranche de cent journaux vendus ou distribués, à 4 % du plafond journalier de la sécurité sociale pour la presse départementale, régionale et nationale et à 8 % du plafond journalier pour la presse dite « de rue », d'autre part. Une entreprise peut donc à chaque versement de la rémunération et pour chaque salarié opter soit pour l'application de l'assiette forfaitaire des cotisations dues, soit pour un calcul des cotisations selon les conditions de droit commun, c'est-à-dire sur les rémunérations effectivement allouées.

L'article 22 bis de la loi du 3 janvier 1991 précitée a été introduit en 2009 afin d'accompagner le développement du portage. Il prévoit, pour les vendeurs-colporteurs et les porteurs salariés, l'exonération de versements de charges sociales patronales (hors accidents du travail et maladies professionnelles) pour l'employeur ou le mandant. Une circulaire du 14 septembre 2009 de la direction de la sécurité sociale a étendu le bénéfice des exonérations aux porteurs de presse quotidienne gratuite d'information politique et générale. Puis, un courrier du 13 janvier 2014 du ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget, a étendu cette exonération aux porteurs de presse hebdomadaire d'information politique et générale.

Le manque à gagner qui en résulte pour les régimes de sécurité sociale est compensé par l'État sur le budget du programme 180 « presse et médias » et versé à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), gestionnaire du dispositif. L'exonération présente des caractéristiques de guichet : le tendanciel correspond donc aux prévisions de l'ACOSS, ajustées ensuite par ses soins par rapport aux réalisations. Ces dernières années, les prévisions ont fréquemment été revues à la baisse, compte tenu de l'attrition des volumes portés.

L'évolution des sommes compensées par l'Etat

Source : DGMIC

Le montant inscrit en loi de finances pour 2017, soit 15,3 millions d'euros, se fondait sur les prévisions de septembre 2016. Cependant, en gestion 2017, la trajectoire de l'aide a été réévaluée sur les prévisions actualisées en mars et le montant retenu dans l'échéancier de versement de l'État à l'ACOSS s'élève désormais à 14,4 millions d'euros . Compte tenu de la réduction des prévisions d'exécution de l'ACOSS, un versement de 11,8 millions d'euros a été effectué fin juin dernier, après qu'un surgel de crédits au programme de 3 millions d'euros a été affecté sur la dotation du dispositif fin avril.

Pour 2018 , le montant retenu s'élève à 14,2 millions d'euros . Il s'appuie sur un nombre de porteurs de presse estimé à 14 496 pour la presse payante et à 15 372 pour la presse gratuite, ainsi que sur un nombre moyen d'exemplaires portés mensuellement par porteur de 3 286 pour la presse payante et de 1 062 pour la presse gratuite. L'exonération de cotisations patronales, qui représente pour 2018 un taux de 26,79 % de l'assiette de cotisations, est estimée pour ce niveau moyen d'exemplaires portés à 50,6 euros en moyenne par mois pour l'employeur s'agissant du portage de la presse payante et à 29,5 euros pour la presse gratuite.

Estimations pour 2018

Estimation des effectifs en 2018

Montant mensuel de l'exonération en 2018

Prévision
du montant de l'exonération 2018

Vendeurs-colporteurs et porteurs de presse payante

14 496

50,63 €

8,81 M€

Vendeurs-colporteurs et porteurs de presse gratuite

15 372

29,47 €

5,43 M€

Total

14,24 M€

Source : DGMIC

Les conditions de travail des vendeurs-colporteurs de presse et porteurs n'en demeurent pas moins particulièrement difficiles : en tant qu'indépendants, les VCP ne bénéficient pas des garanties du droit du travail en matière de rémunération, de conditions de travail ou encore de représentation. Les porteurs, quoique salariés, connaissent également un statut social difficile, lié notamment à l'assiette forfaitaire de cotisation définie en application de l'article 22 bis de la même loi.

Une étude d'impact de l'aide au portage sur les éditeurs de presse quotidienne et les entreprises de presse, menée en 2013 par le cabinet Arthur D. Little, a mis en exergue la précarité de la situation des porteurs et des vendeurs-colporteurs . Les aides existantes n'ont pas permis d'améliorer le statut de ces acteurs, chevilles ouvrières de la distribution de la presse par portage.

Aussi, le 10 juillet 2013, dans sa communication en Conseil des ministres sur la réforme des aides à la presse, Aurélie Filippetti, alors ministre en charge de la culture, a présenté un volet social, en appelant notamment les professionnels à conclure un code de bonnes pratiques professionnelles à l'égard de ces professionnels.

Afin de mener à bien cette réforme, une mission d'étude conjointe de l'IGAC et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a été lancée en avril 2014, en vue d'établir un panorama général de ces métiers et des personnes qui les exercent, mais également de définir les bonnes pratiques des éditeurs à l'égard des vendeurs-colporteurs et de déterminer les pistes de réforme du statut de porteur . Plusieurs évolutions ont été évoquées dans ce cadre, sans véritable suite néanmoins. Les conventions-cadres avec les grands groupes de presse, dont la nouvelle version doit être signée avant la fin de l'année 2017, pourraient constituer un levier pertinent pour assurer une responsabilisation renforcée des employeurs .

Le rapport relatif à la réforme de l'aide au portage de la presse, réalisé conjointement par l'IGF et l'IGAC, publié en février dernier, préconise pour sa part la révision du statut des vendeurs-colporteurs afin de permettre le développement du portage multi-titres , ce que réclame également le SPQR. En effet, tant que n'est pas entendu le fait que le portage multi-titres ne remet pas en cause l'indépendance du vendeur colporteur, un risque existe que les éditeurs qui font appel à leurs services soient, pour cette tâche, considérés comme des donneurs d'ordres, ce qui obligerait à une requalification des contrats en salariat.

Selon les informations dont dispose votre rapporteur pour avis, un accord aurait été trouvé pour limiter à 50 % la proportion de titres tiers portés par un vendeur-colporteur sans remettre en cause son statut indépendant. Cependant, aucun véhicule législatif n'a encore permis sa mise en oeuvre.

2. Les errements de l'aide postale
a) Le trouble jeu de l'État

Depuis la loi de finances pour 2014, l'aide au transport postal de la presse figure au programme 134 « développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie », au motif qu'elle constitue une aide à La Poste au titre de sa mission de service public. Elle demeure pour autant, dans son principe comme en vertu de ses conséquences sur l'économie du secteur, une aide à la presse.

(1) Le rôle essentiel mais coûteux du transport postal de la presse

Le transport et la distribution des journaux et des publications périodiques constituent une mission obligatoire de service public de La Poste , en ce qu'elle contribue, selon les termes du code des postes et des communications électroniques, à « favoriser le pluralisme, notamment celui de l'information politique et générale » . À ce titre, selon les articles L. 2 et L. 4 du même code, les publications de presse bénéficient de tarifs préférentiels pour son transport et sa distribution fixés par l'État. Le déficit subi par l'entreprise en raison de cette réglementation tarifaire favorable est partiellement compensée par une dotation de l'État.

La Poste représente, avec les messageries de presse, l'un des principaux acteurs de la diffusion de la presse française. En 2016, l'entreprise a acheminé et distribué près de 1,01 milliard d'exemplaires de 7 000 publications différentes dans le cadre de sa mission de service public, soit 30 % de la diffusion payée.

Le postage constitue le deuxième mode de diffusion de la presse après la vente au numéro . Cette moyenne masque cependant des situations contrastées selon les catégories de presse et les situations géographiques . Si la presse quotidienne privilégie le portage à la diffusion postale dans les zones à forte densité de population, où la part du postage a d'ailleurs reculé depuis 2008, notamment pour des questions d'horaires de distribution, le postage demeure un vecteur de diffusion très largement utilisé par les magazines et revêt une importance particulière dans les zones rurales et peu denses , où il n'existe pas ou peu d'alternative au transport postal des abonnements. Pour certains titres, de la presse professionnelle et associative par exemple, le taux de postage peut dépasser 75 % voire 90 % des exemplaires diffusés.

Évolution du trafic presse transporté et distribué par La Poste par catégorie

(en nombre d'exemplaires)

Source : DGMIC

Le transport et la distribution de la presse représentent 22 % du poids de la sacoche du facteur et 9 % des volumes de courrier distribués mais seulement 6 % du chiffre d'affaires courrier de l'entreprise, en raison des tarifs privilégiés appliqués à la presse , soumis à l'homologation des ministres chargés des postes et de l'économie, après avis public de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). Ils représentent entre 15 % et 60 % du tarif de service universel et sont fonction de la catégorie de la publication, du niveau de service choisi par l'éditeur et du caractère mécanisable ou non du produit de presse au regard des spécifications techniques de la distribution.

Le dispositif constitutif du « régime économique de la presse » est réservé aux publications titulaires d'un certificat d'inscription délivré par CPPAP . Le cadre réglementaire distingue deux catégories de publications : celles qui relèvent du droit commun et celles qui bénéficient d'un régime dérogatoire (publications d'anciens combattants, mutilés ou victimes de guerre, publications éditées par les organisations syndicales représentatives des salariés, publications politiques ou électorales, publications mutualistes, publications qui contribuent à la défense des grandes causes, journaux scolaires).

L'activité de service public de transport et de distribution de la presse, constituée à 80 % de charges de main d'oeuvre, donne lieu à l'établissement d'un compte réglementaire annuel établi sous le contrôle de l'ARCEP. Du fait de la modicité des tarifs postaux réglementés de presse par rapport aux coûts affectés à l'activité et du niveau de la participation financière de l'État, La Poste supporte dans ses comptes, un déficit brut. Au total, les prix payés par les éditeurs couvrent en moyenne 44 % des coûts et la contribution publique 14 % des coûts. Le déficit qui reste à la charge de La Poste constitue, de fait, une aide supplémentaire à la presse prise en charge par l'entreprise.

L'analyse rétrospective des comptes réglementaires annuels montre toutefois que, sur les dix dernières années, le déficit de l'activité a été quasiment réduit de moitié sous l'effet de la hausse des tarifs, du maintien d'une partie de la contribution publique et, pour l'essentiel, de la réduction des coûts de La Poste, qui sont passés de 1,3 milliard d'euros en 2001 à 900 millions d'euros en 2015. Ainsi, entre 2008 et 2015, le déficit net de l'activité a reculé de 46 millions d'euros et les coûts de 222 millions d'euros. Pour autant, le chiffre d'affaires a diminué de 76 millions d'euros et la contribution de l'État de 112 millions d'euros.

Évolution du compte presse de La Poste

Source : La Poste

(2) Le soutien instable de l'État

Si l'amélioration du compte presse de La Poste mérite d'être saluée, notamment les efforts réalisés à cet effet par l'entreprise comme par les éditeurs , l'instabilité de la contribution de l'État n'a contribué ni à ce résultat, ni à l'apaisement des esprits sur l'enjeu logistique et financier majeur que constitue le transport postal de la presse.

L'accord signé le 23 juillet 2008 par L'État, La Poste et les organisations professionnelles représentatives des éditeurs de presse à l'issue de la mission d'évaluation et de proposition conduite par Marc Schwartz avait l'ambition de ramener le déficit de l'activité « presse » de La Poste à un niveau supportable pour l'entreprise et d'apporter des solutions durables à la distribution par voie postale de la presse. Établi pour sept ans (du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2015), l'accord permettait aux différents acteurs, confrontés à de profonds bouleversements économiques, réglementaires et technologiques, de disposer d'une visibilité à moyen terme sur l'évolution progressive des conditions du transport et de la distribution de la presse par La Poste. Il devait également conduire à une réduction du déséquilibre économique structurel qui affecte cette activité et handicape l'entreprise.

L'accord 2009-2015, dit Schwartz, a ainsi fixé une trajectoire pour la revalorisation des tarifs postaux de presse concomitamment à une nouvelle réduction des charges de La Poste et au maintien d'une contribution publique significative.

L'accord prévoyait un mécanisme reposant sur la définition de trois catégories de tarifs s'appliquant respectivement aux quotidiens à faibles ressources publicitaires, à la presse d'information politique et générale et aux titres agréés par la CPPAP n'appartenant pas aux deux catégories précédentes. Une évolution en pourcentage progressive et prévisible était fixée, plus favorable pour la presse à faibles ressources publicitaires et d'information politique et générale, que pour les autres titres.

Taux de revalorisation pour les quotidiens
à faibles ressources de publicité ou de petites annonces

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

1,5 %

1,5 %

1,5 %

1,5 %

1,5 %

1,5 %

1,5 %

Taux de revalorisation pour la presse d'information politique et générale

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2 %

2,5 %

3 %

3 %

3,5 %

3,5 %

3,5 %

Taux de revalorisation pour les autres titres

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

3 %

3,5 %

4 %

4,5 %

5 %

5 %

5 %

Source : DGMIC

Les tarifs étant particulièrement préférentiels, l'analyse des évolutions doit en pourcentage mais également en valeur absolue. Sur l'ensemble de la période, les tarifs de presse ont en réalité enregistré une progression moyenne annuelle comprise entre 1,9 % et 5,8 %.

L'accord précité du 23 juillet 2008 prévoyait une contribution financière de l'État, confirmée dans le contrat d'entreprise 2013-2017 entre l'État et La Poste. Par rapport au dispositif qui a prévalu sur la période 2004-2008, l'accord tripartite de juillet 2008 a organisé deux évolutions. D'abord, il programmait une diminution graduelle de la contribution publique à partir de 2012, soit une réduction de 62 millions d'euros en fin d'accord.

Contribution programmée de l'État

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

242

242

242

232

217

200

180

Source : DGMIC

Ensuite, la contribution est désormais regroupée en une contribution unique versée à La Poste, alors qu'elle était précédemment constituée de deux mécanismes de soutien distincts (compensation des surcoûts de la distribution en zone peu dense et compensation des remises tarifaires opérées par La Poste sur les tarifs de presse au profit de la presse d'information politique et générale).

Entre 2009 et 2013, les sommes correspondant à l'engagement de la participation financière de l'État au transport et à la distribution de la presse par La Poste ont été versées à La Poste. Mais le mécanisme vertueux de l'accord Schwartz s'est ensuite grippé . D'abord, en 2014 et en 2015, la contribution prévue a été réduite chaque année de 50 millions d'euros (soit 150 millions d'euros puis 130 millions d'euros), afin de tenir compte du bénéfice pour La Poste du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), sans que l'on comprenne très bien le rapport entre une aide au transport postal en contrepartie d'une coûteuse mission de service public assumée par La Poste et un crédit d'impôt au bénéfice de l'ensemble des entreprises.

Par ailleurs, le manque à gagner que représente pour La Poste le report d'application des hausses tarifaires, décidé en 2009 à l'issue des états généraux de la presse écrite, dit « moratoire tarifaire », n'a été compensé intégralement que jusqu'en 2013 (29,2 millions d'euros en 2012 et 30,6 millions d'euros en 2013). Puis a été unilatéralement décidée une sortie du moratoire étalée sur deux ans (2014 et 2015), sans reconduction, sur cette période, du dispositif existant de compensation du manque à gagner pour La Poste 5 ( * ) .

Au 1 er janvier 2014, la première composante du moratoire, soit le décalage d'un an des hausses tarifaires, a été supprimée et les hausses 2013 et 2014 prévues par les accords Schwartz appliquées (en plus de l'inflation au titre de 2014) et, au 1 er janvier 2015, la deuxième composante du moratoire a été supprimée et l'inflation au titre de l'année 2009 a été appliquée en plus de la hausse 2015 prévue par les accords Schwartz et de l'inflation au titre de l'année 2015.

Toutefois, un dispositif additionnel spécifique dédié aux titres d'information politique et générale a été créé pour plafonner à 1 % l'impact, pour les éditeurs concernés, des évolutions tarifaires liées à la sortie du moratoire. À ce titre, le gouvernement de l'époque s'est engagé à une prise en charge partielle, qui a donné lieu à une compensation d'un montant de 1,52 million d'euros en 2014 et de 2,5 millions d'euros en 2015.

Contribution de l'État au transport de la presse par La Poste (2009-2015)

en millions €

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Contribution à la mission de SP

Contribution prévue par l'accord Schwartz

242,00

242,00

242,00

232,00

217

200,00

180,00

Montant inscrits en loi de finances

242,00

242,00

242,00

232,00

217,00

150,50

130,00

Contribution versée par l'État à La Poste

229,55

242,00

241,45

232,02

217,00

150,00

130,00

Compensation du coût du moratoire

Coût brut pour La Poste du moratoire tarifaire

23,74

24,54

27,38

29,18

30,55

15,70

4,90

Montant inscrit en loi de finances

25,40

28,00

26,50

27,64

32,00

0

3,00

Compensation versée par l'État à La Poste

23,74

24,54

27,38

29,18

30,6

1,52

2,50

Total contribution versée par l'État

253,29

266,54

268,83

261,20

247,6

151,52

132,50

Source : DGMIC

b) Vers un nouveau modèle ?

L'année 2015 marquant la fin de la période couverte par les accords Schwartz, une mission sur l'avenir du transport postal de la presse a été confiée à Emmanuel Giannesini, alors président du comité d'orientation du FSDP, visant à proposer différents scénarios (politique tarifaire à compter de 2016, recentrage de l'aide postale, montant et forme de la compensation de l'État) afin de définir le nouveau cadre du soutien public à l'acheminement des abonnements de presse, comprenant à la fois l'aide au transport postal et l'aide au portage.

Le rapport soulignait notamment les difficultés qui s'attachent à la mise en oeuvre d'une aide unique à l'exemplaire versée aux éditeurs et indépendante du mode de diffusion. En effet, sa mise en place se heurte, d'une part, à une objection économique qui tient au fait que le portage est déjà compétitif, et d'autre part, à des obstacles de calibrage difficilement surmontables compte tenu des effets redistributifs considérables en faveur des publications déjà portées. Par ailleurs, le rapport proposait d'encourager la migration numérique de la presse sous la forme d'une aide aux abonnements numériques limitée dans le temps. Cette réflexion a été poursuivie dans le cadre de la mission précitée de l'IGAC et de l'IGF sur l'avenir de l'aide au portage, dont le rapport préconise d'ouvrir le FSDP aux campagnes d'abonnements numériques, sans pour autant créer une aide nouvelle destinée à la diffusion numérique.

Se fondant sur les travaux conduits par Emmanuel Giannesini et par l'ARCEP, le précédent gouvernement a décidé de prolonger sur la période 2017-2020, mais sans accord tripartite, la trajectoire d'évolution des tarifs définie à titre temporaire pour 2016 : ainsi, les tarifs de La Poste pour la période n'augmenteront pas au-delà de l'inflation pour les quotidiens à faibles ressources publicitaires, ils augmenteront, hors inflation, de 1 % l'an pour la presse d'information politique et générale et de 3 % l'an pour les autres titres de la presse CPPAP.

Un ciblage de l'aide au transport postal de la presse non seulement sur les titres d'information politique et générale, mais également sur la presse du savoir et de la connaissance a été un temps envisagé. Cette modification du cadre réglementaire, dont votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication s'était émue, n'a finalement pas été retenue, car elle risquait de fragiliser l'équilibre de la presse et du transport postal de presse. En outre, la définition exacte de cette catégorie de publications présentait des difficultés juridiques sérieuses.

L'équilibre de la réforme du transport postal de presse repose également sur deux mesures complémentaires qui réaffirment le soutien de l'Etat en faveur de la presse d'information politique et générale, tout en veillant à ne pas dégrader la situation économique de La Poste. Ainsi, l'État s'est engagé, à compter de 2016, à ne pas faire supporter aux éditeurs de presse d'information politique et générale le coût du moratoire résiduel . En contrepartie, par souci d'équité, les suppléments des publications d'information politique et générale voient, sur quatre ans et de façon lissée, leur tarif postal s'aligner sur celui des magazines dont le contenu est identique, ce qui participe à la consolidation du chiffre d'affaires de La Poste (décret n° 2016-2013 du 30 décembre 2016).

De surcroît, la stabilisation de la compensation versée par l'État à La Poste sur la période, pour un montant variant selon les années entre 119 millions d'euros et 122,7 millions d'euros, devait permettre de préserver les équilibres financiers de l'opérateur postal. En 2017, la dotation de l'État à La Poste en compensation partielle de sa mission de service public de distribution de la presse s'est établie à 121 millions d'euros, au lieu des 119 millions d'euros initialement prévus.

Hélas, les bonnes résolutions furent de courte durée puisque, pour 2018, ce sont seulement 111,5 millions d'euros qui sont inscrits au programme 134, soit 11,2 millions de moins que les engagements précédemment pris. En 2019, la dotation sera ramenée de 120,4 millions d'euros à 103,8 millions d'euros, tandis que le montant pour 2020 n'a pas encore fait l'objet d'un arbitrage. Votre rapporteur pour avis déplore ce nouveau recul unilatéral, qui nuit aux résultats, déjà fort déficitaires, du compte presse de La Poste et prive l'entreprise d'une indispensable visibilité sur cette activité aussi utile que coûteuse.

Nul ne s'étonnera donc que La Poste mette en oeuvre des stratégies parallèles pour tenter de retrouver la voie de la rentabilité . Ainsi, en 2016 et en 2017, de longues discussions avec la presse magazine ont porté sur la fixation d'un tarif reflétant les coûts évités pour les volumétries importantes et les réalités logistiques du traitement postal de la presse magazine . La Poste a, en effet, pris conscience du risque de bascule des volumes rentables vers le portage, surtout qu'un récent benchmark tarifaire européen atteste que le tarif du service postal des magazines est aujourd'hui parmi les plus chers d'Europe. Un accord vient d'être conclu, instaurant un système de remises grands comptes sur les zones denses et, prochainement, une offre de dépôt libre pour les flux les moins préparés.

Pour le Syndicat des éditeurs de presse magazine (SEPM), auditionné par votre rapporteur pour avis, « la perspective d'évolution de la courbe tarifaire vers l'asymptote permet d'anticiper une stabilisation et une prévisibilité des flux postés par la presse magazine sur le moyen terme. » A contrario , le SPQR s'est montré fort inquiet de cette démarche, qui concurrence les entreprises de portage sur les zones denses , où elles sont les plus rentables. Les représentants de la presse spécialisée, quant à eux, ont fait part à votre rapporteur pour avis de leur crainte, au regard de la faiblesse des volumes distribués pour la majorité de leurs titres l'empêchant de prétendre à l'offre grands comptes de La Poste, de subir seuls et de plein fouet les prochaines augmentations de tarifs postaux.

Votre rapporteur pour avis, même si la compensation de l'État à La Poste n'est pas attachée au programme 180 « presse et médias », s'inquiète de cette dérive. Il appelle le Gouvernement à respecter ses engagements en matière de compensation à La Poste et l'entreprise à ne pas écorner, dans ses pratiques, sa mission de service public en matière de transport de la presse.


* 5 Le moratoire sur les tarifs postaux de presse, institué en 2009 à la demande du Président de la République pour parer à la situation d'urgence de la presse, a eu pour effet de décaler d'une année l'application des évolutions tarifaires fixées par l'accord tripartite du 23 juillet 2008. Afin de préserver les équilibres négociés, ce dispositif était assorti d'un engagement de l'État de compenser intégralement le manque à gagner supporté par La Poste. Cet engagement a pris la forme d'une contribution complémentaire à due hauteur des remises opérées par La Poste sur les tarifs facturés aux éditeurs. La compensation intégrale du moratoire tarifaire par l'État jusqu'au terme de l'accord a été explicitement confirmée dans le contrat d'entreprise de La Poste. Pourtant, le 10 juillet 2013, a été annoncé la décision de mettre fin dès 2014 au moratoire et à la compensation versée à La Poste. Cette décision a conduit à un retour à la trajectoire tarifaire programmée par l'accord Schwartz.

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