II. BILAN D'UN QUINQUENNAT « HOLLANDE » : DES OPÉRATEURS EXSANGUES

Avec pas moins de 154 services de coopération et d'action culturelle (SCAC) implantés dans les ambassades, 98 instituts français et 383 alliances françaises conventionnées avec le ministère - sur un total de 825 alliances dans le monde -, notre réseau d'action culturelle extérieure constitue un outil exceptionnel pour notre diplomatie d'influence.

Mais la richesse des implantations physiques, du nombre, de la diversité et de la qualité de ses acteurs, ne doit pas nous faire oublier la pauvreté budgétaire dans laquelle ce réseau est plongé depuis plusieurs années et qui pourrait avoir raison, tôt ou tard, de l'existence même de ce réseau.

Les opérateurs de l'action culturelle extérieure française ont en effet été contraints sur le précédent quinquennat à une très rude diète budgétaire, allant certaines années bien au-delà de la norme de - 3 % imposée aux opérateurs de l'État.

A. L'INSTITUT FRANÇAIS : DES MOYENS EN PEAU DE CHAGRIN

Le 15 février 2017, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné le rapport de Louis Duvernois sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'Institut français pour la période 2017-2019 . À cette occasion, il a salué la pertinence et l'ambition des objectifs assignés à l'Institut français et l'engagement de ses personnels à faire rayonner la France et la culture à l'étranger. Il a toutefois déploré la quasi-absence de volet relatif aux moyens dans le projet de COM. Il a très vivement regretté le manque de moyens alloués à l'Institut français depuis le début du quinquennat et rappelé que les crédits d'intervention de l'Institut avaient été réduits de 37 % depuis 2011. Après un large débat au cours duquel tous les groupes ont salué l'action de l'Institut français, de son directeur et de ses personnels, mais aussi déploré l'absence de moyens budgétaires , la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a finalement choisi d'émettre un avis favorable à l'adoption du COM, assorti de très grandes réserves relatives au manque de moyens alloués à l'Institut français. Ce COM a été signé le 9 mai 2017.

La question des moyens budgétaires consacrés à l'Institut français pour mener ses ambitieuses missions est lancinante. Le contexte d'une pénurie de moyens que connaît l'opérateur depuis plusieurs années crée un climat de disette budgétaire au sein de l'établissement, malheureusement peu propice à l'initiative et à la créativité.

Pour 2018, les moyens de l'Institut sont maintenus par rapport à 2017. Mais si l'on compare les crédits proposés pour 2018 à ceux votés en 2012, la subvention de l'Institut accuse une diminution de plus de 11 % en six ans.

Pour 2018, une dotation de 28,8 millions d'euros est inscrite à la présente mission. Il s'agit d'une augmentation « optique » de 0,3 % par rapport à l'an dernier compte tenu du transfert d'une dotation de 100 000 euros en provenance du ministère de la culture pour financer d'un commissaire pour la saison croisée France-Israël 6 ( * ) . Hors ce transfert exceptionnel, la subvention à l'Institut français est étale de 2017 à 2018.

S'y ajoute, comme chaque année, une subvention en provenance du ministère de la culture 7 ( * ) . En 2018, elle devrait être de 1,36 million d'euros . Votre rapporteur pour avis estime que cette contribution du ministère de la culture est insuffisante alors que depuis le vote de la loi LCAP, ce ministère assure une co-tutelle sur l'établissement.

Évolution des subventions de l'État à l'Institut français

(en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après réponse au questionnaire de votre rapporteur pour avis

Les baisses de subventions ont parfois pu être compensées par le développement des ressources propres ou la recherche de co-financements. Mais cette démarche atteint progressivement ses limites, en particulier pour les co-financements qui nécessitent une « mise de fonds » initiale minimale de la part de l'opérateur.

C'est le cas notamment du co-financement avec les collectivités territoriales , régions et grandes villes. En 2014, 3,8 millions d'euros avaient été mobilisés avec une participation de 1,4 million d'euros de l'Institut français. En 2017, ce n'est plus qu'1,8 million d'euros qui est mobilisé car la participation de l'Institut est tombée à 0,9 million d'euros.

Faute de pouvoir trouver des financements extérieurs croissants, la baisse des subventions a donc eu pour effet de réduire drastiquement les dépenses d'intervention de l'Institut français : - 35 % depuis 2011 !

Quant aux instituts français implantés dans le monde, ils ont également connu une baisse de leurs crédits d'intervention.

Évolution de la dotation globale pour opérations des établissements à autonomie financière (2012-2018)

(en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur pour avis

À l'initiative conjointe de votre commission et de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, un débat consacré à l'avenir de l'Institut français a été organisé au Sénat le mardi 21 novembre . Ce débat a été l'occasion de partager les inquiétudes de votre commission et de votre rapporteur pour avis sur l'ensemble des bancs de notre hémicycle.

De très nombreuses questions ont été posées par les sénateurs : celle, cruciale, des moyens de l'Institut (trajectoire budgétaire, implication budgétaire du ministère de la culture, recettes de mécénat, etc.), mais aussi celle du développement de ses outils numériques, celle de la complémentarité de ses actions avec d'autres opérateurs culturels comme le CNC 8 ( * ) , l'ONDA 9 ( * ) ou le CNAP 10 ( * ) , celle des perspectives de rapprochement de l'Institut avec la Fondation Alliance française et celle de ses collaborations avec les collectivités territoriales ou encore avec le CNED 11 ( * ) et le CIEP 12 ( * ) .

Le débat s'est élargi à notre diplomatie d'influence dans le monde : la situation de l'enseignement français à l'étranger, la question du statut juridique des établissements à autonomie financière, notre politique de promotion de la francophonie.

Les propositions des sénateurs ont été nombreuses : évocation de très synergies et mutualisations possibles entre l'Institut et d'autres organismes, création d'une grande agence culturelle internationale autour de l'Institut français, rapprochement de l'Institut français et de la Fondation Alliance française sous la forme d'un groupement d'intérêt économique (GIE), création d'un chèque éducation pour permettre à tous les enfants Français à l'étranger d'apprendre le français, création d'un statut de volontaire international d'enseignement francophone, etc.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, a reconnu que les moyens de l'Institut français étaient « à l'os » et s'est dit engagé à veiller « à ce que l'Institut français déploie une diplomatie culturelle ambitieuse ».

Votre rapporteur spécial en prend acte et veillera à ce que ces engagements soient bien suivis d'effets.


* 6 Le montant du transfert est de 100 000 euros, le coût réel devrait cependant avoisiner les 135 000 euros. S'agissant des emplois autorisés pour l'Institut, son plafond d'emplois pour 2018 augmente d'une unité pour passer à 141 emplois temps plein travaillés, en raison du transfert d'un emploi du ministère de la culture pour la prise en charge de ce poste de commissaire France-Israël. Ici encore, il ne s'agit pas d'une véritable ressource supplémentaire pour l'Institut.

* 7 Cette subvention pour charges de service public est inscrite à l'action 06 « Action culturelle internationale » du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture », rapportée pour avis par notre collègue Sylvie Robert.

* 8 Centre national du cinéma et de l'image animée.

* 9 Office national de diffusion artistique.

* 10 Centre national des arts plastiques.

* 11 Centre national d'enseignement à distance.

* 12 Centre international d'études pédagogiques.

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