II. LE RENSEIGNEMENT

A. LA POURSUITE DES EFFORTS EN FAVEUR DU RENSEIGNEMENT DE SECURITÉ

Les crédits de paiements inscrits au programme 144 poursuivent leur progression (+20,28 %) en fonctionnement comme en investissement, consolidant les efforts entrepris depuis la loi de programmation militaire (2014-2019). Ils permettent d'accompagner les renforcements en personnels, dont les crédits sont inscrits au programme 212 et de développer les capacités techniques des services dans le domaine de recueil et d'exploitation du renseignement ainsi que leurs infrastructures. En revanche, après une progression significative en 2017, le montant des autorisations d'engagement se stabilise (-1,15 %) sous l'effet du cycle des investissements techniques de la DGSE.

1. Une augmentation des moyens de fonctionnement et d'investissement dans le projet de loi de finances pour 2018

L'action n° 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » regroupe les activités de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD). Ces crédits peuvent être abondés en gestion par des crédits inscrits au programme 129 « direction de l'action du gouvernement » au titre des projets interministériels concourant à la défense et à la sécurité nationale d'une part, ou au titre des fonds spéciaux, d'autre part.

Par ailleurs, les crédits de la direction du renseignement militaire (DRM ), 53,50 M€ en AE en 2017 et 52,45 M€ en CP (respectivement 45,50 et 44,61 M€ en 2017) sont inscrits au programme 178 7 ( * ) , du fait de la vocation opérationnelle du renseignement d'intérêt militaire, notamment sur les théâtres d'opérations extérieurs. Les rémunérations de ses personnels sont inscrites au programme 212 8 ( * ) pour un montant de 171,23 millions d'euros en 2017 (147,15 M€ en 2017).

Pour disposer d'une vision globale de l'effort consenti par le ministère de la défense au profit de la fonction « connaissance et anticipation », il faudrait ajouter les crédits inscrits dans les actions et sous-actions des programmes 178 et 212 au profit des unités militaires mises au service de la DGSE, ainsi que tout ou partie des crédits inscrits au programme 146 au titre des sous-actions « renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître » concernant les équipements du programme spatial optique MUSIS (sous-action 07.40) dotée de 77,69 M€ en CP, en 2018, ceux du programme spatial de renseignement électromagnétique CERES (sous-action 07.42) e 60,13 M€ en CP en 2018) et dans une acception élargie à la fonction « connaissance et anticipation » tout ou partie de ceux de la sous-action 07.39 « autres opérations » 742,61 M€ en AE et 364,09 en CP et de la sous-action 07.41 « déploiement des services de communication et architecture des réseaux de télécommunications sécurisées DESCARTES » dotée de 60,39 M€ en CP.

Crédits du renseignement (action 3) hors titre 2

(en euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Renseignement extérieur

306 383 771

295 624 227

Renseignement de sécurité de défense

13 943 890

13 943 890

Total

320 327 661

309 568 117

Source : PAP de la mission « Défense » annexé au PLF 2018

2. La poursuite du renforcement des effectifs qui se traduit par une augmentation significative des crédits de Titre 2

Le plafond d'emploi des services de renseignement relevant du programme 144 est établi à 7 252 ETPT en 2018, 5 727 pour la DGSE et 1 525 pour la DRSD. En 2017, ce plafond était de 6 858 ETPT (5 530 pour la DGSE et 1 328 pour la DRSD).

Le montant des crédits de titre 2 inscrits au programme 212 est de 566,9 M€, dont 445,54 pour la DGSE et 121,38 pour la DRSD contre 531,54 en 2017, 425,99 pour la DGSE et 105,54 pour la DRSD en LFI 2017 9 ( * ) .

3. Les efforts de mutualisation dans le domaine des ressources humaines

Confrontée aux mêmes problématiques de recrutements de certains profils (notamment les spécialistes de l'informatique et du numérique, et les linguistes) et afin de limiter la concurrence qui s'est inévitablement instaurée entre services pour l'exploitation de viviers limités, les services de renseignement et notamment ceux relevant de la mission « défense » ont instauré des échanges sur les procédures de travail, les CV et les fiches de postes, et développé des mobilités croisées avec la définition de parcours-types communs et la mise en place d'un référentiel des métiers. Ce cercle d'échanges a été élargi à d'autres entités comme l'ANSSI, le SGDSN , la DNRED ou encore la DGSI.

S'agissant plus spécifiquement du personnel militaire, une mission d'audit a été déclenchée pour traiter des problématiques communes aux différents services (DGSE, DRM, DRSD) et aux capacités de chacun en matière de recrutement, de formation et de fidélisation. Cette mission a émis un certain nombre de préconisations qui vont du développement d'une connaissance partagée des métiers et compétences, de dispositifs de formations mutualisés, de la mobilité du personnel militaire entre services à l'établissement d'un dialogue entre les différents acteurs sur la gestion prévisionnelle des effectifs, la répartition entre personnel militaire et personnel civil, les modalités d'expression des besoins, l'élargissement de la base de recrutement...

Outre l'Académie du renseignement, créée en 2010 qui organise certains parcours de formation au profit de l'ensemble des services spécialisés de renseignement et des partenariats existants avec le CFIAR 10 ( * ) de Strasbourg pour certaines formations linguistiques, des partenariats ont été noués entre services pour mutualiser certaines formations. Toutes structures confondues, plus de 350 agents ont pu bénéficier de ces partenariats.

La politique de mutualisation des capacités de traduction en langues rares et critiques engagée depuis 2013 est opérationnelle et en forte croissance, la DGSE mettant ses linguistes à disposition des autres entités.

Ces problématiques vont s'accroître du fait des renforts importants obtenus par l'ensemble des services, les profils recherchés étant identiques. Le ministère des armées continuera également à être confronté aux différences existantes entre les niveaux de rémunération des différents services qui lui sont rattachés et devra veiller à ne pas accroître celles-ci, voire à les atténuer.

Vos rapporteurs attirent l'attention du Gouvernement sur ce point et souhaitent qu'au-delà des assouplissements à proposer en termes de rémunération et de carrière, le Gouvernement et notamment le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, développe une politique incitative d'orientation, de promotion, et d'ajustement des formations scientifiques et techniques en universités ou en écoles d'ingénieurs afin de pourvoir à ces besoins indispensables à la préservation des intérêts fondamentaux de la Nation et à son développement économique.

4. L'accroissement de la menace justifie les choix budgétaires effectués

Comme l'expose la Revue stratégique de la défense et de la sécurité nationale 11 ( * ) publiée en octobre 2017, « les menaces et les risques identifiés dans le Livre blanc de 2013 se sont manifestés avec une intensité plus forte qu'anticipé ». Le terrorisme jihadiste demeurera « une menace prioritaire ». Simultanément, l'Europe est confrontée à un retour de démonstrations de forces et des guerres ouvertes, ainsi qu'à une concentration de défis sans précédent depuis la fin de la guerre froide 12 ( * ) . Devenue interdépendante, elle se trouve placée au contact des tensions internationales, et les moyens d'action, dans le cyberespace et dans le champ de l'information, l'exposent directement à « des ingérences ou des actions malveillantes, aux conséquences potentielles de grande ampleur» .

« Le système international issu de la guerre froide cède la place à un environnement multipolaire en profonde mutation, dont l'instabilité et l'imprévisibilité sont les figures dominantes » et voit oeuvrer « des logiques de compétition, pour l'accès aux ressources et pour le contrôle des espaces stratégiques » , une « contestation directe des institutions internationales et des normes » ainsi qu'« une poursuite préoccupante des logiques de prolifération, des armes de destruction massive comme de leurs vecteurs ».

Dans ce monde plus incertain et plus dangereux, la France doit préserver son autonomie stratégique. La poursuite des efforts en matière de connaissance et d'anticipation, et en particulier dans le domaine du renseignement, est une condition clef de la préservation de sa liberté d'appréciation, de décision et d'action. Les efforts engagés au cours des lois de programmation précédentes doivent être maintenus, et nouveaux investissements consentis prioritairement sur certaines aptitudes, en particulier en matière de renseignement.

Le projet de loi de finances pour 2018 s'inscrit dans ces objectifs. Cet effort devrait se poursuivre au cours de la prochaine loi de programmation budgétaire pour un renforcement des effectifs et des moyens des services de renseignement intéressant la sécurité de la France


* 7 « Préparation et emploi des forces » (action 01-11 « Renseignement d'intérêt militaire »).

* 8 « Soutien de la politique de la défense » (action 54-06).

* 9 Respectivement, 497,58 en 2016, 412,89  pour la DGSE et 84,69pour la DRSD.

* 10 Centre de formation interarmées au renseignement.

* 11 Revue stratégique de la défense et de la sécurité nationale - octobre 2017 :

http://www.defense.gouv.fr/actualites/articles/revue-strategique-une-analyse-lucide-et-volontariste-pour-preparer-la-prochaine-loi-de-programmation-militaire

* 12 Crise migratoire, vulnérabilités persistantes dans la bande sahélo-saharienne, déstabilisation durable au Proche et Moyen-Orient. Les effets des dérèglements climatiques, les risques pandémiques, les trafics et la criminalité organisée aggravent ces phénomènes en multipliant les vulnérabilités et les causes de déstabilisation.

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