II. UN BUDGET UN PEU TROP « NORMAL » QUI ANNONCE DES COMPLÉMENTS ET NÉCESSITE UNE STRAGÉGIE D'OPTIMISATION POUR FAIRE FACE À DES DÉFIS EXCEPTIONNELS
Les défis ultramarins appellent, comme l'a annoncé le Gouvernement, des compléments budgétaires ainsi que des mesures compensatoires dans la perspective de la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).
Pour optimiser ces financements publics, le Sénat a une mission essentielle : poursuivre son travail de mise au point de mesures de simplification et d'adaptation du cadre juridique et normatif au contexte tropical et aux exigences ultramarines.
A. LES CYCLONES, RÉVÉLATEURS DE FORCES ET DE FRAGILITÉS PRÉEXISTANTES, IMPOSENT LE FINANCEMENT D'UNE RECONSTRUCTION DURABLE
L'épisode cyclonique de septembre 2017 a été exceptionnellement puissant mais votre rapporteur pour avis souligne ici avant tout la nécessité de prendre du recul et de retenir les leçons du passé. Les incidents climatiques ont plusieurs facettes : ce sont, bien entendu, des épreuves cruelles qui appellent des mesures de solidarité, mais les responsables politiques doivent aussi les analyser comme des révélateurs des forces et des fragilités existantes et impulser une reconstruction non pas à l'identique mais en franchissant un palier qualitatif.
S'agissant des crédits de reconstruction, deux remarques méthodologiques peuvent être faites. En premier lieu, pour soutenir les victimes dont la survie économique est menacée, les mesures générales, de type moratoire, sont envisageables mais pas toujours parfaitement ciblées : l' État doit aussi décentrer et décentraliser les aides en s'appuyant sur les collectivités qui analysent très finement les besoins.
La seconde réflexion de votre rapporteur pour avis concerne les canaux budgétaires de financement de la reconstruction. Le premier réflexe qui consisterait à créer un programme particulier dans la mission outre-mer, aurait été contre-productif car, comme en témoigne le document de politique transversale, tous les ministères ou presque peuvent être concernés dans leurs domaines d'action respectifs.
Au cours de son audition, le représentant du Comité interministériel à la reconstruction a présenté les grandes lignes de son rapport 5 ( * ) . Très brièvement, il en ressort, en premier lieu, que les besoins de reconstruction des bâtiments publics sont limités et relèvent de financements différenciés. Pour aider les collectivités dans leur champ de compétences, en particulier pour les établissements scolaires, il faudra une disposition législative spécifique.
Par ailleurs, l'État a apporté une aide exceptionnelle au redémarrage des entreprises sinistrées : 10 millions d'euros ont été budgétés pour abonder ce dispositif, qui permet d'allouer 1 000 euros à tout type d'entreprise recensé, 5 000 euros aux entreprises garantissant le maintien dans l'emploi de leurs salariés grâce au chômage partiel, et 10 000 euros aux entreprises garantissant le maintien dans l'emploi de leurs salariés via le chômage partiel. De plus, le dispositif de chômage partiel a été simplifié pour aider les entreprises à y recourir plus facilement et conserver ainsi leurs salariés : 643 entreprises sur Saint-Martin, représentant 3 304 salariés, et 437 entreprises sur Saint-Barthélemy, représentant 2 295 salariés, ont déjà déposé un dossier, pour un coût qui pourrait avoisiner 25 millions d'euros pour les finances publiques dans les prochains mois. Par ailleurs, le délégué interministériel a engagé des discussions avec les organismes paritaires collecteurs agréés pour faciliter la mise en place et le financement de formations complémentaires au chômage partiel et permettre ainsi un remboursement des salaires au-delà de 75 % du SMIC.
Enfin, pour les foyers modestes sinistrés , l'aide d'urgence est dispensée depuis le 23 novembre 2017 sous forme de carte prépayée à la demande des autorités locales. D'un montant de 300 euros par adulte et 100 euros par enfant dans la limite de 900 euros par foyer, la carte sera utilisable exclusivement sur le territoire français.
Le coût de la gestion de crise (déploiement de renforts, matériels, réquisitions...) est d'ores et déjà estimé à plus de 100 millions d'euros pour l'État. L'État s'est également engagé à verser à la collectivité de Saint-Martin 12,2 millions d'euros en 2017 et 50 millions en 2018 pour compenser la baisse de ses recettes fiscales et l'exonération de la taxe foncière demandée par la collectivité.
Aucun chiffrage plus global et plus précis de la reconstruction ne peut être établi à ce stade. Comme pour les précédents cyclones l'ordre de grandeur qu'il faut garder à l'esprit est un ratio de deux tiers de dommages indemnisables par les assurances et un tiers non indemnisable. Pour financer ce dernier tiers les sources sont multiples : fonds de secours et dotations de différents ministères à la fois en loi de finances 2017 et 2018 ainsi qu'en loi de finances rectificative, à quoi s'ajoutent des fonds européens, en particulier pour les agriculteurs qui en Guadeloupe ont subi de sérieux dégâts. Le fonds de secours reste le canal d'indemnisation le plus rapide : il a été doté, en loi de finances initiale, de 10 millions d'euros et sera abondé par des contributions interministérielles pour atteindre vraisemblablement 80 millions d'euros.
* 5 Repenser les Iles du Nord pour une reconstruction durable . Rapport de M. Philippe GUSTIN, préfet, délégué interministériel à la reconstruction des îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin
9 novembre 2017.