AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Dans le cadre de l'accord de Paris du 12 décembre 2015, ratifié le 15 juin 2016, la France s'est engagée à réduire de manière substantielle ses émissions de gaz à effet de serre dans les décennies à venir .
Afin de montrer l'engagement de la France dans la lutte contre le réchauffement climatique, le Gouvernement a indiqué, lors de la présentation de son plan climat le 6 juillet 2017, qu'il proposerait de mettre fin à la recherche et à la production d'hydrocarbures sur le territoire national à l'horizon 2040 .
Tel est l'objet du présent projet de loi. Déposé à l'Assemblée nationale le 6 septembre 2017 et adopté en première lecture par les députés le 10 octobre, ce texte a été inscrit pour un examen en séance publique au Sénat les 7 et 8 novembre 2017.
Ce calendrier serré, qui doit permettre l'adoption du projet de loi avant la tenue de la prochaine conférence des parties (COP) signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 6 au 17 novembre 2017, a été retenu au détriment de la qualité du travail législatif .
Le texte ayant été envoyé au fond à la commission des affaires économiques, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est saisie pour avis de douze articles, dont les articles qui organisent la fin progressive de l'exploration et de l'exploitation de pétrole et de gaz sur le territoire national ainsi que les articles relatifs au raccordement des énergies renouvelables en mer et aux mesures de lutte contre la pollution de l'air.
La commission, malgré des réserves quant aux effets sur le climat des dispositions de ce projet de loi, n'a pas souhaité s'opposer au texte, mais a cherché à en améliorer le contenu.
Lors de sa réunion du 25 octobre 2017, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie pour avis, sous réserve de l'adoption de cinq amendements proposés par son rapporteur.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. UNE VOLONTÉ DE TRADUIRE LES ENGAGEMENTS DE L'ACCORD DE PARIS PAR UN ACTE SYMBOLIQUE FORT
1. Les engagements pris par la France de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre
L'accord de Paris, adopté le 12 décembre 2015, a pour objectif de contenir l'augmentation de la température moyenne mondiale en-dessous de 2° C par rapport aux niveaux préindustriels , et de s'efforcer de la limiter à 1,5 ° C.
Au regard du volume actuel des émissions de gaz à effet de serre et de la trajectoire de baisse des émissions de CO 2 anticipées, si aucun effort supplémentaire de baisse des émissions n'était mis en oeuvre dans les années à venir, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) estime que la hausse de la température moyenne à la surface du globe serait d'environ 3,7 à 4,8 degrés en 2100 par rapport à la période 1850-1900 1 ( * ) . Une telle hausse aurait des conséquences sociales et environnementales graves et irréversibles, et induirait notamment une multiplication des événements climatiques extrêmes.
Afin de ne pas dépasser la limite de 2° C, chaque État partie à l'accord s'est engagé sur une trajectoire de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre . Ces contributions nationales ne permettent pas pour l'instant d'atteindre l'objectif visé ; elles devront être actualisées d'ici 2020.
La France, qui a ratifié l'accord de Paris le 15 juin 2016, est engagée depuis plusieurs années dans la baisse de ses émissions de gaz à effet de serre. La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a fixé pour objectif une baisse des émissions de gaz à effet de serre de 40 % en 2030 par rapport aux émissions de 1990, et une diminution par quatre de ces émissions d'ici 2050 .
Cette trajectoire a été précisée dans un décret du 18 novembre 2015 2 ( * ) qui détermine le plafond national des émissions de gaz à effet de serre (ou « budget carbone ») pour les périodes 2015-2018, 2019-2023 et 2024-2028 à respectivement 442, 399 et 358 mégatonnes équivalent CO 2 par an (contre 551 Mt CO 2 eq en 1990).
La principale cause du réchauffement climatique d'origine anthropique est la consommation d'énergies , en particulier des énergies fossiles dans les secteurs du transport, de l'industrie ou dans le résidentiel tertiaire, qui sont fortement émettrices de CO 2 .
En France, la consommation d'énergie contribuait à hauteur de 70 % aux émissions de gaz à effet de serre en 2014.
Répartition par source des émissions de gaz à effet de serre en France en 2014
(en pourcentages)
Source : Commissariat général au développement durable, Chiffres clés du climat France et Monde, 2017.
La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte précitée assortit ainsi l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'un objectif de réduction de la consommation primaire des énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à l'année 2012.
Cet objectif est décliné, au sein de la programmation pluriannuelle de l'énergie arrêtée en 2016 3 ( * ) , par énergie fossile, en fonction de leur facteur d'émissions de gaz à effet de serre.
Objectifs de réduction de la consommation d'énergie primaire fossile par rapport à 2012
2018 |
2023 |
|
Gaz naturel |
- 8,4 % |
- 15,8 % |
Pétrole |
- 15,6 % |
- 23,4 % |
Charbon |
- 27,6 % |
- 37 % |
Source : décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016
2. Un projet de loi qui prévoit de mettre progressivement fin à la recherche et à l'exploitation d'hydrocarbures en France
Le 6 juillet 2017, le Gouvernement a présenté son plan climat fixant les grandes orientations de la politique de lutte contre le réchauffement climatique et de transition énergétique du quinquennat.
L'axe 9 de ce plan prévoit d'amorcer, « en cohérence avec les objectifs de l'Accord de Paris » [...], la sortie progressive de la production d'hydrocarbures sur le territoire français en n'attribuant plus de nouveaux permis d'exploration d'hydrocarbures et en ne renouvelant pas les concessions d'exploitation existantes ».
Le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, déposé le 6 septembre 2017 sur le bureau de l'Assemblée nationale, est la traduction législative des engagements pris dans le cadre du plan climat .
Son principal objet est de mettre progressivement fin, d'ici 2040, à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures en France .
Initialement, le projet de loi comportait 8 articles. À l'issue de son examen à l'Assemblée nationale, il en compte 22. Votre commission s'est saisie pour avis de 12 articles portant sur quatre sujets principaux : la fin de l'exploitation et de l'exploration d'hydrocarbures (articles 1 er , 1 er bis , 2, 2 bis , 2 ter , 3 et 8) ; le raccordement des énergies renouvelables en mer (article 5 bis ), le contrôle des critères de durabilité des biocarburants (article 6) et la lutte contre la pollution atmosphérique (articles 7, 7 bis A et 7 bis ).
• La cessation progressive de l'exploration et de l'exploitation d'hydrocarbures en France
L'article 1 er prévoit de mettre fin progressivement à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures présents dans le sous-sol du territoire terrestre et maritime français, à l'exception du gaz de mine. À cette fin, cet article prévoit :
- la fin de l'octroi de permis de recherches ou d'autorisations de prospections préalables en vue de la recherche d'hydrocarbures ;
- la fin de l'octroi de concessions en vue de l'exploitation d'hydrocarbures, sauf s'agissant des concessions délivrées aux titulaires de permis de recherches qui en font la demande avant l'expiration de ce permis (« droit de suite ») ;
- l'impossibilité de prolonger une concession existante pour une durée qui dépasse l'échéance de 2040.
À l'Assemblée nationale, les députés ont modifié cet article afin notamment d'étendre l'interdiction de délivrance de nouveaux titres miniers au charbon, et d'autoriser l'exploitation d'hydrocarbures connexes à d'autres substances exploitées dans le cadre d'une concession.
L'article 1 er bis , inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative du rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, prévoit que les concessions d'hydrocarbures qui sont délivrées à des détenteurs d'un permis de recherches en application du « droit de suite » ne pourront pas dépasser l'échéance du 1 er janvier 2040 , sauf si l'exploitant démontre à l'autorité administrative que cette limitation ne lui permet pas de couvrir ses coûts de recherche et d'exploitation afin d'atteindre un « équilibre économique ».
L'article 2 prévoit que les dispositions de l'article 1 er s'appliquent aux nouvelles demandes d'octroi ou de prolongation de permis de recherches ou de concessions, ainsi qu'aux demandes en cours d'instruction.
L'article 2 bis , inséré par les députés, dispose que, cinq ans avant la fin d'une concession, l'exploitant doit remettre à l'autorité administrative un dossier présentant le potentiel de reconversion des installations ou du site d'implantation pour d'autres usages , notamment la géothermie ou l'implantation d'énergies renouvelables.
L'article 2 ter , également ajouté à l'Assemblée nationale, prévoit que les installations d'exploitation ou d'exploration peuvent être converties ou cédées à d'autres personnes publiques ou privées par l'exploitant en vue d'être exploitées pour d'autres usages.
Tirant les conséquences de l'interdiction de tout nouveau permis de recherches ou d'exploitation d'hydrocarbures, l'article 3 supprime la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux , devenue sans objet, prévue par la loi n° 2011-835 du 13 juillet 2011 visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.
Cet article a été complété à l'Assemblée nationale afin d'étendre l'interdiction relative à la fracturation hydraulique à « toute autre méthode ayant pour but de conférer à la roche une perméabilité ».
Enfin, l'article 8 rend applicables les dispositions relatives à la cessation progressive des activités de recherche et d'exploitation des hydrocarbures dans les Terres australes et antarctiques françaises ainsi que dans les îles Wallis et Futuna .
• Le raccordement des énergies renouvelables en mer
L'article 5 bis , inséré à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, modifie les modalités de raccordement des installations d'énergies renouvelables en mer , afin que le coût de ce raccordement soit pris en charge par le gestionnaire du réseau public de transport, et couvert par le tarif d'utilisation du réseau public d'électricité (TURPE).
• Le contrôle des critères de durabilité des biocarburants
L'article 6 met en conformité les dispositions actuelles du code de l'énergie relatives à la qualité environnementale des biocarburants avec la directive 2015/1513 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015, et créé un dispositif de surveillance et de contrôle du respect des critères de durabilité des biocarburants .
• La lutte contre la pollution de l'air
L'article 7 met en conformité les dispositions du code de l'environnement relatives au plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) , introduites par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, avec la directive européenne 2016/2284 du 14 décembre 2016.
L'article 7 bis A , inséré par les députés, est une demande de rapport au Gouvernement sur la prise en compte des objectifs de développement durable, et plus particulièrement des enjeux de la qualité de l'air, lors de l'attribution des marchés publics dans les zones couvertes par un plan de protection de l'atmosphère.
L'article 7 bis , ajouté à l'Assemblée nationale, prévoit que les préfets de département doivent établir, dans les zones couvertes par un plan de protection de l'atmosphère qui connaissent un dépassement des valeurs limites relatives aux particules fines, un plan d'action favorisant le recours aux énergies les moins émettrices de particules et facilitant le raccordement aux infrastructures gazières publiques ou aux réseaux de chaleur existants .
* 1 Cinquième rapport d'évaluation du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, 2014.
* 2 Décret n° 2015-1491 du 18 novembre 2015 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone.
* 3 Décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l'énergie.