B. LA PRÉPARATION DU « BREXIT » PAR LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Créé en 2005, le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) 22 ( * ) a pour mission de coordonner les positions interministérielles, sous l'autorité du Premier ministre, pour préparer celles défendues par la France dans les négociations européennes, sur l'ensemble des sujets à l'exception de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de la politique monétaire 23 ( * ) .
Il veille à l'application du droit européen, notamment par le suivi de la transposition des directives ainsi que des contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 24 ( * ) . Il organise les relations entre la France et les institutions européennes en lien avec la représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne à Bruxelles (préparation du Conseil européen et du conseil des ministres de l'Union européenne, Parlement européen, Cour des comptes européenne...), effectuant un travail d'influence française auprès des institutions européennes, qui s'étend au suivi de la carrière européenne des fonctionnaires français. Enfin, il est une source d'expertise pour l'ensemble des ministères, mais aussi pour les autorités administratives indépendantes et les collectivités territoriales.
Votre rapporteur tient à rappeler que le modèle administratif du SGAE, placé auprès du Premier ministre - le secrétaire général étant de plus lui-même le conseiller du Premier ministre pour les affaires européennes - est largement salué pour son efficacité dans la préparation et la cohérence des positions de la France vis-à-vis des institutions européennes.
En 2016, le secrétariat général des
affaires européennes (SGAE) a été mis à
contribution par des dossiers qui le mobiliseront également fortement en
2017, en particulier la
sortie du Royaume-Uni de l'Union
européenne
- le « Brexit » -
et la
crise des migrants
. Dans ce contexte de crise multiforme
dans l'Union européenne, les réunions du Conseil européen
et du sommet de la zone euro sont plus fréquentes et exigent un
important travail préparatoire.
En audition, le secrétaire général a pu exposer à votre rapporteur les différents aspects de la crise des migrants (accueil et relocalisation, missions des « hotspots » pour identifier les demandeurs d'asile, renforcement du contrôle aux frontières de l'espace Schengen, partenariat avec les pays d'origine...) et ses répercussions sur les relations entre États membres. Il a notamment souligné la mise en place, en octobre 2016, du nouveau corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, amplifiant la mission de l'agence Frontex, dont l'idée initiale était française, en 2014 : 170 personnels français font partie de ce dispositif, sur un total de 1 500 pour toute l'Union européenne, et sont mobilisables en cas de menace pour intervenir sur une frontière extérieure de l'Union.
Concernant plus spécialement le « Brexit », le secrétaire général a insisté sur la rapidité et la réactivité des 27 autres États membres à la suite du référendum britannique du 23 juin 2016, dans le cadre d'une position commune. En effet, cette position avait fait l'objet de travaux préparatoires en amont, auxquels le SGAE a pris une large part, en vue d'assurer une réaction rapide et unie en cas de référendum positif. La France défend une position selon laquelle la sortie de l'Union européenne ne peut procurer un avantage.
Selon les données communiquées à votre rapporteur, le « Brexit » coûterait de l'ordre de 1,5 à 2 milliards d'euros au budget de la France, pour compenser la fin de la contribution nette du Royaume-Uni au budget de l'Union européenne, variant de 7 à 9 milliards selon les années. Diverses agences européennes ont également leur siège au Royaume-Uni.
L'année 2017 devrait donc voir l'engagement des négociations, très complexes techniquement et juridiquement, en vue du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, une fois que le gouvernement britannique aura notifié aux institutions européennes sa demande de retrait. Cette négociation exigera une forte implication du SGAE, laquelle s'ajoutera au flux normal de ses nombreuses activités. Une coordination interministérielle spécifique a déjà été mise en place, pour évaluer l'impact de ce retrait.
S'agissant de la transposition des directives , le score de la France reste très positif, supérieur à 99 %, c'est-à-dire que la proportion des directives en attente de transposition est en permanence inférieure à 1 % 25 ( * ) . Ces bons résultats sont à mettre au crédit du SGAE, selon votre rapporteur, grâce à une anticipation efficace, appuyée sur la réunion trimestrielle du groupe à haut niveau (GHN) sur les transpositions 26 ( * ) , et à une méthode désormais éprouvée depuis 2012 en matière de transposition par voie législative, avec les projets de loi sectoriels portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (« DDADUE »), en principe uniquement dédiés à la transposition de directives, lorsque la transposition n'est pas possible dans le cadre d'un texte sectoriel plus large. Au 1 er août 2016, 31 directives restaient à transposer.
Après 17 en 2014, la Commission européenne a ouvert 16 procédures pour défaut de transposition à l'encontre de la France en 2015, dont une pour transposition incorrecte et 15 pour absence de transposition. Sur ces 15 cas, 8 ont fait l'objet d'une décision de classement compte tenu des progrès accomplis. Depuis le 1 er janvier 2016, 23 procédures ont été ouvertes, 6 ont fait l'objet d'une décision de classement et les travaux de transposition ont été achevés pour 13 des 23 directives concernées.
L'année 2016 se caractérise donc par un nombre élevé de procédures précontentieuses pour défaut de transposition ouvertes contre la France, par rapport aux trois années précédentes. Votre rapporteur rappelle toutefois que la Commission européenne n'a jamais saisi depuis 2011 la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour un manquement de la France à l'obligation de transposition.
Nombre de procédures ouvertes par la Commission
européenne contre la France
pour défaut de
transposition
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
Depuis le
|
41 |
15 |
17 |
16 |
23 |
Source : secrétariat général des affaires européennes
Si votre rapporteur se félicite donc de l'efficacité du travail du SGAE, il relève que ses effectifs subissent une érosion continue , qui se poursuit en 2016 et 2017, tant pour les emplois localisés dans son budget que pour les personnels mis à disposition par des administrations extérieures 27 ( * ) , comme l'illustre le tableau ci-après. Le SGAE a ainsi perdu une quinzaine d'emplois depuis 2011. Les crédits qui lui sont alloués devraient être stables en 2017, étant précisé qu'ils incluent des frais de loyer et la prise en charge de frais d'interprétariat du Conseil européen, sur lesquels le SGAE n'a pas de maîtrise.
Personnels affectés au secrétariat général des affaires européennes depuis 2011
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
PLF 2017 |
|
Plafond d'emplois budgétaires |
149 |
147 |
145 |
143 |
140 |
139 |
137 |
Personnels mis à disposition 28 ( * ) |
35 |
34 |
36 |
32 |
33 |
30 |
- |
Source : secrétariat général des affaires européennes
Toutefois, selon le secrétaire général, entendu par votre rapporteur, le « Brexit » devrait conduire à créer plusieurs emplois , ce qui n'a pas été pris en compte dans les documents du projet de loi de finances pour 2017.
S'agissant de la mise en oeuvre du principe de co-responsabilité de l'État et des collectivités territoriales en cas de condamnation de la France pour manquement au droit de l'Union européenne , reposant sur un régime d'action récursoire et résultant de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République 29 ( * ) , le secrétaire général a indiqué à votre rapporteur qu'un décret était en cours d'élaboration, lequel devrait notamment prévoir une meilleure association en amont des collectivités territoriales à la négociation des textes européens.
Votre rapporteur rappelle que ce dispositif prévoit que l'État informe les collectivités territoriales concernées lorsque la Commission européenne lui notifie un manquement à une obligation tirée du droit européen dans un domaine de compétence de ces collectivités. Celles-ci doivent fournir à l'État toutes les informations utiles en vue de ses discussions avec la Commission. La répartition entre l'État et les collectivités concernées des éventuelles provisions pour litiges et des éventuelles amendes et astreintes est arrêtée par décret, après avis d'une commission composée de membres du Conseil d'État et de la Cour des comptes et de représentants des collectivités territoriales, en tenant compte de la situation financière des collectivités concernées.
* 22 En remplacement du secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI), créé en 1948.
* 23 La PESC relève du ministère des affaires étrangères, tandis que la politique monétaire est suivie par la direction générale du Trésor.
* 24 En lien avec la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères. Ce contentieux porte principalement sur des retards de transposition et des questions de conformité des règles nationales au droit européen.
* 25 La part des directives en retard de transposition sur l'ensemble des directives en vigueur était de 7,1 % en 1997, 4,1 % en 2004 et entre 0,3 et 1 % ces dernières années.
* 26 Ce groupe est co-présidé par le secrétaire général du Gouvernement et le secrétaire général des affaires européennes et permet de faire le point régulièrement des transpositions à réaliser.
* 27 En 2016, la Caisse des dépôts et consignations n'a pas renouvelé trois mises à disposition de personnels travaillant sur les relations avec les collectivités territoriales.
* 28 Au 31 décembre de chaque année. Chiffre non connu en 2017.
* 29 Article L. 1611-10 du code général des collectivités territoriales.