B. LA PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS

Au sein des 40 millions d'euros de crédits affectés par le programme 181 à la prévention des risques naturels pour 2017, l'accent est mis, cette année encore, sur l'achèvement de l'élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPRN) . Au 1 er août 2016, d'après les informations transmises par le gouvernement à votre rapporteur pour avis, 11 012 communes sont couvertes par un PPRN approuvé et 2 378 communes ont un PPRN prescrit en cours d'élaboration sur leur territoire.

En août 2016, 78% des communes de plus de 10 000 habitants exposées à un risque naturel sont couvertes par un PPRN approuvé.

L'objectif à terme vise à ce que 12 500 communes soient couvertes par un PPRN approuvé.

RÉPARTITION DES PPRN PAR TYPE D'ALÉA

Source : réponses au questionnaire budgétaire

En ce qui concerne le plan de submersion rapide (PSR) et les programmes d'action et de prévention des inondations (PAPI), mi-2016, 134 PAPI et opérations de confortement des digues du PSR sont labellisés par la commission mixte inondation pour un montant global de 1 758 millions d'euros contractualisés et une participation de l'État de 707 millions d'euros issus en quasi-totalité du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) 4 ( * ) .

Un projet de nouveau cahier des charges (PAPI III) sera proposé après une large consultation pour entrer progressivement en vigueur à l'horizon 2017. Ce projet intègre les retours d'expérience et vise à simplifier le processus de labellisation. Concrètement, la labellisation PSR sera supprimée en tant que telle pour être intégrée dans le nouveau cahier des charges PAPI.

C. LES MOYENS DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE ET DE LA RADIOPROTECTION

1. L'alerte lancée par l'Autorité de sûreté nucléaire

Votre rapporteur pour avis a souhaité, cette année encore, tirer la sonnette d'alarme sur la question du financement de la sûreté nucléaire en France . Il pointait d'ailleurs déjà dans son rapport de 2014 le manque de moyens de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour mener à bien ses missions et avait préconisé une rénovation radicale du financement du contrôle de la sûreté nucléaire via la création d'une taxe affectée due par les exploitants d'installations nucléaires .

L'AFFECTATION D'UNE RESSOURCE FISCALE PÉRENNE DÉDIÉE AU CONTRÔLE DE LA SÛRETÉ NUCLÉAIRE

(extrait du rapport pour avis de Pierre Médevielle
sur le projet de loi de finances pour 2015)

« Votre rapporteur pour avis insiste sur le fait que quels que soient les choix politiques opérés, s'agissant de la fermeture de certaines centrales ou la prolongation de la durée de vie de centrales existantes, l'activité de l'ASN va connaître un accroissement significatif dans les années à venir. L'enjeu consiste donc aujourd'hui à permette à l'Autorité de sûreté nucléaire d'y répondre, dans des délais acceptables pour les opérateurs, tout en maintenant une exigence maximale en termes de sûreté des populations. À ce titre, votre rapporteur juge impératif d'examiner dans les meilleurs délais une réforme du mode de financement de la sûreté nucléaire en France. »

(...)

« Votre rapporteur pour avis estime que le contexte actuel, marqué par une hausse significative des missions confiées à l'ASN, appelle une rénovation du financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Le relèvement du financement de l'ASN bénéficierait aux entreprises exploitant les installations nucléaires, dans la mesure où le renforcement du dispositif de sûreté nucléaire et de radioprotection leur éviterait de subir les surcoûts liés à l'engorgement actuel de l'Autorité de sûreté nucléaire. A titre d'exemple, les dirigeants de l'ASN, entendus en audition par votre rapporteur, ont indiqué que l'arrêt d'un réacteur nucléaire, lors d'un contrôle de l'ASN, représentait un coût d'environ un million d'euros par jour pour EDF.

Votre rapporteur souscrit donc pleinement à la proposition mentionnée par l'ASN dans son avis en date du 17 octobre 2014, à savoir le maintien d'une dotation budgétaire, complétée par une taxe affectée acquittée par les exploitants d'installations nucléaires.

Ainsi que le relève le rapport d'information de Michel Berson publié le 18 juin dernier, fait au nom de la commission des finances du Sénat, les budgets de nombreuses autorités en Europe sont abondés, partiellement ou en totalité, par des taxes ou des redevances supportées par les exploitants. Les autorités belge (Agence fédérale de contrôle nucléaire) et espagnole (Conseil de sécurité nucléaire) sont financées en totalité par des taxes. L' Office for nuclear regulation britannique tire quant à elle à 98 % ses ressources de taxes acquittées par les opérateurs.

Le financement de la sûreté nucléaire par une taxe sur les exploitants ne fait donc pas exception en Europe. Pour autant, le maintien d'une dotation budgétaire est de nature à garantir une plus grande indépendance de l'Autorité, ou tout au moins à éviter que celle-ci ne soit mise en cause.

Concernant la forme de la nouvelle taxe affectée à l'ASN, le rapport de Michel Berson propose la création d'une contribution de sûreté et de transparence nucléaires (CSTN), qui serait conçue sur le modèle de la contribution additionnelle actuellement due par les exploitations des installations nucléaires de base au profit de l'IRSN. Le montant de la contribution serait déterminé pour chaque catégorie d'installation par application d'un coefficient multiplicateur à une somme forfaitaire. Toutefois, à la différence de la contribution dont bénéficie l'IRSN, les coefficients appliqués dans le cadre de la CSTN seraient fixés par le Parlement, et non par arrêté ministériel. De cette manière, le Parlement aurait une réelle marge de manoeuvre dans le pilotage des ressources dédiées à la sûreté nucléaire et à la radioprotection. Pour éviter une augmentation non contrôlée de la dépense publique, le produit de la contribution affectée à l'ASN pourrait être plafonné et l'excédent reversé au budget général de l'État.

Cette piste de réforme du financement de l'ASN permettrait, dans un contexte budgétaire très contraint, de doter l'Autorité de moyens supplémentaires pérennes et de répondre aux grands enjeux de la sûreté nucléaire de demain »

Votre rapporteur pour avis constate que le signal d'alarme lancé sur ce sujet devient lancinant. En effet, l'ASN maintient cette année encore son inquiétude face à un avenir jugé préoccupant à court et à moyen termes.

Dans son rapport annuel publié le 25 mai 2016 5 ( * ) , l'ASN s'inscrit dans le droit fil de ses constats des années précédentes : la situation en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection est globalement satisfaisante mais ce jugement est fortement nuancé par un « contexte préoccupant, porteur d'inquiétude pour l'avenir » .

2. « Un contexte préoccupant et porteur d'inquiétude pour l'avenir »

Ce jugement pessimiste porté par l'ASN repose sur trois constats : une croissance des enjeux de sûreté et de radioprotection nucléaire pour la période 2015-2010 ; des difficultés financières ou économiques chez les principaux industriels concernés ; des moyens sous-dimensionnés.

a) Des enjeux de sûreté et de radioprotection nucléaire qui ne cessent de croître

Si la situation est à ce jour globalement satisfaisante, notamment dans la sûreté des installations nucléaires qui est aujourd'hui à un « bon niveau », les enjeux de court et de moyen terme, font craindre des difficultés très prochaines.

La prolongation ou non du fonctionnement au-delà de quarante ans des réacteurs nucléaires d'EDF, qu'on appelle le « grand carénage » , constitue le premier enjeu de taille . Le processus d'instructions techniques sera très lourd sur l'ensemble des tranches de 900 MW, avec notamment l'obligation d'une enquête publique pour le passage au-delà de 40 ans d'un réacteur depuis la loi de transition énergétique. L'avis générique de l'ASN interviendra au plus tôt fin 2018 après analyse des études restant à mener par EDF.

Deuxième enjeu , les autres grandes installations nucléaires , les sites dédiés au combustible ou les réacteurs de recherche du CEA vont devoir faire l'objet d'un réexamen périodique , ce qui va représenter une cinquantaine de dossiers à engager d'ici la fin 2017.

Les améliorations des installations imposées à la suite de l'accident de Fukushima doivent continuer à être mises en place, notamment pour les équipements fixes du « noyau dur ».

Enfin, les projets ou chantiers de nouvelles installations (ITER, réacteur de recherche Jules Horowitz et réacteur EPR) prennent du retard. C'est le quatrième enjeu . Votre rapporteur pour avis souhaite particulièrement citer le cas de l'anomalie de la cuve de l'EPR de Flamanville : cette anomalie a été détectée tardivement à la suite des demandes de l'ASN et non pas à l'initiative des industriels concernés, ce qui implique une vérification plus générale des fabrications.

Ce contexte aboutit à un rapide « décalage » entre les moyens alloués à l'ASN et le nombre de dossiers à traiter.

b) Des difficultés économiques et financières chez les industriels du secteur nucléaire

Les principaux industriels, Areva, EDF et le CEA , responsables en premier lieu de la sûreté de leurs installations, connaissent actuellement des difficultés économiques et/ou financières et des réorganisations profondes sont en cours.

En outre, plusieurs réacteurs ont été mis à l'arrêt afin d'effectuer un certain nombre de contrôles. Ainsi, 18 réacteurs ont été mis sous surveillance par l'Autorité de sûreté nucléaire : six ont pu redémarrer après inspection, sept sont en cours d'inspection. Mais l'ASN a demandé le 18 octobre dernier à EDF de fermer « sous trois mois » cinq réacteurs supplémentaires afin de contrôler la résistance des fonds des générateurs de vapeur. On aboutit ainsi à 12 tranches à l'arrêt, ce qui a un coût financier important.

c) Des moyens sous-dimensionnés pour des missions étendues

Les missions de l'ASN se répartissent ainsi entre le contrôle (50 %), les autorisations (25 %), la réglementation (10 %), l'information des publics (10 %) et la gestion des situations d'urgence (5 %).

D'après les chiffres présentés dans son rapport annuel, l'ASN a, en 2015, mené 1 882 inspections et instruit près de 8 000 déclarations ou autorisations dans le nucléaire de proximité au titre du code de la santé publique. 1 682 incidents lui ont été déclarés par les professionnels de santé, les exploitants et les industriels. 61 décisions et 25 avis ont été rendus.

En outre, la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a élargi les missions de l'ASN au contrôle de la sécurité des sources, disposition qui entrera en vigueur au plus tard le 1 er juillet 2017.

Les moyens budgétaires de l'ASN, qui proviennent principalement des crédits du programme 181, ont été relativement stables depuis 2012 et les moyens humains ont été augmentés de manière constante sur la période.

EVOLUTION DES MOYENS BUDGÉTAIRES ET HUMAINS DE L'ASN FINANCÉS PAR LE PROGRAMME 181

Source : Réponses au questionnaire budgétaire - PLF 2017

Pour 2017, les moyens budgétaires augmentent donc d'environ 5% et les moyens humains de 30 ETPT.

Entendu à l'Assemblée nationale en mars 2016, et à nouveau devant l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (OPECST), dont votre rapporteur pour avis fait partie, le 25 mai 2016, le président de l'ASN, Pierre-Franck Chevet, a alerté les députés sur la faiblesse des moyens assurés à l'agence, malgré la création d'une trentaine de postes supplémentaires , face à des enjeux de sûreté sans précédent. En effet, alors qu'EDF va investir 50 à 100 milliards d'euros dans son parc de réacteurs dans les dix à quinze années à venir, il est impératif que l'ASN dispose de moyens suffisants pour contrôler ces chantiers. Selon M. Chevet, 200 personnes supplémentaires seraient nécessaires, soit environ 50 millions d'euros.

Un rapport de mission sur le financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection 6 ( * ) a été remis en décembre 2015 et a considéré que les demandes de renforcement des moyens de l'ASN et de l'IRSN paraissaient excessives. Selon ce rapport, « la méthodologie utilisée par la mission pour expertiser ces besoins fait apparaître que les besoins réellement justifiés de l'ASN et de l'IRSN peuvent être évalués à entre 14 et 25 ETP pour l'ASN et à 31 pour l'IRSN » .

Votre rapporteur pour avis souligne qu'une telle évaluation ne tient pas compte du contexte actuel et devrait être actualisée en 2017.

3. L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) : des missions qui s'étendent, un financement à rénover

Votre rapporteur pour avis a également rencontré le nouveau directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l'expert public de référence en matière de recherche et d'expertise sur les risques nucléaires et radiologiques .

Son périmètre d'action recouvre l'ensemble des risques liés aux rayonnements ionisants utilisés dans l'industrie ou la médecine, mais aussi les rayonnements naturels.

Ses missions d'expertise et de recherche s'articulent donc autour des axes suivants :

- surveillance radiologique de l'environnement et intervention en situation d'urgence radiologique ;

- radioprotection de l'homme ;

- prévention des accidents majeurs dans les installations nucléaires ;

- sûreté des réacteurs ;

- sûreté des usines, des laboratoires, des transports et des déchets ;

- expertise nucléaire de défense.

Sa mission d'expertise publique est principalement à destination de l'Autorité de sûreté nucléaire (543 avis et rapports techniques en 2015), mais aussi de l'Autorité de sûreté nucléaire de défense (70 avis en 2015) et l'Autorité de sécurité nucléaire (194 avis techniques en 2015). Le champ de cette expertise n'est pas seulement concentré sur le risque nucléaire, mais aussi sur la radioactivité , comme le montre le récent avis du 4 mai 2016 de l'Institut sur les émissions de poussières issues du site de stockage de boues rouges de Mange-Garri.

Sa mission de recherche consiste à appuyer son expertise et nécessite des moyens importants. ?Le 12 octobre 2016, l'IRSN a ainsi inauguré sur le site de Cadarache la nouvelle plateforme ODE (Observatoire de la durabilité des enceintes), destinée à des recherches sur le vieillissement du béton des enceintes de réacteurs nucléaires et des installations de stockage des déchets.

Le budget de l'IRSN est globalement stable sur les huit dernières années , mais avec un transfert de moyens de la recherche (40%) vers l'expertise. Il s'élève à environ 279 millions d'euros de recettes , dont 60% proviennent du budget de l'État (crédits du programme 190), et le reste de prestations d'expertise pour l'étranger, de cofinancement de programmes de recherche, de prestations dans le domaine de la dosimétrie, et, à hauteur de 62,5 millions d'euros, de la contribution payée par les exploitants . Cette contribution, mise en place en 2010 et augmentée trois fois depuis, a en effet été plafonnée à ce montant par la loi de finances de l'année dernière.

Au vu des enjeux de court et moyen termes en matière de sûreté nucléaire (post-Fukushima, démantèlement des centrales, installations nouvelles, anomalies détectées) mais aussi en matière d'évolution des techniques dans le domaine médical , ou encore de l'importance accrue des enjeux en matière de sécurité - avec la nouvelle mission de surveillance des sources radioactives confiée par la loi relative à la transition énergétique à l'IRSN - votre rapporteur pour avis souscrit à la proposition de l'Institut de rénover la contribution payée par les exploitants , en élargissant son assiette.

Le mécanisme pourrait être ainsi refondu afin de tenir compte du nouveau périmètre d'activité couvert par l'IRSN (expertise et études associées, gestion de crise, sécurité nucléaire, surveillance de l'environnement), dont le coût réel s'élève à 92 millions d'euros . Une telle évolution permettrait d'appliquer de manière plus juste et précise le principe pollueur payeur et de garantir un financement pérenne pour l'Institut.

4. Le contrôle de la sûreté nucléaire doit être renforcé

Votre rapporteur pour avis se réjouit des apports positifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 qui ont renforcé les moyens d'action de l'ASN dans le domaine de la sûreté nucléaire, amélioré l'information des citoyens et clarifié les missions de l'IRSN. Elle a concrètement :

- renforcé les commissions locales d'information (CLI) ;

- soumis à une enquête publique les dispositions proposées par l'exploitant lors des réexamens périodiques des réacteurs effectués après 35 années de fonctionnement ;

- fait évoluer, au profit d'un système plus gradué, le régime d'autorisation des installations nucléaires de base ;

- introduit la possibilité d'encadrer ou de limiter le recours à des prestataires ou à la sous-traitance pour l'exploitation des installations nucléaires de base et interdit la délégation par l'exploitant de la surveillance d'intervenants extérieurs réalisant une activité importante ;

- rénové la procédure de démantèlement des installations nucléaires de base ;

- clarifié les missions respectives de l'ASN et de l'IRSN en indiquant que l'ASN « oriente la programmation stratégique de l'IRSN ».

Votre rapporteur considère que ces dispositions vont dans le sens d'un meilleur contrôle de la sûreté nucléaire en France mais qu'un renforcement et une sécurisation des moyens dédiés à cette politique sont indispensables aujourd'hui. La rénovation opérée par la loi relative à la transition énergétique aurait dû être accompagnée d'une traduction budgétaire à la hauteur des enjeux qui nous attendent.

Pour votre rapporteur pour avis, le financement de l'ASN et de l'IRSN devrait être réformé afin de garantir :

- d'une part une contribution des exploitants plus en rapport avec le coût induit pour l'IRSN ;

- une affectation de la taxe sur les installations nucléaires de base (INB) à la sûreté nucléaire.


* 4 L'article 17 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit un prélèvement sur le fonds de roulement du FPRNM.

* 5 Ce rapport annuel est prévu par l'article L. 592-31 du code de l'environnement et remis au Président de la République, au Premier ministre, ainsi qu'aux Présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale.

* 6 Le financement du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection - décembre 2015 (Inspection générale des finances, Conseil général de l'environnement et du développement durable, Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies).

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