B. LE CENTRE D'ÉTUDES ET D'EXPERTISE SUR LES RISQUES, L'ENVIRONNEMENT, LA MOBILITÉ ET L'AMÉNAGEMENT (CEREMA) : UNE TRIPLE AMBITION
La subvention pour charges de service public allouée au CEREMA s'élevant à 213,19 millions d'euros , c'est-à-dire à près de 40% d'un programme qui dans la précédente maquette budgétaire n'était constitué que de la subvention à l'IGN, votre rapporteur pour avis a souhaité se pencher plus en détails sur les missions, le fonctionnement et l'organisation d'un établissement public , dont les crédits n'étaient pas imputés au programme 174 jusque-là et dont les trois orientations majeures sont de devenir un expert identifié par les collectivités territoriales comme un partenaire de proximité, de se positionner comme un centre de ressources et d'être porteur d'innovation.
1. Un nouvel établissement public chargé de l'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement
a) Un établissement public jeune né de la fusion de onze services de l'État
Le CEREMA est un établissement public administratif jeune d'à peine trois années puisqu'il est né le 1 er janvier 2014 . C'est la loi n°2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports qui l'a créé en tant que centre de ressources et d'expertises scientifiques et techniques interdisciplinaires apportant son concours à l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques publiques en matière d'aménagement, d'égalité des territoires et de développement durable.
Le CEREMA est né de la fusion de onze services de l'État :
- les huit centres d'études techniques de l'équipement (CETE) ;
- le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (Certu) ;
- le Centre d'études techniques maritimes et fluviales (Cetmef) ;
- le Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Sétra).
Il est placé sous la tutelle du ministère en charge du développement durable et des transports et du ministère en charge de l'urbanisme. Son siège administratif est situé à Bron.
b) Une gouvernance partagée
Sa gouvernance est partagée entre l'État et les collectivités territoriales, dont les représentants siègent conjointement au conseil d'administration et au conseil stratégique.
Le conseil d'administration comprend en outre des représentants du personnel et des personnalités qualifiées et est présidé par Gaël Perdriau, maire de Saint-Etienne.
Le conseil stratégique , chargé de préparer les travaux du conseil d'administration en matière de stratégie, s'est réuni pour la première fois le 22 avril 2015. Il est présidé par Yves Krattinger, président du conseil départemental de Haute-Saône.
L'établissement compte trois directions techniques et huit directions territoriales.
L'établissement public comprend 3 092 agents en son sein, dont 304 experts et chercheurs, 1 950 équipements scientifiques et techniques, 21 laboratoires et centres d'essais.
Son budget en 2015 était de 253 millions d'euros dont 28 millions d'euros de ressources propres , provenant à 37% des collectivités territoriales (majoritairement des départements).
2. Des missions nombreuses et vastes au service de « transitions de grande ampleur »...
a) Des missions nombreuses
Les articles 44 et 45 de la loi du 28 mai 2013 ont fixé au CEREMA six missions, huit activités et des concours .
ARTICLE 44 Il est créé un établissement public de l'État à caractère administratif dénommé « Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement » (CEREMA) . Il comprend un siège, des directions techniques et des implantations territoriales ayant une vocation nationale. L'établissement constitue un centre de ressources et d'expertises scientifiques et techniques interdisciplinaires apportant son concours à l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques publiques en matière d'aménagement, d'égalité des territoires et de développement durable , notamment dans les domaines de l'environnement, des transports et de leurs infrastructures, de la prévention des risques, de la sécurité routière et maritime, de la mer, de l'urbanisme, de la construction, de l'habitat et du logement, de l'énergie et du climat. L'établissement a pour missions : 1° De promouvoir et de faciliter des modes de gestion des territoires qui intègrent l'ensemble des facteurs environnementaux, économiques et sociaux ; 2° D'accompagner les acteurs publics et privés dans la transition vers une économie sobre en ressources et décarbonée, respectueuse de l'environnement et équitable ; 3° D'apporter à l'État et aux acteurs territoriaux un appui, en termes d'ingénierie et d'expertise technique sur les projets d'aménagement nécessitant notamment une approche pluridisciplinaire ou impliquant un effort de solidarité ; 4° D'assister les acteurs publics dans la gestion de leur patrimoine d'infrastructures de transport et de leur patrimoine immobilier ; 5° De renforcer la capacité des acteurs territoriaux à faire face aux risques auxquels sont soumis leurs territoires et leurs populations ; 6° De promouvoir aux échelons territorial, national, européen et international les règles de l'art et le savoir-faire développés dans le cadre de ses missions et en assurer la capitalisation. |
Article 45 Pour l'accomplissement de ses missions, l'établissement assure, essentiellement à la demande de l'État, des activités de conseil, d'assistance, d'études, de contrôle, d'innovation, d'expertise, d'essais et de recherche . Il peut prêter concours, dans ses domaines de compétences, aux services déconcentrés de l'État dans leurs missions d'assistance aux collectivités territoriales, notamment pour des raisons de solidarité nationale ou pour la mise en oeuvre des politiques publiques. À ces fins, l'État peut faire appel au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement dans le cadre du 1° de l'article 3 du code des marchés publics. À titre accessoire, l'établissement peut réaliser les prestations définies au premier alinéa du présent article directement pour le compte de tiers autres que l'État. |
Votre rapporteur pour avis a constaté que le risque d'un « éparpillement » de ces vastes missions avait été transformé en une stratégie fondée sur des choix et la fixation de priorités.
Le projet stratégique de l'établissement pour 2015-2020 , que votre rapporteur pour avis a pu consulter, ajoute : « Sans cacher que chacune de ces spécificités contient potentiellement un risque de dispersion, il était affirmé, dès la naissance du CEREMA que ces spécificités contiennent quatre atouts essentiels que la stratégie du nouvel établissement doit renforcer et mettre à profit :
- son ancrage territorial, qui doit lui conférer une bonne connaissance des territoires, de leurs situations variées et de leurs acteurs, et lui donner la capacité, d'une part d'enrichir les politiques publiques et d'autre part d'accompagner leur déploiement sur le terrain ;
- sa capacité à tirer parti d'un large continuum des modes d'intervention (...) ;
- sa capacité à intégrer des apports pluridisciplinaires et des approches transversales pour élaborer une vision et des éclairages scientifiques et techniques sur des sujets complexes au carrefour de plusieurs domaines-métiers (...) ;
- ses nombreux échanges et partenariats. »
Mettre à profit sa proximité des territoires, exploiter les avantages que lui apporte l'étendue de ses missions transversales, intégrer les apports de toutes ses compétences et ses métiers et échanger avec différents acteurs, a donc constitué le fil rouge de la feuille de route du CEREMA, et en tout cas, du projet stratégique, approuvé lors du conseil d'administration du 29 avril 2015 .
Le CEREMA entend donc accompagner les territoires pour la réalisation de leurs projets dans neuf champs d'action complémentaires : l'aménagement et le développement des territoires, ville et stratégies urbaines, transition énergétique et climat, environnement et ressources naturelles, prévention des risques, bien-être et réduction des nuisances, mobilité et transport, infrastructures de transport, habitat et bâtiment. Les prestations qu'il propose peuvent être de l'expertise et de l'ingénierie, de l'évaluation, de la méthodologie, de la recherche ou encore de la certification.
b) Des priorités pour un établissement qui se veut de plus en plus tourné vers les collectivités territoriales
Malgré l'étendue du champ d'intervention du CEREMA, son conseil d'administration du 29 avril 2015 a permis de définir deux priorités , comme l'a rappelé le directeur général de l'établissement à votre rapporteur pour avis : l'égalité des territoires et la transition énergétique .
Parallèlement, les projets de gestion des infrastructures de transport, qui étaient historiquement les plus importants pour les services fusionnés et qui représentent encore 40 à 45% de l'activité de l'établissement, devront progressivement diminuer.
Votre rapporteur pour avis a pu interroger le directeur général sur la question des solutions que pouvaient apporter le CEREMA à des territoires ruraux le plus souvent démunis et en manque de moyens d'ingénierie et d'expertise. Il semble que le CEREMA soit clairement concerné par ce sujet, notamment dans la mesure où la loi de mai 2013 qui l'a créé mentionne explicitement la « solidarité nationale », mais les actions en ce sens sont pour l'instant trop ponctuelles, ou prennent la forme d'expérimentations. Le CEREMA, qui est encore en phase de construction, tente de trouver comment fonctionner avec les directions départementales des territoires (DDT) et essaye de tisser des façons de travailler qui pourraient être pérennes, avec un schéma positionnant les DDT en « front office » et le CEREMA en soutien.
Une des difficultés demeure néanmoins la tension qui existe entre la volonté de se tourner de plus en plus vers les collectivités territoriales et le lien avec l'État, qui reste le principal donneur d'ordre du CEREMA.
L'État conserve en effet des besoins importants d'expertise et les principaux bénéficiaires sont à ce niveau les directions d'administration centrale et les services déconcentrés des ministères de tutelle mais aussi les autres ministères et leurs services déconcentrés.
En ce qui concerne les collectivités territoriales, les départements sont les principaux bénéficiaires de l'activité du CEREMA, sur l'entretien et la modernisation des patrimoines dont ils sont gestionnaires, le réseau routier mais aussi le patrimoine bâti ainsi que sur les transports. Le CEREMA travaille avec les collectivités territoriales dans le cadre d'appels d'offre, mais également via des outils juridiques nouveaux, comme les partenariats public-public.
La priorité du CEREMA est clairement affirmée dans son projet stratégique : faire du lien avec les collectivités territoriales un des principaux marqueurs de son identité .
Votre rapporteur pour avis souscrit pleinement à cet objectif mais souligne que la baisse constante des moyens de cet établissement et surtout de ses effectifs ne permet pas de réussir à augmenter les ressources propres de manière significative ou, au mieux, oriente nécessairement les actions du CEREMA vers les collectivités territoriales les plus solvables. Même dans ce cas, la subvention pour charges de service public de l'établissement devrait permettre, pour une part, de financer ces projets avec les collectivités, ce qui ne peut être le cas aujourd'hui.
Votre rapporteur pour avis regrette d'ailleurs que dans son département, le volume des prestations commandées au CETE dans un premier temps puis au CEREMA par le conseil départemental de la Somme a tendance à diminuer. Aujourd'hui, pour la période 2016-2020, le CEREMA n'est titulaire que d'un seul marché relatif aux études, aux investigations et aux contrôles extérieurs sur les infrastructures routières, fluviales et maritimes du département de la Somme, pour un montant estimé des prestations de 25 000 euros par an.
3. ... qui aboutissent à des projets concrets
Le CEREMA a offert en 2015 un grand nombre de prestations, notamment pour les collectivités territoriales.
Votre rapporteur pour avis estime que quelques exemples de réalisations du CEREMA en 2015 sont révélateurs de la transversalité de son champ d'intervention.
Le CEREMA a ainsi réalisé, pour l'État et les collectivités un grand nombre d'expertises.
Source : Rapport d'activité 2015 du CEREMA
Premier exemple , la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Lorraine, maître d'ouvrage du projet d'autoroute A31 bis a sollicité le CEREMA afin de réaliser les études préparatoires au débat public sur ce projet . Environ 50 agents du CEREMA ont ainsi réalisé des études de trafic permettant de modéliser les conditions de circulation, les études de conception géométrique et d'accidentologie, les études environnementales (biodiversité, bruit, bilan carbone, etc.) ainsi que l'évaluation socio-économique. Le débat public a eu lieu entre avril et septembre 2015 : cinq à dix spécialistes du CEREMA étaient présents lors de chacune des douze réunions, afin d'assister la DREAL et de répondre aux questions techniques. La mission se poursuivra en 2017 avec des études plus approfondies permettant de comparer les différents tracés envisagés pour l'autoroute.
Deuxième exemple , le ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer a demandé au CEREMA, dans le cadre de la stratégie nationale de gestion intégrée du trait de côte, d'élaborer le premier indicateur national de l'érosion côtière .
Troisième exemple , le CEREMA a publié, dans le cadre d'une collaboration avec la direction régionale des infrastructures, des transports et de la mer (DRIEA) d'Île-de-France une étude destinée à aider les élus à planifier des aménagements en faveur de la sécurité des piétons en ville .
Il intervient également comme facilitateur pour les collectivités .
Il a ainsi élaboré, à la demande de la Délégation à la sécurité routière, une note d'information à destination des maires et de leurs services techniques afin de leur exposer les différents aménagements qui peuvent être réalisés autour des passages à niveau.
Autre exemple, les gestionnaires du port autonome de Strasbourg ont fait appel au CEREMA pour concevoir un plan pluriannuel de suivi des chaussées ainsi que des ouvrages d'art du port afin de maîtriser les dépenses en organisant l'entretien sur le long terme grâce à une évaluation des besoins selon l'urgence et les coûts.
En tant que centre de ressources , le CEREMA a déployé dans les départements, en partenariat avec la DGALN, un outil de gestion et de pilotage du parc de logements sociaux réservés à l'État, pouvant bénéficier aux publics défavorisés et mal logés.
Toujours à la demande de la DGALN, le CEREMA a également publié une plaquette sur l'aménagement numérique des territoires destinée aux élus et techniciens des collectivités.
Ses prestations s'intègrent même parfois dans le cadre, plus vaste, d'un projet de territoire .
Dans le cadre de la création de la métropole Aix-Marseille le CEREMA a par exemple mené une étude sur la ségrégation sociale et spatiale sur l'ensemble du territoire.
Il a également répondu à la commande de la direction départementale des territoires de la Mayenne de disposer d'une étude sur l'opportunité de développer l'urbanisation autour des axes de TER en milieu rural .
Le CEREMA intervient enfin sur le développement de projets innovants avec par exemple sa participation au premier pont mixte bois-béton français à Lantosque, dans l'arrière-pays niçois.
4. Des moyens en baisse qui mettent à mal le projet stratégique de l'établissement
Votre rapporteur pour avis a été alerté sur la question des moyens du CEREMA .
Le projet de loi de finances pour 2017 est caractérisé par un transfert de la subvention pour charges de service public de cet établissement du programme 217 vers le nouveau programme 159, pour un montant de 213,2 millions d'euros (représentant environ 85% de ses ressources). Ce montant est e n baisse par rapport à l'année dernière d'environ 4,4 millions d'euros . Cette baisse fait suite à une forte diminution de cette subvention en 2016, de l'ordre de 8 millions d'euros.
Quant aux effectifs, il est prévu de supprimer 125 ETP en 2017 , sur un total de 2 950 emplois. En 2016 déjà, 108 ETP avaient été supprimés.
Votre rapporteur pour avis considère que le changement de maquette budgétaire est une bonne chose dans la mesure où la subvention du CEREMA encourait le risque de servir de variable d'ajustement au sein du programme support 217. Il s'inquiète en revanche du rythme de la diminution de la subvention pour charges de service public, qui est plus élevé que celui de la réduction de la masse salariale. Ainsi, la part de la subvention hors masse salariale permettant de développer les activités de l'établissement est tombée de 21 millions d'euros à 8 millions d'euros entre 2015 et 2016.
Le plan de développement de l'établissement prévoit :
- une augmentation des ressources propres afin de passer de 24 millions d'euros en 2015 à 36 millions d'euros en 2020 ; il s'élève aujourd'hui à 28 millions d'euros ;
- une professionnalisation pour répondre aux appels d'offres de collectivités territoriales solvables ;
- un maintien de la subvention pour charges de service public permettant de financer en partie les projets avec les collectivités territoriales ;
- une amélioration de la notoriété du CEREMA auprès des collectivités territoriales.
Votre rapporteur pour avis estime, en ce qui concerne les ressources propres, que cet objectif ambitieux connaît une limite dans le rythme de réduction des effectifs , qui ne permet plus de faire fonctionner les équipes et qui pèse lourdement sur la viabilité de l'établissement.
Au-delà, il considère que la réduction trop importante et concomitante de la masse salariale et de la subvention pour charge de service public met en péril les missions et le fonctionnement de l'établissement, et surtout ne lui permettent pas de devenir un acteur incontournable d'accompagnement des collectivités territoriales rurales en expertise et ingénierie.