B. UN BUDGET TOUJOURS DÉSÉQUILIBRÉ AU DÉTRIMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Les crédits de l'action n° 9 progressent de près de 5 millions d'euros en AE , à 135,92 millions d'euros ( + 3,8 % ), mais reculent de près de 4 millions d'euros en CP , à 133,95 millions d'euros ( - 2,9 % ). Sur cette enveloppe, 119 millions d'euros de crédits de paiement sont consacrés exclusivement à l'archéologie préventive .
Les dépenses de fonctionnement augmentent de près d'un million d'euros , à 79,66 millions d'euros ( +1,3 % ). Le projet annuel de performances indique qu'il s'agit d'une hausse mécanique liée à la décision, annoncée en mars dernier, d'augmenter le point d'indice de la fonction publique. Ces dépenses de fonctionnement prennent principalement la forme de deux subventions versées à l'INRAP : l'une de 72 millions d'euros pour les opérations de diagnostics qu'il réalise, l'autre de 7,5 millions d'euros pour compenser les charges qui lui incombent en tant qu'opérateur national d'archéologie préventive , liées en particulier à son obligation de présence sur tout le territoire, à sa compétence sur l'ensemble des spécialités et au traitement, à l'exploitation et à la valorisation des données de diagnostics et de fouilles.
Toutefois, le montant de 72 millions d'euros de la subvention accordée à l'INRAP au titre des opérations de diagnostic surprend à plusieurs titres.
D'une part, si l'on en juge par le tableau ci-après, l'INRAP ne semble pas dépenser 79,5 millions d'euros pour la réalisation de diagnostics . Si les 38,4 millions d'euros mentionnés pour la fonction « diagnostics » sont en deçà de la réalité, car il faut y ajouter un certain nombre de frais au titre des fonctions support, le coût global des opérations de diagnostic ne devrait pas dépasser, en 2016, 50 millions d'euros. Une partie de cette subvention, pourtant destinée à la conduite des diagnostics, peut donc être utilisée par l'INRAP pour la réalisation des opérations de fouilles archéologiques, au risque d'engendrer des distorsions de concurrence avec les autres acteurs du secteur de l'archéologie préventive : les collectivités territoriales ou les acteurs privés.
Dépenses 2016 de l'INRAP par destination
(en milliers d'euros) |
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Destination |
Personnel AE = CP |
Fonctionnement AE = CP |
Intervention
|
Investissement AE = CP |
Total
|
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Conseil, expertise, formation |
1 018 |
865 |
1 883 |
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Diagnostics |
22 895 |
15 509 |
38 404 |
|||
Fonctions support |
24 271 |
23 448 |
1 469 |
49 188 |
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Fouilles |
39 528 |
15 892 |
55 420 |
|||
Recherche |
8 027 |
1 141 |
120 |
9 288 |
||
Valorisation, diffusion culturelle |
2 865 |
2 102 |
6 |
4 973 |
||
Total |
98 604 |
58 957 |
1 595 |
159 156 |
Source : Projet annuel de performances pour 2017
Le problème posé par les modalités de financement des diagnostics avait d'ailleurs été souligné par la Cour des comptes, dans son rapport public annuel de 2016, dont l'un des thèmes portait sur la politique d'archéologie préventive. La cour avait émis deux options : soit « financer au cas par car les diagnostics effectivement réalisés sur la base de barèmes tenant compte de leur diversité » - option qui lui paraissait garantir la meilleure efficacité de la dépense -, soit verser une dotation globale annuelle à l'INRAP et aux collectivités territoriales disposant d'un service archéologique, en veillant à ce qu'elle soit cohérente avec le niveau des prescriptions et que les acteurs s'engagent en termes de maîtrise du coût de réalisation des diagnostics .
D'autre part, la revalorisation du point d'indice de la fonction publique ne paraît pas pouvoir justifier le montant d'1 million d'euros d'augmentation de la subvention accordée à l'INRAP pour la réalisation des diagnostics . En effet, le décret du 25 mai 2016 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation a prévu une hausse de 1,2 % en deux temps : une première revalorisation de 0,6 % le 1 er juillet 2016 et une seconde le 1 er février prochain. Le projet annuel de performances pour 2017 indique que les dépenses de personnel pour la fonction « diagnostics » de l'INRAP s'élèvent en 2016 à 22,9 millions d'euros. Il faudrait que celles-ci s'élèvent à 83,4 millions d'euros pour justifier une revalorisation de l'enveloppe à hauteur d'1 million d'euros, laissant à penser que la revalorisation de cette subvention devrait également servir à couvrir la hausse du point d'indice pour les dépenses de personnel liés au secteur concurrentiel .
Les dépenses d'intervention sont en hausse en AE , à 54,65 millions d'euros (+ 7,9 %), mais enregistrent un recul en CP , à 52,69 millions d'euros (- 5,3 %).
Les crédits destinés à l'archéologie préventive sont reconduits à l'identique, qu'il s'agisse :
- des crédits destinés à abonder le Fonds national d'archéologie préventive (FNAP), qui aide certains aménageurs en prenant en charge, partiellement ou en totalité, certaines opérations de fouilles archéologiques prescrites suite à un diagnostic, stables à 35,4 millions d'euros ;
- et des crédits destinés à compenser les travaux engagés par les collectivités territoriales habilitées pour pouvoir exercer les opérations de diagnostic archéologique , maintenus à 10 millions d'euros .
Alors que la loi du 7 juillet 2016 a renforcé le rôle des collectivités territoriales en matière d'archéologie préventive et n'a pas remis en cause leur compétence, partagée avec l'INRAP, dans la réalisation des diagnostics archéologiques, il paraît étonnant que cette dotation n'ait pas été revalorisée en conséquence . Dans son rapport de mai 2015 « Pour une politique publique équilibrée de l'archéologie préventive », Martine Faure notait que les services archéologiques des collectivités territoriales réalisaient, à l'échelle nationale, 20 % des diagnostics, tant en surface qu'en nombre d'opérations. Comment expliquer qu'elles ne perçoivent, dès lors, que 12,2 % du montant global l'enveloppe de 82 millions d'euros alloué en 2017 à la réalisation des diagnostics ?
Lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, la ministre chargée de la culture, Audrey Azoulay, a indiqué que « le montant ventilé pour les diagnostics des collectivités territoriales [de 10 millions d'euros] est issu d'échanges avec l'association nationale pour l'archéologie de collectivité territoriale » (ANACT). Or, des échanges que votre rapporteur a eus avec cette association, il apparaît que celle-ci a toujours fait valoir au ministère que ce montant était insuffisant.
Votre rapporteur pour avis juge important que la répartition des crédits soit conforme au nombre de diagnostics que les collectivités territoriales réalisent effectivement, ce qui plaide plutôt pour une revalorisation de leur enveloppe à hauteur de 16 millions d'euros et une baisse de l'enveloppe allouée à l'INRAP, pourtant revalorisée en 2017 . Chacun gagnerait sans doute à ce que des efforts soient faits pour mieux évaluer le nombre et le montant des diagnostics effectivement réalisés par l'INRAP et les collectivités territoriales afin de repenser la répartition des crédits.
Les dépenses d'opérations financières restent stables , à 1,6 million d'euros . Il s'agit d'une dotation en fonds propres allouée à l'INRAP dans le cadre de la budgétisation de la RAP, pour couvrir les dépenses d'investissement nécessaires à la réalisation des diagnostics.
Il convient de noter que les autres crédits de l'action 9 destinés à l'archéologie et au patrimoine archéologique sont plus contrastés par rapport à 2016 , avec une augmentation de près de 4 millions d'euros en AE et une baisse de près de 2 millions d'euros en CP.
Plusieurs crédits restent stables, tels que l'enveloppe budgétaire visant à soutenir les fouilles archéologiques réalisées en partenariat avec le centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou des universités (2,7 millions d'euros) ou la subvention attribuée à la société d'économie mixte « Bibracte » chargée de gérer le site archéologique du Mont-Beuvray (2 millions d'euros).
Les crédits destinés à soutenir des opérations de promotion et de diffusion du patrimoine archéologique, sous la forme d'aides à l'édition, progressent de 20 000 euros en AE=CP, à 550 000 euros.
Ce sont les crédits d'intervention destinés à certains projets spécifiques qui évoluent par rapport à l'an dernier. L'achèvement du projet Lascaux 4 , qui doit ouvrir ses portes le 15 décembre prochain, et du nouvel équipement dédié à l'archéologie en Alsace , qui a ouvert à Sélestat cette année, explique, pour l'essentiel, la baisse des CP en 2017. Néanmoins, 4 millions d'euros en AE et 2,04 millions d'euros en CP sont inscrits pour permettre la poursuite des projets déjà engagés (centres de conservation et d'études de Martres-de-Veyres en Auvergne-Rhône-Alpes, de Poitiers en Nouvelle Aquitaine et de Jublain en Pays-de-la-Loire) et le lancement de nouvelles opérations (projet de centres de conservation et d'études à Bavay en Hauts-de-France et à Besançon en Bourgogne-Franche-Comté).
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Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis du programme 175 propose à votre commission de donner un avis de sagesse à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2017.