B. LES CHANTIERS PRIORITAIRES
1. La poursuite de l'effort en faveur de l'éducation artistique et culturelle
L'éducation artistique et culturelle (EAC) constitue l'un des axes majeurs des politiques menées sur le programme 224. Son ampleur n'a cessé de s'accroître depuis la reconnaissance, par la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République, de son rôle pour favoriser l'égal accès à la culture et la mise en place d'un « parcours d'éducation artistique et culturelle » de l'élève, conçu à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'école, sur les temps périscolaires et extrascolaires. Cette politique constitue désormais le vecteur privilégié de la démocratisation culturelle , supplantant les crédits strictement consacrés aux actions de politiques territoriales et de cohésion sociale. Entre 2012 et 2017, les crédits consacrés à cette politique devraient avoir augmenté de près de 75 % , ce qui témoigne de l'importance qui lui est donnée.
L'EAC est mise en oeuvre en partenariat entre le ministère chargé de la culture et le ministère chargé de l'éducation nationale, sur la base d'une feuille de route conjointe signée en 2015. Différentes actions y contribuent. Si les dispositifs traditionnels, tels que les classes à projet artistique et culturel ou les classes culturelles apparaissent en perte de vitesse, de nouveaux modes d'actions se développent : résidences d'artistes, jumelages, conventions locales d'éducation artistique. Le tableau ci-après fait apparaître la priorité accordée au financement de projets de territoire , qui paraissent davantage fédérateurs en termes d'enfants concernés, de construction commune entre les différents partenaires et de cohérence pédagogique. Il s'agit de projets faisant l'objet d'une convention conclue entre les services de l'État et des collectivités territoriales - en grande majorité, des intercommunalités. En effet, sont ciblés avant tout les zones les plus éloignées de l'offre culturelle , à savoir les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les territoires ruraux isolés.
Pour 2017, les crédits de l'EAC sont portés à 53,11 millions d'euros , soit une progression de 4,89 millions d'euros (+ 13,7 %) par rapport à l'année 2016. Le financement des projets devrait être ventilé de la manière suivante :
- 23,21 millions d'euros en faveur des projets de territoire, dont 4,68 millions d'euros de crédits supplémentaires pour encourager les résidences d'artistes dans les établissements scolaires, développer les arts vivants à destination du jeune public et renforcer les pratiques musicales et muséales et la sensibilisation à l'architecture ;
- 15,2 millions d'euros pour les projets d'établissement, dont 1,2 million de nouveaux crédits pour consolider le dispositif « journalistes en résidences » expérimenté en 2016 et renforcer les actions à destination des jeunes publics de la justice
- 7 millions d'euros destinés à financer les projets de classe : aides aux ateliers artistiques, classes culturelles et classes à projet artistique et culturel, enseignements artistiques au lycée, dispositifs de sensibilisation à la culture... ;
- et 1,5 million d'euros en faveur du programme DEMOS, qui favorise l'accès à la pratique musicale en orchestre pour des enfants résidant dans des quartiers de la politique de la ville ou dans des zones rurales éloignées des lieux de pratique artistique.
Le projet annuel de performances pour 2017 indique que la part de jeunes ayant bénéficié d'au moins une action d'éducation artistique et culturelle financée par l'État pourrait atteindre 49 % en 2017, après s'être établie à 36,6 % en 2015.
La réforme des rythmes scolaires a joué un rôle non négligeable dans le développement de l'EAC au cours des dernières années, par le biais des heures périscolaires. Néanmoins, votre rapporteur pour avis note que les communes et les établissements publics de coopération intercommunale conservant à leur charge environ 70 % du budget des nouvelles activités périscolaires, des difficultés sont survenues et pourraient se reproduire, dans un contexte qui reste marqué par la baisse des dotations aux collectivités territoriales.
Les résidences d'artistes dans les écoles Les résidences d'artistes dans les écoles se sont développées à la faveur de la mise en oeuvre du parcours d'éducation artistique et culturelle. Deux facteurs y ont particulièrement contribué : d'une part, la priorité donnée aux projets fédérateurs et, en premier lieu, aux projets de territoire et, d'autre part, l'augmentation des moyens alloués à l'éducation artistique et culturelle permettant le soutien à de nouveaux projets. Le ministère de la culture et de la communication encourage leur installation pour favoriser les rencontres et contribuer à l'accès de tous aux oeuvres et à la création. Une circulaire du 17 octobre 2016 a lancé le nouveau dispositif de résidences d'artistes à l'école, intitulé « Création en cours ». Il doit permettre aux enfants du « cycle 3 » (CM1, CM2 et 6 e ) de vivre l'expérience de la création artistique au contact des artistes. Il prévoit d'installer, chaque année à compter de janvier 2017, cent jeunes artistes diplômés de l'enseignement supérieur - en particulier de l'ESC - en résidence dans les écoles et collèges les plus éloignés de l'offre culturelle, à savoir les quartiers prioritaires de la politique de la ville, les zones rurales et périurbaines, les territoires de montagne, les outre-mer. Ces résidences sont conçues à la croisée de la création et de la médiation : les échanges avec l'artiste et la rencontre avec son travail seront complétés par un enseignement sur l'histoire des arts et des ateliers de pratiques artistiques. |
La formation des différents acteurs de l'EAC , qu'ils soient enseignants, éducateurs, animateurs, artistes ou médiateurs culturels, constitue un enjeu important pour assurer le succès de cette politique. La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a d'ailleurs autorisé les établissements supérieurs de la culture en matière d'arts plastiques et de spectacle vivant à former à la transmission en matière d'éducation artistique et culturelle et a confié aux écoles nationales supérieures d'architecture la mission de former à la transmission en matière d'éducation architecturale et culturelle. 6,2 millions d'euros de crédits devraient être ouverts en 2017 pour soutenir la formation et le développement de ressources documentaires.
Votre rapporteur pour avis observe que peu d'évaluations concernant l'EAC ont jusqu'ici été réalisées . Le ministère de la culture et de la communication a lancé à la fin de l'année 2014 des travaux pour développer une méthodologie d'évaluation des impacts des actions d'éducation artistique et culturelle. D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le fruit de ces travaux aurait vocation à être exploité à partir de la fin de cette année. L'évaluation est d'autant plus délicate que la politique d'EAC est fondée sur une logique de partenariat entre le ministère chargé de la culture et le ministère chargé de l'éducation nationale. À cet égard, une collaboration étroite entre les deux ministères est indispensable pour garantir la pérennité du dispositif.
2. La priorité donnée à l'emploi
L'emploi constitue la nouvelle grande priorité du programme 224 pour l'année 2017, après une année 2016 marquée par la renégociation des annexes VIII et X de la convention d'assurance-chômage, la conclusion d'un accord relatif à l'assurance-chômage des intermittents du spectacle et la publication du décret, le 13 juillet, fixant les nouvelles règles d'indemnisation.
Le programme 224 finance, à partir de 2017, un fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) . Doté de 55 millions d'euros pour la première année et de 90 millions d'euros en année pleine, il comprend neuf mesures à destination des entreprises du spectacle vivant et enregistré, qu'elles relèvent du secteur public ou du secteur privé, et des artistes et techniciens qu'elles emploient. L'essentiel des dotations devrait bénéficier aux entreprises, les prévisions concernant la dépense par nature évoquant jusqu'ici 2 millions d'euros au titre des transferts aux ménages, en AE comme en CP, sur l'ensemble des crédits alloués au fonds. Les mesures financées sont les suivantes :
- une aide à l'embauche du premier salarié en contrat à durée indéterminée (CDI), qui profitera, à raison de 1 000 € par trimestre pendant deux ans, aux entreprises du spectacle qui embaucheraient en CDI un premier salarié pour un salaire inférieur à trois SMIC. Cette aide doit permettre d'encourager la création d'un emploi pour favoriser la professionnalisation de la structure et son développement ;
- une prime à l'embauche en CDI de salariés du spectacle , dénommée « Prime à l'emploi pérenne de salariés du spectacle » (PEPS), versée à toute entreprise du spectacle pendant quatre années pour l'embauche en CDI d'un intermittent ou technicien du spectacle dont le salaire est inférieur à trois SMIC. Le montant de cette prime est dégressif : fixé à 10 000 € la première année, il est réduit de 2 000 € chacune des années suivantes pour atteindre 4 000 € la dernière année. L'objectif de ce dispositif est de développer l'emploi en CDI pour lutter contre la précarité des salariés du spectacle ;
- une aide à la durée des contrats , octroyée aux entreprises de moins de 100 ETPT qui embaucheraient des salariés en contrat à durée déterminée (CDD) de longue durée, pour un salaire inférieur à trois SMIC. Le montant de cette aide est progressif selon la durée du contrat, de manière à encourager l'emploi dans la durée plutôt qu'un fractionnement des contrats : il est fixé à 500 € pour tout contrat de deux mois, 800 € pour tout contrat de trois mois, 1 800 € pour tout contrat de six mois et 4 000 € pour tout contrat d'un an ;
- une aide à l'insertion sur le marché du travail des jeunes artistes diplômés , versée à raison de 1 000 € par mois pendant quatre mois, à tout jeune diplômé depuis moins de trois ans d'un établissement supérieur de la culture pour tout contrat d'au moins quatre mois qu'il décrocherait. L'objectif de cette mesure est d'inciter à trouver et confirmer une première expérience professionnelle ;
- une aide à la garde d'enfants , versée jusqu'aux 12 mois de l'enfant à tout artiste ou technicien du spectacle après un congé maternité, un congé paternité ou un congé d'adoption, à hauteur au maximum de 50 % du coût en raison du crédit d'impôt sur l'emploi à domicile, sous réserve qu'il ait un contrat de travail et ne bénéficie pas des aides de la Caisse d'allocations familiales. Il s'agit d'une mesure particulièrement attendue par les salariés du secteur, dans la foulée des propositions formulées dans le cadre des réflexions sur les « matermittentes » ;
- un fonds assurantiel pour les groupements d'entreprises de la culture pour garantir, pendant six mois, le maintien des emplois et les salaires dans les groupements d'entreprises de la culture et de la communication, en cas de défaillance de l'une des entreprises et dans l'attente d'une nouvelle adhésion. Les crédits octroyés en faveur de ce fonds ont vocation à être abondés par la mise en place progressive d'une cotisation des adhérents ;
- trois dispositifs de soutien de l'emploi dans les secteurs fragiles destinés à encourager l'emploi direct d'artistes par le biais du remboursement a posteriori d'une partie du salaire incluant les charges salariales des artistes qui seraient embauchés. Le premier concerne les cafés-culture , définis comme les bars, les cafés et les lieux ou salles de spectacle non professionnels de moins de 200 places. Le deuxième est destiné aux petits lieux de diffusion de musique, de théâtre et de danse , c'est-à-dire les salles de musique jusqu'à 300 places et les salles de théâtre et de danse jusqu'à 100 places. Le dernier est octroyé à l'occasion des séances d'enregistrement en vue de la production d'un album, lorsqu'elles sont conduites par un label indépendant ou lorsqu'elles concernent des enregistrements de jazz et de musique contemporaine. Il convient de noter que la gestion des deux derniers dispositifs est confiée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) .
Nombreux sont ceux qui se sont étonnés que la gestion du FONPEPS soit confiée au ministère chargé de la culture et non au ministère chargé du travail, faisant naître des craintes sur la pérennité du dispositif. D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le choix du rattachement au ministère chargé de la culture, décidé par le Premier ministre, se justifie par la nature des mesures financées : pour la grande majorité d'entre elles, ce ministère est apparu plus à même, en raison de sa connaissance précise des publics touchés, de prendre en charge la gestion de ce fonds, dont une grande partie des mesures correspond à des aides de niche. Sa budgétisation sur le programme 224 et non le programme 131 consacré à la création s'explique par la volonté que ce fonds ne vienne pas en aide au seul spectacle vivant - les mesures profiteront également aux secteurs du cinéma, de l'audiovisuel et de la production phonographique - et par le caractère transverse des actions financées. Pour mémoire, le programme 224 est géré par le Secrétariat général, là où le programme 131 relève de la direction générale de la création artistique.
Le programme comporte une autre série de dispositions relatives à l'emploi, destinée à améliorer l'insertion professionnelle des diplômés de l'enseignement supérieur culture . L'intégration de ces jeunes sur le marché du travail constitue l'un des trois objectifs listés dans le projet annuel de performances pour 2017. Parmi ces dispositions figurent :
- le soutien aux dispositifs permettant de renforcer l'adéquation entre formation et emploi : consolidation de l'intégration dans le schéma LMD, développement de la formation continue, soutien à la mise en place de « fab labs », d'incubateurs et de pépinières artistiques, encouragement à proposer dans le cursus des modules de gestion et comptabilité pour préparer à les étudiants à l'exercice d'une activité professionnelle ;
- la création d'une aide à la recherche du premier emploi (ARPE) pour les jeunes diplômés boursiers qui arrivent sur le marché du travail, pour une enveloppe de 2 millions d'euros. Elle sera octroyée pour une durée de quatre mois aux jeunes diplômés demandeurs qui satisfont aux conditions d'attribution des bourses sur critères sociaux. L'objectif de cette allocation est de réduire les risques de trappes à chômage qui peuvent survenir à la fin des études. D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le montant de l'enveloppe budgétaire alloué à cette aide a été déterminé sur la base d'une hypothèse médiane en termes de demandes, certains diplômés trouvant à s'insérer sur le marché du travail immédiatement après la fin de leurs études. Dans le cas où l'ensemble des diplômés qui bénéficiaient d'une bourse sur critères sociaux pendant leurs études prétendaient à une aide au titre de l'ARPE, une enveloppe de 3,9 millions d'euros pourrait se révéler nécessaire.