III. L'INVESTISSEMENT DES REGIONS DANS LA RECHERCHE ET L'INNOVATION

Année après année, les collectivités territoriales s'affirment comme des acteurs importants du financement de la recherche dans notre pays. Parallèlement aux initiatives nationales en ce domaine, des projets ancrés dans les territoires, mais susceptibles de bénéficier d'un rayonnement européen, voire international, voient en effet le jour grâce à l'investissement de ces acteurs publics dans le développement et l'innovation.

Cet engagement des collectivités s'inscrit actuellement dans un contexte particulier de bouleversement du paysage territorial . La loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, qui a substitué aux 22 régions métropolitaines existantes 13 nouvelles grandes régions, a été mise en oeuvre suite au renouvellement des conseils régionaux fin 2015. Parallèlement, la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, renforce les compétences des régions en la matière. Enfin, la signature des contrats de plan État-Région l'année dernière renouvelle les actions conjointes de l'État et des régions jusqu'à 2020, mais se caractérisent par une baisse des crédits affectés à la recherche et l'innovation.

Votre rapporteure a donc souhaité faire le point sur le rôle des collectivités locales en matière de recherche et d'innovation, en se concentrant sur celui des régions. Celles-ci se trouvent en effet investies de nouvelles missions, mais leur articulation avec celles de l'État, en termes de financement, mais également de pilotage, apparaissent encore à construire.

A. UNE CONTRIBUTION SUBSTANTIELLE À L'EFFORT NATIONAL DE RECHERCHE ET D'INNOVATION

1. Les régions portent les deux tiers de la contribution à l'effort national de recherche des collectivités territoriales.

Selon les derniers chiffres disponibles 43 ( * ) , le budget que les collectivités territoriales déclarent affecter aux opérations de recherche et de transfert de technologie (R&T) 44 ( * ) est estimé à 1,26 milliard d'euros en 2014 , ce qui représente 8 % des financements publics, en hausse de 0,6 points sur un an 45 ( * ) . Tous les échelons de collectivités sont concernés. Ainsi, le budget R&T des conseils départementaux s'élève à 192,2 millions d'euros, soit 15 % du budget R&T 2014 de l'ensemble des collectivités territoriales du territoire métropolitain. Les communes et leurs groupements apportent quant à eux 209,7 millions d'euros, soit 19 % du budget métropolitain.

Les régions sont néanmoins le premier acteur territorial en la matière : alors qu'elles représentent environ 13 % des dépenses des collectivités locales, le budget qu'elles consacrent à la R&T représentent les deux tiers du budget R&T de l'ensemble des collectivités. Elles financent, ainsi, 831,7 millions d'euros de R&T en 2014, soit près de 3 % de leur budget primitif et environ 13 euros par habitant.

Durant les années 2006 à 2014, le budget R&T des collectivités a évolué de façon divergente selon la période considérée. Ces divergences sont imputables à l'accompagnement du transfert des compétences entre l'État et les régions et à la crise économique et financière de 2008. De 2006 à 2009, le taux de croissance annuel moyen du budget R&T atteint 11 % en volume. En 2010, le budget R&T réalisé est en baisse par rapport à celui de 2009, à -6 % en volume. Entre 2010 et 2013, le budget R&T des collectivités a connu une certaine stabilité. L'année 2014 affichait un budget R&T à la hausse, de niveau comparable à celui de 2009, et stabilisé en 2015 46 ( * ) .

Le budget R&T des régions a suivi une évolution relativement similaire. Il augmente fortement de 2006 à 2009, avec plus de 10 % de croissance par an. En 2009, les budgets R&T traduisent l'important effort d'investissement réalisé dans le cadre du plan de relance économique (2008-2009), anticipant certaines des dépenses. Depuis 2010, les budgets R&T des régions sont relativement stables et proches de 800 M€, malgré une baisse observée en 2013 en partie compensée en 2014 et en 2015 (avec un budget prévisionnel de 819 millions d'euros).

2. Les deux principaux postes de dépenses sont les opérations immobilières et les opérations liées aux transferts de technologie et à l'aide aux entreprises innovantes.

Les collectivités territoriales sont particulièrement impliquées dans des opérations immobilières qui représentent, en 2014 et 2015, le tiers des budgets de R&T , principalement dans le cadre du volet recherche-enseignement supérieur et transfert de technologie des CPER. Les opérations liées aux transferts de technologie et à l'aide aux entreprises innovantes représentent quant à elles environ 30 % des budgets de R&T. La part la plus importante de ce budget, soit 160 M€, revient au développement des collaborations public-privé. L'intervention se traduit par des aides aux structures favorisant le transfert de technologie telles que les SATT ou le financement des projets collaboratifs comme les projets labellisés par les pôles de compétitivité (à hauteur de 117 millions d'euros pour l'ensemble des collectivités). Ces deux principaux postes se retrouvent dans les priorités régionales en métropole, où ils représentent 61 % des financements de R&T (soit 483 M€ de moyenne annuelle). De 2013 à 2015, on observe cependant un certain fléchissement du financement des opérations immobilières, compensé par une augmentation des crédits destinés aux objectifs de transfert de technologie et d'aides aux entreprises innovantes.

S'agissant des autres types de dépenses , l'engagement financier des collectivités est moindre pour ce qui concerne le renforcement des équipements scientifiques des laboratoires des universités et des organismes de recherche (8 %, 9 % pour les régions) ou le soutien aux projets de recherche (11 %, 12 % en région). Les aides aux chercheurs absorbent 11 % des crédits (14 % en région) sous forme d'allocations diverses (allocations d'aide à la mobilité internationale, aide à l'embauche de chercheurs et à l'accueil de chercheurs de haut niveau).

Il convient cependant de distinguer selon les régions , car on observe des stratégies divergentes . Ainsi, en moyenne sur les trois exercices de l'enquête du MENESR, en considérant les nouvelles régions, huit conseils régionaux sur treize financent en premier lieu des opérations immobilières. L'objectif « transfert de technologie et aides aux entreprises innovantes » est privilégié par trois régions, dont l'Île-de-France, qui y consacre 42 % de ses financements R&T. Pour les conseils régionaux du Centre-Val de Loire et de Corse, la part la plus importante du budget R&T sur la période va aux projets de recherche des laboratoires publics.

BUDGET R&T DES CONSEILS RÉGIONAUX DE MÉTROPOLE PAR TYPE D'OPÉRATION

3. Une polarisation géographique de l'investissement

Les activités de recherche et développement (R&D) sont concentrées dans un faible nombre de régions. En 2013, 40 % des dépenses internes de recherche et développement des entreprises et des administrations (DIRD) proviennent de travaux de R&D localisés en Ile-de-France. Les territoires Auvergne-Rhône-Alpes et Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées apportent respectivement 14 % et 12 % de la DIRD de France métropolitaine. A l'opposé, sept des treize nouvelles régions représentent chacune moins de 4 % de la DIRD de métropole, soit un total de moins de 20 %.

L'investissement des conseils régionaux dans la R&T est également très variable d'une région à l'autre. Ainsi, en 2013, les trois plus importants budgets apportent 37 % du budget R&T des conseils régionaux de France métropolitaine . Il s'agit des régions Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (14 %), Ile-de-France (13 %), et Auvergne-Rhône-Alpes (10 %). A l'opposé, la Corse apporte moins de 4 % au budget R&T des conseils régionaux de métropole.

On peut également mesurer les disparités entre conseils régionaux en mesurant leur effort financier en faveur de la R&T. On peut mesurer cet effort financier en rapportant le budget de R&T de chaque région au nombre d'habitants . On observe ainsi que le budget R&T était, en 2014, supérieur à 15 euros par habitant dans cinq des treize régions de métropole (Pays de la Loire, Normandie, Corse, Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes et Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine), alors que pour les territoires Nord-Picardie, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes, le budget R&T des régions rapporté au nombre d'habitants est inférieur à 10 euros.

Cet effort financier peut également être mesuré en comparant la part des dépenses de la région en R&T à la part dépense intérieure de recherche et développement dans le PIB régional . Chaque région est ainsi comparée à la position nationale.

EFFORT REGIONAL EN MATIERE D'EXECUTION ET DE FINANCEMENT DE LA RECHERCHE

(en métropole, pour l'année 2013)

En 2012, la DIRD nationale s'élève à 2,3 % de la richesse nationale, et le financement en faveur de la R&T de l'ensemble des conseils régionaux métropolitains à 2,8 % de leurs dépenses totales. Seule la région Provence-Alpes-Côte d'Azur réalise un effort relatif plus important que la moyenne métropolitaine à la fois pour ce qui est du financement de la R&T (2,8 %) et de l'exécution de la R&D par les entreprises ou les administrations (2,4 %). A l'opposé, trois régions se placent en dessous de la moyenne métropolitaine pour les deux indicateurs. Pour neuf autres contours régionaux, l'effort fournit par les conseils régionaux semble inversement proportionnel à l'effort de recherche que déploient les exécutants (administrations et entreprises) de la R&D. Dans les trois régions où l'effort de recherche DIRD/PIB est supérieur à la moyenne (Languedoc-Midi-Pyrénées, Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes), l'effort en faveur de la R&T des conseils régionaux est inférieur à la moyenne métropolitaine. La situation est inverse dans les six autres régions.


* 43 Le financement de la recherche et du transfert de technologie par les collectivités territoriales, enquête réalisée en 2015 par la direction générale pour la recherche et l'innovation (DGRI) et la direction générale pour l'enseignement supérieur et l'insertion professionnelle (DGESIP) du MENESR.

* 44 Le budget total de R&T pris en compte dans l'enquête correspond à l'ensemble des financements destinés à développer les activités de recherche et développement des universités et des organismes publics, à soutenir l'innovation et la recherche dans les entreprises, à favoriser les transferts de technologie, à promouvoir les résultats de la recherche, à développer la culture scientifique et technique. Il est ventilé selon sept grands objectifs : opérations immobilières recherche, équipement de laboratoires publics, transferts de technologie - aides aux entreprises innovantes, réseaux haut-débit et TIC au service de la recherche, projets de recherche des organismes publics, aides aux chercheurs, diffusion de la culture scientifique et technique, colloques.

* 45 Les financements publics étant constitués, ici, des crédits de la MIRES orientés sur la recherche, du budget RetT des collectivités et de la contribution de l'État français au PCRD.

* 46 Données non définitives pour l'année 2015 au moment de la réalisation de l'enquête du MENESR.

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