C. LA HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 123 : « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER »
Prolongeant une hausse continue depuis 2012, avec des crédits de paiement qui sont passés de 628 millions d'euros en 2012 à 710,8 millions d'euros en PLF 2017, les crédits du programme 123 proposés pour 2017 augmentent, à structure constante, de 6,3 % en AE et de 1,4 % en CP par rapport à 2016 , en particulier sous l'effet de la revalorisation de la dotation globale d'autonomie (DGA).
Comme son nom l'indique, le programme 123 a pour finalité d'améliorer les conditions de vie des populations outre-mer en facilitant leur accès au logement, à la santé et à l'éducation. L'Etat contribue ainsi, avec les collectivités territoriales, à l'aménagement des territoires ultramarins et à la mise en oeuvre du principe de continuité territoriale.
La culture n'est pas oubliée puisque, pour 2017, l'action 4 de ce programme prévoit, à hauteur de 10 millions d'euros en AE et 1,5 millions d'euros en CP pour financer la création, en Île-de-France, de la Cité des outre-mer , conformément à l'engagement du Président de la République, afin de mettre en valeur l'histoire, la mémoire, la diversité et la richesse culturelles des outremer .
La justification de ces crédits rejoint la notion de réduction des écarts qui fonde le projet de loi sur l'égalité réelle. Rappelons ici que le produit intérieur brut moyen par ultramarin reste inférieur de près de 40 % à celui de l'Hexagone et que la proportion de bénéficiaires des minima sociaux est quatre fois plus élevée, avec 12 % de la population des quatre DOM initiaux contre 3 % en métropole en 2014.
1. La politique du logement ultramarin bénéficie du maintien pour 2017 de ses crédits mais la baisse de la construction appelle des mesures énergiques.
Afin de mieux prendre en compte les particularités ultramarines, l'action de l'État dans le domaine du logement et de la résorption de l'habitat insalubre relève, depuis 1997, de la responsabilité du ministère des outre-mer. En effet, l'État finance la construction de logements, en particulier sociaux et la réhabilitation des logements insalubres.
Précisons que les crédits consacrés au logement qui sont ici examinés ne concernent que les DROM, puisque, dans les COM et en Nouvelle-Calédonie, le logement relève de la compétence des collectivités. Les politiques locales, dans l'ensemble des outre-mer, sont néanmoins soutenues à travers les contrats de développement (action 2 Aménagement du territoire) et par des dépenses fiscales.
Dans les DOM les besoins en logements sociaux sont très importants pour des raisons démographiques et parce que la proportion des ménages à bas salaires est élevée. Par exemple, en Martinique, on recense aujourd'hui près de 11 550 demandes de logement social et, selon l'INSEE, il faudrait construire pour la période 2010-2040, 2 500 à 3 000 logements neufs par an. Or en moyenne depuis 2006, 489 logements sociaux ont été financés tandis que 403 ont été livrés par an.
De plus, le nombre de logements classés comme insalubres par l'État est d'environ 66 000 (entre 6000 et 10 000 pour la seule Martinique) et concerne plus de 150 000 personnes. Les cinq DOM à travers des situations différentes ont cependant en commun une urbanisation rapide et mal maîtrisée.
Besoins en logements dans les départements d'outre-mer
DOM |
Nombre de demandeurs de logements sociaux |
Besoins par an en logements dont sociaux et en accession |
Nombre de logements insalubres |
Guadeloupe |
10 179 |
Plus de 4 000 dont 1 875 logements sociaux |
10 000 |
Martinique |
11 550 |
2 200 à 2 900 par an dont 1 200 logements sociaux |
6 000 à 10 000 |
Guyane |
8 675 |
3 600 dont 1 950 logements sociaux et 200 en accession |
10 815 |
La Réunion |
29 295 |
8 262 dont 4 893 logements sociaux |
16 235 |
Mayotte |
3 000 |
2 700 logements dont 800 à 1 000 logements sociaux et 200 à 300 en accession |
18 772 |
Total DOM |
62 699 |
21 500 logements neufs par an dont près de 11 500 logements sociaux et en accession |
65 822 |
Source : réponse au questionnaire budgétaire, ministère des outre-mer.
Or face à ces besoins, et comme s'en est inquiété le représentant de l'Union Sociale de l'Habitat au cours des auditions, les programmes de construction ont pris du retard, ce qui s'explique par plusieurs facteurs convergents : les difficultés de programmation des projets, la lourdeur des procédures administratives et la rareté du foncier. Votre rapporteur pour avis souligne également l'augmentation des coûts de construction.
Cette évolution très préoccupante se lit dans le graphique présenté ci-dessous, avec une baisse continue, depuis 2012, du nombre de logements sociaux ou très sociaux financés suivie, avec un effet retard, d'un déclin assez brutal depuis 2014 du nombre de logements livrés.
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires .
Pour le financement de la politique du logement, la ligne budgétaire unique (LBU) 1 ( * ) , qui représente 29,5% des crédits du programme, a été sanctuarisée pour 2017 avec 233 millions d'euros en CP et 247 millions d'euros en AE. Elle permet de subventionner le logement locatif social et très social ainsi que la réhabilitation des logements existants. Elle finance également des prêts à taux zéro.
La construction de logements locatifs sociaux constitue la priorité absolue , ce qui comprend non seulement le logement locatif social (LLS) et très social (LLTS), mais aussi les logements spécifiques comme les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), les logements étudiants et l'hébergement d'urgence.
Rappelons qu'on distingue deux grandes catégories de logements sociaux suivant les prêts et subventions accordés aux organismes pour leur production : les PLAI - prêt locatif aidé d'intégration - destinés aux personnes en difficulté et les PLUS - prêt locatif à usage social - dont les loyers maximaux sont un peu supérieurs à ceux des PLAI.
Les logements PLS - prêt locatif social - correspondent, quant à eux, au logement dit intermédiaire destiné aux classes moyennes : ce ne sont pas stricto sensu des logements sociaux et le plafond de ressources exigé du locataire est supérieur de 30 % au plafond demandé pour un logement social classique.
S'agissant des raisons du retard en matière de construction de logement, les auditions effectuées par votre rapporteur pour avis conduisent à faire observer que la fixation d'objectifs chiffrés au plus haut niveau politique ne suffit pas car, sur le terrain, « le diable est dans les détail ». De nombreux obstacles juridiques et financiers se conjuguent avec des lenteurs de procédure mais le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures pragmatiques qui font l'objet de développements ci-après dans la seconde partie du présent rapport.
2. La hausse des crédits consacrés à l'aménagement du territoire et le financement des contrats de plan avec l'État
L'action n° 2 « Aménagement du territoire » soutient l'investissement public et l'action des collectivités territoriales.
La génération de contrats de plan État-régions (CPER) couvrant la période 2015-2020 vise à créer des emplois dans plusieurs domaines prioritaires comme l'amélioration des infrastructures ultramarines, la transition énergétique, l'innovation et la cohésion sociale, conformément aux objectifs définis par une circulaire du Premier ministre du 2 août 2013. Pour ces contrats 2015-2020, le montant de l'engagement de l'État s'établit à 865,9 millions d'euros, en nette augmentation par rapport à la génération précédente 2007-2014. Le programme 123 devrait contribuer à ce financement à hauteur de 341,6 millions d'euros sur l'ensemble de la période.
Pour sa part, la nouvelle génération de contrats de projets entre l'État et la Polynésie française bénéficie d'une enveloppe totale de 360 millions d'euros sur 6 ans, de 2015 à 2020, à parité entre l'État et le Pays. 22,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 25,5 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus à ce titre pour 2016 contre respectivement 20 et 20,3 millions d'euros en 2015.
3. Les crédits en faveur de la continuité territoriale sont stabilisés mais leur niveau reste insuffisant.
La politique nationale de continuité territoriale est définie par l'article L. 1803-1 du code des transports : elle tend « à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».
Elle se traduit par le versement d'aides aux résidents des outre-mer pour des déplacements en métropole et, pour les personnes en formation professionnelle en mobilité, de prestations de vie quotidienne et pédagogiques.
L'action n° 3 « Continuité territoriale » finance cette politique au moyen de plusieurs outils : l' aide à la continuité territoriale pour tous publics, le passeport mobilité études pour les étudiants et les lycéens, et le passeport mobilité formation professionnelle pour les personnes ayant un projet d'insertion professionnelle.
Il convient de rappeler qu'afin de contenir l'augmentation des dépenses, la loi de finances pour 2015 a resserré les critères d'éligibilité de l'aide à la continuité territoriale en instituant un délai d'au moins trois années entre le versement de deux aides et en divisant son montant par deux pour les foyers dont le quotient familial annuel est supérieur à 6 000 euros. En 2015, les crédits de cette action 3 ont ainsi baissé de 20 %.
Pour 2017, avec 42 millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement, les dotations sont stabilisées par rapport à 2016.
Votre rapporteur pour avis souligne l'importance du désenclavement des territoires ultramarins et note les avancées positives prévues par le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer.
4. L'action n° 6 « Collectivités territoriales » : une progression à structure constante, du soutien à la reconversion de l'économie polynésienne
L'action n° 6 répond à trois objectifs : donner, tout d'abord, aux collectivités territoriales d'outre-mer les moyens de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des ultramarin, répondre aux cas d'urgence dans les situations de catastrophes naturelle, et enfin de soutenir les actions de sécurité et de défense civiles.
Pour 2017, 281 millions d'euros en crédits de paiement et de 300 millions d'euros en autorisations d'engagement, sont prévus. La progression de 50 % des dotations par rapport à 2016 résulte cependant pour l'essentiel du transfert entrant du financement de la construction des lycées de Nouvelle-Calédonie (27 millions d'euros) et de Mayotte (50 millions d'euros).
La dotation globale d'autonomie au profit de la Polynésie française bénéficie, pour sa part, d'une augmentation nette de 10 millions d'euros, pour atteindre au total 90 millions d'euros, conformément à un engagement présidentiel. Au total, l'aide à la reconversion de l'économie polynésienne s'élève dans cette action à 142,5 millions d'euros en crédits de paiement.
5. L'action n° 7 « Insertion économique et coopération régionale »
Elle ne représente qu'un millions d'euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement, ce qui est trop peu, mais correspond à un objectif essentiel : favoriser l'intégration et l'insertion économique des outre-mer dans leur environnement régional et la présence de la France dans ces zones.
Financièrement, l'extension de l'aide au fret aux échanges entre collectivités ultramarines - alors qu'ils sont aujourd'hui centrés sur les échanges avec l'Union européenne - prévue par la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer pourrait contribuer à soutenir cet objectif.
Dans le même sens, la proposition de loi relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération de l'outre-mer dans son environnement régional, dont la commission sénatoriale des lois préconise le vote conforme, sera examinée par le Sénat le 7 décembre prochain.
6. Une dotation accrue en faveur des infrastructures au travers du Fonds exceptionnel d'investissement.
Créé par l'article 31 de la loi pour le développement économique des outre-mer, le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) finance le plan de rattrapage en matière d'équipements publics outre-mer sous la forme d'une aide aux personnes publiques qui investissent pour le développement local et l'emploi. Il avait été prévu, en 2012, de porter les crédits de ce fonds à 500 millions d'euros au cours du quinquennat.
Concrètement, un appel à projets est lancé chaque année. Il permet aux collectivités publiques - communes, intercommunalités, conseils régionaux et départementaux - de proposer une liste d'opérations qu'ils souhaiteraient voir subventionnées, dans le domaine, par exemple, des opérations d'adduction d'eau potable, de gestion des déchets, de désenclavement et de création d'infrastructures numériques.
Le projet de budget pour 2017, prévoit d'alimenter ce fonds à hauteur de 34,8 millions d'euros en crédits de paiement, soit 7,5 millions d'euros de plus qu'en 2016 avec une stabilisation à 40 millions d'euros des autorisations d'engagement . L'accent pourra être mis, aux côtés du ministère des sports et des collectivités territoriales, sur l'amélioration des équipements sportifs outre-mer.
La hausse des crédits du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), mérite d'être saluée, tout en constatant que l'objectif de doter le de 500 millions d'euros semble désormais difficile à atteindre. Votre rapporteur pour avis souligne que ces crédits ont un effet de levier considérable pour l'investissement dont nos outre-mer ont besoin.
* 1 Antérieurement gérée par le ministère du logement, la ligne budgétaire unique (LBU) consacrée au logement ultramarin a été transférée en 1997 et 1998 au ministère de l'outre-mer, dans le souci d'assurer une visibilité accrue et une meilleure adaptation territoriale de la politique du logement.