B. RÉSEAUX MOBILES : UNE ABSENCE PERSISTANTE DE COUVERTURE DEVENUE CRITIQUE POUR LES TERRITOIRES CONCERNÉS

Si le déploiement des réseaux fixes à très haut débit est une condition indispensable pour le développement futur des territoires, la couverture par les réseaux mobiles revêt une importance critique pour le maintien des activités et des habitants, et se caractérise depuis plus d'une dizaine d'années par des phénomènes persistants de marginalisation technologique.

Jusqu'à présent, la succession des différentes générations de réseaux mobiles n'a pas mis un terme à la logique descendante des déploiements , qui réserve aux territoires peu denses une couverture tardive, ou ne leur offre parfois aucune perspective. Plus encore qu'en matière d'accès fixe, l'absence ou la défaillance de la couverture mobile est à l'origine d'un sentiment d'exclusion et d'insécurité particulièrement fort, dans des territoires qui sont par ailleurs peu dotés en infrastructures physiques.

L'accès au réseau mobile de deuxième génération (2G) conditionne l'utilisation de la téléphonie mobile la plus élémentaire. Afin de réduire le nombre de territoires non couverts, un programme national de résorption de ces « zones blanches » de la couverture mobile, a été mis en oeuvre à partir de 2003, avec un programme complémentaire en 2008.

Toutefois, le problème des zones blanches 2G n'a pas été résolu par ces deux programmes. Mi-2015, la couverture de la population en 2G demeurait incomplète : 75 communes du programme ne sont toujours pas couvertes, tandis que plusieurs dizaines de communes non couvertes n'étaient pas intégrées au recensement.

Le réseau mobile de troisième génération (3G) donne accès à l'internet mobile. Au deuxième trimestre de l'année 2015, la situation était plus insatisfaisante encore que pour la 2G. Plus de 2 200 communes n'étaient toujours pas couvertes. En février 2010, les opérateurs Orange, SFR et Bouygues Telecom, rejoints ultérieurement par Free, s'étaient engagés par un accord collectif de partage de réseaux mobiles, dit « accord de RAN Sharing », à couvrir en 3G l'intégralité des communes en zones blanches 2G avant la fin de l'année 2013.

Moins d'un tiers de cet accord a été mis en oeuvre. Les communes concernées sont ainsi privées d'internet mobile, alors même que nombre d'entre elles sont également exclues d'un haut débit fixe de qualité. Le risque de territoires « isolés multi-technologies » augmente, tandis que le développement des usages rend chaque jour plus pénalisante l'absence d'accès internet de qualité.

Pour le réseau mobile de quatrième génération (4G), les licences dans les bandes de fréquences 2,6 GHz et 800 MHz ayant été attribuées fin 2011, la couverture est logiquement inachevée pour ce réseau. De nombreux observateurs se sont cependant félicités de la progression plus rapide que prévue des déploiements : en juillet 2015, 76 % de la population était couverte par le réseau d'Orange, premier opérateur en termes de couverture de la population par la 4G 3 ( * ) . Toutefois, le déploiement rapide de la 4G, essentiellement en zone dense, ne préjuge pas de la couverture des territoires moins denses, donc moins rentables pour les opérateurs.

Une zone de déploiement prioritaire (ZDP) a été définie afin d'identifier les territoires concernés et d'assigner aux opérateurs des obligations de déploiement spécifiques. La ZDP représente 18 % de la population et 63 % du territoire métropolitain. Une première échéance pour la ZDP impose une couverture de 40 % de la population au 17 janvier 2017. En juillet 2015, Bouygues Telecom et SFR ne couvraient chacun qu'environ 1 % de la population de ces zones, alors qu'Orange atteignait 25% Selon les estimations de l'ARCEP, 70 % du territoire et 20 % de la population n'étaient toujours pas couverts par la 4G à cette date. Le 18 février 2016, l'ARCEP a annoncé une mise en demeure par anticipation de Bouygues Telecom et de SFR, compte tenu du retard pris par ces deux opérateurs par rapport à l'échéance imposée début 2017.

Face à l'incomplétude des réseaux mobiles, et aux revendications très vives des habitants et des élus locaux dans les territoires concernés, des dispositions visant à renforcer le cadre législatif de la résorption des zones blanches ont été insérées par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques en séance publique au Sénat.

Ces dispositions prévoient :

- de compléter et d'achever le programme de résorption des zones blanches 2G avant le 31 décembre 2016 ou au plus tard six mois après la mise à disposition des infrastructures par les collectivités territoriales ;

- d'inscrire dans la loi le contenu de l'accord 3G de 2010 entre opérateurs et d'en faire une obligation à mettre en oeuvre d'ici le 30 juin 2017, sous le contrôle de l'ARCEP ;

- d'améliorer la couverture hors centre-bourg par 800 sites prioritaires 4 ( * ) , en créant un guichet unique afin d'aider les collectivités territoriales à financer les infrastructures nécessaires.

Ces différentes dispositions en centre-bourg et hors centre-bourg contribuent à offrir de nouvelles perspectives de couverture pour les territoires longtemps confrontés à une impasse en matière de couverture mobile.

Plusieurs élus ont toutefois signalé des divergences importantes dans l'identification des communes à couvrir : tandis que les préfectures ont recensé une dizaine de communes, certains départements en dénombraient plusieurs centaines. De nombreux élus locaux ont déploré le déficit de communication, l'établissement précipité de ces recensements, sans aucune concertation avec les collectivités territoriales, et l'absence manifeste de méthode harmonisée. L'exhaustivité et la rigueur de cette démarche ont ainsi été mises en cause.

Si ces nouvelles dispositions sont positives pour les territoires ruraux, la définition de la couverture au sens des centre-bourgs limite les ambitions du programme de couverture des zones blanches, par rapport aux besoins des habitants et à l'évolution des usages . Les critères utilisés pour juger de la couverture de la commune sont en effet sommaires : est considéré comme couvert un centre-bourg dans lequel il est possible d'effectuer 50 % des appels en position extérieure, piétonne et statique, sans avoir à faire répéter l'interlocuteur, avec la présence éventuelle de perturbations mineures. Entre 5 et 7 points de mesure sont identifiés, à l'entrée et à la sortie du bourg, ainsi que dans des lieux centraux (mairie, église, place du marché, commerces). L'existence de « zones grises », particulièrement au niveau infra-communal, peut accroître l'expérience d'une absence de couverture mobile, lorsque le périmètre de couverture par l'opérateur choisi diffère de celui retenu pour l'appréciation des zones blanches.

Les critères d'identification et la clef de répartition des financements pour les 800 sites prioritaires restent également à définir . La mise en oeuvre de ce dispositif hors centre-bourg doit donc être précisée pour assurer une progression effective de la couverture mobile des territoires. Ce programme suscite de nombreuses attentes auprès des collectivités territoriales, mais l'appel à projets imposera nécessairement une sélection des demandes.

En vue de consolider et d'accélérer le déploiement des réseaux fixes et mobiles, le rapport d'information « Couverture numérique des territoires : veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions » , adopté par la commission le 25 novembre 2015, formulait 17 propositions, figurant en annexe au présent rapport.


* 3 Rapport de l'ARCEP sur l'effort d'investissement des opérateurs mobiles, 3 décembre 2015

* 4 zones d'activité économique, services publics, zones touristique.

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