EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 mars 2016, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Paul sur le projet de loi n° 445 (2015-2016) renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Après l'exposé du rapporteur, un débat s'est engagé.

M. Jacques Gautier . - L'examen de ce projet de loi au lendemain du débat sur la doctrine d'emploi des forces armées est intéressant. Les militaires vont devoir assurer les missions liées à l'état d'urgence, qui se prolonge. Lors de l'audition de Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, nous avions convenu que les règles d'ouverture du feu devaient être revues pour mieux protéger les militaires. Le rapport cité hier en séance rappelle que ceux-ci jouissent des mêmes prérogatives d'usage de la force que tout citoyen. Claude Nougein a rappelé lors de son rapport sur la convention avec le Mali qu'en opération extérieure, les soldats bénéficiaient d'une certaine immunité. Sans aller aussi loin, aborder le droit de la légitime défense militaire est naturel.

L'article 19 va dans la bonne direction en améliorant les conditions de la légitime défense par une légère extension. Je regrette les modifications de l'Assemblée nationale. Le groupe Les Républicains soutiendra les amendements du rapporteur afin d'apporter de la lisibilité aux militaires.

Mme Nathalie Goulet . - Notre examen a lieu au lendemain du débat en séance sur l'intervention des forces armées sur le territoire national, mais aussi de la perquisition qui a mal tourné en Belgique. J'apporte un soutien absolu à la disposition de protection de nos services. Comment des militaires français intervenant en Belgique sont-ils protégés ? Comment étendre ces dispositions à des opérations communes ? Ce serait utile.

M. Gilbert Roger . - Nous avons l'impérieuse nécessité de définir une doctrine d'emploi des forces armées sur le territoire national. Le rapport du Gouvernement dont nous avons discuté hier représentait le minimum de ce qu'il était possible d'écrire. Il ne faut pas confondre les rôles des forces armées et des forces de l'ordre.

Je suis réservé sur l'amendement conférant la qualité d'APJ aux gendarmes stagiaires. Je ne souhaite pas de distinction entre les gendarmes et les policiers, qui mènerait à une surenchère permanente, alors qu'il a été décidé, il y a des décennies, d'unifier leurs tâches et fonctionnements. M. le rapporteur habite en zone gendarmerie, mais en Seine-Saint-Denis, je suis en zone police.

J'ai l'impression qu'on n'a pas de vision globale, mais par petits bouts.

La disposition sur le déclenchement des caméras introduite à l'Assemblée nationale me paraît impossible. Elle ne doit pas être retenue.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Notre commission se prononce pour avis sur les articles dont elle est saisie. La commission des lois est saisie au fond de l'ensemble du texte. Concernant plus globalement la cohérence d'ensemble de ces dispositions, il importe d'avoir une doctrine d'emploi et en la matière, nous devons toujours pousser plus haut l'ambition.

M. Alain Néri . - Il faut un cadre juridique qui considère globalement l'intervention de l'armée et de la police. Ne serait-il pas utile d'y réfléchir dès maintenant ?

Le Premier ministre a dit que nous étions en état de guerre contre le terrorisme, sur le territoire national comme à l'extérieur. Le problème du statut des soldats, gendarmes et policiers se pose. Ceux qui sont engagés en France auront-ils le même statut que ceux en Opex ? Auront-ils la qualité d'ancien combattant ?

M. Daniel Reiner . - Nous examinons un texte d'adaptation aux circonstances. Le terrorisme nous pousse à bouger les lignes. L'ensemble du texte apporte des garanties supplémentaires. Le groupe socialiste l'appuiera.

Le principe est de rapprocher les différentes forces afin qu'elles bénéficient d'une protection juridique équivalente, même si on ne rendra pas les gendarmes policiers et inversement.

On ne peut qu'approuver l'octroi du statut d'APJ aux élèves gendarmes. Après les recrutements rendus indispensables par les baisses d'effectifs décidées par la majorité de droite, la formation est nécessaire. On voudrait que les recrues soient opérationnelles le plus rapidement possible.

Avec la disposition sur les caméras ajoutée par l'Assemblée nationale, on va au-devant de litiges. Le but de ces caméras est que tout s'effectue dans un cadre correct et légal. Il faut laisser la possibilité à celui qui interpelle de maitriser l'enregistrement. C'est du bon sens.

M. Jean-Marie Bockel . - Avec Gisèle Jourda, nous travaillons sur la problématique de la réserve, dont le format renouvelé impliquera une étroite coopération de ses effectifs avec ceux des forces d'active. On n'imagine pas que les « capacités de faire » soient différentes entre les réservistes et les personnels d'active. Ne faudrait-il pas créer un module de formation de base valorisant l'expérience, voire des modules spécifiques, à l'exemple de la formation qui existe dans le cadre de Sentinelle, afin de ne pas créer de distorsion de situation entre les différents types d'intervenants ?

Par ailleurs, s'agissant du débat d'hier sur le rapport relatif à l'emploi des forces sur le territoire national, j'ai bien aimé que notre président de commission dise en séance qu'un bon ministre mettait la barre haut, et que nous étions un peu déçus.

M. Hubert Falco . - Tout cela fera partie des dégâts qu'il faudra réparer.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Il est très important de créer une doctrine d'emploi puissante, mais il est aussi évident que cela ne se bâtit pas d'un coup de baguette ! Nous devons être exigeants pour éviter une contestation à terme de la présence de l'armée sur le territoire national.

M. Gilbert Roger . - Les syndicats de la police nationale se disent en désaccord avec l'amendement relatif aux gendarmes stagiaires. Faisons attention.

Mme Leila Aïchi . - Je ne vois pas en quoi l'irresponsabilité pénale en raison de l'état de nécessité constitue un point positif. L'article 19 détricote le code de procédure pénale. La notion de légitime défense suffit. Cette modification peut être dangereuse pour les libertés publiques. Le groupe écologiste votera contre cet article.

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis . - Pour répondre aux questions posées, en Belgique, le droit belge prime et in fine la jurisprudence de la CEDH comme dans notre pays. La coopération entre la France et la Belgique est bonne.

À Gilbert Roger, je dis qu'il ne s'agit pas de réveiller la guerre entre la police et la gendarmerie. La différence de statut et de fonctionnement est importante, et l'attente des gendarmes très forte. Ils ont besoin qu'on aille vite. Je rappelle que la gendarmerie a acheté à l'armée de l'air la base aérienne de Dijon pour 15 millions d'euros afin de rouvrir une école.

À Alain Néri, l'opération Sentinelle emploie 98 % de militaires de l'armée de terre. Ce sont les mêmes 50 000 soldats qui tournent entre OPEX et territoire national. Le général Brousse nous a rappelé hier en audition que la poursuite de l'opération Sentinelle était bien anticipée. Toutefois, l'armée devra être équipée en nouveaux véhicules. Le général nous a rappelé que les Italiens, en milieu urbain, disposaient de véhicules blindés appropriés. Nos militaires gendarmes circulent en véhicules non sécurisés.

Leïla Aïchi, posez la question aux militaires sur le terrain. Ils ont besoin de ce cadre juridique.

Examen des amendements

Article additionnel après l'article 28

L'amendement COM 16 (ETRD.2) est adopté.

Article 32

L'amendement COM 15 (ETRD.1) est adopté.

Le rapport pour avis est adopté.

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