INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
Comme en 2015, le budget de l'administration pénitentiaire pour l'année 2016 sera une nouvelle fois en grande partie marqué par les problématiques liées à la lutte contre le terrorisme. Après les décisions prises par l'exécutif au début de l'année à la suite des attentats de Paris des 7, 8 et 9 janvier 2015 de renforcer les effectifs affectés dans les établissements pénitentiaires, ainsi que dans les services déconcentrés et centraux, et la mise en oeuvre d'un plan de lutte antiterroriste (PLAT), le Président de la République a annoncé au Congrès réuni le 16 novembre dernier un nouveau renforcement des moyens attribués au ministère de la justice, et donc à l'administration pénitentiaire, dans le cadre des différentes mesures décidées après les attentats du 13 novembre.
En 2016, le programme n° 107 « administration pénitentiaire » représentera 43 % des crédits de la mission « justice ». Le projet de budget s'établit à 3,408 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 1 % par rapport à l'année précédente, ce qui permet de couvrir l'inflation) et à 3,599 milliards d'euros en autorisations d'engagement (- 23,5 % par rapport à 2015). La réduction significative des autorisations d'engagement est due au rythme des livraisons et constructions des établissements dont la réalisation a été décidée dans le cadre du programme « 13 200 révisé », qui marquerait une pause en 2016 avant de connaître une évolution à la hausse en 2017.
Votre rapporteur pour avis a souhaité analyser le budget pour 2016 de l'administration pénitentiaire au regard des deux grands défis que constituent la mise en oeuvre du plan de lutte antiterroriste et de la nécessité de poursuivre l'effort d'amélioration des conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, en particulier les maisons d'arrêt qui continuent à connaître une surpopulation inquiétante.
Il tient également à indiquer qu'il a souhaité, dans le cadre du présent rapport, s'inscrire dans la voie tracée par notre ancien collègue Jean-René Lecerf, auquel il tient à rendre un hommage appuyé, qui a suivi pendant huit ans l'administration pénitentiaire pour le compte de votre commission et a apporté une contribution déterminante, en sa qualité de rapporteur, à l'élaboration de la loi pénitentiaire de 2009.
I. UN BUDGET MARQUÉ PAR LES ANNONCES DU 16 NOVEMBRE 2015
A. L'ÉVALUATION DE LA PERFORMANCE DE L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE
1. Une maquette budgétaire inchangée par rapport à l'an dernier
L'administration pénitentiaire constitue l'un des six programmes de la mission « justice » 2 ( * ) mais représente environ 43 % des crédits de la mission 3 ( * ) . Comme les années précédentes, le programme n° 107 « administration pénitentiaire » s'articule autour de trois axes stratégiques qui tendent à favoriser la réinsertion, améliorer les conditions de détention ainsi que les conditions de travail des personnels pénitentiaires et renforcer la sécurité, chacun de ces objectifs regroupant différents indicateurs de performance. Ce programme se décline en trois actions :
- l'action n°1 (« garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » ) comprend les crédits, notamment de personnel, nécessaires à la garde des détenus, au contrôle des personnes placées sous main de justice, aux aménagements de peine, aux alternatives à l'incarcération, à la gestion du parc immobilier ainsi qu'à la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur de la zone de détention ;
- l'action n°2 (« accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » ) regroupe l'ensemble des crédits nécessaires pour les prestations d'hébergement et de restauration, la maintenance et l'entretien des bâtiments pénitentiaires, l'accès aux soins ainsi que le maintien des liens familiaux ; elle comporte également la mission de réinsertion professionnelle en milieu fermé et ouvert ;
- l'action n°4 (« soutien et formation » ) concerne essentiellement les crédits de rémunération des personnels et les crédits de fonctionnement de l'administration centrale, des sièges des directions interrégionales des services pénitentiaires, des services pénitentiaires d'insertion et de probation ainsi que les budgets de l'École nationale de l'administration pénitentiaire et du service de l'emploi pénitentiaire.
En 2016, ces actions représentent respectivement 59,95 %, 31,9 % et 8,15 % des crédits de paiement.
Présentation par action et par titre des
crédits de paiement demandés
(en millions d'euros)
Titre 2
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Titre 3
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Titre 5
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Titre 6
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Total pour 2016 |
FDC et ADP attendus en 2016 |
|
01 : Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice |
1 568,9 |
177,8 |
293,6 |
2,7 |
2 043,19 |
|
02 : Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice |
425,7 |
555,2 |
106,6 |
1 087,5 |
0,3 |
|
04 : Soutien et formation |
190,1 |
87,7 |
277,8 |
0,1 |
||
Total |
2 184,82 |
820,8 |
293,6 |
109,3 |
3 408,6 |
0,4 |
Source : projet annuel de performances pour la mission
« justice »
annexé au projet de loi de finances
pour 2016
2. Des aménagements à la marge des indicateurs de performance
Le projet annuel de performances du programme n° 107, annexé au projet de loi de finances pour 2016, présente plusieurs objectifs assortis d'indicateurs de performance. Compte tenu de la refonte importante des objectifs et indicateurs à laquelle il avait été procédé l'an dernier, sous le fait principalement de la perspective de l'entrée en vigueur de la loi du 15 août 2014 4 ( * ) , seules de légères modifications ont été apportées afin de prendre en compte les priorités et les nouvelles missions confiées à l'administration pénitentiaire en matière d'extractions judiciaires.
D'une part, trois nouveaux sous-indicateurs mesurant le taux d'établissements pénitentiaires bénéficiant du label « prise en charge et accompagnement des personnes détenues » 5 ( * ) ont été créés afin de tenir compte de l'élargissement de ce label aux nouveaux processus relatifs à la prise en charge des personnes détenues sortantes, à la prise en charge des personnes détenues placées en quartier disciplinaire et à la prise en charge des personnes détenues placées en quartier d'isolement.
D'autre part, afin de mesurer la capacité de l'administration pénitentiaire de mener à bien de façon performante les missions d'extractions judiciaires qui lui ont été transférées du ministère de l'intérieur, les sous-indicateurs relatifs aux évasions ont été modifiés de la manière suivante :
- le sous-indicateur « Taux d'évasions sous garde pénitentiaire directe ou en sorties sous escorte » a été modifié en « Taux d'évasions sous garde pénitentiaire directe ou en sorties sous escorte et hors mission d'extractions judiciaires » ;
- de même, le sous-indicateur relatif aux évasions de détenus particulièrement signalés ne prend plus en compte les évasions lors des missions d'extractions judiciaires ;
- a été créé un sous-indicateur dédié aux évasions sous garde pénitentiaire pendant une prise en charge d'extraction judiciaire afin de mesurer la performance de l'administration pénitentiaire à remplir cette nouvelle mission.
Dans les réponses au questionnaire budgétaire adressées à votre rapporteur pour avis, le ministère de la justice indique par ailleurs que l'administration pénitentiaire travaille, s'agissant de l'objectif relatif au renforcement de la sécurité des établissements, à la création d'un indicateur pertinent sur les violences entre personnes détenues avec une méthode de calcul homogène pour tous les établissements. Ces statistiques ont été recueillies et exploitées au cours de l'exercice 2015 et, dans le cas où l'indicateur apparaîtrait, après analyse, pertinent, ce dernier pourrait être établi pour la discussion de la prochaine loi de finances.
* 2 Pour la commission des lois, le programme consacré à la protection judiciaire de la jeunesse est traité dans l'avis présenté par notre collègue Cécile Cukierman. Les quatre autres programmes - justice judiciaire, accès au droit et à la justice, conduite et pilotage de la politique de la justice, conseil supérieur de la magistrature - font l'objet d'un avis présenté par notre collègue Yves Détraigne.
* 3 42,75 % des crédits de paiement et 43,54 % des autorisations d'engagement.
* 4 Loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.
* 5 Résultant des règles pénitentiaires européennes adoptées par le Conseil de l'Europe le 11 janvier 2006.