IV. UNE IMPLICATION PLUS FORTE DES RÉGIONS DANS LE RESPECT DU DROIT EUROPÉEN, EN LIEN AVEC LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Créé par décret n° 2005-1283 du 17 octobre 2005, le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) 44 ( * ) a pour mission de coordonner les positions interministérielles, sous l'autorité du Premier ministre, pour préparer les positions de la France dans les négociations européennes , sur l'ensemble des sujets à l'exception de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et de la politique monétaire 45 ( * ) .
Il veille à l' application du droit européen , notamment par le suivi de la transposition des directives et la gestion des contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 46 ( * ) . Il organise les relations entre la France et les institutions européennes (préparation du Conseil européen et du conseil des ministres, Parlement européen, Cour des comptes européenne...), effectuant un travail d'influence française auprès des institutions européennes, qui s'étend au suivi de la carrière européenne des fonctionnaires français. Enfin, il est une source d'expertise européenne pour l'ensemble des ministères, mais aussi pour les autorités administratives indépendantes et pour les collectivités territoriales.
Votre rapporteur rappelle que le SGAE permet d'assurer une grande cohérence des positions françaises , en amont des négociations européennes. Le SGAE serait ainsi un modèle administratif efficace et envié dans d'autres États membres, contribuant à l'influence française sur les décisions européennes. Du point de vue politique, ainsi que l'a expliqué le secrétaire général à votre rapporteur, l'initiative et la négociation au Conseil européen appartiennent au Président de la République, tandis que la coordination et l'arbitrage relèvent du Premier ministre. Cette méthode permet de garantir une telle cohérence.
A. UNE ADMINISTRATION DE MISSION EFFICACE, EN DÉPIT DE TENSIONS CROISSANTES SUR SES EFFECTIFS
La Commission européenne désignée en 2014, sous la présidence de M. Jean-Claude Juncker, a profondément réorganisé ses méthodes de travail, avec un axe sur la qualité de la législation européenne (relance du programme « Mieux légiférer ») et le lancement de nombreuses initiatives en début de son mandat. Cette situation exige un travail accru pour le SGAE , tant en matière de travail interministériel à Paris que d'influence à Bruxelles ou Strasbourg en lien avec la représentation permanente de la France. De plus, compte tenu des crises actuelles, les réunions du Conseil européen et du sommet de la zone euro sont beaucoup plus fréquentes et exigent un important travail préparatoire.
S'agissant de la transposition des directives , le score de la France reste très positif, supérieur à 99 %, c'est-à-dire que la proportion des directives en attente de transposition est en permanence inférieure à 1 % 47 ( * ) . Ce déficit était de 0,7 % au 30 avril 2015. Ces bons résultats sont largement à mettre au crédit du SGAE selon votre rapporteur, grâce à une anticipation efficace, appuyée sur la réunion trimestrielle du groupe à haut niveau sur les transpositions 48 ( * ) , et à une méthode désormais éprouvée depuis 2012 en matière de transposition par voie législative : ainsi, sept projets de loi sectoriels portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (« DDADUE ») , uniquement dédiés à des transpositions en principe, ont été adoptés depuis 2012, chacun d'eux en moins de six mois, permettant la transposition de 32 directives et 6 décisions-cadres, sans préjudice des transpositions opérées au sein de projets de loi classiques lorsque c'est possible. Deux autres « DDADUE » sont à ce jour en attente d'adoption définitive par le Parlement.
Plus largement, le SGAE est aujourd'hui presque systématiquement présent dans les réunions précidées par le cabinet du Premier ministre, de façon à ce que la dimension européenne soit toujours prise en compte dans tous les dossiers législatifs.
En 2014, la Commission européenne avait ouvert 17 procédures pour défaut de transposition à l'encontre de la France : les travaux de transposition ont été achevés à l'automne 2015 pour 13 d'entre elles. Depuis le 1 er janvier 2015, la Commission a ouvert 13 procédures, dont 10 pour des transpositions de niveau législatif : 7 procédures ont déjà été closes, dont 5 par la transposition et 2 classements. Votre rapporteur rappelle que la Commission européenne n'a jamais saisi la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) depuis 2011 pour un manquement de la France à l'obligation de transposition. Si des lettres de mise en demeure sont régulièrement adressées, la transposition a toujours pu être réalisée avant toute saisine de la Cour ou, dans quelques cas, la France a pu convaincre la Commission qu'il n'y avait pas de manquement. Une telle situation résulte du suivi efficace réalisé à l'aide du SGAE.
Nombre de procédures ouvertes par la Commission
européenne contre la France
pour défaut de
transposition
2012 |
2013 |
2014 |
Depuis le
|
41 |
15 |
17 |
13 |
S'agissant des contentieux en cours avec les États membres, la nouvelle Commission européenne a souhaité tous les revoir pour tenter de les résoudre, sans nécessairement saisir la CJUE, permettant ainsi de régler notamment certains contentieux anciens. Il en est ainsi pour le contentieux sur les nitrates agricoles en Bretagne : en juillet 2015, à la suite d'un dialogue approfondi en vue de la mise en place de nouvelles méthodes agricoles et de nombreuses expertises, la Commission a notifié à la France que les bassins versants bretons respectaient le droit européen 49 ( * ) . Votre rapporteur se félicite de la clôture de ce dossier ouvert par la Commission il y a une quinzaine d'années.
À cet égard, dans son rapport annuel publié le 9 juillet dernier sur les infractions au droit de l'Union européenne 50 ( * ) , la Commission européenne relève que 41 nouvelles procédures ont été ouvertes à l'encontre de la France en 2014, portant à 78 le nombre total de procédures en cours contre la France . Selon ce rapport, seuls cinq États membres connaissaient un nombre de procédures plus important que la France. Votre rapporteur constate ainsi que, si la France peut présenter de bons résultats en matière de transposition des directives, tel n'est pas le cas en matière d'infractions au droit européen.
À côté de ce constat sur l'application du droit européen, qui ne remet pas en cause l'efficacité du travail du SGAE, ses effectifs subissent une érosion continue , comme c'est le cas dans de nombreuses autres administrations, avec une décrue constante, tant pour les emplois localisés dans son budget que pour les personnels mis à disposition par des administrations extérieures 51 ( * ) , comme l'illustre le tableau ci-après. Le SGAE a ainsi perdu une douzaine d'emplois depuis 2011. Il regroupe 173 collaborateurs en 2015, sans compter quelques stagiaires. Les crédits du SGAE devraient néanmoins légèrement progresser en 2016, étant précisé qu'ils incluent des frais de loyer immobilier et la prise en charge de frais d'interprétariat du Conseil européen, sur lesquels le SGAE n'a pas de prise.
Personnels affectés au secrétariat général des affaires européennes depuis 2011
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
PLF 2016 |
|
Plafond d'emplois budgétaires |
149 |
147 |
145 |
143 |
140 |
139 |
Personnels mis à disposition 52 ( * ) |
35 |
34 |
36 |
32 |
33 |
- |
Source : secrétariat général des affaires européennes
S'agissant du rattachement administratif des fonctions de secrétaire général des affaires européennes, votre rapporteur avait relevé l'année dernière que, à compter d'avril 2014 , ces fonctions avaient été cumulées avec celles de conseiller du Président de la République pour les affaires européennes 53 ( * ) , alors que traditionnellement elles étaient cumulées jusque-là avec celles de conseiller du Premier ministre pour les affaires européennes 54 ( * ) . Cette innovation avait été justifiée par la plus forte implication du Président de la République dans les dossiers européens, conséquence elle-même de la montée en puissance du Conseil européen, au sein duquel le chef de l'État représente la France. Il en résultait une grande fluidité d'information et une parfaite cohérence des positions entre l'Élysée et Matignon sur les sujets européens.
Compte tenu de la double charge de travail qu'elle représentait et du manque de disponibilité qu'elle causait pour la direction du secrétariat général, selon le titulaire des fonctions, entendu par votre rapporteur, cette situation n'a pas perduré au-delà de décembre 2014 . Néanmoins, le secrétaire général actuel demeure le « sherpa » du Président de la République en matière européenne, chargé de la préparation du Conseil européen. Le double rattachement aux deux autorités de l'exécutif demeure partiellement. Toutefois, le conseiller du Premier ministre pour les affaires européennes n'est plus aujourd'hui l'adjoint du secrétaire général, sans pour autant que le secrétaire général lui-même ait été nommé pour le remplacer. Cette évolution n'a pas abouti au rétablissement de la pratique antérieure, de sorte que votre rapporteur s'interroge sur la bonne articulation entre les deux autorités de l'exécutif en matière européenne.
* 44 Il s'est substitué à l'ancien secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économique européenne (SGCI), créé par le décret n° 48-1029 du 25 juin 1948 portant organisation des services français en ce qui concerne la participation de la France au programme de relèvement européen.
* 45 La PESC relève de la responsabilité du ministère des affaires étrangères, tandis que la politique monétaire est suivie par la direction générale du Trésor.
* 46 En lien avec la direction des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères. Ce contentieux porte principalement sur le retard de transposition et les questions de conformité au droit européen des règles nationales.
* 47 La part des directives en retard de transposition sur le nombre total de directives en vigueur était de 7,1 % en 1997, 4,1 % en 2004 et entre 0,3 et 0,6 % selon les années ces dernières années, ce qui correspond plus ou moins à la moyenne européenne. À ce jour, aucune directive n'est en retard de transposition de plus de deux ans.
* 48 Ce groupe est co-présidé par le secrétaire général du Gouvernement et le secrétaire général des affaires européennes et permet de faire le point régulièrement des transpositions à réaliser.
* 49 Directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.
* 50 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-5326_fr.htm
* 51 Ministères, Caisse des dépôts et consignations et Commissariat à l'énergie atomique. La négociation du maintien de ces mises à disposition est souvent difficile, compte tenu de la contrainte budgétaire qui pèse également sur les administrations d'origine des personnels concernés. Ainsi, la Caisse n'a pas renouvelé trois mises à disposition.
* 52 Au 31 décembre de chaque année.
* 53 M. Philippe Léglise-Costa, déjà conseiller du Président de la République pour les affaires européennes, ayant été nommé secrétaire général des affaires européennes.
* 54 Les fonctions de conseiller du Premier ministre étaient assurées par l'adjoint du secrétaire général.