II. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mercredi 25 novembre 2015, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits de la mission « Politique des territoires » du projet de loi de finances pour 2016.
M. Hervé Maurey, président . - Rémy Pointereau nous présente le budget d'une mission qu'il connaît bien, celui de la politique des territoires. C'est un budget où l'on constate, là encore, une baisse de crédits...
M. Rémy Pointereau . - Je ne sais pas, on va voir !
M. Hervé Maurey, président . - ...j'ai cru comprendre.
M. Rémy Pointereau . - L'avis budgétaire relatif à la politique des territoires porte sur deux des trois programmes de la mission « Politique des territoires ». Vous savez que la politique des territoires est au coeur des missions du Sénat et c'est l'une de ses principales préoccupations.
Le programme 112 concerne l'impulsion et la coordination de la politique d'aménagement du territoire ; le programme 162, les interventions territoriales de l'État.
Cet avis intègre également le compte d'affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale, le FACÉ.
Deux éléments de contexte sont importants pour le budget 2016. Premièrement, le Gouvernement a multiplié les annonces à destination du monde rural par des comités interministériels aux ruralités en mars et septembre 2015. Il se prévaut d'avoir élaboré 67 mesures nouvelles pour les ruralités.
Deuxièmement, le contexte pour les collectivités territoriales reste soumis à des réductions importantes de dotations. Le texte initial du PLF prévoit une baisse de 3,5 milliards d'euros de concours financiers de l'État que nous avons limitée, hier soir, en séance, grâce à la majorité sénatoriale de 1,5 milliard d'euros environ, ce qui, si nous allons jusqu'au bout, aboutirait à une baisse de 2 milliards d'euros au lieu de 3,5 milliards d'euros, si l'Assemblée nationale suit notre vote. Ces réductions font suite à des efforts contraints déjà significatifs les années précédentes : un gel en valeur des transferts aux collectivités en 2013, puis une baisse de 1,5 milliard d'euros des dotations en 2014 et de 3,5 milliards en 2015, je vous le rappelle.
S'agissant du présent avis, je note tout d'abord une forte diminution des crédits affectés à la mission « Politique des territoires », hors politique de la ville. Après examen du texte par l'Assemblée nationale, les crédits des deux programmes s'élèvent à 269 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et à 227 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE). Soit une baisse respective de 9 % pour les crédits de paiement, et de 7 % pour les autorisations d'engagement, par rapport à 2015.
Cette diminution des crédits prolonge la contraction observée l'an passé : en 2015, les CP avaient diminué de 5 %, et les AE de 18 % par rapport à 2014. On ne peut que déplorer cette évolution, pour les crédits qui financent l'animation et la coordination de toute la politique d'aménagement du territoire.
En effet, les crédits examinés dans cet avis ne correspondent pas à la totalité des moyens mobilisés pour l'aménagement du territoire. Je rappelle que l'aménagement du territoire, dans sa globalité, c'est 5,4 milliards d'euros en cumulé à travers les crédits de 14 ministères. Je rappelle également qu'en 2015, c'était 6 milliards d'euros et qu'en 2012 nous étions à un peu plus de 7 milliards d'euros.
En fait, ce devrait être le plus gros budget examiné dans notre commission, j'y reviendrai tout à l'heure. Notre commission s'appelle Aménagement du territoire et développement durable et j'aimerais bien que l'on puisse examiner l'ensemble des crédits qui sont affectés à l'aménagement du territoire.
Au total, ce sont 30 programmes répartis dans 14 missions différentes, qui y contribuent. J'ai déjà eu l'occasion, lors des budgets précédents, de souligner l'absence de clarté dans la maquette budgétaire concernant l'aménagement du territoire, le manque de vision et le manque de lisibilité malgré l'existence du Commissariat général à l'égalité des territoires.
Par ailleurs cette enveloppe globale reste limitée pour remédier aux déséquilibres territoriaux : 5,4 milliards d'euros, soit 1,4 % du budget général de l'État...
En tout état de cause, l'érosion continue des crédits de cette mission est un signal regrettable pour nos territoires.
J'en viens à la présentation de chaque composante de cet avis et des principaux dispositifs associés.
Tout d'abord, le compte d'affectation spéciale FACÉ vise à financer les dépenses des collectivités territoriales en matière de réseau de distribution publique d'électricité. Le FACÉ est doté de 377 millions d'euros de crédits, soit le montant attendu de la contribution versée par les gestionnaires du réseau par une taxe sur la quantité d'électricité distribuée.
L'enveloppe totale du FACÉ est répartie entre départements après un inventaire des besoins réalisé dans chaque département. La dotation est utilisée pour financer les travaux menés par les syndicats d'électricité dans les communes rurales. Les priorités en 2016 sont : le renforcement des réseaux, pour résorber les départs qui sont mal alimentés ; la sécurisation, afin de prévenir les effets des intempéries en réduisant la portion du réseau en fils nus ; l'enfouissement, pour des raisons essentiellement esthétiques, mais également de sécurité ; l'extension, pour développer les réseaux de distribution d'électricité à basse tension.
L'exécution du FACÉ a connu des difficultés en 2014 et au début de l'année 2015, compte tenu du fonctionnement particulier de la mission puisqu'elle s'appuie essentiellement sur des personnels mis à disposition par EDF et doit ainsi gérer des remplacements parfois imprévus.
Des mouvements de communes entre le régime urbain et le régime rural vont également avoir lieu en 2016 avec la création des communes nouvelles. Il faudra être attentif à ces changements pour éviter les effets de seuil.
En prenant en charge 80 % du coût des travaux dans les territoires ruraux, le FACÉ est un outil essentiel pour l'aménagement du territoire. Grâce à ce fonds, le nombre de départs mal alimentés et le stock de fils nus baissent progressivement. Mis en place en 1936, le FACÉ - à l'époque, c'était le syndicat des électrifications - continue de servir une péréquation forte entre territoires urbains et ruraux. Il constitue un modèle de solidarité nationale qui devrait être suivi par d'autres politiques publiques, je pense en particulier au déploiement des réseaux de communications électroniques.
Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » représente 25,9 millions d'euros en CP et 22 millions d'euros en AE. Par rapport à 2015, les moyens prévus pour 2016 connaissent une baisse de 22 % en CP et de 25 % en AE.
Ce programme regroupe les crédits de différents ministères mobilisés pour des plans d'intervention territorialisés. Comme l'an passé, le programme regroupe quatre actions, correspondant chacune à un plan d'intervention.
La première action correspond au plan qualité des eaux en Bretagne, qui dispose de 5 millions d'euros en CP et en AE, soit une baisse respectivement de 39 % et de 27 % par rapport à 2015. La priorité en 2016 est la mise en oeuvre des engagements individuels des agriculteurs dans les huit baies identifiées pour renforcer le volet préventif du plan « algues vertes ». Je rappelle quand même qu'un très gros travail a été fait en Bretagne notamment par les agriculteurs et les éleveurs afin d'améliorer la qualité des eaux et c'est peut-être aussi la raison pour laquelle les crédits de paiement sont en diminution constante.
La deuxième action finance le programme exceptionnel d'investissements en Corse, qui dispose en 2016 de 17 millions d'euros en CP et 13 millions en AE, soit une baisse de 9 % et de 16 % par rapport à 2015. Les crédits sont affectés prioritairement à la mise à niveau des équipements structurants de l'île, à savoir les stations d'épuration et les infrastructures de transport.
Je voudrais ajouter que, pour la Corse, dans le cadre de l'aménagement du territoire, il y a également environ 300 millions d'euros de dépenses d'exonération fiscale.
La troisième action correspond au plan gouvernemental pour le marais Poitevin. Les CP diminuent de 50 % et sont fixés à 1,8 million d'euros, tandis que les AE baissent de 63 % et sont ramenées à 1,4 million d'euros.
Depuis le rétablissement du statut de parc naturel régional en 2014, les crédits diminuent car les objectifs du programme ont été en grande partie atteints. Il est encore nécessaire d'accompagner les agriculteurs pour pérenniser un modèle favorable à l'environnement.
La quatrième action prévoit les crédits du plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe. Il dispose pour 2016 de 2,1 millions d'euros en CP et en AE, soit une baisse de 20 % par rapport à 2015. Les priorités, pour lutter contre la persistance du chlordécone, sont la surveillance des denrées, l'accompagnement des professionnels impactés par cette pollution et le développement d'un modèle économique et social plus durable dans les territoires.
Je rappelle, pour information, que cette action est pérenne depuis 2008, cela fait sept ans que nous la reconduisons, ce ne sont plus pratiquement que des crédits de fonctionnement, il n'y a plus de crédits d'investissement - c'est regrettable - on ne traite pas le problème au fond puisque le chlordéchone est toujours présent, il aurait fallu certainement des dépenses d'investissements plus importantes au départ pour essayer de traiter le problème au fond.
Le rééchelonnement du plan en Bretagne et du PEI pour la Corse amplifient la diminution des crédits du programme 162. Cette évolution me semble toutefois contraire à l'esprit du programme, qui est de concentrer des moyens interministériels sur des problématiques régionales afin de les résoudre rapidement, en quelques années. La dilution des crédits dans le temps nuit à l'efficacité des actions.
Je regrette également que de nouvelles actions n'aient pas été inscrites dans le programme 162. Je reste convaincu de l'utilité de cet outil original, mais l'évolution récente m'inquiète sur son avenir car plusieurs ministères contributeurs semblent prêts à la suppression de ce dispositif.
Je rappelle que nous avions, voilà deux ans, prévu une opération sur la filière bois en Auvergne qui n'a pas eu de suite ainsi que sur la sécurité à Marseille.
J'en viens au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire ».
Relèvent notamment de ce programme l'animation des pôles de compétitivité, l'accompagnement des restructurations du ministère de la défense, les aides aux entreprises via la prime d'aménagement du territoire, une partie du financement des contrats de plan État-région, l'amélioration de l'accès aux services publics et à la santé, et les moyens de fonctionnement du Commissariat général à l'égalité des territoires.
C'est beaucoup pour un programme dont les ressources se limitent à 244 millions d'euros en CP et à 204 millions d'euros en AE. Par rapport à 2015, les CP diminuent de 7,2 % et les AE baissent de 4,7 %.
J'observais l'an passé une tendance générale à l'affaiblissement de la politique des pôles. Elle se confirme cette année puisque le programme ne finance plus l'animation des grappes d'entreprises, le soutien aux pôles d'excellence rurale s'éteint avec la fin du second cycle, et le financement des pôles de compétitivité diminue également. Autant d'évolutions qui fragilisent le pilotage de ces dispositifs, pourtant utiles pour le développement économique local et donc la croissance tant attendue.
La prime d'aménagement du territoire, autre instrument de soutien à l'attractivité économique, est également en repli. Le Gouvernement justifiait la contraction des crédits l'an passé par la réforme de la prime. Mais son dimensionnement continue de reculer, en passant de 30 millions d'euros en 2015 à 25 millions dans le PLF 2016.
Je regrette cette évolution, pour un des derniers outils mobilisables afin d'agir directement sur l'implantation des entreprises dans les territoires car la prime d'aménagement du territoire joue un rôle important lors du choix final de localisation d'un investissement.
Autre outil de soutien à l'activité locale, les zones de revitalisation rurale, qui vont être réformées par la loi de finances rectificative pour 2015. Le Sénat aura très bientôt à examiner cette réforme, et notamment les effets exacts des nouveaux critères et de la modification des mesures associées pour les bénéficiaires. Aujourd'hui 14 691 communes bénéficient de ce zonage. Face à la mobilisation des élus locaux, le Gouvernement a eu le bon sens de reporter au 30 juin 2017 l'entrée en vigueur de cette réforme, pour tenir compte de la révision en cours de la carte intercommunale. On repousse à une date ultérieure cette réforme qui est difficile à mener.
Le programme 112 apporte également par le FNADT une partie des financements de l'État aux contrats de plan État-région (CPER). L'enveloppe totale de crédits de l'État s'élève à 12,7 milliards d'euros pour la génération 2015-2020, auxquels s'ajoutent 15 milliards apportés par les régions. Afin de remédier à la dispersion des actions lors de la génération 2007-2013, les CPER ont été recentrés sur six thématiques prioritaires : la mobilité multimodale, l'enseignement supérieur et la recherche, la transition écologique et énergétique, l'innovation et les filières d'avenir, le numérique, et enfin l'emploi. S'ajoute un volet territorial auquel sont rattachés des contrats infrarégionaux.
L'élaboration de ces contrats a duré près de deux ans. Les derniers CPER devraient être signés d'ici la fin de l'année. La mise en place des nouvelles régions risque toutefois de perturber l'exécution des CPER, Mme Bonnet Galzy nous a assuré que les CPER seraient fondus dans le cadre de fusion des régions mais j'ai peur que cela prenne du retard car il faudra se mettre à niveau entre régions pour des contrats de plans qui ne seront pas forcément validés par les nouveaux exécutifs régionaux. Une révision de l'ensemble des contrats sera nécessaire, pour ajuster le périmètre, sans toutefois remettre en cause les enveloppes négociées.
Le programme 112 participe au financement du volet territorial et du volet numérique des CPER, pour un total de 735 millions d'euros d'ici 2020.
En matière de soutien aux centres-bourgs et aux petites villes, qui a été une très bonne initiative puisque nous constatons malheureusement dans les départements ruraux des centres bourgs qui se meurent, des commerces qui ferment, il y avait donc besoin d'une expérimentation de revitalisation qui s'est faite en 2014 et en 2015. Sur 300 communes éligibles, 54 ont été sélectionnées. De l'avis même du CGET, cette procédure a exclu nombre de collectivités territoriales qui avaient pourtant grand besoin d'une telle aide. La procédure d'appel à projets met en concurrence les collectivités territoriales, alors même que nombre d'entre elles peinent à disposer de l'ingénierie nécessaire pour y candidater, suite notamment à la suppression de l'assistance technique de l'État pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire, l'ATESAT, qui est en train de se terminer pour les communes de moins de 2000 habitants au 30 juin 2016. Il n'y a plus de politique et de financement spécifiques aux centres bourgs puisque c'est la DETR qui va financer ces opérations. On nous a annoncé une augmentation de la DETR qui va financer des opérations qui ne sont plus financées dans le cas de politiques spécifiques, et qui servira donc à financer les centres bourgs, les maisons de santé pluridisciplinaires, l'immobilier de gendarmerie. La bonne chose pour les centres bourgs, c'est que l'ingénierie devrait pouvoir être financée par le biais de la DETR. Il aurait fallu aussi, dans le cadre de l'expérimentation, financer l'aide aux commerces, mais c'est le FISAC qui finance... Il faut continuer ce soutien aux centres bourgs parce que c'est non seulement nécessaire mais indispensable.
Par ailleurs, tout utile qu'il soit, ce programme est essentiellement doté de crédits de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), et ne comporte pas de volet spécifique pour la redynamisation économique et pour les commerces.
Le Gouvernement annonce une enveloppe de 300 millions d'euros pour étendre ces initiatives afin de soutenir les bourgs-centres, en diversifiant les actions financées, au-delà de la seule réhabilitation de l'habitat. J'y suis favorable sur le principe mais il faudra voir quelles collectivités en bénéficieront dès lors que toutes les communes de moins de 50 000 habitants pourront candidater, il y aura très peu de centres bourgs qui pourront en bénéficier. Notons aussi que lorsque le Gouvernement annonce cette mesure, au sein d'un fonds d'aide à l'investissement local de 1 milliard d'euros, dont seulement 150 millions de crédits de paiement pour 2016, il soustrait dans le même temps 2,1 milliards d'euros au bloc communal via la DGF, pour la même année 2016.
En matière d'accès aux soins, la création de maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) se poursuit, dans la lignée du comité interministériel de mai 2010. On dénombre 708 MSP en septembre 2015. Le Gouvernement a annoncé la création de 200 maisons supplémentaires d'ici fin 2015. Cette mutualisation du lieu d'exercice des médecins libéraux répond partiellement à l'ampleur de la désertification médicale. Nous avons vu, lors de l'examen du projet de loi santé, les difficultés à intégrer des objectifs d'aménagement du territoire pour préserver l'accès aux soins. Je note par ailleurs que les crédits du programme 112 dédiés aux MSP diminuent en 2016 puisqu'ils sont financés par la DETR.
Le développement des maisons de services aux publics est une orientation qui me semble positive pour nos territoires. On en recense 365 en activité à ce jour. Le Gouvernement a rapproché de fin 2017 à fin 2016 l'objectif de 1 000 maisons créées, dont la moitié en s'appuyant sur le réseau postal. Notre commission a évoqué ce sujet lorsque nous avons entendu Philippe Wahl, président directeur-général du groupe La Poste. Si ce groupe s'engage réellement auprès des territoires, n'oublions pas cependant que cette évolution vise à suppléer la disparition des services publics. Malgré l'intelligence de cette mutualisation entre opérateurs, et l'inventivité du groupe La Poste pour faire évoluer ses prestations, nos concitoyens constatent malgré tout un repli du service public.
Un mot sur l'aménagement numérique du territoire. Alors même que l'accès aux réseaux fixes et mobiles est une préoccupation très forte de nos concitoyens, nous ne voyons pas les fractures numériques se résorber. Sur le mobile la couverture de centaines de communes reste limitée en 2G, et inexistante en 3G et en 4G. Sur le fixe, le déploiement du très haut débit reste très inégalement réparti dans les territoires. L'attribution des aides de l'État dans le cadre du plan France très haut débit présente des dysfonctionnements qui fragilisent la mobilisation des collectivités territoriales. J'ajoute que les opérateurs privés, qui sont les mêmes sur le fixe et sur le mobile, me paraissent très insuffisamment contrôlés, alors même que le marché devrait assurer l'essentiel du déploiement des réseaux. Je crains que sur le très haut débit, comme pour les autres réseaux télécoms, on assiste à une nouvelle fracture territoriale.
J'évoquerai enfin la politique de la montagne. Un récent rapport parlementaire souligne la nécessité de relancer ce volet de l'aménagement du territoire. Si la montagne partage certaines problématiques avec la ruralité, elle est confrontée à des difficultés particulières qui appellent des réponses dédiées. J'espère que l'engagement pris par le Gouvernement de rénover cette politique et de présenter au Parlement un projet de loi spécifique en 2016 sera respecté.
Malgré les annonces, nous ne pouvons que constater le recul du soutien aux territoires. Plusieurs dispositifs mis en place par la précédente majorité et qui ont objectivement fait leurs preuves sont fragilisés par les budgets successifs, je pense notamment aux pôles de compétitivité, aux pôles d'excellence rurale ou encore aux grappes d'entreprises.
Par ailleurs, le Gouvernement a beau prétendre faire de la ruralité une priorité de son action, je note que les ressources de la mission « Politique des territoires », pourtant au coeur de l'aménagement du territoire, continuent de diminuer fortement, année après année.
Pour ces différentes raisons, je vous proposerai un avis défavorable sur ces crédits.
Avant de laisser la parole à tous ceux qui veulent la prendre, je voudrais proposer à notre commission de l'aménagement du territoire que l'on puisse examiner, à l'avenir, l'ensemble de la politique de l'aménagement du territoire, à savoir les 5,4 milliards d'euros qui sont attribués à cette politique. Et je souhaite que le président de notre commission en fasse la demande officielle au président du Sénat. Je trouve regrettable que nous n'étudions qu'un huitième des crédits de l'aménagement du territoire, à travers les crédits de cette mission.
M. Hervé Maurey, président . - Je vous remercie Monsieur le rapporteur. L'aménagement du territoire est essentiel pour notre commission, et c'est pour cette raison que nous avons souhaité que cette compétence figure en premier dans l'intitulé de notre commission. Mais nous sommes dépendants de la structure budgétaire de l'État, qui conduit aujourd'hui à l'éclatement de l'aménagement du territoire sur de très nombreuses missions. Cela ne dépend malheureusement pas du président du Sénat.
J'ajouterai à vos propos qu'au-delà de la baisse des crédits, on ne sent pas, et cela ne date pas de 2012 de véritable volonté politique en faveur des territoires. On fait des constats bien connus et des effets d'annonce, par des assises et des comités interministériels, mais sur des sujets très concrets comme l'accès aux soins, les mesures ne sont pas au rendez-vous. Sur le numérique, nous y reviendrons après l'examen du présent avis, en présentant les conclusions du groupe de travail mis en place sur ce sujet.
M. Jean-Claude Leroy . - Je voudrais féliciter le rapporteur, bien que je ne sois pas d'accord avec certaines de ses affirmations. Je partagerai toutefois sa conclusion sur l'importance d'être mieux associé à l'examen de tous les crédits mobilisés pour l'aménagement du territoire, car c'est la vocation de notre commission. Les programmes 112 et 162 ne représentent que 5 % du montant global des crédits d'aménagement du territoire, qui représentent 5,7 milliards d'euros, contre 5,67 milliards l'an passé, soit une relative stabilité des crédits mobilisés.
Je souhaiterais revenir sur les comités interministériels, car je ne peux être d'accord avec l'expression « effets d'annonce ». Certaines dispositions ont déjà trouvé des applications concrètes, notamment avec les maisons de services au public. C'est un bel exemple de mutualisation avec La Poste. Lorsque les moyens sont limités, on optimise. C'est une politique intelligente, et le fonds inter-opérateurs a été doté de 21 millions d'euros. Le très haut débit a été doté de 3 milliards, ce n'est pas rien. Le volet territorial des CPER bénéficie lui de 3,9 milliards, c'est également un effort important. Quant au prêt à taux zéro, il est étendu à 30 000 communes. Autant de mesures qui vont dans le bon sens. Ces comités interministériels établissent un bon diagnostic et proposent des actions à mettre en oeuvre pour y répondre.
Lorsque l'on parle de transversalité, il faut avoir à l'esprit que l'État n'est pas seul à mener des actions pour l'aménagement du territoire. Les régions gèreront demain les fonds européens par le biais du programme LEADER. Les départements ont par ailleurs officiellement hérité de la solidarité territoriale, dans le cadre de la loi NOTRe. Il y a donc un fort potentiel de mutualisation et de transversalité, à tous les niveaux.
Le rapporteur a évoqué la réforme des zones de revitalisation rurale. En effet, il fallait la mener, tout le monde en parlait depuis bien longtemps. Nous allons mener cette réforme avec des critères beaucoup plus pertinents : la faiblesse de densité de population et de revenu par habitant. S'agissant de la DGF, les premiers éléments portent à penser que ce sont les territoires ruraux qui vont être les principaux bénéficiaires.
Vous avez par ailleurs eu des mots agréables pour la politique des bourgs, dont je suis depuis longtemps un ardent défenseur. Le soutien au bourg est un élément central pour l'aménagement du territoire. Je rappelle cette loi : quand le bourg va bien, l'arrière-pays va bien, et quand le bourg va mal, c'est tout l'arrière-pays qui souffre. 54 sites ont été retenus. On peut effectivement juger que c'est insuffisant. Je le sais d'autant plus que ma commune a candidaté, mais n'a finalement pas été retenue. Ma déception est toutefois atténuée par les propos de la ministre, lors de son audition devant notre commission, qui a indiqué que toutes les communes non retenues seront priorisées dans le cadre de l'attribution de la DETR. Cette expérimentation a été dotée de 230 millions d'euros sur 6 ans. Les crédits inscrits cette année sont certes de 6 millions, mais il s'agit d'ingénierie, pour mettre en oeuvre le programme et accompagner son lancement. Je pense que les années suivantes conduiront à une accentuation de cette trajectoire.
L'aide à la voirie a également été évoquée. C'est un point important pour les communes rurales qui ont un linéaire de voirie étendu. Mais la réforme de la DGF devrait permettre de prendre en compte ces charges. J'ai le sentiment que les choses vont dans le bon sens.
Nous considérons en tout cas que ces crédits sont une première réponse aux orientations qui découlent des comités interministériels. Sans surprise, nous voterons donc en faveur de l'adoption de ces crédits.
M. Hervé Maurey, président . - Sans surprise en effet... Merci monsieur Leroy pour ces propos qui permettent de voir la situation avec des lunettes roses, cela fait du bien. S'agissant du numérique, nous aurons l'occasion d'en reparler, mais en réalité plusieurs éléments avancés par le Gouvernement sont en trompe-l'oeil.
Mme Nelly Tocqueville . - Comme notre collègue Jean-Claude Leroy, je pense que les chiffres peuvent être lus de manière très différente. Je souhaite également faire valoir les 3 milliards mobilisés pour le très haut débit, les 200 maisons de santé supplémentaires en 2015, les 1 000 maisons de services au public d'ici la fin 2016 dont 400 en fonctionnement. Je pense que l'attention accordée à la ruralité n'a jamais été aussi importante. Nous avons eu les Assises de la ruralité qui ont eu un fort succès, les deux comités interministériels, c'est un signal fort envoyé pour éviter la fracture territoriale.
Concernant la redynamisation des centres-bourgs je travaille aussi à la réintroduction d'un commerce, je n'ai pas candidaté mais il y a un certain nombre d'aides qui nous sont apportées par la région via le FISAC et nous avons été fort bien aidés.
Sur la disparition des services publics, vos propos m'ont intéressée, en particulier sur la disparition de La Poste. Il y a quelques années nous avons manifesté dans nos villages, je me souviens d'urnes déposées devant les mairies. Il ne faut pas avoir la mémoire trop courte.
M. Alain Fouché . - Sur les maisons des services publics, tout le monde se souvient des péripéties il y a quelques années sur les maisons de l'emploi. Pour les maisons des services publics, il existe des co-financements (collectivités, département, région, État). Je trouve pour ma part que c'est une bonne idée. Il faut se souvenir que c'est sous le gouvernement Raffarin que La Banque Postale a été mise en place et qu'en contrepartie La Poste s'est engagée à garder le maximum de bureaux. Le courrier est en diminution énorme et vous savez que le Président de La Poste essaye d'éviter le maximum de licenciements de postiers. J'ai créé une maison des services publics chez moi, il n'y a pas que La Poste, il y a Pôle Emploi, une mission rurale, une structure de soutien aux salariés.
Deuxièmement, sur le FACE, on marche sur la tête, sous tous les gouvernements depuis des années. On met des crédits très importants pour l'enfouissement des lignes pour des raisons essentiellement esthétiques. Cela coûte cher aux communes. Mais on n'a pas de crédits pour l'assainissement, pour la lutte contre la fracture numérique.
M. Gérard Cornu . - Je félicite notre rapporteur pour l'excellence de ce rapport. L'aménagement du territoire, c'est l'équilibre entre l'urbain et le rural. On voit bien que les territoires ruraux sont délaissés, et c'est vraiment dommage, d'autant plus qu'on dit parfois qu'on va s'occuper du monde rural, et on voit à travers ces crédits qu'on ne s'en occupe pas beaucoup.
Je voudrais revenir sur le programme 112. La prime d'aménagement du territoire et le FNADT souffrent financièrement. J'ai compris qu'il n'y avait pas d'aides spécifiques sur les projets de revitalisation des centres-bourgs, pour le commerce et l'artisanat. On nous dit que le commerce et l'artisanat c'est le FISAC. Mais avec le FISAC on se retrouve avec des baisses de crédits d'année en année, quel que soit le gouvernement. Non seulement on n'a plus la taxe sur les grandes surfaces, affectée au départ au FISAC et qui est maintenant dans le budget global, mais, pire, on affecte les crédits FISAC sur les stations-service en milieu rural. L'objectif du FISAC était la défense des commerces de bouche en milieu rural.
Par ailleurs, on nous dit que les régions vont s'occuper d'aménagement du territoire. S'il y a un transfert de charges vers les régions, les régions n'obtiendront pas pour autant les crédits pour ce transfert de charges. Les régions vont se substituer à l'État pour l'aménagement du territoire, mais les crédits suivront-ils ?
M. Claude Bérit-Débat . - Je félicite le rapporteur ... surtout pour les points positifs qu'il a su déceler dans la politique qui est menée.
Cela a déjà été dit, l'aménagement du territoire est avant tout une politique transversale qu'il faut regarder à travers des chiffres globaux. Je constate qu'on n'a pas les mêmes chiffres : il y a un problème d'optique à ce sujet.
Sur les stations-service, j'ai en tête il y a quelques années, les interventions récurrentes de Jean-Claude Lenoir qui avait attiré notre attention pour dire que rien n'est fait pour les stations-service en milieu rural, et que c'était un vrai problème d'aménagement du territoire. Je me félicite que ce soit inscrit et que ça puisse être financé et devienne une priorité.
Sur le programme d'intervention territoriale, vous avez montré la baisse de certains crédits, mais vous avez aussi dit que cette baisse de crédit pouvait intervenir en fin d'opération. Il faut être réaliste, on peut souhaiter que des mesures nouvelles soient inscrites.
Sur les ZRR, je me félicite que nous revoyions le dispositif avec deux critères qui font consensus. Ces deux critères sont incontestables et pourront mettre fin à un certain nombre de critiques. Je voudrais terminer en faisant également échos aux propos tenus par notre collègue Michel Raison, je crois qu'il faut se méfier des postures, des chiffres, etc. ; nous sommes dans une période de difficultés qui n'est pas nouvelle, il faut faire avec. Je me félicite des mesures qui ont été prises, qui ne sont pas simplement des mesures annoncées, mais avec de vraies réalités en matière de politique pour nos territoires ruraux, ce qui n'était pas toujours le cas par le passé.
M. Louis Nègre . - Je trouve que le rapport qui a été fait par notre collègue est un rapport qui met l'accent sur les difficultés que nous rencontrons. Il met en exergue une situation, qui est celle de l'aménagement du territoire, et je reprendrai, M. le président, sa proposition, qui même si ça ne dépend pas directement de nous, permettrait de disposer d'une vision plus globale de l'aménagement du territoire, qui est une des politiques principales si nous voulons conserver un équilibre entre les zones urbaines et les zones rurales. Nous sommes là pour le défendre - je suis moi-même premier vice-président d'une métropole, avec une densité sur la côte d'Azur, qui est extrêmement élevée, et une majorité des communes qui sont des communes rurales. J'ai noté contraction, érosion, recul, baisse des crédits, et je constate que quand nous étions en charge, nous avions 7 milliards, et aujourd'hui 5,4 milliards, on a perdu, qu'on le veuille ou non, que vous le preniez dans un sens ou dans un autre, on a perdu 25 % des crédits. Et donc comme Caton l'ancien, je répèterai à longueur des réunions de cette commission qu'il faut faire des réformes de structure. Nous avons aujourd'hui une politique de partage de la pauvreté. J'ai trois questions. Pourquoi un tel recul des financements sur les pôles de compétitivité et sur les pôles d'excellence ruraux ?
La réforme des ZRR est, vous l'avez dit, repoussée à 2017. Pourquoi ? Que se passe-t-il ?
Sur le chlordécone, vous avez dit que l'essentiel des crédits sont des crédits de fonctionnement et que l'on ne traite pas au fond le sujet, qui est un sujet de santé publique majeur, me semble-t-il. Qu'aurait-il fallu faire, dans ce domaine, pour améliorer la situation de nos concitoyens ?
M. Gérard Miquel . - Moi je veux à mon tour féliciter M. Pointereau, qui nous a fait un excellent rapport, et qui a démontré par là qu'il avait une connaissance approfondie des problématiques du monde rural - on ne les connaît aussi bien que quand on y vit ! Je voudrais aborder quelques points. La DETR a été augmentée, de manière extrêmement sensible. Et il faut reconnaître que dans nos départements ruraux, c'est particulièrement intéressant. Cela permet d'abonder les crédits sur certaines actions. La politique des centres-bourgs est une politique essentielle. J'ai le privilège d'être élu d'un département rural depuis 44 ans. J'ai vu l'évolution, surtout depuis les lois de décentralisation, qui avaient à l'époque été beaucoup combattues, mais qui nous ont permis d'aménager nos territoires, de les équiper.
L'ATESAT, je ne me suis jamais battu pour garder ce dispositif. Nous ne pouvons pas demander à l'État de faire tout à notre place, après 30 ans de décentralisation ou plus. C'est à nous à assumer, ce n'est pas à l'État de mettre à disposition des techniciens. Les départements se sont quasiment tous organisés avec des structures qui amènent l'ingénierie publique à disposition des collectivités et c'est très bien ainsi. Un beau succès : les maisons médicales et les maisons de service public. Les maisons médicales permettent d'avoir, dans une même maison, tous les services médicaux regroupés - du médecin au dentiste, au podologue - et c'est une bonne réponse pour les patients et les professionnels qui peuvent travailler en équipe et assurer les relais dans de bonnes conditions.
À la Poste, mes chers collègues, nous sommes devant des évolutions considérables. La Poste voit son courrier diminuer tous les ans. Je préfère avoir une agence postale communale à la mairie, qui a une amplitude d'ouverture beaucoup plus intéressante, qu'un petit bureau de poste avec des heures d'ouverture très faibles et qui n'est pas fréquenté. Et ça marche très bien ! On n'est pas dans un système figé, on est dans une évolution considérable. Des évolutions d'habitude de vie, des services qui doivent immanquablement s'adapter. Nous devons faire évoluer nos systèmes d'intervention.
Le FACÉ est très bonne chose ; nos prédécesseurs ont eu beaucoup d'imagination sur ce sujet, et ont inventé un système qui a permis de desservir nos campagnes dans de bonnes conditions. J'aurais aimé qu'on fasse la même chose pour l'eau. Mais on ne l'a pas fait. Nous avons beaucoup de syndicats départementaux d'électrification qui ont des réserves, parce que la réalisation des travaux n'avance pas assez vite. Nous avons des agences de l'eau qui ont des réserves financières.
M. Hervé Maurey, président . - Qui avaient, M. Miquel !
M. Gérard Miquel . - J'ai bien en tête la ponction.
M. Hervé Maurey, président . - Les ponctions...
M. Gérard Miquel . - Mais là-aussi, nous devrions être beaucoup plus réactifs que nous ne le sommes pour financer des projets qui sont prêts et en attente de financements.
M. Benoît Huré . - Je voudrais féliciter le rapporteur pour la qualité de son travail. C'est vrai, M. Miquel a eu raison de le dire, depuis 40 ans, les choses ont bien changé dans nos territoires ruraux, mais urbains aussi. Je crois que c'est peut-être la façon de présenter l'aménagement du territoire qui nous met toujours en difficulté. L'aménagement du territoire, avant d'être une question de solidarité et d'équité territoriale, ce qui est légitime, c'est un atout pour notre pays : il y a des réserves de croissance dans des territoires bien aménagés. Donc c'est utile, il faut aussi le présenter sous cet angle. Il faut qu'on soit modestes, les uns et les autres. Depuis quelques décennies, on n'est pas très bons là-dessus. Il y a deux ans, vous nous tacliez parce que les crédits n'étaient pas à la hauteur, maintenant c'est nous qui vous taclons. Je crois qu'on est co-responsables de cette affaire. Ce qui est certain, c'est que, en dépit d'une politique d'aménagement du territoire qui n'est pas à la hauteur de nos ambitions, les écarts de richesse entre les territoires se sont considérablement accrus et continuent de s'accroître. Cela suppose derrière un vrai courage politique au niveau de la péréquation. Or, il faut reconnaître que la péréquation horizontale est illusoire. Nous sommes dans un État décentralisé, je suis un partisan de la décentralisation, mais pour les territoires fragiles, j'aime bien la centralisation. Quand on regarde, c'est la péréquation verticale qui a le mieux fonctionné et qu'il faut privilégier. L'État est plus en capacité d'aller prélever, là où il y a des rentes de situation territoriale, pour alimenter un fonds de péréquation verticale au niveau national.
Je voterai dans le sens du rapporteur. Toutefois chers collègues, nous avons une réalité qui nous rattrape de manière dramatique. Dans des situations d'urgence inédites, les priorités changent. Le Président de la République a annoncé qu'il souhaitait privilégier le pacte de sécurité au pacte de stabilité, tout le monde ne peut qu'être d'accord. Toutefois, les obligations du pacte de stabilité vont rapidement nous rattraper. Donc nous allons devoir gérer ce double défi.
J'ai par ailleurs entendu nos collègues dire que l'État n'est pas seul pour accompagner les territoires. C'est vrai, mais permettez-moi de douter de la capacité de ces nouvelles grandes régions à être opérationnelles rapidement. Quant aux départements, qui ont hérité de cette belle mission des solidarités territoriales, ils n'ont pas les moyens de le faire. Treize conseils départementaux ne peuvent pas finir l'année 2015, et quarante-deux ne pourront pas équilibrer leur budget 2016. Car le reste à charge des dépenses sociales n'est pas compensé par l'État à un niveau raisonnable. En 2014, ce sont sept milliards qu'il n'a pas remboursé aux départements. En 2015, ce sont huit milliards ! Les départements tentent d'assurer la solidarité territoriale, en se substituant à l'ATESAT.
Nous devons regarder la politique d'aménagement du territoire et les moyens qui y sont consacrés comme étant un investissement utile pour la croissance de notre pays.
M. Charles Revet . - Je félicite également Rémy Pointereau pour son rapport très complet. Il faut aller au fond des choses et bien sûr nous le suivrons quant à son avis.
Je pense que l'aide à la redynamisation des centres-bourgs est une très bonne chose, il faut le dire. Mais je crains que l'efficacité ne soit pas au rendez-vous, tout simplement car la situation des communes en matière de financement est problématique. Les difficultés rencontrées par d'autres collectivités, en particulier certains départements, risquent de limiter l'investissement local et donc l'ambition de ces dispositifs.
Je ne partage pas ce qu'a dit notre collègue Gérard Miquel sur les agences de l'eau, car il oublie qu'il y a de nouveaux prélèvements très importants de l'État. La création des maisons de services au public est une bonne chose. Dans ma commune, j'ai décidé de créer une agence postale face à l'augmentation de la population mais son coût était trop élevé. J'ai alors proposé à La Poste que la mairie assure l'accueil du service et c'est une formule gagnant-gagnant. C'est une formule qui devrait être développée davantage dans les petites communes.
M. Jean-François Longeot . - Je félicite également le rapporteur. Je souhaiterai revenir sur les stations-service et le FISAC. Initialement, 12,5 millions de crédits étaient prévus pour résorber les 2 200 dossiers en souffrance. Ces crédits ont été ramenés à 3,12 millions d'euros à l'Assemblée nationale. Qu'on ne vienne donc pas nous dire que la promesse du Président de la République est tenue. Pourtant, les stations-service participent fortement à l'aménagement des territoires ruraux.
À propos des syndicats d'électricité, je pense qu'il faut distinguer entre les différentes structures. Les syndicats d'énergie urbains n'ont pas les mêmes fonds, ni les mêmes activités que les syndicats ruraux. Quant à l'enfouissement des réseaux, c'est important à la fois pour l'esthétique mais également pour la sécurisation. Nous avons évoqué la prévention des risques lors de l'avis précédent. Or le nombre d'interventions nécessaires est réduit lorsque les réseaux sont enfouis, car les intempéries ont un impact plus faible.
M. Ronan Dantec . - Ayant eu ce rapport à faire dans le passé, je tiens d'abord à souligner que c'est un rapport impossible à faire. Car on tente d'analyser quelques lignes de crédit, mais sans pouvoir les adosser à une vision globale d'aménagement du territoire. En écoutant les uns et les autres, je pense vraiment que notre pays n'a plus de doctrine d'aménagement du territoire, ni au niveau de l'État, ni au niveau de sa représentation parlementaire. On entend encore des choses dépassées, comme l'opposition urbain-rural, qui ne correspond plus à rien dans ce pays aujourd'hui. Nous devons nous doter d'une vraie doctrine d'aménagement. Certains territoires ruraux s'en sortent bien, souvent en lien avec une grande agglomération. La vision du film Regain de Marcel Pagnol est encore très présente chez certains, alors même que Pagnol serait très surpris s'il revenait près de la métropole Nice Côte d'Azur en voyant tout le travail accompli !
Quid de ces grandes régions qui pour la plupart d'entre elles sont adossées à une métropole ? Quid des dynamiques entre centres urbains qui permettent à des villes moyennes de se développer ? Si on n'a pas cette vision globale on en reste à des discours schématiques. Je voterai contre le rapport car il n'est pas adossé à cette vision globale d'aménagement du territoire dont on manque cruellement aujourd'hui.
M. Hervé Maurey, président . - Je souscris tout à fait à ce que dit Ronan Dantec, mises à part les réserves qu'il a exprimées sur les conclusions du rapporteur. Nous avons effectivement un vrai problème aujourd'hui pour avoir une doctrine sur l'aménagement du territoire et une vision actualisée des choses. Nous avions organisé début 2015 une table-ronde sur ce sujet pour essayer de définir cette doctrine, avec pour objectif d'élaborer un texte sur l'aménagement du territoire. Cela fait partie des travaux sur lesquels nous avons insuffisamment progressé à mon goût au cours de cette année. J'espère que nous pourrons le faire en 2016.
Par rapport à la mise en place des futures intercommunalités, j'ai évolué sur le sujet et je pense aujourd'hui que les trop petites intercommunalités ne peuvent pas fonctionner et qu'il faut effectivement des intercommunalités d'une certaine taille. C'est le rôle de notre commission de travailler sur cette doctrine d'aménagement du territoire. C'est un chantier important de 2016.
Deux remarques : d'une part, l'aménagement du territoire est une compétence essentiellement régalienne. D'autre part, l'aménagement du territoire n'est pas seulement une question de crédits, mais avant tout une question de volonté politique et un état d'esprit. J'ai souvent dit qu'il faudrait que les projets de loi quand on les examine soient aussi passés au tamis de l'aménagement du territoire et qu'on mesure l'impact des lois dans ce domaine.
M. Rémy Pointereau, rapporteur pour avis . - Je partage l'avis de notre collègue Ronan Dantec : il n'y a plus d'aménagement du territoire dans notre pays depuis Olivier Guichard, notamment du temps de la DATAR, quand il y avait une vraie prospective d'avenir, une vision à long terme, y compris dans les années 80 avec Monsieur Guigou, on parlait encore d'aménagement du territoire. Aujourd'hui, on partage plutôt la pénurie que la richesse dans notre politique des territoires, ce qui est regrettable.
Monsieur Leroy, vous avez rappelé que l'État n'était pas seul pour faire l'aménagement du territoire. C'est aussi la région, pour ce qui concerne les fonds européens qui sont des moyens constants, c'est une gestion rapprochée. Quant aux départements, compte tenu de leur situation financière, je ne vois pas comment ils pourraient apporter un plus à l'aménagement du territoire. La réforme de la DGF n'apportait pratiquement pas de plus aux communes, tout le monde était perdant dans la réforme qui était proposée. À part faire de la péréquation verticale sur la DGF entre communes rurales et urbaines ...
236 millions d'euros attribués pour les centres-bourgs, je rappelle que ces fonds proviennent de l'ANAH pour financer uniquement de l'habitat. Pour le FISAC, qui était une très bonne mesure pour aider les commerces, on est passé de 87 millions d'euros en 2007 à 10 millions d'euros en 2016 : ce sont des chiffres qui parlent !
Monsieur Bérit-Débat m'a reproché de donner des chiffres inexacts : j'ai pris les chiffres sortis de l'Assemblée nationale.
Madame Tocqueville, vous avez parlé des 200 maisons de santé pluridisciplinaires. Je redis qu'il n'y a plus de financement. Il doit rester 15 millions d'euros pour financer le solde des MSP. Il n'y a plus de politique dédiée aux maisons de santé.
Quant aux crédits décidés en comité interministériel en avril, je rappelle que le milliard d'euros de crédits annoncés ne sont pas des crédits nouveaux mais du recyclage, en redéploiement sur des dossiers nouveaux. Le deuxième comité interministériel a annoncé 580 millions d'euros supplémentaires. J'ai interrogé Mme Bonnet-Galzy : j'attends encore la réponse de savoir d'où viennent ces 580 millions d'euros, je n'ai pas eu de réponse claire.
Monsieur Fouché, les agences postales ont été mises en place depuis plusieurs années et c'est une bonne chose, cela permet d'avoir des horaires d'ouverture beaucoup plus larges qu'auparavant, c'est un plus. Concernant les maisons de service public, c'est sous le gouvernement Fillon, avec M. Michel Mercier, ministre de l'aménagement du territoire, qui a mis en place ces maisons de service public en milieu rural. Quant au FACE, il est vrai qu'on pourrait se poser la question de l'enterrement des réseaux, mais c'est aussi une sécurité : on a beaucoup de lignes en milieu rural qui sont au milieu des champs ou au milieu des bois, quand il y a une tempête on est parfois deux jours sans électricité car on ne peut pas accéder à ces réseaux. Je vous rejoins quand vous dites qu'on ne fait pas assez pour l'assainissement. Là aussi, les agences de l'eau, si on ne leur prélevait pas leurs réserves au profit du budget de l'État, auraient peut-être plus de moyens pour nous aider.
Gérard Cornu a parlé du déséquilibre urbain et rural. C'est vrai que la DGF est un exemple concret puisque les dotations vont de 1 à 3 ou 4 selon la ruralité ou l'urbanité. Pas d'aides pour le commerce effectivement dans les centres-bourgs, ce qui est dommageable car les opérations centres-bourgs ne sont valables que s'il y a une vision globale : de l'habitat, du logement, du commerce, de l'artisanat. Il faudrait qu'à travers l'aide à l'ingénierie on puisse faire appel à un cabinet d'experts qui puisse faire un projet global avec des financements pour aider l'ensemble des acteurs ; avec un FISAC en nette diminution cela paraît difficile. Quant aux régions qui doivent pallier l'État, avec toutes les charges qu'elles auront, je ne vois pas ce qui va rester pour l'aménagement du territoire.
Monsieur Bérit-Débat, sur la baisse des crédits pour le programme PITE, il y a effectivement une diminution de crédits pour les programmes qui ont atteint leurs objectifs, mais seul le marais poitevin a atteint les objectifs, ni le chlordécone en Martinique ni le programme d'assainissement en Corse. Pour les zones de revitalisation rurale, on repasse le dossier au successeur de 2017 : si la réforme est vraiment nécessaire, pourquoi ne pas la faire maintenant ? La carte d'intercommunalité doit être terminée pour pouvoir faire les nouvelles zones. Cette carte est en principe terminée le 31 décembre 2016. Le nouveau programme ZRR pourrait être mis en oeuvre au 1 er janvier 2017.
Louis Nègre met en exergue le partage de la pauvreté et non de la richesse, malheureusement. Concernant le recul des pôles de compétitivité et des pôles d'excellence rurale, nous sommes à -9,8 %.
Gérard Miquel a parlé de l'augmentation de 200 millions d'euros de la DETR.
Sur les réserves financières des syndicats d'électrification, il convient de faire attention de n'avoir pas trop de réserves et de dépenser les fonds avant que l'État vienne se servir.
Benoît Huré a parlé de l'aménagement du territoire utile pour la Nation et a dit qu'une péréquation horizontale était illusoire. C'est vrai que ce sera très difficile à mettre en oeuvre. L'investissement local a diminué d'environ 10 % en 2014 et j'ai l'impression que ce sera plus important en 2015.
Charles Revet, je souscris à vos propos : moins il y aura d'autofinancement moins il y aura d'investissement et c'est la spirale infernale de la décroissance pour nos collectivités.
Encore une fois, il faut que la politique de l'aménagement du territoire soit plus innovante, qu'on expérimente davantage et qu'on ait des fonds dédiés qui soient plus lisibles car il n'y a pas de lisibilité et pas de cohérence dans cette politique aujourd'hui.
M. Hervé Maurey, président . - Nous mettons aux voix le rapport de M. Rémy Pointereau.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur, émet un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.